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Informationen zum Dokument  BGer 8C_482/2020  Materielle Begründung
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BGer 8C_482/2020 vom 23.04.2021
 
 
8C_482/2020
 
 
Arrêt du 23 avril 2021
 
 
Ire Cour de droit social
 
Composition
 
M. et Mmes les Juges fédéraux Maillard, Président,
 
Viscione et Bechaalany, Juge suppléante.
 
Greffière : Mme Castella.
 
Participants à la procédure
 
A.________,
 
représenté par Me Christian Bacon, avocat,
 
recourant,
 
contre
 
Caisse cantonale de chômage,
 
Division juridique, rue Caroline 9bis, 1014 Lausanne,
 
intimée.
 
Objet
 
Assurance-chômage (indemnité de chômage; délai-cadre d'indemnisation),
 
recours contre le jugement de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud
 
du 22 juin 2020 (ACH 187/17 - 83/2020).
 
 
Faits :
 
A. A.________, né en 1954, occupait un poste de gérant technique auprès de la société B.________ SA (ci-après: l'employeur) depuis 2005. Des difficultés ont surgi à partir du mois d'avril 2014 entre le prénommé et certains collaborateurs de l'agence où il travaillait. Le 19 mai 2014, l'employeur l'a licencié avec effet au 30 novembre 2014, conformément au délai de résiliation contractuel de six mois. La fin des rapports de travail a été litigieuse.
1
Le 26 novembre 2014, A.________ s'est inscrit à l'Office régional de placement de Lausanne (ci-après: ORP) et a déposé, le 4 décembre suivant, une demande d'indemnités journalières dès le 1 er décembre 2014. Un délai-cadre d'indemnisation a été ouvert du 1 er décembre 2014 au 30 novembre 2016.
2
En avril 2015, la Caisse cantonale de chômage a déposé une requête en intervention dans le conflit du travail opposant l'assuré à l'employeur. Par arrêt du 14 juin 2019, la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: CACI) a jugé, entre autres points, que A.________ avait droit au paiement de l'intégralité de son salaire depuis le mois de décembre 2014 jusqu'au prochain terme ordinaire de congé, soit jusqu'au 30 juin 2015. La Caisse cantonale de chômage était subrogée aux droits de l'intéressé à concurrence de 31'255 fr. 90 fr. plus intérêt de 5 %, puisqu'elle avait versé des indemnités journalières pendant cette période.
3
Dans l'intervalle, par décision du 12 juin 2017, la Caisse cantonale de chômage a informé l'assuré que son droit aux indemnités journalières avait expiré le 30 novembre 2016. Celui-ci avait été mis au bénéfice d'un maximum de 520 jours d'indemnités journalières, compte tenu d'une période de cotisation de vingt-quatre mois et de son âge supérieur à 55 ans; les indemnités devaient cependant être utilisées dans les limites du délai-cadre d'indemnisation. Saisie d'une opposition, la Caisse cantonale de chômage l'a rejetée par décision du 17 octobre 2017.
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B. Par acte du 17 novembre 2017, A.________ a déféré la décision sur opposition devant la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud. Il demandait le report de sept mois du délai-cadre d'indemnisation, afin de tenir compte du salaire qu'il aurait dû toucher jusqu'au 30 juin 2015. Après avoir suspendu la cause dans l'attente du jugement de la CACI, la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal a confirmé la décision sur opposition litigieuse et rejeté le recours par jugement du 22 juin 2020.
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C. A.________ interjette un recours en matière de droit public devant le Tribunal fédéral. Il conclut à la réforme de l'arrêt cantonal en ce sens que le délai-cadre d'indemnisation est parvenu à son terme le 30 juin 2017, et non le 30 novembre 2016, des indemnités devant encore lui être servies jusqu'à concurrence de 146 indemnités journalières à 255 fr. 10, soit un total de 37'244 fr. 60. A titre subsidiaire, il demande le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision.
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L'intimée et le Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO) ne se sont pas déterminés, tandis que la cour cantonale s'est référée aux considérants de son jugement.
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Considérant en droit :
 
1. Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable.
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2. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 143 IV 241 consid. 2.3.1 p. 244; sur la notion d'arbitraire cf. ATF 142 V 513 consid. 4.2 p. 516) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et pour autant que la correction du vice soit susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).
9
3. Le litige porte sur le point de savoir si la juridiction cantonale a considéré à bon droit que le délai-cadre d'indemnisation ne pouvait pas être reporté.
10
4. 
11
4.1. Entre autres conditions, l'assuré a droit à l'indemnité de chômage s'il subit une perte de travail à prendre en considération (art. 8 al. 1 let. b LACI [RS 837.0]). Il n'y a lieu de prendre en considération la perte de travail que lorsqu'elle se traduit par un manque à gagner et dure au moins deux journées de travail consécutives (art. 11 al. 1 LACI). La perte de travail pour laquelle le chômeur a droit au salaire ou à une indemnité pour cause de résiliation des rapports de travail n'est pas prise en considération (art. 11 al. 3 LACI).
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Si la caisse a des sérieux doutes que l'assuré ait droit, pour la durée de la perte de travail, au versement par son ancien employeur d'un salaire ou d'une indemnité au sens de l'art. 11 al. 3 ou que ses prétentions soient satisfaites, elle verse l'indemnité de chômage (art. 29 al. 1 LACI). En opérant le versement, la caisse se subroge à l'assuré dans tous ses droits, y compris le privilège légal, jusqu'à concurrence de l'indemnité journalière versée (art. 29 al. 2 LACI).
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4.2. Sauf disposition contraire de la loi, des délais-cadres de deux ans s'appliquent aux périodes d'indemnisation et de cotisation (art. 9 al. 1 LACI). Le délai-cadre applicable à la période de l'indemnisation commence à courir le premier jour où toutes les conditions dont dépend le droit à l'indemnité sont réunies (art. 9 al. 2 LACI). Le délai-cadre applicable à la période de cotisation commence à courir deux ans plus tôt (art. 9 al. 3 LACI). Lorsque le délai-cadre s'appliquant à la période d'indemnisation est écoulé et que l'assuré demande à nouveau l'indemnité de chômage, de nouveaux délais-cadres de deux ans sont ouverts pour la période d'indemnisation et de cotisation, sauf disposition contraire (art. 9 al. 4 LACI). Celui qui, dans les limites du délai-cadre prévu à cet effet (art. 9 al. 3 LACI), a exercé durant douze mois au moins une activité soumise à cotisations remplit les conditions relatives à la période de cotisation (art. 13 al. 1 LACI).
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Le début du délai-cadre applicable à la période d'indemnisation reste fixé une fois pour toutes, sauf s'il s'avère par la suite, sous l'angle de la reconsidération ou de la révision procédurale, que les indemnités de chômage ont été indûment allouées et versées parce qu'une ou plusieurs conditions du droit n'étaient pas remplies (ATF 127 V 475).
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4.3. Lorsqu'une indemnité de chômage est allouée et effectivement perçue par un assuré conformément à l'art. 29 al. 1 LACI, il n'y a pas lieu de reporter le début du délai-cadre applicable à la période de l'indemnisation s'il est fait droit ultérieurement, en tout ou en partie, à des prétentions de salaire ou d'indemnisation contre l'ancien employeur (ATF 127 V 475 consid. 2b/bb p. 477 s.; 126 V 368). En effet, dans l'hypothèse de l'art. 29 al. 1 LACI, lorsque les éléments de fait déterminants sont réunis (doutes sérieux quant aux droits découlant du contrat de travail), la condition de la perte de travail à prendre en considération (art. 8 al. 1 let. b LACI en relation avec l'art. 11 al. 3 LACI) est réputée remplie. Il s'agit d'une présomption légale irréfragable. Dès lors, le paiement ultérieur des prétentions salariales au sens de l'art. 11 al. 3 LACI, dont l'existence ou le recouvrement étaient douteux, ne constitue pas un motif de révision procédurale qui justifierait de remettre en cause le caractère définitif du délai-cadre (ATF 127 V 475 consid. 2b/bb précité). L'assuré n'est pas tenu à restitution des prestations, mais la caisse dispose en contrepartie d'une créance subrogatoire contre l'employeur.
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5. 
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5.1. Dans un premier grief formel, le recourant se plaint d'une violation de son droit d'être entendu (art. 29 al. 2 Cst.). Le jugement entrepris serait insuffisamment motivé en lien avec les deux moyens principaux soulevés, à savoir la violation du principe de la légalité et du principe d'égalité de traitement.
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5.2. 
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5.2.1. Le droit d'être entendu consacré par l'art. 29 al. 2 Cst. impose à l'autorité le devoir de motiver sa décision afin que le justiciable puisse en saisir la portée et, le cas échéant, l'attaquer en connaissance de cause. Pour satisfaire à cette exigence, il suffit que l'autorité mentionne au moins brièvement les motifs qui l'ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision (ATF 143 III 65 consid. 5.2 p. 70; 142 III 433 consid. 4.3.2 p. 436). Elle n'a pas l'obligation d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut au contraire se limiter à ceux qui, sans arbitraire, peuvent être tenus pour pertinents (ATF 142 II 154 consid. 4.2 p. 157).
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5.3. Contrairement à ce qu'allègue le recourant, les juges cantonaux ne se sont pas contentés en l'espèce de justifier une pratique par sa propre existence, mais ils se sont fondés sur les bases légales applicables, sur la doctrine ainsi que sur la jurisprudence du Tribunal fédéral pour exposer les raisons pour lesquelles les deux griefs devaient être écartés. Le jugement attaqué n'est donc pas critiquable sous l'angle du devoir de motivation.
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6. 
22
6.1. Le recourant fait ensuite valoir une double violation du principe de l'égalité de traitement (art. 8 al. 1 Cst.). D'une part, il serait traité de manière différente d'un administré qui aurait été d'emblée rémunéré par son employeur durant son délai de congé, sans qu'une intervention judiciaire fût nécessaire. D'autre part, du fait de ses moyens modestes, il serait traité différemment d'un justiciable plus fortuné qui aurait pu faire valoir lui-même ses droits contractuels et demander l'indemnité de chômage seulement après les avoir exercés.
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6.2. 
24
6.2.1. Une décision viole le principe de l'égalité consacré à l'art. 8 al. 1 Cst. lorsqu'elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou qu'elle omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est semblable n'est pas traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne l'est pas de manière différente. Il faut que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante (ATF 146 II 56 consid. 9.1 p. 70 s. et les arrêts cités). Les situations comparées ne doivent pas nécessairement être identiques en tous points mais leur similitude doit être établie en ce qui concerne les éléments de fait pertinents pour la décision à prendre (ATF 130 I 65 consid. 3.6 p. 70).
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6.2.2. En tant que le recourant oppose son cas à celui d'un assuré qui aurait d'emblée été rémunéré par son employeur durant le délai de congé, il compare deux situations qui se différencient sur un élément déterminant, à savoir l'existence d'un litige sur les prétentions salariales. Le principe de l'égalité n'impose toutefois pas de traiter de manière identique ce qui est dissemblable, de sorte que le grief tombe à faux. Au demeurant, contrairement à ce que soutient le recourant dans ce contexte, la durée de son droit au chômage n'a pas été réduite en l'espèce; ce qu'il met en cause en réalité c'est la créance subrogatoire de la caisse par suite des indemnités versées pendant le délai de congé.
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Or, dans l'ATF 126 V 368, le Tribunal fédéral a eu l'occasion de se prononcer sur le grief d'inégalité de traitement entre une personne qui bénéficie d'indemnités de chômage sur la base de l'art. 29 al. 1 LACI et celle qui fait valoir elle-même ses prétentions contractuelles et sollicite ensuite seulement une indemnité de chômage. Il en ressort en substance qu'en cas d'application de l'art. 29 al. 1 LACI, la caisse de chômage ne se contente pas de verser une indemnité pour remplacer la perte de gain de l'assuré, mais elle le décharge aussi des risques liés aux frais et au recouvrement dans la procédure contre l'employeur. En outre, l'art. 29 al. 1 LACI ne requiert pas qu'au moment de son inscription au chômage ou avant la fin des investigations, l'assuré ait (déjà) fait valoir ses prétentions en justice, étant précisé que cette situation se distingue de la renonciation à faire valoir des prétentions de salaire ou d'indemnisation envers son dernier employeur au détriment de l'assurance au sens de l'art. 30 al. 1 let. b LACI. Les juges fédéraux ont considéré, compte tenu de ces éléments, qu'il n'y avait pas lieu de reporter le début du délai-cadre applicable à la période d'indemnisation (déterminé conformément aux art. 8 al. 1, 9 et 29 al. 1 LACI), même si les droits de l'assuré découlant des rapports de travail devaient par la suite entièrement ou partiellement se concrétiser. Cela garantit une égalité de traitement entre tous les assurés au sens du principe d'assurance (Versicherungsprinzip) : les prestations d'assurance ne dépendent pas de la possibilité concrète d'introduire une demande judiciaire ni du moment auquel une telle demande est introduite. Quant aux prétentions de salaire et d'indemnisation obtenues par le biais de la procédure judiciaire, elles sont converties en périodes de cotisation en vue de l'ouverture éventuelle d'un délai-cadre ultérieur (cf. consid. 3c/aa p. 374 s.). Ces considérations conservent toute leur validité et leur pertinence pour le cas d'espèce. Le recourant ne démontre pas en quoi ses moyens modestes justifieraient un traitement différent. Il omet que la caisse lui a bel et bien versé la totalité des indemnités de chômage auxquelles il avait droit et, en se substituant à l'employeur défaillant, qu'elle lui a permis de disposer des moyens nécessaires à son entretien, conformément au but de l'art. 29 al. 1 LACI.
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Il s'ensuit que les griefs d'inégalité de traitement sont mal fondés et doivent être rejetés.
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7. A titre subsidiaire, le recourant invoque une violation du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst.). Il estime que la loi ne réglerait pas la question d'un report du délai-cadre et ne prévoirait pas non plus de normes de délégation à cet égard.
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Le grief est mal fondé. Comme indiqué ci-dessus (cf. consid. 4.3 supra), dans l'hypothèse de l'art. 29 al. 1 LACI, lorsque les éléments de fait déterminants sont réunis (doutes sérieux quant aux droits découlant du contrat de travail), la condition de la perte de travail à prendre en considération (art. 8 al. 1 let. b LACI en relation avec l'art. 11 al. 3 LACI) est réputée remplie (présomption légale irréfragable). En outre, le paiement ultérieur de prétentions salariales litigieuses ne constitue pas un motif de révision de nature à remettre en cause le début du délai-cadre (ATF 127 V 475 consid. 2b/bb p. 477 s.). Le report du délai-cadre conduirait d'ailleurs à la rétrocession à l'assuré de la créance subrogatoire de la caisse prévue par l'art. 29 al. 2 LACI.
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8. Dans un dernier grief, le recourant fait valoir une violation de l'interdiction de l'arbitraire (art. 9 Cst.). Il soutient, au regard de l'obligation de réduire son dommage, que s'il n'avait pas fait valoir ses prétentions salariales en justice, une sanction aurait été prononcée à son encontre sur la base de l'art. 30 al. 1 let. b LACI.
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Cette argumentation tombe à faux. En effet, comme exposé plus haut (cf. consid. 6.2.2 supra), l'art. 29 al. 1 LACI ne requiert pas que l'assuré ait (déjà) fait valoir sa prétention en justice au moment de son inscription au chômage, de sorte que la situation du recourant - qui n'avait pas renoncé à ses prétentions salariales - n'aurait pas pu tomber sous le coup de l'art. 30 al. 1 let. b LACI. Le grief doit être rejeté.
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9. Il s'ensuit que le recours se révèle en tous points mal fondé et doit être rejeté.
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Au vu de l'issue du litige, le recourant qui succombe supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF).
34
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1. Le recours est rejeté.
 
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge du recourant.
 
3. Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud et au Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO).
 
Lucerne, le 23 avril 2021
 
Au nom de la Ire Cour de droit social
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président : Maillard
 
La Greffière : Castella
 
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