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Informationen zum Dokument  BGer 1B_442/2021  Materielle Begründung
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BGer 1B_442/2021 vom 27.10.2021
 
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1B_442/2021
 
 
Arrêt du 27 octobre 2021
 
 
Ire Cour de droit public
 
Composition
 
MM. les Juges fédéraux Chaix, Juge présidant,
 
Haag et Merz.
 
Greffière : Mme Nasel.
 
Participants à la procédure
 
A.________, représenté par Mes Olivier Peter et Milena Peeva, avocats,
 
recourant,
 
contre
 
Ministère public de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy.
 
Objet
 
Procédure pénale; refus de nomination d'avocat d'office,
 
recours contre l'arrêt de la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale
 
de recours, du 5 août 2021
 
(ACPR/518/2021 - P/15790/2020).
 
 
Faits :
 
A.
1
A.________, ressortissant sénégalais sans emploi, vit à Genève depuis de nombreuses années. Il ressort de son casier judiciaire suisse qu'il a notamment été condamné à quatre reprises pour séjour illégal les 23 juin 2018, 25 novembre 2018, 10 février 2019 et 17 septembre 2020.
2
B.
3
Par ordonnances pénales des 1er septembre 2020 et 9 mars 2021, le Ministère public de la République et canton de Genève (le Ministère public) a condamné A.________ pour séjour illégal à 90 jours-amende à 10 fr. l'unité pour la période du 2 octobre 2019 au 31 août 2020 et à 30 jours-amende à 10 fr. l'unité pour la période du 18 septembre 2020 au 4 février 2021, sous déduction de la période du 5 au 6 janvier 2021 durant laquelle il était au bénéfice d'un sauf-conduit. Il l'a également condamné à une amende de 300 fr. pour infraction à l'art. 19a LStup et à une amende de 100 fr. pour avoir uriné sur la voie publique, en application de l'art. 11C al. 1 let. c de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG; RS/GE E 4 05). Entendu par la police, A.________ avait déclaré être dans l'attente de décisions sur des demandes qu'il avait déposées afin de régulariser sa situation. Il a formé opposition contre ces ordonnances.
4
Par suite du maintien des ordonnances pénales susmentionnées par le Ministère public, les deux procédures y relatives ont été renvoyées au Tribunal de police qui les a jointes. Par ordonnance du 25 mai 2021, le Tribunal de police a refusé de nommer Me Milena Peeva en qualité de défenseur d'office.
5
C.
6
Par arrêt du 5 août 2021, la Chambre pénale de recours de la Cour de justice de la République et canton de Genève a rejeté le recours formé par A.________ contre l'ordonnance du Tribunal de police de refus de nomination d'un avocat d'office du 25 mai 2021.
7
D.
8
Par acte du 15 août 2021, A.________ forme un recours en matière pénale par lequel il demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt attaqué et d'ordonner la nomination d'office de Me Milena Peeva avec effet au 12 mai 2021. Subsidiairement, il conclut au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Il sollicite également l'assistance judiciaire.
9
Invités à se déterminer, le Tribunal cantonal y renonce tandis que le Ministère public conclut au rejet du recours.
10
 
Considérant en droit :
 
1.
11
Conformément à l'art. 78 LTF, une décision relative à la défense d'office dans une cause pénale peut faire l'objet d'un recours en matière pénale. Le recourant, prévenu et auteur de la demande de désignation d'un défenseur d'office, a qualité pour recourir (art. 81 al. 1 LTF). Le refus de désigner un avocat d'office au prévenu est susceptible de lui causer un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (ATF 140 IV 202 consid. 2.2; 133 IV 335 consid. 4 et les références). Pour le surplus, le recours a été formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) contre une décision rendue en dernière instance cantonale (art. 80 LTF) et les conclusions présentées sont recevables au regard de l'art. 107 al. 2 LTF. Partant, il y a lieu d'entrer en matière.
12
2.
13
Le recourant se plaint d'une violation des art. 14 par. 3 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (Pacte ONU II), 6 ch. 1 et 3 CEDH, 29 al. 3 Cst., 132 al. 1 let. b, al. 2 et 3 CPP. Il reproche à l'autorité précédente d'avoir jugé que la cause était de peu de gravité et ne présentait aucune difficulté de fait et de droit justifiant la nomination d'un avocat d'office.
14
2.1. A teneur de l'art. 132 al. 1 let. b CPP, la direction de la procédure ordonne une défense d'office si le prévenu ne dispose pas des moyens nécessaires et que l'assistance d'un défenseur est justifiée pour sauvegarder ses intérêts. La défense d'office aux fins de protéger les intérêts du prévenu se justifie notamment lorsque l'affaire n'est pas de peu de gravité et qu'elle présente, sur le plan des faits ou du droit, des difficultés que le prévenu seul ne pourrait pas surmonter (art. 132 al. 2 CPP). En tout état de cause, une affaire n'est pas de peu de gravité lorsque le prévenu est passible d'une peine privative de liberté de plus de quatre mois ou d'une peine pécuniaire de plus de 120 jours-amende (art. 132 al. 3 CPP).
15
Les critères énoncés par l'art. 132 al. 1 let. b, 2 et 3 CPP reprennent largement la jurisprudence du Tribunal fédéral en matière d'assistance judiciaire, rendue sur la base des art. 29 al. 3 Cst. et 6 ch. 3 let. c CEDH (ATF 143 I 164 consid. 3.5). Si les deux conditions mentionnées à l'art. 132 al. 2 CPP doivent être réunies cumulativement, il n'est pas exclu que l'intervention d'un défenseur soit justifiée par d'autres motifs (comme l'indique l'adverbe "notamment"; cf. arrêt 1B_194/2021 du 21 juin 2021 consid. 3.1). La désignation d'un défenseur d'office peut ainsi s'imposer selon les circonstances, lorsque le prévenu encourt une peine privative de liberté de quelques semaines à quelques mois si, à la gravité relative du cas, s'ajoutent des difficultés particulières du point de vue de l'établissement des faits ou des questions juridiques soulevées, qu'il ne serait pas en mesure de résoudre seul. En revanche, lorsque l'infraction n'est manifestement qu'une bagatelle, en ce sens que son auteur ne s'expose qu'à une amende ou à une peine privative de liberté de courte durée, la jurisprudence considère que l'auteur n'a pas de droit constitutionnel à l'assistance judiciaire (ATF 143 I 164 consid. 3.5; arrêt 1B_157/2021 du 31 mars 2021 consid. 3.2).
16
Pour évaluer si l'affaire présente des difficultés que le prévenu ne pourrait pas surmonter sans l'aide d'un avocat, il y a lieu d'apprécier l'ensemble des circonstances concrètes. La nécessité de l'intervention d'un conseil juridique doit ainsi reposer sur des éléments objectifs, tenant principalement à la nature de la cause, et sur des éléments subjectifs, fondés sur l'aptitude concrète du requérant à mener seul la procédure (arrêt 1B_194/2021 du 21 juin 2021 consid. 3.1 et les arrêts cités).
17
S'agissant de la difficulté objective de la cause, à l'instar de ce qu'elle a développé en rapport avec les chances de succès d'un recours (cf. ATF 139 III 396 consid. 1.2; 129 I 129 consid. 2.3.1), la jurisprudence impose de se demander si une personne raisonnable et de bonne foi, qui présenterait les mêmes caractéristiques que le requérant mais disposerait de ressources suffisantes, ferait ou non appel à un avocat (ATF 140 V 521 consid. 9.1). La difficulté objective d'une cause est admise sur le plan juridique lorsque la subsomption des faits donne lieu à des doutes, que ce soit de manière générale ou dans le cas particulier. Pour apprécier la difficulté subjective d'une cause, il faut tenir compte des capacités du prévenu, notamment de son âge, de sa formation, de sa plus ou moins grande familiarité avec la pratique judiciaire, de sa maîtrise de la langue de la procédure, ainsi que des mesures qui paraissent nécessaires, dans le cas particulier, pour assurer sa défense, notamment en ce qui concerne les preuves qu'il devra offrir (arrêts 1B_229/2021 du 9 septembre 2021 consid. 4.1; 1B_194/2021 du 21 juin 2021 consid. 3.1 et les arrêts cités).
18
2.2. Conformément à l'art. 42 al. 1 LTF, le mémoire de recours doit être motivé. A teneur de l'art. 42 al. 2 LTF, les motifs doivent exposer succinctement en quoi la décision attaquée viole le droit. Selon la jurisprudence, pour répondre à cette exigence, la partie recourante est tenue de discuter au moins sommairement les considérants de l'arrêt entrepris (ATF 140 III 86 consid. 2); en particulier, la motivation doit être topique, c'est-à-dire se rapporter à la question juridique tranchée par l'autorité cantonale (ATF 123 V 335). Par ailleurs, le Tribunal fédéral est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (art. 105 al. 1 LTF), sous les réserves découlant des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de l'arbitraire dans la constatation des faits. Il n'examine la violation de droits fondamentaux que si ce moyen est invoqué et motivé par la partie recourante (art. 106 al. 2 LTF), c'est-à-dire s'il a été expressément soulevé et exposé de manière claire et détaillée. Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF ATF 146 IV 114 consid. 2.1; 142 III 364 consid. 2.4; arrêt 1B_252/2021 du 28 septembre 2021 consid. 3).
19
2.3. En l'occurrence, l'instance précédente a jugé plausible l'indigence du recourant tout en laissant cette question ouverte eu égard à l'issue du litige. Elle a retenu en substance que la peine encourue restait dans les limites de ce qui pouvait être qualifié de cas de peu de gravité et que l'affaire ne revêtait pas de difficultés particulières en fait ou en droit propres à justifier l'intervention d'un avocat.
20
2.4. Le recourant soutient au contraire qu'il serait indigent, que l'affaire ne serait pas de peu de gravité et qu'elle présenterait des difficultés justifiant la nomination d'un avocat d'office. Comme la question de la difficulté de l'affaire est décisive pour l'issue du litige, celles de l'indigence du recourant et de la gravité de la cause peuvent demeurer indécises.
21
S'agissant de la difficulté de la cause, le recourant soutient qu'il ne serait pas à même de maîtriser seul les conséquences sur son permis de séjour de sa séparation avec son épouse, fonctionnaire internationale désormais domiciliée à l'étranger. De plus, ce serait à tort que la cour cantonale aurait retenu qu'il était capable de produire seul les pièces y relatives alors que sa situation personnelle - absence de permis de séjour, de domicile fixe et de revenu - l'en empêcherait. Toutefois, si ce n'est l'absence d'emploi du recourant, ces éléments ne ressortent pas des faits constatés par l'instance précédente et le recourant n'a soulevé à ce sujet aucun grief d'arbitraire. En outre, il se contente de substituer son appréciation des faits à celle de la cour cantonale, et ce, de façon appellatoire. Dans tous les cas, il ne démontre pas que sa situation administrative compliquerait la subsomption à effectuer. Il n'allègue pas non plus, ni a fortiori ne démontre, que cette situation aurait évolué depuis ses dernières condamnations pour séjour illégal et qu'elle engendrerait des complications qu'il ne serait pas à même de maîtriser seul. Au contraire, comme l'a constaté la cour cantonale, le recourant, de langue maternelle française, connaît les conditions de réalisation de l'infraction de séjour illégal pour laquelle il a déjà été condamné à quatre reprises et est à même d'y faire face seul: il ne démontre ainsi pas en quoi sa cause présenterait des difficultés objectives ou subjectives justifiant la nomination d'un avocat d'office.
22
Son allégation selon laquelle il conviendrait de répondre à la question de savoir si l'exercice du droit fondamental à s'entretenir avec son conseil constituerait un fait justificatif à une infraction de séjour illégal n'y change rien. En effet, l'on peine à discerner en quoi cet élément présenterait des difficultés juridiques particulières, quand bien même cette question n'aurait pas été tranchée par la jurisprudence. De plus, il ressort de l'arrêt attaqué que le recourant a connaissance de l'existence de faits justificatifs à l'infraction de séjour illégal puisqu'il a déjà invoqué avec succès, devant l'autorité de première instance, avoir été au bénéfice d'un sauf-conduit du 5 au 6 janvier 2021. Il ne démontre ainsi pas que la cour cantonale aurait violé le doit applicable en retenant qu'il pouvait mentionner ce fait seul. Enfin, sous peine de violer les exigences de motivation découlant de l'art. 42 al. 2 LTF, le recourant ne peut se contenter de soutenir que l'affaire poserait d'importantes questions au sujet de la peine applicable sans se prononcer sur les considérations de la cour cantonale à cet égard. Or, cette dernière a exposé à juste titre que les principes applicables à la quotité de la sanction en cas de séjour illégal faisait l'objet d'une jurisprudence publiée qui ne saurait échapper au juge saisi.
23
Quant à l'infraction de souillure (art. 11C al. 1 let. c LPG), le recourant la conteste: il prétend ne pas avoir uriné sur la voie publique. Toutefois, au contraire de ce qu'il soutient, cette contestation n'est pas à même de démontrer une quelconque difficulté justifiant la nomination d'un avocat d'office.
24
Finalement, c'est à tort et de façon appellatoire que le recourant répète son argumentation déjà développée devant l'instance précédente selon laquelle toute personne disposant de ressources financières suffisantes, n'ayant pas de compétences juridiques, ayant déjà été condamnée à plusieurs reprises et faisant face à une peine de plus de 120 jours-amendes n'hésiterait pas à faire appel à un avocat pour l'assister lors de son procès. Par ailleurs, la pluralité de condamnations pour une même infraction et la connaissance logiquement acquise à l'égard de celle-ci plaident plutôt en faveur de la solution contraire.
25
2.5. Au vu de ce qui précède, la cause ne présente aucune complexité particulière: les infractions pour lesquelles le recourant a été condamné et qu'il conteste en partie, soit séjour illégal en Suisse et souillure (art. 11C al. 1 let. c LPG), ne posent aucune difficulté de compréhension, même pour une personne dépourvue de toute connaissance juridique (cf. arrêt 1B_494/2019 du 20 décembre 2019 consid. 3.2).
26
3.
27
Par conséquent, le recours est rejeté dans la mesure de sa recevabilité.
28
Cette issue, d'emblée prévisible, conduit au rejet de la demande d'assistance judiciaire. Toutefois, pour tenir compte de la situation de précarité du recourant, il peut être renoncé à la perception de frais judiciaires.
29
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1.
 
Le recours est rejeté, dans la mesure de sa recevabilité.
 
2.
 
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
 
3.
 
Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
 
4.
 
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires du recourant, au Ministère public de la République et canton de Genève et à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre pénale de recours.
 
Lausanne, le 27 octobre 2021
 
Au nom de la Ire Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Juge présidant : Chaix
 
La Greffière : Nasel
 
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