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Informationen zum Dokument  BGer 8C_789/2020  Materielle Begründung
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BGer 8C_789/2020 vom 04.11.2021
 
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8C_789/2020
 
 
Arrêt du 4 novembre 2021
 
 
Ire Cour de droit social
 
Composition
 
MM. et Mme les Juges fédéraux Maillard, Président, Viscione et Abrecht.
 
Greffière : Mme Elmiger-Necipoglu.
 
Participants à la procédure
 
1. Union du personnel du corps de police de Genève, route des Jeunes 12, 1227 Carouge,
 
2. A.________,
 
3. Syndicat de la police judiciaire,
 
case postale 141, 1211 Genève 8,
 
4. B.________,
 
5. C.________,
 
tous représentés par M e Romain Jordan, avocat,
 
recourants,
 
contre
 
Conseil d'Etat de la République et canton de Genève, rue de l'Hôtel-de-Ville 2, 1204 Genève,
 
intimé.
 
Objet
 
Réglementation des horaires de travail dans la fonction publique,
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre constitutionnelle, du 2 octobre 2020 (ACST/31/2020).
 
 
Faits :
 
A.
1
Par arrêté du 17 juillet 2019, publié dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève du 23 juillet 2019, le Conseil d'État dudit canton a adopté le règlement modifiant le règlement d'application de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux, du 24 février 1999 (nRPAC; RS/GE B 5 05.01), qui comporte notamment les dispositions suivantes :
2
" Art. 1 Modifications
3
Le règlement d'application de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux, du 24 février 1999, est modifié comme suit:
4
Art. 7 Durée du travail (nouvelle teneur avec modification de la note)
5
La durée hebdomadaire du travail est de 40 heures pour un emploi à plein temps.
6
Art. 7A Horaire de travail (nouveau)
7
1 L'autorité compétente fixe l'horaire de travail pour chaque membre du personnel en fonction des nécessités de l'activité.
8
2 Cet horaire est réputé horaire réglementaire.
9
3 En principe, la durée hebdomadaire du travail est répartie sur 5 jours.
10
Art. 7B Types d'horaires de travail (nouveau)
11
1 Les membres du personnel sont soumis à l'un des types d'horaires de travail suivants:
12
a) variable;
13
b) fondé sur la confiance;
14
c) irrégulier;
15
d) fixe.
16
2 L'autorité compétente fixe le type d'horaires de travail pour chaque membre du personnel.
17
3 Elle peut prévoir que l'horaire de travail est annualisé.
18
4 L'office du personnel de l'État définit les modalités d'application pour chaque type d'horaire de travail.
19
[...]
20
Art. 8B Service de piquet (nouveau)
21
1 Lorsque la fonction l'exige, les membres du personnel peuvent être tenus de rester à disposition les nuits, les samedis, les dimanches, les jours fériés, les jours de congé accordés par le Conseil d'État, ainsi que le 1er mai.
22
2 Dans ce cas, à l'exclusion des cadres supérieurs et du personnel en formation, les membres du personnel reçoivent une compensation à raison de 15 % du temps passé au service de piquet, soit 9 minutes par heure.
23
3 Durant l'intervention, le temps dévolu au piquet est suspendu au profit du temps de travail, lequel ne donne lieu à aucune majoration.
24
4 En cas d'intervention, est réputée temps de travail la durée de trajet nécessaire pour se rendre sur le lieu d'intervention, mais au maximum 1 heure de trajet aller et retour.
25
5 Les heures de piquet sont compensées en priorité par un congé équivalent. À titre exceptionnel, le chef du département concerné ou son secrétaire général peut décider la compensation en espèces.
26
6 L'office du personnel de l'État définit les modalités d'application.
27
[...]
28
Art. 2 Modifications d'autres règlements
29
3 Le règlement d'application de la loi concernant le traitement et les diverses prestations allouées aux membres du personnel de l'État, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers, du 17 octobre 1979 (B 5 15.01), est modifié comme suit:
30
Art. 11D (nouvelle teneur)
31
1 Le membre du personnel, à l'exclusion des cadres supérieurs, a droit à une indemnité, lorsqu'il accomplit son horaire de travail réglementaire les samedis, dimanches, jours fériés et nuits, en référence à l'article 8 du règlement d'application de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux, du 24 février 1999.
32
2 L'indemnité est fixée à 7,55 francs par heure (valeur 2019).
33
3 Les indemnités pour service de nuit et pour le travail accompli les samedis, dimanches, jours fériés ne peuvent être cumulées.
34
***
35
4 Le règlement général sur le personnel de la police, du 16 mars 2016 (F 105.07), est modifié comme suit:
36
Art. 6 (nouvelle teneur)
37
1 Hormis les cadres supérieurs, les policiers et les assistants de sécurité perçoivent une indemnité pour service de nuit, versée pour les heures de travail effectuées dans le cadre de l'horaire de travail fixé, respectivement modifié selon l'article 2, alinéa 6, entre 19 h 00 et 06 h 00.
38
2 Le montant de cette indemnité correspond à celui qui est fixé à l'article 11D, alinéa 2, du règlement d'application de la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l'État, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers, du 17 octobre 1979.
39
Art. 7 al. 2 (nouvelle teneur)
40
2 Hormis pour les cadres supérieurs, le service de piquet effectué en dehors de l'horaire de travail réglementaire donne lieu à une compensation de 9 minutes par heure.
41
***
42
5 Le règlement sur l'organisation des établissements et le statut du personnel pénitentiaire, du 22 février 2017 (F 1 50.01), est modifié comme suit:
43
Art. 51 (nouvelle teneur)
44
1 Hormis les cadres supérieurs, les agents de détention perçoivent une indemnité pour service de nuit, versée pour les heures de travail effectuées dans le cadre de l'horaire de travail fixé.
45
2 Le montant de cette indemnité est fixé selon l'article 11D du règlement d'application de la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l'État, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers, du 17 octobre 1979.
46
[...]
47
Art. 3 Entrée en vigueur
48
Le présent règlement entre en vigueur le lendemain de sa publication dans la Feuille d'avis officielle."
49
A.a. Dans un communiqué de presse paru le même jour, le Conseil d'État a fait savoir qu'il avait adopté le nRPAC pour y regrouper de manière exhaustive la réglementation des horaires de travail au sein de la fonction publique, qui était auparavant réglée par plusieurs dispositions disparates. Cette modification s'accompagnait d'un fascicule regroupant l'ensemble des modalités d'application des horaires de travail au sein de l'administration cantonale.
50
B.
51
Le 16 septembre 2019, l'Union du personnel du corps de police (ci-après: UPCP), le Syndicat de la police judiciaire (ci-après: SPJ) ainsi que A.________, B.________ et C.________ - qui sont tous trois domiciliés à Genève, où ils exercent la profession d'agents de police - ont recouru conjointement auprès de la Chambre constitutionnelle de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la chambre constitutionnelle) contre ce règlement, en concluant à son annulation. Ils faisaient notamment valoir que le règlement litigieux n'avait fait l'objet d'aucune négociation collective avant son adoption, en violation de la liberté syndicale et du droit d'être entendu, et que certaines de ses dispositions étaient incompatibles avec la législation fédérale sur le travail respectivement contrevenaient au principe de l'égalité. La chambre constitutionnelle a rejeté le recours par arrêt du 2 octobre 2020.
52
C.
53
L'UPCP, le SPJ, A.________, B.________ et C.________ exercent un recours en matière de droit public contre cet arrêt, en concluant principalement à sa réforme en ce sens que le règlement litigieux soit annulé. A titre subsidiaire, ils concluent à l'annulation de l'arrêt attaqué et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision au sens des considérants.
54
Le Conseil d'État conclut au rejet du recours dans la mesure où il serait recevable. La chambre constitutionnelle déclare persister dans les considérants et le dispositif de son arrêt. Les recourants ont répliqué.
55
 
Considérant en droit :
 
 
Erwägung 1
 
1.1. Le recours vise un acte normatif cantonal au sens de l'art. 82 let. b LTF, à savoir le règlement du Conseil d'État de la République et canton de Genève du 17 juillet 2019 modifiant le règlement d'application de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux (RPAC; RS/GE B 5 05.01). Lorsque le droit cantonal prévoit une voie de droit contre un tel acte normatif, comme c'est le cas en l'espèce (cf. art. 124 let. a Cst.-GE [RS 131.234] et art. 130B al. 1 let. a de la loi cantonale genevoise sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 [LOJ; RS/GE E 2 05]), c'est la décision de l'autorité cantonale validant la norme qui doit être attaquée, mais le recours au Tribunal fédéral n'en reste pas moins un recours contre un acte normatif (WURZBURGER, in Commentaire LTF, 2e éd. 2014, n° 84 ad art. 82 LTF et la référence). Partant, les exceptions à la recevabilité du recours en matière de droit public contre les décisions (art. 83 LTF) ne s'appliquent pas (WURZBURGER, op. cit., n° 83 ad art. 82 LTF et les références). Il s'ensuit que le présent recours en matière de droit public, dirigé contre l'arrêt de la chambre constitutionnelle du 2 octobre 2020, est recevable en vertu de l'art. 82 let. b LTF. S'agissant d'un recours dans le domaine du personnel du secteur public (cf. art. 1 RPAC), c'est la première Cour de droit social qui est compétente pour statuer (art. 34 let. h du Règlement du Tribunal fédéral du 20 novembre 2006; [RTF; RS 173.110.131]; cf. ATF 144 I 306).
56
1.2. Selon l'art. 89 al. 1 let. b et c LTF - notion correspondant à celle de l'art. 60 al. 1 let. b de la loi genevoise du 12 septembre 1985 sur la procédure administrative [LPA/GE; RS/GE E 5 10] -, lorsque le recours est dirigé contre un acte normatif cantonal, la qualité pour recourir appartient à toute personne dont les intérêts sont effectivement touchés par l'acte attaqué ou pourront l'être un jour; une simple atteinte virtuelle suffit, à condition toutefois qu'il existe un minimum de vraisemblance que le recourant puisse un jour se voir appliquer les dispositions contestées; quant à l'intérêt digne de protection, il n'est pas nécessaire qu'il soit de nature juridique, un intérêt de fait étant suffisant (ATF 147 I 136 consid. 1.3; 145 l 26 consid. 1.2; 144 I 43 consid. 2.1; 142 V 395 consid. 2). Une association ayant la personnalité juridique est habilitée à recourir soit lorsqu'elle est touchée dans ses intérêts dignes de protection, soit lorsqu'elle sauvegarde les intérêts de ses membres; dans ce dernier cas, il faut que la défense des intérêts de ses membres figure parmi ses buts statutaires et que la majorité de ceux-ci, ou du moins une grande partie d'entre eux, soit personnellement touchée par l'acte attaqué (ATF 145 V 128 consid. 2.2; 142 II 80 consid. 1.4.2; 137 II 40 consid. 2.6.4; arrêt 1C_320/2012 du 16 mai 2013 consid. 1.2.1).
57
En l'espèce, comme l'a déjà constaté la cour cantonale, les recourants B.________, C.________ et A.________ sont agents de police à Genève et sont donc directement concernés par le règlement litigieux, qui s'applique à leur activité quotidienne, de sorte qu'ils ont qualité pour recourir. Il en va de même du SPJ et de l'UPCP, qui sont tous deux constitués sous forme d'association au sens du code civil et ont pour but statutaire la défense des intérêts de leurs membres, lesquels sont dans leur grande majorité des agents de police.
58
1.3. Pour le surplus, le recours a été interjeté dans les formes requises (art. 42 LTF) et en temps utile (art. 100 al. 1 LTF, l'art. 101 LTF ne s'appliquant pas lorsqu'une cour constitutionnelle cantonale a statué au préalable; ATF 137 I 107 consid. 1.4.4; arrêt 2C_735/2017 du 6 février 2018 consid. 1.4, in RF 73/2018 p. 404). Il convient donc d'entrer en matière.
59
 
Erwägung 2
 
2.1. Lorsque la conformité de l'acte normatif cantonal au droit supérieur a fait l'objet d'un moyen de droit devant une cour constitutionnelle cantonale, comme c'est le cas en l'espèce, le Tribunal fédéral jouit exactement du même pouvoir d'examen que s'il avait été saisi directement d'un recours abstrait contre un acte normatif cantonal; il examine la constitutionnalité de l'acte normatif cantonal en lui-même, alors que, lorsqu'il est saisi d'un recours concret, il se limite à vérifier que l'instance judiciaire précédente a correctement appliqué le droit, sans statuer à sa place; son rôle dans le cadre du contrôle abstrait n'est ainsi pas de vérifier la conformité au droit constitutionnel de l'arrêt rendu par la cour constitutionnelle cantonale, mais de procéder, exactement comme cette dernière, en contrôlant à son tour la constitutionnalité de la norme cantonale attaquée (arrêt 2C_1023/2017 du 21 décembre 2018 consid. 2.3, in RDAF 2019 I 107).
60
2.2. Dans le cadre d'un contrôle abstrait, comme en l'espèce, le Tribunal fédéral examine librement la conformité d'un acte normatif aux droits constitutionnels, à condition que ceux-ci soient invoqués et motivés conformément aux exigences découlant de l'art. 106 al. 2 LTF; il s'impose une certaine retenue eu égard notamment aux principes découlant du fédéralisme et de la proportionnalité; il n'annule les dispositions cantonales attaquées que si elles ne se prêtent à aucune interprétation conforme au droit constitutionnel ou si, en raison des circonstances, leur teneur fait craindre avec une certaine vraisemblance qu'elles soient interprétées de façon contraire à la Constitution et au droit fédéral. Pour en juger, il faut notamment tenir compte de la portée de l'atteinte aux droits en cause, de la possibilité d'obtenir ultérieurement, par un contrôle concret de la norme, une protection juridique suffisante ainsi que des circonstances dans lesquelles ladite norme sera appliquée (ATF 144 I 306 consid. 2; 143 I 1 consid. 2.3; 140 I 2 consid. 4; arrêt 2C_752/2018 du 29 août 2019 consid. 2).
61
2.3. Si le Tribunal fédéral examine librement la conformité d'un acte normatif cantonal aux droits constitutionnels, il ne traite toutefois que les griefs invoqués et motivés devant lui conformément aux exigences découlant de l'art. 106 al. 2 LTF et n'a donc pas à se pencher sur les questions soulevées devant la cour constitutionnelle cantonale qui ne sont plus litigieuses devant lui.
62
3.
63
Dans un grief de nature formelle qu'il sied d'examiner en premier lieu (ATF 141 V 557 consid. 3), les recourants se plaignent d'une violation de la liberté syndicale et de leur droit d'être entendus.
64
3.1. La liberté syndicale consacrée à l'art. 28 al. 1 Cst. prévoit que les travailleurs, les employeurs et leurs organisations ont le droit de se syndiquer pour la défense de leurs intérêts, de créer des associations et d'y adhérer ou non. Jurisprudence et doctrine distinguent la liberté syndicale individuelle de la liberté syndicale collective. La liberté syndicale individuelle donne au particulier le droit de contribuer à la création d'un syndicat, d'adhérer à un syndicat existant ou de participer à son activité, ainsi que celui de ne pas y adhérer ou d'en sortir, sans se heurter à des entraves étatiques. Quant à la liberté syndicale collective, elle garantit au syndicat la possibilité d'exister et d'agir en tant que tel, c'est-à-dire de défendre les intérêts de ses membres; elle implique notamment le droit de participer à des négociations collectives et de conclure des conventions collectives (ATF 144 I 50 consid. 4.1; 143 I 403 consid. 6.1 et les références).
65
De manière générale, la Constitution fédérale ne confère pas aux citoyens le droit d'être entendus dans une procédure législative (ATF 137 I 305 consid. 2.4; 134 I 269 consid. 3.3.1; arrêt 2C_519/2016 du 4 septembre 2017 consid. 3.2.4). Une exception n'est admise que lorsque certaines personnes (destinataires dits "spéciaux") sont touchées de façon sensiblement plus grave que le plus grand nombre des destinataires "ordinaires", par exemple lorsqu'un décret de portée générale ne touche concrètement qu'un très petit nombre de propriétaires (ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les arrêts cités). Un droit d'être entendu dans une procédure législative peut cependant découler de certaines normes constitutionnelles particulières (ATF 137 I 305 consid. 2.4). Le Tribunal fédéral a notamment admis que la liberté syndicale (art. 28 Cst.), si elle ne confère pas aux organisations syndicales de la fonction publique le droit de participer au processus législatif portant sur le statut du personnel, leur accorde néanmoins celui d'être entendues sous une forme appropriée en cas de modifications législatives ou réglementaires touchant de manière significative les conditions de travail de leurs membres (ATF 144 I 50 consid. 5.3.2; 134 I 269 consid. 3.3.1; 129 I 113 consid. 3). Seul le syndicat en tant que tel, et non ses membres, a qualité pour se prévaloir d'une violation du droit d'être entendu découlant de la liberté syndicale collective (arrêt 8C_376/2020 du 4 décembre 2020 consid. 4.4 et la référence).
66
3.2. L'art. 88 RPAC institue une commission paritaire, qui a pour but de garantir l'application objective du statut du personnel de l'administration; à cet effet, elle propose et favorise l'application de toute mesure que l'expérience ou les circonstances rendent opportunes (art. 89 al. 1 RPAC). Cette commission paritaire a notamment pour mission de veiller à l'exercice normal des droits syndicaux au sein de l'administration (art. 89 al. 2 let. j RPAC). Elle est composée d'un président et de dix-huit membres, soit neuf représentants du Conseil d'État et neuf représentants du personnel de l'administration (art. 90 al. 1 RPAC), parmi lesquels sept sont proposés par le Cartel intersyndical du personnel de l'Etat, qui veille à une représentation équitable des divers groupements (art. 92 al. 3 RPAC). Elle est présidée par un fonctionnaire rattaché au département responsable de l'OPE, désigné par le Conseil d'État (art. 90 al. 2 RPAC) et se réunit au moins une fois par trimestre sur convocation du président ou en tout temps sur demande de la moitié de ses membres (art. 92 al. 4 RPAC).
67
3.3. En l'espèce, la chambre constitutionnelle a constaté que les éléments du nRPAC avaient été discutés en commission paritaire. En alléguant une violation du droit d'être entendus du SPJ et de l'UPCP, les recourants perdaient de vue que ces associations étaient membres du Cartel intersyndical du personnel de l'État, lequel disposait de sept représentants au sein de la commission paritaire. Ceux-ci avaient été informés des modifications envisagées et avaient pu exposer leur point de vue à ce propos lors de plusieurs séances entre 2018 et 2019, avant l'adoption du règlement attaqué. Le fait que les associations recourantes ne seraient pas formellement représentées au sein de la commission paritaire n'était pas déterminant, dès lors que le Cartel intersyndical du personnel de l'État, en tant qu'association faîtière des groupements du personnel, était en mesure de faire valoir leurs arguments et de défendre leurs intérêts en tant qu'interlocuteur du Conseil d'État. Même si la jurisprudence ne définissait pas ce qu'il convenait d'entendre par le fait de s'exprimer sous une forme appropriée, il y avait lieu de considérer que tel avait bien été le cas en l'espèce, puisque les modifications litigieuses avaient été discutées en commission paritaire avant leur adoption.
68
 
Erwägung 3.4
 
3.4.1. Les recourants font valoir que les associations recourantes, dont les membres sont directement touchés par les modifications prévues dans le règlement attaqué, n'ont pas été elles-mêmes interpellées ni mises en position de se déterminer. Le fait que le projet ait été discuté en commission paritaire ne suffirait pas, dès lors que la mission de cette commission serait uniquement de veiller à l'exercice normal des droits syndicaux au sein de l'administration, et non d'exercer ces droits, ce qui serait le seul apanage des syndicats. Selon les recourants, la liberté syndicale (art. 28 Cst.) et le droit que la jurisprudence a reconnu sur cette base aux organisations syndicales de la fonction publique d'être entendues sous une forme appropriée en cas de modifications législatives ou réglementaires touchant de manière significative les conditions de travail de leurs membres (cf. consid. 3.1 supra) aurait imposé que les deux associations recourantes fussent interpellées elles-mêmes sur le contenu du texte dont l'adoption était envisagée, puis eussent la possibilité de se déterminer elles-mêmes auprès du Conseil d'État.
69
3.4.2. Ce grief doit être rejeté. En effet, il est constant que les modifications envisagées du RPAC ont été discutées lors de plusieurs séances de la commission paritaire instaurée par l'art. 88 RPAC. Cette commission est composée d'un président et de dix-huit membres, dont sept sont proposés par le Cartel intersyndical du personnel de l'État. Il est incontestable que ledit Cartel - qui n'a lui-même pas recouru devant la chambre constitutionnelle pour se plaindre d'une violation de la liberté syndicale - a été en mesure de se prononcer sous une forme appropriée sur les modifications réglementaires envisagées. On peut attendre de lui, en tant qu'association faîtière des groupements du personnel dont il doit veiller à l'équitable représentation au sein de la commission paritaire, qu'il représente les intérêts des associations membres - dont les deux associations recourantes (www.cartel-ge.ch) - et les informe de manière à leur permettre de demander à intervenir directement si cela apparaît nécessaire. Le droit des organisations syndicales de la fonction publique d'être entendues sous une forme appropriée en cas de modifications législatives ou réglementaires touchant de manière significative les conditions de travail de leurs membres n'implique pas que le Conseil d'État invite d'emblée les associations membres du Cartel intersyndical du personnel de l'État à se déterminer directement sur les modifications réglementaires qu'il envisage.
70
 
Erwägung 4
 
4.1. Sur le fond, les recourants ont notamment soutenu devant la chambre constitutionnelle que l'art. 8B al. 2 et 3 nRPAC traitant du service de piquet était contraire à la loi fédérale sur le travail dans l'industrie, l'artisanat et le commerce du 13 mars 1964 (LTr; RS 822.11) ainsi qu'à l'ordonnance 1 relative à la loi sur le travail du 10 mai 2000 (OLT 1; RS 822.111) en tant que les cadres supérieurs ne percevaient pas de compensation à ce titre.
71
La cour cantonale a exposé que bien que la LTr ne s'appliquât en principe pas aux administrations publiques (art. 1 al. 1 et 2 al. 1 let. a LTr), l'art. 3a let. a LTr réservait les dispositions relatives à la protection de la santé, notamment l'art. 6 LTr, sur lequel se fondaient les art. 14 et 15b OLT 1, relatifs au service de piquet. L'OLT 1 prévoyait toutefois que les dispositions concernant la durée du travail et du repos, dont faisaient partie celles concernant le service de piquet, n'étaient pas applicables aux administrations publiques (art. 7 al. 1 OLT 1). En outre, tant la LTr (à son art. 3 let. d) que l'OLT 1 (à son art. 9) excluaient de leur champ d'application les travailleurs ayant une fonction dirigeante élevée, lesquels n'étaient ainsi pas soumis notamment aux dispositions en matière de service de piquet. Or les cadres supérieurs, de par leurs fonctions et leurs responsabilités (art. 2 al. 1 du règlement sur les cadres supérieurs de l'administration cantonale du 22 décembre 1975 [RCSAC; RS/GE B 5 05.03]), s'apparentaient à cette catégorie de travailleurs, de sorte que l'art. 8B al. 2 nRPAC ne saurait être contraire à la LTr.
72
4.2. Les recourants soutiennent que l'exclusion des cadres supérieurs prévue à l'art. 8B al. 2 nRPAC serait contraire à l'art. 3a LTr, dans la mesure où la réglementation relative au service de piquet contenue aux art. 14 et 15 OLT 1 concrétiserait l'art. 6 LTr relatif aux obligations des employeurs en matière de protection de la santé des travailleurs et serait donc applicable à l'administration cantonale, y compris les cadres supérieurs. Ils reprochent par ailleurs à la cour cantonale d'avoir commis un déni de justice formel en omettant d'examiner la compatibilité du règlement litigieux avec la LTr, singulièrement avec l'art. 3a LTr.
73
 
Erwägung 4.3
 
4.3.1. La loi sur le travail s'applique, sous réserve de ses art. 2 à 4, à toutes les entreprises publiques et privées (art. 1 al. 1 LTr). Il y a entreprise selon la loi lorsqu'un employeur occupe un ou plusieurs travailleurs de façon durable ou temporaire, même sans faire usage d'installations ou de locaux particuliers (art. 1 al. 2, première phrase, LTr; cf. arrêt 2P.251/2001 du 14 juin 2002 consid. 4).
74
Sous le titre marginal "exception quant aux entreprises", l'art. 2 al. 1 LTr dispose que la loi ne s'applique pas, sous réserve de son art. 3a (cf. art. 3a let. a Ltr), notamment (let. a) aux administrations fédérales, cantonales et communales, sous réserve de l'art. 2 al. 2 LTr (cf. arrêt 2P.251/2001 précité consid. 4.1).
75
Sous le titre marginal "exception quant aux personnes", l'art. 3 al. 1 LTr dispose que la loi, sous réserve de l'art. 3a (cf. art. 3a let. b Ltr), ne s'applique pas non plus notamment (let. d) aux travailleurs qui exercent une fonction dirigeante élevée (notion définie à l'art. 9 OLT 1; cf. arrêt 4A_38/2020 du 22 juillet 2020 consid. 4.7), une activité artistique indépendante (notion définie à l'art. 11 OLT 1) ou une activité scientifique (notion définie à l'art. 10 OLT 1; cf. arrêt 2P.251/2001 précité consid. 4.2).
76
Il résulte de ce qui précède que si la LTr ne s'applique en principe pas notamment aux administrations fédérales, cantonales et communales (art. 2 al. 1 let. a LTr) ni aux travailleurs qui exercent une fonction dirigeante élevée (art. 3 al. 1 let. d LTr), c'est dans les deux cas sous réserve de l'art. 3a LTr. Autrement dit, les dispositions visées par l'art. 3a LTr s'appliquent aux administrations fédérales, cantonales et communales, y compris pour les travailleurs qui exercent une fonction dirigeante élevée.
77
4.3.2. Comme on vient de le voir, l'art. 3a let. a LTr prévoit une contre-exemption du champ d'application quant aux entreprises et aux personnes en statuant que les dispositions de la loi relatives à la protection de la santé (art. 6, 35 et 36a) s'appliquent aussi à l'administration fédérale ainsi qu'aux administrations cantonales et communales (STEFANIE MEIER-GUBSER, Aspects méconnus de la LTr: champ d'application, protection de la santé, durées du travail et du repos, in L'expert fiduciaire: revue professionnelle et organe officiel de publication de l'Union suisse des fiduciaire TREX 2019/1/37 ss, spéc. p. 38-39).
78
L'énumération des dispositions applicables selon l'art. 3a LTr est exhaustive. A côté des art. 6, 35 et 36a LTr qui y sont expressément mentionnés, elle ne comprend pas d'autres dispositions protectrices, y compris celles dont l'objet peut également avoir une influence sur la santé des travailleurs; en particulier, les dispositions sur la durée du travail, l'aménagement des horaires et le repos (art. 9 à 28 LTr) ne sont pas comprises dans la contre-exception faite en faveur de la protection de la santé des travailleurs (arrêt 2P.251/2001 précité consid. 4.3.1; MEIER-GUBSER, op. cit., TREX 2019/1/37 ss, spéc. p. 40). En particulier, les dispositions contenues dans le chapitre "Durée du travail et du repos" de l'ordonnance 1 relative à la loi sur le travail (art. 13 à 42 OLT 1) ne sont ainsi pas comprises dans le champ d'application de l'art. 3a LTr, même si l'art. 6 LTr est cité parmi les bases légales mentionnées (Commentaire du Secrétariat à l'économie [SECO] de novembre 2006, 003a-1; ROLAND A. MÜLLER/CHRISTIAN MADUZ, Kommentar zum Arbeitsgesetz, 8 e éd., Zürich 2017, n° 4 ad art. 3a LTr).
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4.3.3. Sur le vu de ce qui précède, c'est à tort que les recourants se réfèrent aux dispositions de l'OLT 1 relatives au service de piquet (art. 14 et 15 OLT 1) pour en déduire que l'art. 8B al. 2 nRPAC serait contraire à l'art. 3a LTr en tant qu'il exclut le droit des cadres supérieurs à une compensation financière pour le temps passé au service de piquet.
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4.3.4. Quant au grief selon lequel la cour cantonale aurait commis un déni de justice formel en omettant d'examiner la compatibilité du règlement litigieux avec l'art. 3a LTr, il tombe à faux. En effet, les juges cantonaux se sont précisément prononcés sur l'argumentation des recourants en considérant - à juste titre dans le résultat (cf. consid. 4.3.3 supra) - que les dispositions de la LTr et de l'OLT 1 invoquées par les recourants n'étaient pas applicables au personnel de l'administration cantonale, y compris les cadres supérieurs (cf. consid. 4.1 supra).
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Erwägung 5
 
5.1. Les recourants ont par ailleurs soutenu devant la chambre constitutionnelle que les art. 8B al. 2 nRPAC, 11D al. 1 nRTrait, 6 al. 1 et 7 al. 2 nRGPPol ainsi que 51 al. 1 ROPP introduiraient une distinction contraire au principe de l'égalité de traitement en tant qu'ils excluent les cadres supérieurs du droit de percevoir des compensations et indemnités pour service de piquet et de nuit.
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La cour cantonale a toutefois considéré que les cadres supérieurs, par leurs fonctions et leurs responsabilités, se trouvaient dans une situation différente de celles des autres membres du personnel et qu'ils étaient soumis à une réglementation distincte à ce titre. L'art. 8A al. 6 nRPAC renvoyait d'ailleurs à l'application du RCSAC s'agissant des heures supplémentaires effectuées dans le cadre de leur activité et, selon la jurisprudence rendue par la chambre administrative de la Cour de justice, le RCSAC s'appliquait aux cadres supérieurs du personnel de la police en matière d'heures supplémentaires ainsi que pour le service de nuit. Ainsi, en l'absence de situations comparables, le grief tiré de la violation du principe de l'égalité de traitement devait être écarté.
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5.2. Un arrêté de portée générale viole le principe de l'égalité de traitement consacré à l'art. 8 al. 1 Cst. lorsqu'il établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu'il omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances. Il faut que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante. Le législateur dispose d'un large pouvoir d'appréciation dans le cadre de ces principes (ATF 145 I 73 consid. 5.1 et les références).
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5.3. Les recourants soutiennent que les dispositions du règlement litigieux qui excluent les cadres supérieurs du droit de percevoir des compensations et indemnités pour service de piquet et de nuit violeraient le principe de l'égalité de traitement ainsi que l'art. 3a LTr. Toutefois, leur argumentation tombe à faux dans la mesure où elle repose sur la prémisse que les dispositions de la LTr et de l'OLT 1 sur le service de piquet s'appliqueraient aux cadres - qu'ils soient supérieurs ou inférieurs - de l'administration cantonale et en particulier de la police genevoise, cette prémisse étant erronée (cf. consid. 4.3.2 et 4.3.3 supra). Pour le surplus, dès lors que le traitement différent des cadres supérieurs sur le point contesté repose sur une différence objective de responsabilités hiérarchiques ou fonctionnelles (art. 2 al. 1 RCSAC) et de rémunération (art. 2 al. 2 RCSAC) par rapport aux autres membres du personnel, on ne voit pas que les dispositions litigieuses violeraient le principe de l'égalité de traitement.
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6.
86
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté. Les recourants, qui succombent, supporteront les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1.
 
Le recours est rejeté.
 
2.
 
Les frais judiciaires, arrêtés à 2000 fr., sont mis à la charge des recourants.
 
3.
 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre constitutionnelle.
 
Lucerne, le 4 novembre 2021
 
Au nom de la Ire Cour de droit social
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président : Maillard
 
La Greffière : Elmiger-Necipoglu
 
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