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Informationen zum Dokument  BGer 5A_400/2021  Materielle Begründung
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BGer 5A_400/2021 vom 27.01.2022
 
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5A_400/2021
 
 
Arrêt du 27 janvier 2022
 
 
IIe Cour de droit civil
 
Composition
 
MM. les Juges fédéraux Herrmann, Président,
 
Marazzi et Bovey.
 
Greffier : M. Piccinin.
 
Participants à la procédure
 
A.________ SA,
 
représentée par Maîtres Nicolas Killen
 
et Vincent Guignet, avocats,
 
recourante,
 
contre
 
B.________ SA,
 
représentée par Me Nicolas Rouiller, avocat,
 
intimée.
 
Objet
 
mainlevée provisoire de l'opposition,
 
recours contre l'arrêt de la Chambre civile de
 
la Cour de justice du canton de Genève, du 30 mars 2021 (C/12814/2020, ACJC/405/2021).
 
 
Faits :
 
A.
1
A.________ SA et B.________ SA entretenaient des relations d'affaire dans le cadre desquelles la première achetait du pétrole à la seconde.
2
Les modalités contractuelles régissant cette relation prévoyaient notamment que chaque achat-vente de pétrole faisait l'objet d'un contrat distinct spécifiant en particulier les quantités, qualité, prix de vente, lieu et date de livraison, que pour chaque commande de pétrole, A.________ SA devait payer en avance 90% du prix de vente à B.________ SA dans les trois jours suivant la signature du contrat et qu'après la livraison du pétrole à A.________ SA, B.________ SA devait payer à celle-ci, sur l'avance de paiement reçue, un intérêt pour la période courant entre le jour du versement en avance et celui de la livraison du pétrole.
3
Les 4 septembre, 14 septembre, 8 octobre et 22 octobre 2018, les parties ont conclu quatre contrats de vente de pétrole.
4
Un litige est survenu entre les parties concernant quatre factures d'intérêts compensatoires impayées que A.________ SA avaient adressées à B.________ SA et dont elle alléguait qu'elles résultaient des livraisons convenues dans les quatre contrats précités.
5
B.
6
Le 29 mai 2020, A.________ SA a déposé une réquisition de poursuite à l'encontre de B.________ SA portant sur ces factures d'un montant respectifs, sans intérêt, de 571'297 fr., de 603'521 fr., de 622'116 fr. et de 617'073 fr. Le 19 juin 2020, la poursuivie a fait opposition totale au commandement de payer notifié le 10 juin 2020.
7
Statuant par jugement du 3 décembre 2020 sur requête de la poursuivante, le Tribunal de première instance de Genève a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition précitée, à concurrence de 563'469 fr. 45, 595'252 fr. 50, 613'592 fr. 25 et 608'619 fr. 10.
8
Par arrêt du 30 mars 2021, communiqué aux parties par plis recommandés du 8 avril 2021, la Cour de justice du canton de Genève a admis le recours interjeté par la poursuivie et débouté la poursuivante des fins de sa requête de mainlevée provisoire de l'opposition formée le 19 juin 2020 au commandement de payer.
9
C.
10
Par écriture du 12 mai 2021, A.________ SA exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Elle conclut principalement à l'annulation de l'arrêt cantonal et à sa réforme, en ce sens que la mainlevée provisoire de l'opposition formée par B.________ SA au commandement de payer notifié le 10 juin 2020 est prononcée, et à titre subsidiaire, que le jugement rendu le 3 décembre 2020 par le Tribunal de première instance est confirmé. Plus subsidiairement, elle demande l'annulation de l'arrêt cantonal et le renvoi de la cause à l'autorité inférieure afin qu'elle statue à nouveau dans le sens des considérants de l'arrêt du Tribunal fédéral.
11
Il n'a pas été demandé de réponses.
12
 
Considérant en droit :
 
1.
13
Le recours a été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) à l'encontre d'une décision finale (art. 90 LTF; ATF 134 III 115 consid. 1.1) rendue en matière de poursuite pour dettes (art. 72 al. 2 let. a LTF, en relation avec l'art. 82 LP) par le tribunal supérieur d'un canton ayant statué sur recours (art. 75 al. 1 et 2 LTF); la valeur litigieuse de 30'000 fr. est atteinte (art. 74 al. 1 let. b LTF). La recourante, qui a succombé devant la juridiction précédente, a qualité pour recourir (art. 76 al. 1 LTF).
14
 
Erwägung 2
 
2.1. Le recours en matière civile peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 s. LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Toutefois, compte tenu de l'obligation de motiver qui incombe au recourant en vertu de l'art. 42 al. 1 et 2 LTF, il n'examine pas toutes les questions juridiques qui peuvent se poser, mais seulement celles qui sont soulevées devant lui (ATF 142 III 364 consid. 2.4 et les références). L'art. 42 al. 2 LTF exige par ailleurs que le recourant discute les motifs de la décision entreprise et indique précisément en quoi il estime que l'autorité précédente a méconnu le droit (ATF 142 I 99 consid. 1.7.1; 142 III 364 consid. 2.4 et la référence). Le Tribunal fédéral ne connaît par ailleurs de la violation de droits fondamentaux que si un tel grief a été expressément invoqué et motivé de façon claire et détaillée par le recourant (" principe d'allégation ", art. 106 al. 2 LTF; ATF 146 IV 114 consid. 2.1; 142 II 369 consid. 2.1; 142 III 364 consid. 2.4).
15
2.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été constatés de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 144 II 246 consid. 6.7; 143 I 310 consid. 2.2 et la référence; 140 III 115 consid. 2 - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF). La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (cf.
16
En l'espèce, la partie intitulée " En fait ", développée aux pages 6 à 13 du recours, sera ignorée en tant que les faits qui y sont exposés ne sont pas expressément visés par les griefs examinés ci-après, qu'ils s'écartent de ceux contenus dans l'arrêt attaqué sans que la recourante ne démontre à satisfaction leur établissement arbitraire ou que leur correction influerait sur le sort de la cause.
17
3.
18
La cour cantonale a relevé que les quatre contrats dont se prévalait la recourante remplissaient les conditions posées quant à l'existence d'une reconnaissance de dette par l'intimée, dès lors qu'ils contenaient l'engagement de celle-ci de payer à la recourante un intérêt rémunératoire, qu'ils permettaient de déterminer facilement le montant de cet intérêt et définissaient clairement le point de départ et le terme du calcul. Par ailleurs, la recourante avait établi à satisfaction de droit le contenu du droit applicable au contrat, permettant ainsi d'établir l'admissibilité du taux d'intérêt, le mode de calcul de celui-ci, en particulier le mode de computation des délais et le dénominateur du calcul pro rata temporis. La cour cantonale a toutefois considéré qu'au vu des pièces produites, il n'était pas possible d'établir un lien entre les contrats signés et les connaissements et autres pièces produites par la recourante pour établir la date de livraison de la marchandise, point qu'il revenait au juge d'examiner d'office. Ces documents ne comportaient en effet aucune référence auxdits contrats ni aucun autre élément permettant le rattachement. Les dates de délivrance de la marchandise, telles que prévues contractuellement, ne correspondaient pas à celles ressortant des documents précités ni à celles alléguées par la recourante. L'absence de caractère probant des titres produits quant à la date de livraison de la marchandise visée par les contrats conduisait ainsi au rejet de la requête, faute de reconnaissance de dette suffisante.
19
4.
20
Sous couvert d'un grief d'arbitraire dans l'établissement des faits, la recourante soutient que la mise en relation des pièces du dossier permet d'établir précisément les dates de livraison. Elle expose que chaque livraison a logiquement été documentée par un connaissement, qu'elle a émis une facture spécifique aux intérêts dus sur les avances de paiement dès l'émission du connaissement et que ces factures, non contestées par l'intimée, ont été adressées par courriels à l'intimée le même jour de leur émission. S'agissant plus spécifiquement du lien entre les contrats et les connaissements, elle relève que l'intimée avait admis son existence et que les courriels d'accompagnement des factures d'intérêts mentionnaient sous la rubrique " objet " la référence de chaque contrat avec lequel la facture était en rapport, de sorte qu'un croisement des courriels et des connaissements permettait d'établir le nom des navires mentionnés dans les connaissements. Par ailleurs, tant les connaissements, que les factures et les courriels d'accompagnement indiquaient tous les mêmes dates de livraison. Ainsi, la date de livraison du pétrole était établie non seulement par les connaissements, mais également par les factures spécifiques aux intérêts envoyées par courriel. Il en résultait que les pièces qu'elle avait produites permettaient bel et bien d'établir un lien entre les connaissements et les contrats, et ainsi la date de livraison de la marchandise utile au calcul de sa créance d'intérêts. La cour cantonale avait donc méconnu le but et la portée des connaissements. Elle aurait identifié les dates de livraison de marchandise et accordé la mainlevée, si elle avait fait l'exercice de mettre en lien les connaissements, les factures spécifiques aux intérêts, la correspondance échangée entre les parties et les contrats. La recourante relève également que les dates des livraisons de pétrole qu'elle mentionnait avaient été expressément admises par l'intimée dans les requêtes d'arbitrage du 6 janvier 2021 que celle-ci avait adressées en lien avec trois des quatre contrats objets de la présente procédure pour tenter d'y faire valoir qu'elle serait libérée de sa dette. Elle précise avoir fait état de ces requêtes dans sa duplique du 1er février 2021 déposée dans la procédure de recours et les avait versées au dossier. La cour cantonale n'en avait toutefois pas tenu compte sans fournir d'explication. Elle avait ainsi non seulement procédé à une constatation arbitraire des faits, mais également violé son droit d'être entendue (art. 29 al. 2 Cst.).
21
La recourante invoque en outre une violation de l'art. 82 LP. Elle soutient que la cour cantonale ne pouvait pas rejeter la preuve de la date de livraison qu'elle avait apportée par titres, sans que l'intimée ait rendu vraisemblable ou ait allégué que les différentes livraisons seraient intervenues à d'autres dates que celles figurant sur les connaissements. Dès lors que l'intimée avait échoué à produire le moindre indice permettant de retenir que les titres qu'elle avait produits étaient déconnectés de la créance ou que la date de livraison établie par les titres en question n'était pas correcte, la cour cantonale avait choisi de remettre en question la portée des titres produits et statué en l'absence de toute contre-preuve de la libération de la créance.
22
 
Erwägung 5
 
5.1. Le tribunal examine d'office s'il existe un titre de mainlevée valable (ATF 140 III 372 consid. 3.3.3; 103 Ia 47 consid. 2e p. 52; voir aussi arrêts 5A_437/2020 du 17 novembre 2020 consid. 4.2.1; 5A_46/2018 du 4 mars 2019 consid. 3.1; 5A_746/2015 du 18 janvier 2016 consid. 4.2; 5A_113/2014 du 8 mai 2014 consid. 2.1 concernant la mainlevée provisoire). L'examen de l'existence d'un titre de mainlevée ne concerne pas la constatation des faits, mais relève de l'application du droit, qui se fait également d'office dans la procédure de mainlevée provisoire (art. 57 CPC; arrêt 5A_437/2020 précité consid. 4.2.1 et les références), étant précisé que dans cette procédure documentaire, le sujet de la procédure n'est justement pas l'existence matérielle et juridique de la créance mise en poursuite, mais exclusivement - y compris du point de vue juridique - l'adéquation des documents présentés (ATF 142 III 720 consid. 4.1 p. 722 s.; 133 III 645 consid. 5.3 p. 653; arrêt 5A_15/2018 du 16 avril 2019 consid. 4.5 avec référence).
23
Cela ne dispense toutefois pas le poursuivant de fournir les allégations nécessaires au prononcé de la mainlevée, en particulier quant à l'existence et la validité du titre. Il en découle que lorsque - comme en l'espèce - le titre résulte de la lecture rapprochée d'une pluralité de pièces, le poursuivant est tenu de fournir des allégations plus détaillées, afin que le juge comprenne comment celles-ci s'articulent (cf. notamment STÉPHANE ABBET, in La mainlevée d'opposition, commentaire des articles 74 à 84 LP, commentaire Stämpfli, 2017, no 56 ad art. 84 LP; DANIEL STAEHELIN, in Basler Kommentar, Bundesgesetz über Schuldbetreibung und Konkurs, vol. I, 3e éd., 2021, no 36d ad art. 84 LP) et qu'il puisse déterminer si la requête se fonde effectivement sur un titre de mainlevée valable.
24
5.2. En l'occurrence, seule est litigieuse la question de savoir si la recourante a valablement établi un lien entre les contrats produits et les livraisons qu'elle invoque. Cette question ayant trait à l'existence d'un titre de mainlevée, elle relève de l'application du droit (cf.
25
La recourante ne conteste pas que les dates de délivrance du pétrole prévues contractuellement ne correspondent pas à celles ressortant des documents précités ni à celles qu'elle a alléguées. Elle ne prétend pas non plus que les factures et les connaissements qu'elle a produits font référence aux contrats sur lesquels elle fonde sa créance, mais soutient qu'une mise en relation des divers documents produits, en particulier des courriels d'accompagnement par lesquels elle a communiqué les factures à l'intimée et qui mentionnent sous la rubrique " objet " le numéro des contrats, aurait permis à la cour cantonale de faire un lien clair entre les connaissements et les contrats. Or, sur ce dernier point, il ne ressort pas de l'arrêt querellé que la recourante aurait valablement allégué l'existence et le contenu de ces courriels au cours de la procédure cantonale et, partant, expliqué le rattachement entre les contrats et les livraisons dont il est question dans les factures et les connaissements. La recourante ne prétend d'ailleurs pas le contraire puisqu'elle estime dans son recours que la cour cantonale devait " faire l'exercice de mettre en lien les connaissements, les factures spécifiques aux intérêts, la correspondance échangée entre les parties et les contrats ". Compte tenu des critiques de l'intimée sur l'absence de référence ou de renvoi des contrats signés aux connaissements et sur l'impossibilité de rattacher les livraisons référencées aux contrats de vente respectifs dans les pièces produites, il lui appartenait de fournir au juge les explications nécessaires pour procéder à ce rattachement sur la base des pièces produites, en précisant comment les documents présentés s'articulaient. Faute de l'avoir fait, on ne saurait reprocher à la cour cantonale d'avoir contrevenu à l'art. 82 LP en considérant que la recourante n'était pas au bénéfice d'un titre de mainlevée valable. Le fait que la recourante allègue avoir produit, à l'appui de sa duplique au recours devant la cour cantonale, des documents relatifs à une procédure d'arbitrage qui auraient permis à celle-ci de faire ce lien n'y change rien. Postérieures au jugement de première instance, ces pièces ne peuvent constituer un tel titre, étant rappelé qu'au demeurant les preuves nouvelles sont irrecevables devant l'autorité cantonale de recours (art. 326 al. 1 CPC; arrêt 5A_894/2014 du 12 février 2015 consid. 5 et les références citées). Il s'ensuit que la critique de la recourante concernant le rattachement entre les contrats signés et les livraisons de pétrole ainsi que les griefs d'arbitraire dans l'établissement des faits et de violation de son droit d'être entendue relatifs à la production des écritures de la procédure d'arbitrage en appel sont, autant que recevables, mal fondés.
26
Ces considérations scellent le sort de la cause. La recourante n'ayant pas établi être en possession d'un titre de mainlevée, il n'y a en effet pas lieu d'examiner sa critique en lien avec une éventuelle contre-preuve de l'intimée.
27
6.
28
En conclusion, le recours apparaît mal fondé et doit par conséquent être rejeté, dans la mesure de sa recevabilité. La recourante, qui succombe, supportera dès lors les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens à l'intimée, qui n'a pas été invitée à répondre.
29
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1.
 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
 
2.
 
Les frais judiciaires, arrêtés à 16'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
 
3.
 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
 
Lausanne, le 27 janvier 2022
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président : Herrmann
 
Le Greffier : Piccinin
 
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