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Informationen zum Dokument  BGer 4A_264/2021  Materielle Begründung
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BGer 4A_264/2021 vom 11.11.2021
 
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4A_264/2021
 
 
Arrêt du 11 novembre 2021
 
 
Ire Cour de droit civil
 
Composition
 
Mmes et M. les Juges fédéraux
 
Kiss, juge présidant, Niquille et Rüedi.
 
Greffier: M. O. Carruzzo.
 
Participants à la procédure
 
A.________,
 
représentée par Me Léonard Stoyanov,
 
recourante,
 
contre
 
B.________,
 
représentée par Me Urs Saal,
 
intimée.
 
Objet
 
arbitrage international,
 
recours en matière civile contre la sentence rendue le 29 mars 2021 par un arbitre siégeant à Genève (n° 24303/GR).
 
 
Faits :
 
 
A.
 
A.a. Le 1er juin 2004, A.________, société sise en France, et A.________, société ayant son siège à... au Togo, ont conclu un contrat intitulé " Contrat d'importation et de distribution " (ci-après: le contrat ou CID), ayant notamment pour objet l'importation, la distribution et la vente sur le territoire togolais de véhicules, pièces de rechange et accessoires fabriqués par C.________ S.A. et sélectionnés par B.________. A teneur dudit contrat, B.________ concédait à A.________ non seulement le droit non exclusif de commercialiser les produits en question mais également le droit non exclusif d'utiliser pendant toute la durée du contrat le titre " Distributeur C.________ " et les marques C.________.
1
Le CID a été conclu pour une durée indéterminée, chacune des parties pouvant y mettre un terme à tout moment, moyennant le respect d'un préavis de six mois. L'art. 19.1 du CID prévoyait en outre, à certaines conditions, un droit de résiliation anticipée.
2
Conformément à l'art. 7 du CID, les parties ont conclu pour chacune des années 2005 à 2017 un avenant annuel fixant le nombre et le type de véhicules que A.________ commanderait à B.________, étant précisé que ceux-ci devaient être exclusivement achetés à B.________ ou à l'entité désignée par elle.
3
A.b. Dès 2009, il a été convenu que A.________ adresserait ses commandes de véhicules à D.________, laquelle serait chargée de les acheter en son propre nom auprès de B.________. Selon l'arrangement passé, cette dernière devait livrer directement les véhicules à A.________ mais adresser ses factures à D.________, qui les facturait ensuite à son tour à A.________.
4
A la fin de l'année 2016, D.________ n'a plus agi en qualité d'intermédiaire entre les parties. B.________ a cessé de livrer des véhicules destinés à A.________. A ce moment-là, A.________ avait une dette d'environ 368'000 euros à l'égard de D.________, cette dernière étant aussi la débitrice de B.________ d'un montant avoisinant les 418'000 euros.
5
Le 23 février 2017, une réunion tripartite s'est tenue à... en présence des représentants de D.________, de B.________ et de A.________. Par la suite, les trois sociétés précitées ont conclu un Protocole d'accord tripartite (ci-après: le Protocole) prévoyant la reprise partielle par A.________ de la dette de D.________ envers B.________ et réglant les modalités de paiement de celle-ci.
6
Le 6 septembre 2017, B.________ a fait savoir à A.________ qu'elle subordonnait la reprise des livraisons au respect de deux conditions, à savoir le paiement par cette dernière de la première tranche de 100'000 euros prévue par le Protocole et la mise en place d'une garantie bancaire.
7
A.c. Le 29 juin 2017, une procédure de redressement judiciaire a été ouverte à l'encontre de D.________, la date de cessation des paiements ayant été fixée au 16 juin 2017.
8
Par jugement du 12 septembre 2017, le Tribunal de commerce de Paris a ordonné la liquidation judiciaire de D.________.
9
A.d. Le 10 janvier 2018, B.________ a indiqué à A.________ que, nonobstant l'émission de la garantie bancaire reçue entre-temps, elle ne reprendrait pas les livraisons au motif que le délai de paiement de 120 jours mentionné dans ladite garantie ne correspondait pas aux engagements pris par les parties.
10
Par courrier du 26 février 2018, B.________ a fait savoir à A.________ qu'elle n'avait ni l'obligation ni du reste l'intention de recommencer à lui fournir des véhicules puisque l'intéressée n'avait jamais respecté ses engagements pris au titre du Protocole ni réglé ses dettes, la garantie bancaire émise prévoyant au demeurant un délai de paiement de 120 jours au lieu de 90 jours. Si le CID était toujours en vigueur, ce qui restait à démontrer, elle s'estimait en droit de le résilier sans mise en demeure ni préavis, A.________/D.________ se trouvant en état de cessation de paiements. A toutes fins utiles, B.________ déclarait résilier le CID moyennant le respect d'un délai de trois mois, conformément à l'art. 19.1 (a) du CID, dans l'hypothèse où celui-ci serait toujours en vigueur et non résilié avec effet immédiat.
11
Le 9 mars 2018, A.________ a pris position sur le courrier précité et a formulé une proposition de règlement amiable du litige divisant les parties, laquelle a été rejetée par B.________.
12
Le 27 mars 2018, un avenant à la garantie bancaire présentée à B.________ a ramené le délai de paiement de 120 jours à 90 jours conformément aux exigences de cette dernière.
13
Par lettre du 28 mars 2018, B.________ a indiqué à A.________ que seule la conclusion d'un nouvel accord entre les parties pourrait selon elle justifier de procéder à des livraisons de véhicules commandés par A.________.
14
Par la suite, des négociations ont été entreprises en vue de conclure un nouveau CID mais sont demeurées infructueuses, les parties se rejetant mutuellement la responsabilité de cet échec.
15
B.
16
Le 1er mars 2019, A.________, se fondant sur la clause arbitrale figurant dans le CID, a introduit une demande d'arbitrage contre B.________ auprès de la Cour internationale d'arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale (CCI) en vue notamment d'obtenir le paiement de dommages-intérêts en raison de la non-livraison de véhicules par la défenderesse en 2018 et 2019.
17
La défenderesse a conclu au déboutement intégral de la demanderesse et a pris des conclusions reconventionnelles.
18
Un arbitre unique (ci-après: l'arbitre) a été désigné, le siège de l'arbitrage a été fixé à Genève et le français a été désigné comme langue de la procédure.
19
L'arbitre a tenu audience à Genève les 21 et 22 septembre 2020.
20
Par sentence finale du 29 mars 2021, l'arbitre s'est déclaré compétent pour connaître du litige divisant les parties, a partiellement admis la demande d'arbitrage et a rejeté intégralement les prétentions reconventionnelles. Il a constaté que le CID était toujours en vigueur, a condamné la défenderesse à verser à la demanderesse divers montants représentant un total avoisinant les 280'000 euros au titre de dommages-intérêts et a ordonné à la défenderesse de permettre à la demanderesse d'assurer les travaux couverts par la garantie-constructeur. Il a refusé d'allouer le moindre dédommagement à la demanderesse pour les années 2018 et 2019, dès lors que celle-ci n'avait commandé aucun véhicule à la défenderesse durant ces deux années. Les motifs qui étayent cette sentence seront indiqués ci-après dans la mesure utile à la compréhension des critiques dont celle-ci est la cible.
21
C.
22
Le 11 mai 2021, A.________ (ci-après: la recourante) a formé un recours en matière civile aux fins d'obtenir l'annulation de la sentence attaquée.
23
Par ordonnance du 7 juin 2021, la recourante a été invitée, sur requête de B.________ (ci-après: l'intimée), à verser, jusqu'au 29 juin 2021, le montant de 21'000 fr. à la Caisse du Tribunal fédéral en garantie des dépens de cette partie. Elle s'est exécutée en temps utile.
24
Dans sa réponse, l'intimée a conclu au rejet du recours.
25
Invité à se déterminer sur le recours, l'arbitre a présenté certaines observations relatives aux critiques formulées par la recourante dans son mémoire.
26
La recourante a répliqué, suscitant le dépôt d'une duplique de la part de l'intimée.
27
 
Considérant en droit :
 
1.
28
D'après l'art. 54 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral rédige son arrêt dans une langue officielle, en règle générale dans la langue de la décision attaquée. En l'occurrence, celle-ci a été rendue en français. Dans le mémoire qu'elle a adressé au Tribunal fédéral, la recourante a en outre employé le français. Le Tribunal fédéral rendra, par conséquent, son arrêt en français.
29
2.
30
Dans le domaine de l'arbitrage international, le recours en matière civile est recevable contre les décisions de tribunaux arbitraux aux conditions prévues par les art. 190 à 192 de la loi fédérale sur le droit international privé du 18 décembre 1987 (LDIP; RS 291), conformément à l'art. 77 al. 1 let. a LTF.
31
Le siège de l'arbitrage se trouve à Genève. Aucune des parties n'avait son siège en Suisse au moment déterminant. Les dispositions du chapitre 12 de la LDIP sont dès lors applicables (art. 176 al. 1 LDIP).
32
3.
33
Qu'il s'agisse de l'objet du recours, de la qualité pour recourir, du délai de recours, des conclusions prises par la recourante ou encore des moyens soulevés par elle dans son mémoire de recours, aucune de ces conditions de recevabilité ne fait problème en l'espèce. Rien ne s'oppose donc à l'entrée en matière. Demeure réservé l'examen, sous l'angle de leur motivation, des griefs invoqués par la recourante.
34
 
Erwägung 4
 
4.1. Un mémoire de recours visant une sentence arbitrale doit satisfaire à l'exigence de motivation telle qu'elle découle de l'art. 77 al. 3 LTF en liaison avec l'art. 42 al. 2 LTF et la jurisprudence relative à cette dernière disposition (ATF 140 III 86 consid. 2 et les références). Cela suppose que le recourant discute les motifs de la sentence entreprise et indique précisément en quoi il estime que l'auteur de celle-ci a méconnu le droit (arrêt 4A_522/2016 du 2 décembre 2016 consid. 3.1). Il ne pourra le faire, cela va sans dire, que dans les limites des moyens admissibles contre ladite sentence, à savoir au regard des seuls griefs énumérés à l'art. 190 al. 2 LDIP lorsque l'arbitrage revêt un caractère international. Au demeurant, comme cette motivation doit être contenue dans l'acte de recours, le recourant ne saurait user du procédé consistant à prier le Tribunal fédéral de bien vouloir se référer aux allégués, preuves et offres de preuve contenus dans les écritures versées au dossier de l'arbitrage. De même se servirait-il en vain de la réplique pour invoquer des moyens, de fait ou de droit, qu'il n'avait pas présentés en temps utile, c'est-à-dire avant l'expiration du délai de recours non prolongeable (art. 100 al. 1 LTF en liaison avec l'art. 47 al. 1 LTF) ou pour compléter, hors délai, une motivation insuffisante (arrêt 4A_50/2017 du 11 juillet 2017 consid. 2.2).
35
4.2. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits constatés dans la sentence attaquée (cf. art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut rectifier ou compléter d'office les constatations des arbitres, même si les faits ont été établis de manière manifestement inexacte ou en violation du droit (cf. l'art. 77 al. 2 LTF qui exclut l'application de l'art. 105 al. 2 LTF). Sa mission, lorsqu'il est saisi d'un recours en matière civile visant une sentence arbitrale internationale, ne consiste pas à statuer avec une pleine cognition, à l'instar d'une juridiction d'appel, mais uniquement à examiner si les griefs recevables formulés à l'encontre de ladite sentence sont fondés ou non. Permettre aux parties d'alléguer d'autres faits que ceux qui ont été constatés par le tribunal arbitral, en dehors des cas exceptionnels réservés par la jurisprudence, ne serait plus compatible avec une telle mission, ces faits fussent-ils établis par les éléments de preuve figurant au dossier de l'arbitrage. Cependant, le Tribunal fédéral conserve la faculté de revoir l'état de fait à la base de la sentence attaquée si l'un des griefs mentionnés à l'art. 190 al. 2 LDIP est soulevé à l'encontre dudit état de fait ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux sont exceptionnellement pris en considération dans le cadre de la procédure du recours en matière civile (arrêt 4A_478/2017 du 2 mai 2018 consid. 2.2).
36
4.3. Il sied d'emblée de relever que la recourante a jugé utile de présenter, sur près de treize pages, une narration de son propre cru des circonstances factuelles de la cause en litige. Il ne sera pas tenu compte de cet exposé dans la mesure où il s'écarte des faits constatés dans la sentence attaquée. L'intéressée n'invoque, du reste, aucune des exceptions sus-indiquées qui lui permettraient de s'en prendre aux constatations du Tribunal arbitral. Dès lors, la Cour de céans examinera le bien-fondé des griefs soulevés par la recourante à la lumière de ces constatations-là, et d'elles seules.
37
5.
38
Dans un premier moyen, divisé en deux branches, la recourante se plaint d'une violation de son droit d'être entendue (art. 190 al. 2 let. d LDIP).
39
5.1. La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu, tel qu'il est garanti par les art. 182 al. 3 et 190 al. 2 let. d LDIP, un devoir minimum pour le tribunal arbitral d'examiner et de traiter les problèmes pertinents. Ce devoir est violé lorsque, par inadvertance ou malentendu, le tribunal arbitral ne prend pas en considération des allégués, arguments, preuves et offres de preuve présentés par l'une des parties et importants pour la sentence à rendre. Il incombe à la partie soi-disant lésée de démontrer, dans son recours dirigé contre la sentence, en quoi une inadvertance des arbitres l'a empêchée de se faire entendre sur un point important. C'est à elle d'établir, d'une part, que le tribunal arbitral n'a pas examiné certains des éléments de fait, de preuve ou de droit qu'elle avait régulièrement avancés à l'appui de ses conclusions et, d'autre part, que ces éléments étaient de nature à influer sur le sort du litige (ATF 142 III 360 consid. 4.1.1 et 4.1.3; arrêt 4A_478/2017, précité, consid. 3.2.1). Si la sentence passe totalement sous silence des éléments apparemment importants pour la solution du litige, c'est aux arbitres ou à la partie intimée qu'il appartiendra de justifier cette omission dans leurs observations sur le recours (ATF 133 III 235 consid. 5.2; arrêts 4A_618/2020 du 2 juin 2021 consid. 4.2; 4A_478/2017, précité, consid. 3.2.1).
40
C'est le lieu de rappeler que le grief tiré de la violation du droit d'être entendu ne doit pas servir, pour la partie qui se plaint de vices affectant la motivation de la sentence, à provoquer par ce biais un examen de l'application du droit de fond (ATF 142 III 360 consid. 4.1.2).
41
5.2. Dans la sentence attaquée, l'arbitre estime que la résiliation du CID opérée par l'intimée est inefficace. Celle-ci avait dès lors l'obligation de livrer les véhicules commandés par la recourante et ce depuis le 27 mars 2018, date à laquelle les conditions fixées à la reprise des livraisons étaient remplies. L'arbitre se penche dans la foulée sur la question de savoir si la recourante est en droit d'obtenir l'indemnisation d'un éventuel gain manqué pour toutes les ventes qu'elle prétend avoir pu réaliser en 2018 et 2019 alors même qu'elle n'a commandé aucun véhicule à l'intimée au cours de ces deux années. Il y répond par la négative. Selon lui, les circonstances invoquées par la recourante ne la dispensaient pas de faire part à l'intimée de son intention de lui commander d'autres véhicules en 2018 et 2019, notamment après l'échec des négociations en vue de la conclusion d'un nouveau CID en octobre 2018. En d'autres termes, la recourante ne pouvait pas se contenter d'adopter une attitude purement passive et de réclamer le paiement de dommages-intérêts alors même qu'elle n'avait jamais tenté de commander des véhicules à l'intimée.
42
 
Erwägung 5.3
 
5.3.1. Dans la première branche du moyen considéré, la recourante reproche à l'arbitre de n'avoir pas tenu compte, dans le cadre de son raisonnement juridique, de certains éléments pertinents pourtant reproduits dans le chapitre intitulé " Résumé des faits pertinents " de la sentence entreprise. En substance, elle lui fait grief d'avoir fait abstraction de certaines déclarations de l'intimée au moment d'examiner la question du dédommagement réclamé par la recourante pour les années 2018 et 2019. S'il avait pris en considération le refus anticipé de l'intimée de donner suite à toute nouvelle commande de véhicules émanant de la recourante, l'arbitre n'aurait, selon elle, pas pu tirer argument de l'absence de commande de la part de la recourante pour lui refuser toute indemnisation en lien avec les années 2018 et 2019.
43
5.3.2. Semblable argumentation tombe à faux. Force est de relever d'emblée que la recourante, par sa critique au ton appellatoire marqué, cherche en réalité, sous couvert d'une prétendue violation de son droit d'être entendue, à provoquer un examen de l'application du droit de fond et à remettre en cause l'appréciation des preuves à laquelle s'est livrée l'arbitre. Pareil procédé est inadmissible. Quoi qu'il en soit, il ressort des observations formulées par l'arbitre sur le recours que celui-ci a bel et bien tenu compte des déclarations auxquelles fait allusion la recourante. L'arbitre a cependant considéré que celles-ci n'étaient pas décisives puisqu'elles ne libéraient nullement la recourante de sa propre obligation de commander des véhicules conformément aux dispositions du CID.
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Contrairement à ce que soutient la recourante de manière difficilement intelligible, on ne saurait en outre reprocher à l'arbitre d'avoir " transformé " un argument de la recourante, comme le démontre de façon convaincante l'arbitre dans ses observations sur le recours. A le supposer recevable, le grief examiné se révèle, dès lors, infondé.
45
 
Erwägung 5.4
 
5.4.1. Dans la seconde branche du moyen considéré, la recourante prétend que l'arbitre aurait omis de tenir compte de certains moyens de preuve censés établir la volonté manifestée par l'intéressée à l'intimée de lui passer de nouvelles commandes dès 2018.
46
5.4.2. Semblable affirmation ne résiste pas à l'examen. Sans être véritablement contredit par la recourante sur ce point, l'arbitre souligne, dans ses observations sur le recours, que les moyens de preuve auxquels se réfère l'intéressée ne font nullement état de quelconques commandes de véhicules par celle-ci au cours des années 2018 et 2019. Au demeurant, l'arbitre précise qu'il a effectivement tenu compte desdits moyens de preuve mais n'a pas pour autant retenu que la recourante aurait manifesté la moindre intention de passer de nouvelles commandes dès 2018. Le moyen considéré est dès lors voué à l'échec.
47
6.
48
Dans un second moyen, la recourante soutient que la sentence entreprise serait contraire à l'ordre public matériel (art. 190 al. 2 let. e LDIP), car elle contreviendrait au principe de la bonne foi.
49
6.1. Une sentence est incompatible avec l'ordre public si elle méconnaît les valeurs essentielles et largement reconnues qui, selon les conceptions prévalant en Suisse, devraient constituer le fondement de tout ordre juridique (ATF 144 III 120 consid. 5.1; 132 III 389 consid. 2.2.3). Tel est le cas lorsqu'elle viole des principes fondamentaux du droit de fond au point de ne plus être conciliable avec l'ordre juridique et le système de valeurs déterminants (ATF 144 III 120 consid. 5.1). Qu'un motif retenu par un tribunal arbitral heurte l'ordre public n'est pas suffisant; c'est le résultat auquel la sentence aboutit qui doit être incompatible avec l'ordre public (ATF 144 III 120 consid. 5.1).
50
6.2. Pour peu qu'on la comprenne, la recourante semble voir une violation du principe de la bonne foi dans le fait que l'arbitre lui a refusé toute indemnisation pour les années 2018 et 2019 en considérant que l'intéressée ne pouvait pas adopter une attitude purement passive mais aurait au contraire dû commander des véhicules à l'intimée afin de pouvoir prétendre à un éventuel dédommagement.
51
Il sied d'emblée de relever que la motivation du grief laisse fortement à désirer, de sorte que l'on peut sérieusement douter de sa recevabilité. Quoi qu'il en soit, la solution à laquelle a abouti l'arbitre n'apparaît nullement contraire au principe de la bonne foi ni même du reste critiquable. L'arbitre s'est en effet contenté de relever que la recourante adoptait une attitude incompatible avec les règles de la bonne foi si elle réclamait la réparation d'un gain manqué alors même qu'elle n'avait commandé aucun véhicule à l'intimée au cours des années 2018 et 2019. Un tel résultat ne heurte en aucun cas l'ordre public matériel.
52
7.
53
Au vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure de sa recevabilité. La recourante, qui succombe, devra payer les frais de la procédure fédérale (art. 66 al. 1 LTF) et verser des dépens à l'intimée (art. 68 al. 1 et 2 LTF). L'indemnité allouée à cette partie sera prélevée sur les sûretés fournies par la recourante.
54
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1.
 
Le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité.
 
2.
 
Les frais judiciaires, arrêtés à 19'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
 
3.
 
La recourante versera à l'intimée une indemnité de 21'000 fr. à titre de dépens. Cette indemnité sera prélevée sur les sûretés déposées à la Caisse du Tribunal fédéral.
 
4.
 
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à l'arbitre siégeant à Genève.
 
Lausanne, le 11 novembre 2021
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil
 
du Tribunal fédéral suisse
 
La Juge présidant : Kiss
 
Le Greffier : O. Carruzzo
 
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