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Bearbeitung, zuletzt am 15. Feb. 2018, durch: Philippe Dietschi | |||
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2. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause X. et consorts contre Service de la population ainsi que Tribunal administratif du canton de Vaud (recours de droit administratif) |
2A.316/2006 du 19 décembre 2006 | |
Regeste |
Art. 17 Abs. 2 ANAG; Art. 8 EMRK; Anspruch auf nachträglichen Familiennachzug durch einen Elternteil (teilweiser Familiennachzug). Zusammenfassung der Rechtsprechung: Anspruchsvoraussetzungen (E. 3.1), Vorbehalt des Rechtsmissbrauchs (E. 3.2) und Anforderungen an Nachweise (E. 3.3). Prüfung der Grundsätze, die der Europäische Gerichtshof für Menschenrechte in einem neueren Urteil behandelt hat (E. 5.1). Dieses stellt die vom Bundesgericht vorgenommene Unterscheidung zwischen dem Nachzug von Kindern durch einen Elternteil (Teilfamilie) oder durch beide Elternteile (Gesamtfamilie) nicht in Frage (E. 5.2). Das Gleiche gilt für den Einbezug des Alters der Kinder und der Aussichten auf Integration in die vorzunehmende Interessenabwägung (E. 5.3). Ein Vergleich mit dem neuen Bundesgesetz über die Ausländerinnen und Ausländer (AuG) und den Regelungen der Europäischen Union bestätigt, dass es richtig ist, an den erwähnten Kriterien festzuhalten (E. 5.4). Unter Berücksichtigung der Gesamtumstände (insbes. Dauer der Trennung von Mutter und Kindern; absehbare Schwierigkeiten bei ihrer Integration mit Blick auf ihr Alter, ihre Schulbildung und ihre fehlenden Kenntnissen der französischen Sprache) besteht im vorliegenden Fall kein Anspruch auf Nachzug der Kinder (E. 6). | |
Sachverhalt | |
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Le 20 avril 2004, A., le jumeau garçon, est entré en Suisse sans visa ni autorisation pour rejoindre sa mère. Celle-ci a déposé en sa faveur, le 29 septembre 2004, une demande d'autorisation de séjour au titre du regroupement familial, de même que pour ses deux filles restées au Ghana. Entre-temps, le 12 octobre 2004, X. a été mise au bénéfice d'une autorisation d'établissement. Son concubin et leur enfant commun ont acquis la nationalité suisse par naturalisation le 2 novembre 2005.
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Par décision du 25 mai 2005, le Service de la population du canton de Vaud a refusé de délivrer les autorisations de séjour sollicitées. En bref, il a estimé que les demandes étaient abusives, au motif que les enfants étaient déjà relativement avancés en âge et avaient le centre de leurs intérêts dans leur pays d'origine et que leur mère avait demandé tardivement l'autorisation de les faire venir auprès d'elle, soit près de onze ans après son arrivée en Suisse.
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Agissant en son nom propre, au nom de son concubin et au nom de ses trois premiers enfants de nationalité ghanéenne, X. a recouru contre la décision précitée. Elle a fait valoir que le retard à demander le regroupement familial était dû à des difficultés administratives et financières indépendantes de sa volonté, que ses enfants avaient le centre de leurs intérêts en Suisse, car leurs pères respectifs ne s'étaient jamais occupés d'eux, que leur grand-mère n'était plus en mesure de prendre en charge leur éducation en raison de son état de santé et que, dans l'attente de pouvoir les faire venir en Suisse, elle les avait placés dès 2000 ou 2001 chez sa petite-cousine Z., qui était également la soeur de son concubin.
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Par arrêt du 27 avril 2006, le Tribunal administratif du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal administratif) a rejeté le recours et confirmé la décision attaquée.
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X. et ses trois enfants interjettent recours de droit administratif contre l'arrêt précité du Tribunal administratif. Pour l'essentiel, ils ![]() ![]() | 6 |
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.
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Extrait des considérants: | |
2. (...) Les recourants allèguent que la mère ne partage aujourd'hui plus sa vie avec son petit-cousin Y., qui n'est du reste plus partie à la procédure, mais qu'elle vit seule avec leur enfant commun ainsi qu'avec son fils aîné arrivé en Suisse en avril 2004. La Cour de céans ne peut pas prendre en considération ce nouvel allégué qui porte au surplus sur un fait postérieur à l'arrêt attaqué. Au demeurant, la portée juridique de ce fait n'est pas favorable aux recourants (cf. infra consid. 6.3.1, 2e paragraphe).
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Erwägung 3 | |
3.1 Selon la jurisprudence (cf. ATF 129 II 11 consid. 3.1.1 p. 14; ATF 126 II 329 consid. 2a p. 330; ATF 125 II 585 consid. 2a p. 586, ATF 129 II 633 consid. 3a p. 639 et les arrêts cités), le but de l'art. 17 al. 2 LSEE est de permettre le maintien ou la reconstitution d'une communauté familiale complète entre les deux parents et leurs enfants communs encore mineurs (la famille nucléaire). Dans certains cas, ce but ne peut être entièrement atteint, notamment lorsque les parents sont divorcés ou séparés et que l'un d'eux se trouve en Suisse depuis plusieurs années, et l'autre à l'étranger avec les enfants, ou lorsque l'un d'eux est décédé. Le regroupement familial ne peut alors être que partiel. C'est pourquoi, dans cette hypothèse, la jurisprudence soumet ce droit à des conditions sensiblement plus restrictives que lorsque les parents font ménage commun: alors que, dans ce dernier cas, la venue des enfants mineurs en Suisse au titre du regroupement familial est en principe possible en tout temps sans restriction autre que celle tirée de l'abus de droit (cf. ATF 129 II 11 consid. 3.1.2 p. 14; ATF 126 II 329 consid. 3b p. 332/333), il n'existe, en revanche, pas un droit inconditionnel de faire venir auprès du parent établi en Suisse des enfants qui ont grandi à l'étranger dans le giron de leur autre parent (cf. ATF 129 II 11 consid. 3.1.3 p. 14/15). Il ![]() ![]() | 9 |
Ces restrictions sont pareillement valables lorsqu'il s'agit d'examiner sous l'angle de l'art. 8 CEDH la question du droit au regroupement familial (partiel) d'enfants de parents séparés ou divorcés. En effet, si cette disposition conventionnelle peut faire obstacle, dans certaines circonstances, à une mesure d'éloignement ou d'expulsion qui empêche ou rend très difficile le maintien de la vie familiale, elle n'octroie en revanche pas de droit absolu à l'entrée ou au séjour en Suisse de membres de la famille d'un étranger qui y est établi. En particulier, le parent qui a librement décidé de venir en Suisse et d'y vivre séparé de sa famille pendant de nombreuses années ne peut normalement pas se prévaloir d'un tel droit en faveur de ses enfants restés au pays lorsqu'il entretient avec ceux-ci des contacts moins étroits que l'autre parent ou que les membres de la famille qui en prennent soin, et qu'il peut maintenir les relations existantes (ATF 129 II 249 consid. 2.4 p. 256; ATF 126 II 329 consid. 3b p. 332; ATF 125 II 633 consid. 3a p. 639/640; ATF 124 II 361 consid. 3a p. 366 et les arrêts cités).
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3.1.1 On peut notamment admettre qu'il y a une relation familiale prépondérante entre les enfants et le parent vivant en Suisse lorsque celui-ci a continué d'assumer de manière effective pendant toute la période de son absence la responsabilité principale de leur éducation, en intervenant à distance de manière décisive pour régler leur existence sur les questions essentielles, au point de reléguer le rôle de l'autre parent à l'arrière-plan. Pour autant, le ![]() ![]() | 11 |
3.1.2 Lorsque le regroupement familial en Suisse est demandé en raison de la survenance d'un changement important des circonstances, par exemple une nouvelle donne familiale, les adaptations nécessaires devraient en principe, dans la mesure du possible, être d'abord réglées par les voies du droit civil. Toutefois, il faut réserver certains cas, notamment ceux où les nouvelles relations familiales sont clairement redéfinies - par exemple lors du décès du parent titulaire du droit de garde ou lors d'un changement marquant des besoins d'entretien - et ceux où l'intensité de la relation est transférée sur l'autre parent (cf. ATF 129 II 249 consid. 2.1 p. 252/253; ATF 125 II 585 consid. 2a p. 586/587; ATF 124 II 361 consid. 3a p. 366 et les arrêts cités). Le cas échéant, il y a lieu d'examiner s'il existe dans le pays d'origine des alternatives, en matière de prise en charge de l'enfant, qui correspondent mieux à ses besoins spécifiques et à ses possibilités. L'opportunité d'un tel examen concerne particulièrement les enfants proches ou entrés dans l'adolescence qui ont toujours vécu dans leur pays d'origine, et pour lesquels une émigration vers la Suisse pourrait, comme on l'a vu, être ressentie comme un déracinement difficile à surmonter et devrait donc, ![]() ![]() | 12 |
3.1.3 Dans tous les cas et quel que soit le motif de regroupement familial invoqué, l'appréciation de la situation doit être globale et ne pas seulement se faire sur la base des circonstances passées, mais aussi prendre en considération les changements déjà intervenus, voire ceux à venir si leur occurrence est suffisamment prévisible; à défaut, c'est-à-dire si l'on se fondait uniquement sur le fait que l'enfant a vécu jusque-là dans un pays étranger où il a noué ses attaches principales, le regroupement familial ne serait pratiquement jamais possible passé un certain temps (cf. ATF 129 II 249 consid. 2.1 p. 252; ATF 125 II 585 consid. 2a p. 586/587; ATF 124 II 361 consid. 3a p. 366 et les arrêts cités). Or, même si, d'une manière générale, le regroupement familial partiel doit être soumis à des conditions plus strictes lorsqu'il est différé afin de tenir compte de l'enracinement de l'enfant dans son pays d'origine et de ses probables difficultés d'adaptation à un nouveau cadre de vie, il doit néanmoins rester en principe possible jusqu'à la majorité de l'enfant, conformément au texte légal (art. 17 al. 2 LSEE) et à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, sous réserve des restrictions rappelées ci-avant et des situations abusives.
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3.2 II y a notamment abus de droit lorsqu'une institution juridique est utilisée à l'encontre de son but pour réaliser des intérêts qu'elle n'est pas destinée à protéger (cf. ATF 130 II 113 consid. 4.2 p. 117 et les arrêts cités). L'existence d'un éventuel abus de droit doit être appréciée dans chaque cas particulier et avec retenue, seul l'abus manifeste d'un droit pouvant et devant être sanctionné (cf. ATF 121 II 97 consid. 4a p. 103).
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En matière de regroupement familial différé, plus il apparaît que les parents ont, sans motif valable, attendu longtemps avant de demander l'autorisation de faire venir leurs enfants en Suisse, et plus ![]() ![]() | 15 |
3.3 La preuve des motifs visant à justifier le regroupement familial ultérieur d'enfants de parents séparés ou divorcés, de même que l'importance de ces motifs, doivent être soumises à des exigences d'autant plus élevées que l'enfant sera avancé en âge, qu'il aura vécu longtemps séparé de son parent établi en Suisse et qu'il aura suivi toute sa scolarité dans son pays d'origine. Ainsi, en cas de demande de regroupement peu avant sa majorité, une autorisation d'établissement ne pourra exceptionnellement être octroyée en sa faveur que si les raisons expliquant la durée de la séparation sont sérieuses et résultent clairement des circonstances de l'espèce (cf. ATF 129 II 11 consid. 3.3.2 p. 16, ATF 129 II 249 consid. 2.1 p. 253; ATF 125 II 585 consid. 2a p. 587; ATF 124 II 361 consid. 4c p. 370/371; ATF 119 Ib 81 consid. 3a p. 88).
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4. Dans le cas particulier, le Tribunal administratif a constaté que la mère, X., avait vécu en Suisse plus de onze ans séparée de ses enfants avant de déposer pour la première fois, le 29 septembre 2004, une demande de regroupement familial en leur faveur. Les ![]() ![]() | 17 |
Les recourants soutiennent, en renvoyant à une récente jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (arrêt dans la cause Tuquabo-Tekle et autres contre Pays-Bas du 1er décembre 2005, n 60665/00) et à un commentaire que lui a consacré MARC SPESCHA (Familiennachzug: Restriktive schweizerische Praxis verstösst gegen Europäische Menschenrechtskonvention, in Revue de l'avocat 2006 p. 144 ss), que " la limite d'âge [des enfants] n'est pas opposable au regroupement familial à titre de motif décisif, lorsque la vie familiale a été maintenue dans la mesure compatible avec une séparation." Ils estiment également que le lien créé entre parents et enfants par la vie familiale initiale ne peut se briser que dans des circonstances exceptionnelles, mais non par une simple séparation, fût-elle de plusieurs années, due au départ, volontaire ou non, de l'un des parents à l'étranger. En outre, ils font valoir que la pleine protection de l'art. 8 CEDH " est acquise dès qu'il y a vie familiale ", sans distinction selon " qu'il y ait descendance commune ou non entre deux parents. " Enfin, ils invoquent l'art. 17 al. 2bis LSEE qui, à leur sens, tendrait à faciliter le regroupement familial des enfants lorsqu'il s'agit d'assurer leur formation.
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Erwägung 5 | |
5.1 L'affaire invoquée par les recourants concerne le cas d'une ressortissante érythréenne née en 1963, Goi Tuquabo-Tekle, qui avait fui son pays (alors rattaché à l'Ethiopie) pour la Norvège en 1989, à la suite du décès de son premier mari survenu durant la guerre civile. Elle avait alors laissé derrière elle trois enfants, deux garçons et une fille, qu'elle avait confiés aux soins de leur grand-mère maternelle et d'un oncle. Après l'obtention d'un permis humanitaire en 1990, elle avait pu, en octobre 1991, faire venir auprès d'elle en Norvège son fils aîné âgé de treize ans qui vivait ![]() ![]() | 19 |
Dans ses considérants, la Cour a d'abord rappelé les buts et les principes guidant l'application de l'art. 8 CEDH, à savoir: que cette disposition tend d'abord à prémunir les individus contre les ingérences de l'Etat, conformément à son second paragraphe, mais qu'elle peut également impliquer des obligations positives de la part de l'Etat afin de garantir le " respect " effectif de la vie familiale prévu à son premier paragraphe; que la frontière entre les obligations négatives et les obligations positives ne se prête guère à une définition précise; que, dans les deux cas, les principes applicables sont néanmoins comparables, en ce sens qu'il faut tenir compte du juste équilibre à ménager entre les intérêts concurrents des individus et de la société dans son ensemble et que l'Etat jouit à cet égard d'une certaine marge d'appréciation (arrêt précité, par. 42).
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La Cour a ensuite réaffirmé sa jurisprudence constante voulant que, pour établir les obligations de l'Etat dans un cas particulier, il faut examiner les faits de la cause à la lumière des principes suivants: ![]() | 21 |
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b) d'après un principe de droit international bien établi, les Etats ont le droit, sans préjudice des engagements découlant pour eux des traités, de contrôler l'entrée des non-nationaux sur leur sol;
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c) en matière d'immigration, l'art. 8 CEDH ne saurait s'interpréter comme comportant pour un Etat l'obligation générale de respecter le choix, par des couples mariés, de leur résidence commune et de permettre le regroupement familial sur son territoire (arrêt précité, par. 43).
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Appliquant ces principes au cas d'espèce, la Cour a expressément relevé que, dans son analyse de la situation, elle devait prendre en considération l'âge des enfants concernés, leur situation dans leur pays d'origine et leur degré de dépendance par rapport aux parents (arrêt précité, par. 44). Elle a ensuite établi un parallèle avec une autre affaire hollandaise (arrêt dans la cause Sen contre Pays-Bas du 21 décembre 2001, n31465/96,), où elle avait admis, dans des circonstances qu'elle a qualifiées de similaires, une demande de regroupement familial en faveur d'un jeune enfant; comme l'âge des enfants faisant l'objet de la demande était néanmoins sensiblement différent (neuf ans dans l'affaire Sen, contre quinze ans dans l'affaire Tuquabo-Tekle ), la Cour s'est attachée à déterminer si cet élément appelait de donner une issue différente au litige; à cette fin, elle a fait état de précédents où elle avait jugé conformes à l'art. 8 CEDH des refus de regroupement familial au motif précisément que les enfants concernés avaient atteint un âge où l'on pouvait admettre qu'ils n'avaient plus autant besoin des soins et de l'attention de leurs parents que de jeunes enfants; dans des affaires de ce genre, a-t-elle poursuivi, il faut examiner dans quelle mesure les enfants ont grandi dans l'environnement culturel et linguistique de leur pays d'origine et y ont encore des parents pouvant les prendre en charge et si, cas échéant, on peut attendre de leurs propres parents qu'ils les y rejoignent pour réunir la famille (arrêt Tuquabo-Tekle précité, par. 47, 48 et 49 et les affaires qui y sont mentionnées).
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Au final, la Cour a décidé que, nonobstant l'importance des liens linguistiques et culturels de l'enfant Mehret avec son pays d'origine et bien qu'il n'eût pas été allégué que sa grand-mère ne pouvait plus prendre soin d'elle, son âge n'était, compte tenu des ![]() ![]() | 26 |
5.2 Comme on l'a vu (supra consid. 3.1), le Tribunal fédéral opère une distinction, dans l'examen des cas, entre les demandes de regroupement familial présentées par les deux parents, en principe possibles à tout moment jusqu'à la majorité de l'enfant sous réserve des situations d'abus de droit, et celles présentées par un seul parent, soumises à des conditions plus restrictives, surtout lorsqu'elles ont été longtemps différées. Dans cette dernière hypothèse, il s'impose en effet, dans la pesée des intérêts, de tenir compte du fait qu'une longue durée de séparation entraîne non seulement une certaine rupture des liens entre le parent établi en Suisse et l'enfant, mais encore resserre, dans le même temps, les attaches de celui-ci avec son pays d'origine, en particulier avec son autre parent ou les proches qui y vivent et ont pris soin de lui, dans une mesure pouvant rendre délicat un changement de son cadre de vie et de sa prise en charge éducative.
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Contrairement à l'avis de SPESCHA (op. cit., p. 146) relayé par les recourants, ces considérations restent pertinentes et ne sont pas ![]() ![]() | 28 |
Par ailleurs, l'affaire Tuquabo-Tekle a ceci encore de particulier qu'elle concerne un cas singulier de regroupement familial partiel, soit celui d'une mère qui a émigré de son pays d'origine après le ![]() ![]() | 29 |
5.3 Il apparaît également que rien, dans la motivation de l'arrêt Tuquabo-Tekle, ne permet de conclure, comme le soutiennent les recourants en s'appuyant sur SPESCHA (op. cit., p. 147), que l'âge de l'enfant au moment de la demande de regroupement familial ne jouerait qu'un rôle secondaire dans la pesée des intérêts. Au contraire, c'est même le premier critère que la Cour a expressément mentionné parmi les éléments à prendre en considération à cet égard au titre de la situation personnelle de l'enfant (par. 44). Par ailleurs, si la Cour a effectivement établi un parallèle avec l'affaire Sen, elle n'en a pas moins clairement souligné que celle-ci se démarquait du litige qu'elle avait à trancher par la différence d'âge des enfants concernés dans les deux causes (par. 48), confirmant par là l'importance de cet élément dans l'appréciation à porter sur un cas d'espèce. Certes a-t-elle finalement fait droit à la demande de ![]() ![]() | 30 |
Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de changer la pratique en cours en matière de regroupement familial partiel et différé, en ce sens que, dans la pesée des intérêts, il faut continuer à tenir compte de l'âge des enfants concernés et du nombre d'années que ceux-ci ont passées à l'étranger, et veiller autant que possible à privilégier la venue en Suisse de jeunes enfants. En effet, ceux-ci ont généralement conservé des liens plus étroits avec celui de leur parent établi en Suisse que des enfants déjà avancés en âge ayant vécu de nombreuses années à l'étranger; de plus, de jeunes enfants sont davantage capables de s'adapter à un nouvel environnement familial, social et culturel (nouvelle prise en charge éducative et scolaire; nouvelles habitudes de vie; apprentissage d'une nouvelle langue; éventuelle nécessité d'un rattrapage scolaire; [...]), étant notamment moins en proie que des adolescents ou des enfants proches de l'adolescence à rencontrer des problèmes d'intégration liés à un déracinement (cf. supra consid. 3.1.1).
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5.4 Ces réflexions ont alimenté la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr; FF 2005 p. 6885), approuvée le 24 septembre dernier en votation populaire (FF 2006 p. 8953), qui entrera en vigueur dans quelque temps en remplacement de l'actuelle loi fédérale (précitée) sur le séjour et l'établissement des étrangers (Annexe I LEtr). Ainsi, la nouvelle loi fait-elle de l'intégration des étrangers un thème central, en lui consacrant de nombreuses dispositions (cf. art. 3 al. 1, 4 et 53 ss LEtr). Et c'est également en partie dans ce souci que, sauf " raisons familiales majeures " (cf. art. 47 al. 3 LEtr), la nouvelle loi soumettra le droit de demander le regroupement familial des enfants de plus de 12 ans à un délai ![]() ![]() | 32 |
A noter que la mise en place de limites d'âge en vue de garantir une bonne intégration des enfants étrangers n'est pas une politique propre à la Suisse, le Conseil de l'Union européenne ayant adopté le 22 septembre 2003 une directive 2003/86/CE relative au droit au regroupement familial (JO L 251 p. 12), qui donne notamment compétence à un Etat membre d'examiner si un enfant de plus de 12 ans arrivé indépendamment du reste de sa famille satisfait à un critère d'intégration prévu par sa législation; cette possibilité vise à tenir compte de la faculté d'intégration des enfants dès le plus jeune âge et garantit qu'ils acquièrent l'éducation et les connaissances linguistiques nécessaires à l'école (art. 4 § 1 in fine de la directive explicité à la lumière de son 12e considérant). La directive prévoit également que les Etats membres peuvent exiger que les demandes de regroupement familial d'enfants mineurs soient introduites avant que ceux-ci n'aient atteint l'âge de 15 ans, les demandes introduites ultérieurement ne pouvant faire l'objet d'une dérogation que " pour d'autres motifs que le regroupement familial " (art. 4 § 6; sur cette directive, cf. ASTRID EPINEY/ANDREA FAEH, Zum Aufenthaltsrecht von Familienangehörigen im europäischen Gemeinschaftsrecht, in Annuaire du droit de la migration 2005/2006, Berne 2006, p. 49 ss, 74 ss).
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Saisie par le Parlement européen d'un recours tendant à l'annulation des dispositions précitées de la directive, la Cour de justice des communautés européennes (ci-après citée: la Cour de justice ou CJCE) l'a récemment rejeté dans un arrêt du 27 juin 2006 (cause C-540/03). Après avoir rappelé en détail la pratique de la Cour européenne des droits de l'homme en matière de regroupement familial des enfants et, notamment, les principes développés dans les arrêts précités Sen, Ahmut et Gül, la Cour de justice a ![]() ![]() | 34 |
La situation envisagée à la lumière de la nouvelle loi sur les étrangers ainsi qu'au regard de la pratique en cours dans les pays voisins n'incite donc nullement à infléchir la jurisprudence actuelle dans le sens désiré par les recourants.
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5.5 En résumé, on peut tout au plus déduire de l'arrêt Tuquabo-Tekle qu'un droit au regroupement familial partiel ne doit, selon les circonstances, pas être d'emblée exclu, même s'il est exercé plusieurs années après la séparation de l'enfant et son parent établi en Suisse et si l'enfant est alors déjà relativement avancé en âge. Le Tribunal fédéral ne l'ignore pas; du reste, il a déjà admis des demandes de regroupement familial (différé) en faveur d'adolescents ou d'enfants proches de la majorité lorsque des motifs importants imposaient une modification de leur prise en charge éducative (cf. arrêts 2A.123/1999 du 26 juillet 1999 et 2A.340/2000 du 27 octobre 2000). De fait, la jurisprudence ne pose aucune règle rigide en la matière, mais invite au contraire, dans la ligne de la pratique de la Cour européenne des droits de l'homme, à procéder à un examen individuel dans chaque cas d'espèce, loin de tout schématisme ![]() ![]() | 36 |
Erwägung 6 | |
6.1 Le Tribunal administratif a constaté que la mère n'avait déposé les demandes de regroupement familial litigieuses qu'en septembre 2004. Il a estimé que cette démarche aurait pu être entreprise plus tôt et qu'il était en tout cas "difficilement compréhensible" qu'après avoir obtenu une autorisation de séjour en avril 1997, qui avait par la suite été régulièrement renouvelée, l'intéressée eût encore attendu plus de 7 ans pour agir. On ne peut que partager la perplexité des premiers juges quant aux raisons invoquées par les recourants pour justifier une telle attente, à savoir que la mère n'avait obtenu une autorisation d'établissement que le 29 septembre 2004 (recte: le 12 octobre 2004) et que sa situation financière ne lui permettait de toute façon pas d'agir auparavant.
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Contrairement à ce que laissent entendre les recourants, même si elle ne bénéficiait pas encore d'une autorisation d'établissement lui conférant le droit de demander la réunion de ses enfants en Suisse (cf. art. 17 al. 2 LSEE a contrario), la mère avait néanmoins la possibilité, comme l'ont constaté les premiers juges, de déposer une telle demande depuis qu'une autorisation de séjour lui avait été octroyée, soit depuis le 14 avril 1997 (cf. art. 38 al. 2 de l'ordonnance du 6 octobre 1986 limitant le nombre des étrangers a contrario [OLE; RS 823.21]). Certes, sa situation financière était à l'époque difficile. Elle a du reste émargé à plusieurs reprises à l'aide sociale, ![]() ![]() | 38 |
Quoi qu'il en soit, la question d'un éventuel abus de droit peut rester indécise, car le recours est de toute façon mal fondé pour un autre motif.
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6.2 Les recourants ont motivé pour l'essentiel leur demande par le fait, d'une part, que la mère aurait conservé une relation prépondérante avec ses enfants (cf. infra consid. 6.2.1) et, d'autre part, que la prise en charge éducative de ceux-ci au Ghana ne pouvait plus être assurée de manière satisfaisante (cf. infra consid. 6.2.2). ![]() | 40 |
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C'est en vain que les recourants soutiennent, en se référant à l'arrêt précité Sen (ad par. 28), que " le lien créé entre parents et enfant par la vie familiale initiale (...) crée un lien que desévénements ultérieurs ne peuvent briser que dans des circonstances exceptionnelles ". En effet, le passage de l'arrêt Sen auquel il est fait allusion détermine à quelles conditions l'existence d'une vie familiale au sens de l'art. 8 CEDH doit être admise. Or, en l'espèce, ce point - de recevabilité du grief - n'est pas contesté. Seule est litigieuse la question - de fond - de savoir si les refus d'autorisations d'entrée et/ou de séjour opposés aux enfants constituent des violations du droit au respect de la vie familiale garanti par la disposition conventionnelle précitée ou constituent des ingérences dans l'exercice de ce droit.
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Au demeurant, à supposer même que les liens entre la mère et ses enfants puissent être qualifiés de prépondérants, un examen de l'ensemble des circonstances s'imposerait de toute façon au regard de la durée de séparation entre les intéressés et de l'âge déjà relativement avancé des enfants au moment de la demande (cf. supra consid. 3.1.1 et 5.5). Il sera procédé plus loin à cet examen d'ensemble (infra consid. 6.3).
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6.2.2 Dans leurs différentes écritures, les recourants n'ont eu de cesse de faire valoir que la prise en charge éducative des enfants ![]() ![]() ![]() | 44 |
6.3 Il reste à examiner si, au terme d'un examen de l'ensemble des circonstances, il doit néanmoins être fait droit aux demandes des recourants.
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6.3.1 Lorsque sa mère est arrivée en Suisse en août 1993, la cadette des enfants, C., était alors âgée d'un peu plus de trois ans. Elle avait 14 ans 1/2 au moment du dépôt de la demande de regroupement familial, en septembre 2004. A ce moment-là, elle avait donc vécu pendant plus de onze années séparée de sa mère. Cette durée est importante et de nature à affaiblir les liens entre une mère et sa fille, en particulier si on met cette durée en parallèle avec la période de temps relativement courte (trois ans) que les intéressées ont pu passer ensemble avant leur séparation. Cette dernière n'a, en outre, été entrecoupée qu'à une dizaine d'occasions, soit lors des visites annuelles de la mère. Au vu de ces éléments, il faut admettre que les liens entre les intéressées, pour réels qu'ils soient, ne peuvent que difficilement être aussi privilégiés que ne le prétendent les recourants. Par comparaison, dans la cause Tuquabo-Tekle, l'enfant Mehret avait vécu 8 ans avec sa mère avant d'être séparée d'elle, et la séparation avait duré environ 7 ans au moment du dépôt de la demande de regroupement familial; en outre, la mère avait déjà déposé sans succès une telle demande plusieurs années auparavant.
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Par ailleurs, la mère de C. ne jouit pas en Suisse d'une situation personnelle et familiale aussi stable et favorable au développement et à l'intégration de l'enfant que dans l'affaire précitée. Certes y a-t-elle donné naissance en 2002 à un nouvel enfant, D.; elle n'est toutefois pas mariée et semble dans une situation financière plutôt précaire; dans son recours, elle allègue même ne plus partager sa vie avec le père de son enfant D., mais vivre seule avec ce dernier et, depuis, avril 2004, son premier fils entré sans visa et sans autorisation en Suisse; sa situation ne lui permet donc que difficilement d'accueillir de nouveaux enfants dans son foyer et ![]() ![]() | 47 |
En outre, selon les informations de l'Ambassade de Suisse à Accra, C. ne parlerait pas anglais, mais seulement la langue locale, et serait illettrée. Les recourants ont véhémentement contesté l'exactitude de ces informations, mais sur le mode de l'affirmation et sans apporter le moindre élément permettant de se convaincre du contraire (par exemple des documents scolaires). Ils ont même expressément admis que l'intéressée avait refusé de fréquenter l'école, en relevant que sa venue en Suisse serait pour elle l'opportunité de compléter ses lacunes et d'acquérir une formation, dans l'idée d'exercer plus tard une activité lucrative. Mais, comme on l'a vu (supra 6.2.2 in fine), de tels buts sont étrangers à l'institution du regroupement familial. D'ailleurs, l'âge déjà relativement avancé de l'enfant en cause et ses importantes carences linguistiques et scolaires laissent redouter qu'elle éprouverait les plus grandes difficultés d'intégration en cas de déplacement de son centre de vie en Suisse et, en particulier, qu'elle ne pourrait que difficilement débuter une formation ou une activité adaptées à ses facultés. A l'inverse, au vu du nombre d'années passées au Ghana, il faut admettre que l'enfant y a forcément d'importantes attaches familiales, sociales et culturelles. Certes n'entretient-elle aucune relation avec son père et les recourants sont-ils restés laconiques et flous sur ses réelles conditions de vie, en particulier sur son cercle de relations familiales et sociales. Il apparaît toutefois qu'elle peut en tout cas compter sur sa petite-cousine qui prend soin de son éducation grâce à l'argent que lui envoie sa mère ainsi que sur l'aide de sa soeur aînée. Sur un plan professionnel, il semble qu'elle ait entrepris une formation dans le domaine de la coiffure. Pour difficile qu'elle puisse être, surtout sous l'angle économique, sa situation personnelle au Ghana ne se confond donc nullement avec le cas de l'enfant Mehret en Erythrée dans l'affaire Tuquabo-Tekle.
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Dans ces conditions, l'intérêt privé des recourants à ce que C. puisse rejoindre sa mère en Suisse au titre du regroupement familial ne l'emporte pas sur l'intérêt public du pays de poursuivre une politique restrictive en matière d'immigration. En particulier, les recourants n'ont pas établi que la mère entretiendrait avec sa fille des relations prépondérantes ou qu'un changement important des circonstances se serait produit rendant nécessaire une modification de la prise en charge éducative de l'enfant. Le cas n'est en outre pas ![]() ![]() | 49 |
6.3.2 Quant aux deux jumeaux, aujourd'hui majeurs, leur regroupement familial n'a été demandé qu'une année et demie avant leur majorité. C'est donc seulement si les recourants avaient établi l'existence de motifs particulièrement importants à l'appui d'une telle demande qu'on pourrait y faire droit. Tel n'est cependant pas le cas. En outre, sous réserve que les intéressés ont, pendant leur prime enfance, partagé plus de temps que leur soeur cadette avec leur mère et ont donc vraisemblablement tissé un lien plus fort avec celle-ci que leur soeur, leur situation personnelle ne diffère pas fondamentalement de cette dernière. Cette réserve mise à part, les éléments pris en compte dans la pesée des intérêts effectuée au considérant précédent valent donc mutatis mutandis à leur égard, si ce n'est que leurs chances de s'intégrer en Suisse apparaissent plus compromises encore au vu de leur âge. Les deux années et demie que le jumeau garçon a passées en Suisse au bénéfice d'une simple tolérance, après y être venu sans visa ni autorisation, ne sont pas déterminantes dans la pesée des intérêts (cf. ATF 130 II 39 consid. 4 p. 43; ATF 129 II 249 consid. 2.3 p. 255).
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6.4 En conséquence, les demandes de regroupement familial formées en faveur de A., B. et C. sont mal fondées. ![]() | 51 |
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