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Informationen zum Dokument  BGer 9C_131/2020  Materielle Begründung
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BGer 9C_131/2020 vom 05.02.2021
 
 
9C_131/2020
 
 
Arrêt du 5 février 2021
 
 
IIe Cour de droit social
 
Composition
 
M. et Mmes les Juges fédéraux Parrino, Président,
 
Glanzmann et Moser-Szeless.
 
Greffier : M. Bleicker.
 
Participants à la procédure
 
Mutuel Assurance Maladie SA,
 
rue des Cèdres 5, 1920 Martigny,
 
recourante,
 
contre
 
A.________,
 
intimé.
 
Objet
 
Assurance-maladie (indemnités journalières pour perte de gain en cas de maladie),
 
recours contre le jugement du Tribunal cantonal du Valais, Cour des assurances sociales, du 16 janvier 2020 (S2 18 72).
 
 
Faits :
 
A. A.________, né en 1954, plâtrier-peintre, est associé et gérant avec droit de signature individuelle de la société B.________ Sàrl. Il est assuré pour la perte de gain en cas de maladie auprès de Mutuel Assurance Maladie SA (ci-après: l'assureur) depuis le 1er janvier 2007, par le biais d'un contrat de l'assurance-maladie collective de l'artisanat du bâtiment (AMCAB).
1
Dans un avis du 1 er mai 2015, l'employeur a annoncé à Mutuel Assurance Maladie SA que A.________ était en arrêt de travail depuis le 29 avril 2015. La doctoresse C.________, spécialiste en médecine interne générale, a indiqué que l'état de santé de l'assuré nécessitait un arrêt de travail de 100 % du 29 avril au 3 mai 2015, de 90 % du 4 mai au 21 juin 2015, de 80 % du 22 juin au 27 septembre 2015, de 60 % du 28 septembre au 6 décembre 2015, de 50 % du 7 décembre 2015 au 31 juillet 2016 et de 40 % du 1 er au 31 août 2016 (avis notamment des 24 juillet 2015, 16 octobre 2015 et 6 octobre 2016).
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L'assureur a versé des indemnités journalières correspondant aux incapacités de travail médicalement attestées par le médecin traitant du 29 avril au 30 juin 2015, sous déduction d'un délai d'attente de deux jours (décomptes intermédiaires des 11 mai, 29 juin et 3 août 2015). Lors d'un entretien qui s'est tenu le 24 septembre 2015, il a informé l'assuré qu'il avait fait l'objet d'une surveillance et lui a demandé de lui remettre le bilan et le compte de pertes et profits de son entreprise pour les années 2013 à 2015, ses fiches de salaire et ses relevés bancaires ou postaux privés. Par décision du 16 novembre 2016, confirmée sur opposition le 25 mai 2018, l'assureur a nié le droit de A.________ à des indemnités journalières pour la période du 29 avril 2015 au 31 août 2016 et demandé le remboursement d'un montant de 9746 fr. 85, correspondant aux prestations versées du 29 avril au 30 juin 2015.
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B. Statuant le 16 janvier 2020, le Tribunal cantonal du Valais, Cour des assurances sociales, a admis le recours formé par l'assuré et invité l'assureur à rendre une nouvelle décision au sens du considérant 2.3 de son arrêt.
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C. Mutuel Assurance Maladie SA forme un recours en matière de droit public contre cet arrêt dont elle demande l'annulation. Elle demande la confirmation de la décision sur opposition du 25 mai 2018.
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A.________ conclut au rejet du recours et à la confirmation de l'arrêt entrepris. L'Office fédéral de la santé publique renonce à se déterminer sur le recours.
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Considérant en droit :
 
1. Bien que le dispositif du jugement entrepris renvoie la cause à Mutuel Assurance Maladie SA pour qu'elle rende une nouvelle décision au sens du considérant 2.3, il ne s'agit pas d'une décision incidente au sens de l'art. 93 LTF. La juridiction cantonale a en effet statué définitivement sur les points contestés, le renvoi de la cause au sens du considérant 2.3 de l'arrêt entrepris ne visant que le calcul du montant des indemnités journalières correspondant aux incapacités de travail constatées pour la période du 29 avril 2015 au 31 août 2016 (sous réserve des prestations déjà versées). Le recours est dès lors recevable puisqu'il est dirigé contre un jugement final (art. 90 LTF; cf. ATF 134 II 124 consid. 1.3 p. 127).
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Erwägung 2
 
2.1. Le recours en matière de droit public peut être formé notamment pour violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF), que le Tribunal fédéral applique d'office (art. 106 al. 1 LTF), n'étant limité ni par les arguments de la partie recourante, ni par la motivation de l'autorité précédente. Le Tribunal fédéral fonde son raisonnement sur les faits retenus par la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF) sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte (c'est-à-dire arbitraire au sens de l'art. 9 Cst.; ATF 143 I 310 consid. 2.2 p. 313) ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF) et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 in fine LTF). Il peut compléter en particulier d'office les constatations de fait aux conditions de l'art. 105 al. 2 LTF lorsque celles-ci sont lacunaires.
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2.2. Selon l'art. 99 al. 1 LTF, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente. A l'appui de sa réponse, l'intimé dépose pour la première fois des pièces concernant sa situation médicale. Il n'expose cependant pas en quoi la présentation de ces pièces - pour certaines postérieures à l'arrêt entrepris - serait admissible (ATF 133 III 393 consid. 3 p. 395; arrêt 9C_58/2015 du 11 août 2015 consid. 3.2). Il n'y a pas lieu de les prendre en considération.
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Erwägung 3
 
3.1. Le litige porte d'une part sur le droit de l'intimé à des indemnités journalières pour perte de gain en cas de maladie selon la LAMal et d'autre part sur la restitution par l'intimé de prestations perçues indûment selon la recourante. A cet égard, le jugement entrepris expose de manière complète les bases légales et les principes jurisprudentiels relatifs au droit à des prestations de l'assurance facultative d'indemnités journalières en cas de maladie (art. 67 ss LAMal). Il suffit d'y renvoyer.
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3.2. On rappellera à la suite des premiers juges que l'assurance facultative d'indemnités journalières selon les art. 67 ss LAMal est une assurance de perte de gain (arrêts 9C_332/2007 du 29 mai 2008 consid. 1.1; K 65/99 du 17 février 2000 consid. 3d, RAMA 2000 n° KV 116 p. 145; K 33/98 du 17 juillet 1998 consid. 2, RAMA 1998 n° KV 43 p. 420). Le droit à une indemnité journalière est donc subordonné à ce que l'ayant droit subisse une perte de salaire ou de gain effective en raison d'une atteinte à la santé due à une maladie (arrêts K 56/05 du 31 août 2006 consid. 3.3; K 74/02 du 16 avril 2004 consid. 2.1, RAMA 2004 n° KV 284 p. 236; K 129/00 du 20 juin 2001 consid. 2b, non publié aux ATF 127 V 154). Les parties peuvent cependant convenir dans le contrat d'assurance d'autres dommages en relation avec la maladie comme risques assurés (ATF 128 V 149 consid. 4a p. 156).
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4. En se fondant sur les certificats médicaux de la doctoresse C.________, la juridiction cantonale a retenu que A.________ avait droit à des indemnités journalières fondées sur les incapacités de travail médicalement attestées du 29 avril 2015 au 31 août 2015 (recte: 2016). Elle a constaté que les déclarations de l'intimé étaient tout d'abord corroborées par les documents comptables. Il ressortait des comptes d'exploitation de la société B.________ Sàrl que les charges salariales avaient en effet diminué (72'000 fr. en 2014, 56'700 fr. en 2015 et 56'434 fr. en 2016), tandis que les travaux facturés à la société par des tiers avaient augmenté en adéquation avec les périodes d'incapacité de travail médicalement attestée. Elle a ensuite constaté que l'assuré avait déclaré oeuvrer essentiellement dans le canton de Genève, alors que les mandats sous-traités à des tiers en 2015 avaient été effectués en Valais. Le lieu d'exécution des travaux sous-traités n'avait par ailleurs aucune incidence sur la capacité de travail de l'assuré, qui n'était pas nulle mais en moyenne de 50 % durant l'année 2015. Selon les premiers juges, l'assuré était ainsi en mesure d'effectuer certains travaux, en ménageant son dos et en s'octroyant des plages de repos. Le médecin traitant avait d'ailleurs clairement attesté, le 16 octobre 2015, qu'il était apte à travailler sur des chantiers malgré sa maladie. L'assuré n'avait du reste jamais nié avoir continué à se rendre sur les chantiers pour y amener du matériel et surveiller l'avancement des travaux sous-traités. Les quelques travaux ou tâches qu'il pouvait effectuer, que ce soit à Genève ou en Valais, n'étaient par surabondance aucunement interdits sur le plan médical. C'était d'ailleurs dans le but de maintenir l'activité de l'entreprise qu'une certaine capacité de travail avait été conservée par le médecin traitant et augmentée progressivement au fil du temps. Si le chiffre d'affaires de la société avait pu être maintenu à des niveaux plus ou moins stables entre 2014 et 2016, c'était selon les premiers juges grâce aux travaux effectués par des tiers que l'assuré avait dû payer.
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Erwägung 5
 
5.1. Invoquant une appréciation arbitraire des preuves, la recourante reproche principalement à la juridiction cantonale d'avoir retenu que l'intimé avait subi une perte économique durant la période litigieuse, à savoir de fin avril 2015 à août 2016. Si elle indique que la juridiction cantonale a retenu à juste titre que les comptes d'exploitation de la société attestent d'une baisse du salaire de l'intimé de 15'300 fr. en 2015, la recourante fait valoir que ces comptes font également état d'une augmentation du bénéfice de la société (de 15'717 fr. 65) et d'une augmentation de la dette de l'assuré envers la société (de 16'409 fr. 65). Elle soutient que les documents comptables attestent en outre que l'intimé a perçu un gain de 52'017 fr. en travaillant pour le compte de la société D.________ SA de juin à décembre 2015, ce qu'il avait pourtant nié lors de son entretien du 24 septembre 2015. Enfin, elle relève un grand nombre de contradictions dans les déclarations de l'assuré, notamment concernant la répercussion de son atteinte à la santé sur sa capacité de travail.
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5.2. Dans sa réponse, l'intimé fait valoir en substance que la recourante n'établit pas que les faits constatés par la juridiction cantonale seraient manifestement inexacts ou établis en violation du droit. Il confirme qu'il a dû payer des tiers afin de maintenir dans la mesure du possible le chiffre d'affaires de sa société entre 2014 et 2016. Il maintient qu'il a en revanche subi une baisse de revenus en raison de ses incapacités de travail attestées par son médecin traitant.
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6. Le jugement entrepris se fonde en l'espèce sur un état de fait incomplet, dans la mesure où les premiers juges n'ont pas recherché conformément à l'art. 72 al. 2 LAMal, en lien avec l'art. 1 du contrat-cadre de l'assurance-maladie collective de l'artisanat du bâtiment AMCAB (ci-après: le contrat-cadre AMCAB), dans sa version en vigueur à partir du 1er janvier 2015, les conséquences économiques réelles de l'arrêt de travail pour l'intimé.
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6.1. La juridiction cantonale n'a tout d'abord pas constaté le montant du salaire que l'intimé aurait dû percevoir au moment de la survenance de son atteinte à la santé déterminante. Si la juridiction cantonale a certes indiqué que le salaire annuel de l'intimé était "passé" de 72'000 fr. en 2013 et 2014 à 56'700 fr. en 2015, elle n'a pas fixé concrètement le revenu que A.________ aurait dû percevoir sans atteinte à la santé en 2015. L'état de fait peut cependant aisément être complété d'office sur ce point, en application de l'art. 105 al. 2 LTF (consid. 2.1 supra).
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A cet égard, selon l'avis de l'employeur du 1er mai 2015, confirmé par les documents comptables de la société, l'intimé devait percevoir un revenu mensuel (brut) de 6300 fr., versé douze fois l'an. L'intimé aurait par conséquent dû réaliser sans atteinte à la santé un revenu annuel (brut) de 75'600 fr. en 2015.
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6.2. Selon les faits constatés par la juridiction cantonale, l'intimé a ensuite perçu de son employeur un revenu annuel (brut) de 56'700 fr. en 2015, soit - il convient de compléter sur ce point le jugement entrepris (art. 105 al. 2 LTF) - la totalité de son salaire mensuel de janvier à juin 2015 (6 x 6300 fr., sous déduction des indemnités journalières), puis la moitié de son salaire mensuel de juillet à décembre 2015 (6 x 3150 fr.). L'employeur a donc versé à l'intimé deux tiers de son revenu annuel (brut) de 75'600 fr. en 2015.
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Or, selon le jugement attaqué, la doctoresse C.________ a délivré un arrêt de travail de 50 % (49,86%) en moyenne au cours de l'année 2015 (100 % du 29 avril au 3 mai 2015, de 90 % du 4 mai au 21 juin 2015, de 80 % du 22 juin au 27 septembre 2015, de 60 % du 28 septembre au 6 décembre 2015, puis de 50 % dès le 7 décembre 2015). Aussi, dans la mesure où l'employeur a versé à l'intimé un salaire supérieur à celui correspondant à sa capacité de travail résiduelle, la juridiction cantonale a arbitrairement omis de constater les conséquences économiques réelles de l'arrêt de travail de l'intimé.
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6.3. La recourante fait encore valoir à juste titre qu'en dépit de l'arrêt de travail partiel de l'intimé, qui était l'unique salarié de l'entreprise en 2015, le chiffre d'affaires brut de la société ("encaissement de travaux") s'est maintenu en 2015 (169'041 fr.) à un niveau comparable à celui des années précédentes (171'798 fr. 85 en 2013 et 153'642 fr. 35 en 2014). Le bénéfice de l'exercice comptable s'est de plus élevé à 17'002 fr. 05 en 2015, contre 481 fr. 50 en 2013 et 1804 fr. 40 en 2014.
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A l'inverse de ce que soutient la juridiction cantonale, les travaux effectués par des tiers n'expliquent nullement à eux seuls les résultats économiques stables de la société en 2015. Selon les documents comptables produits au dossier (cf. art. 105 al. 2 LTF), des tiers ont travaillé après le début de l'arrêt de travail partiel de l'intimé sur le seul "chantier U.________" (versements de 1800 fr. à E.________, de 2140 fr. 05 à F.________ [1000 fr. et 1140 fr. 05] et de 25'000 fr. à G.________). Aussi, comme le fait valoir à juste titre la recourante, la juridiction cantonale a omis de constater la part réelle des travaux réalisés par l'intimé dans les chantiers qui n'ont pas été effectués par des tiers dès le 29 avril 2015, notamment dans ceux réalisés à Genève à la demande de la société D.________ SA de juin à décembre 2015.
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7. Ensuite des éléments qui précèdent, la juridiction cantonale a violé le droit matériel en n'établissant pas tous les faits pertinents pour l'application de celui-ci (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62; 134 V 53 consid. 4.3 p. 62). Le Tribunal fédéral n'est pas en mesure de se prononcer sur le droit de l'intimé à des indemnités journalières. La cause doit dès lors être renvoyée à l'autorité précédente pour qu'elle complète l'instruction. La juridiction cantonale devra constater en particulier les conséquences économiques réelles de l'arrêt de travail pour l'intimé (pour la période du 29 avril 2015 au 31 août 2016), qui ne correspondent manifestement pas au seul degré de l'incapacité de travail de celui-ci, puis s'assurer que ce préjudice - à supposer qu'il dépasse 25 % (art. 12.8 du contrat-cadre AMCAB) - repose sur une atteinte à la santé due à une maladie.
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Compte tenu de l'issue de la procédure, il n'y a pas lieu d'examiner les autres griefs invoqués par la recourante, en particulier ceux relatifs à la restitution de prestations indues.
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8. Vu l'issue du litige, les frais judiciaires seront supportés par l'intimé (art. 66 al. 1 LTF). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF).
24
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1. Le recours est partiellement admis. Le jugement du Tribunal cantonal du Valais, Cour des assurances sociales, du 16 janvier 2020 est annulé. La cause est renvoyée à cette autorité pour nouvelle décision au sens des considérants. Le recours est rejeté pour le surplus.
 
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de l'intimé.
 
3. Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du Valais, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral de la santé publique.
 
Lucerne, le 5 février 2021
 
Au nom de la IIe Cour de droit social
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président : Parrino
 
Le Greffier : Bleicker
 
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