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Informationen zum Dokument  BGer 8C_807/2019  Materielle Begründung
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BGer 8C_807/2019 vom 01.02.2021
 
 
8C_807/2019
 
 
Arrêt du 1er février 2021
 
 
Ire Cour de droit social
 
Composition
 
MM. et Mmes les Juges fédéraux Maillard, Président,
 
Heine, Wirthlin, Viscione et Abrecht.
 
Greffière : Mme von Zwehl.
 
Participants à la procédure
 
A.________,
 
représenté par Me Olivier Carré, avocat,
 
recourant,
 
contre
 
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne,
 
intimée.
 
Objet
 
Assurance-accidents (rechute; causalité),
 
recours contre le jugement de la Cour des
 
assurances sociales du Tribunal cantonal
 
vaudois du 29 octobre 2019 (AA 40/18 - 139/2019).
 
 
Faits :
 
 
A.
 
A.a. Le 24 mai 2013, à l'occasion d'un match de roller hockey, A.________, né en 1971, alors employé par l'entreprise B.________ SA en qualité de ferblantier-couvreur, a été heurté au coude droit par la canne d'un joueur adverse. La Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (ci-après: la CNA), auprès de laquelle le prénommé était assuré, a pris en charge le traitement médical et a versé des indemnités journalières.
1
A.b. Le 20 janvier 2015, A.________ a eu un nouvel accident qu'il a annoncé à la CNA: il a subi une entorse au genou gauche en glissant sur un tas de neige. Une imagerie par résonance magnétique (IRM) réalisée le 5 février 2015 a montré une déchirure complexe de la corne postérieure du ménisque interne et une déchirure subtotale du ligament collatéral interne au niveau de son insertion fémorale, ainsi qu'une chondropathie de grade IV sur la face antérieure externe du fémur. La CNA est également intervenue pour cet accident, qui a donné lieu à un traitement conservateur.
2
A.c. Pour faire le point de la situation sur les deux accidents, le docteur H.________, de la CNA, a examiné l'assuré le 2 septembre 2015. A l'issue de cet examen, il n'a constaté aucune limitation fonctionnelle des membres supérieurs et inférieurs; en ce qui concernait le genou, il n'y avait aucun signe réactif local (épanchement ou hypertermie), pas de laxité pathologique, ni de signes méniscaux ou rotuliens; la mobilité était complète. Le médecin en a conclu que l'assuré ne présentait plus de séquelles des accidents en cause.
3
Par décision du 9 septembre 2015, la CNA a mis un terme à ses prestations avec effet au 13 septembre suivant. L'assuré a formé opposition en produisant le compte-rendu d'un examen par IRM du coude droit et du genou gauche du 15 septembre 2015. Ce document a été soumis au docteur H.________, qui a maintenu ses précédentes conclusions tout en précisant que si l'assuré devait ultérieurement se faire opérer de la lésion méniscale au genou gauche, il pourrait toujours annoncer une rechute. Le 30 décembre 2015, la CNA a écarté l'opposition. Cette décision sur opposition, qui a été contestée par l'assuré, fait l'objet d'une procédure parallèle devant le Tribunal fédéral (cause 8C_806/2019).
4
A.d. Au mois d'avril 2017, A.________ a annoncé une rechute concernant son genou gauche (persistance de douleurs internes). Une IRM du 13 mars 2017 confirmait un status sans évolution significative depuis fin 2015, soit une déchirure du ménisque interne complexe (transverse et radiaire) associée à un kyste méniscal interne. Dans un rapport daté du 31 mars 2017, le docteur R.________, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l'appareil locomoteur, a fait état d'un examen clinique clairement positif pour un problème méniscal et a posé le diagnostic de "déchirure traumatique du ménisque interne du genou gauche (traumatisme de janvier 2015) " en préconisant une intervention chirurgicale.
5
Par décision du 16 juin 2017, la CNA a refusé de prendre en charge la rechute annoncée, se fondant sur l'avis du docteur S.________, médecin d'arrondissement, selon lequel les lésions méniscales étaient d'origine dégénérative, l'unique atteinte du genou gauche provoquée par l'accident initial ayant été une entorse du ligament latéral interne qui avait cicatrisé (appréciation médicale du 14 juin 2017). A.________ a fait opposition. Le 15 août 2017, il a subi une arthroscopie du genou gauche réalisée par le docteur J.________ et a transmis à la CNA le protocole opératoire ainsi qu'un bref rapport de ce chirurgien, selon lequel "cette arthroscopie démontre une atteinte d'origine traumatique". Après avoir demandé à la doctoresse L.________, spécialiste en chirurgie générale et traumatologie de sa division de médecine des assurances, de se prononcer sur ces documents (appréciation du 9 novembre 2017), la CNA a écarté l'opposition le 23 janvier 2018.
6
B. Par jugement du 29 octobre 2019 (cause AA 40/18 - 139/2019), la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours formé par l'assuré contre la décision sur opposition du 23 janvier 2018.
7
C. A.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement, en concluant, principalement, à sa réforme dans le sens de l'octroi des prestations d'assurance et, subsidiairement, à son annulation suivie du renvoi de la cause aux autorités inférieures pour complément d'instruction et nouvelle décision.
8
La CNA conclut au rejet du recours. L'office fédéral de la santé publique a renoncé à se déterminer.
9
D. Par arrêt de ce jour (cause 8C_806/2019), le Tribunal fédéral a rejeté le recours formé par A.________ contre l'autre jugement cantonal du 29 octobre 2019 portant sur la question de la suppression des prestations d'assurance au 13 septembre 2015 (cf. lettre A.c supra).
10
 
Considérant en droit :
 
1. Le recours est dirigé contre un arrêt final (art. 90 LTF) rendu en matière de droit public (art. 82 ss LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF). Il a été déposé dans le délai (art. 100 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi. Il est donc recevable.
11
2. Est litigieux le point de savoir si la cour cantonale était fondée à confirmer le refus de la CNA de prendre en charge la rechute de l'accident du 20 janvier 2015 concernant le genou gauche.
12
La présente procédure portant sur l'octroi ou le refus de prestations en espèces et en nature de l'assurance-accidents, le Tribunal fédéral n'est pas lié par les faits établis par l'autorité précédente (art. 97 al. 2 et 105 al. 3 LTF) en ce qui concerne les faits communs aux deux types de prestations (arrêt 8C_657/2017 du 14 mai 2018 consid. 2.2 et les arrêts cités, in SVR 2018 UV n° 39 p. 141).
13
3. Le 1er janvier 2017 est entrée en vigueur la modification du 25 septembre 2015 de la LAA. A juste titre, la cour cantonale a retenu que dans la mesure où l'événement assuré était survenu avant cette date, le droit du recourant aux prestations d'assurance pour la rechute de cet événement était soumis à l'ancien droit (cf. dispositions transitoires relatives à la modification du 25 septembre 2015; RO 2016 4375).
14
Par ailleurs, la cour cantonale a correctement exposé les dispositions légales (art. 6 LAA; art. 11 OLAA [RS 832.202]) ainsi que les principes jurisprudentiels applicables en matière de rechute (ATF 118 V 293 consid. 2c p. 296), de causalité naturelle (ATF 142 V 435 consid. 1 p. 438; 129 V 177 consid. 3.1 p. 181) et d'appréciation des preuves médicales (ATF 134 V 231 consid. 5.1 p. 232; 125 V 351 consid. 3a p. 352). On peut y renvoyer. On rappellera cependant que lorsqu'un cas est réglé sans avoir recours à une expertise externe, l'appréciation des preuves est soumise à des exigences sévères: s'il existe un doute même minime sur la fiabilité et la validité des constatations du médecin de l'assurance, il y a lieu de procéder à des investigations complémentaires (ATF 139 V 225 consid. 5.2 p. 229; 135 V 465 consid. 4.4 p. 470). En effet, si la jurisprudence a reconnu la valeur probante des rapports médicaux des médecins-conseils, elle a souligné qu'ils n'avaient pas la même force probante qu'une expertise judiciaire ou une expertise mise en oeuvre par un assureur social dans une procédure selon l'art. 44 LPGA (ATF 135 V 465 consid. 4.4 p. 469 et les références).
15
4. Le recourant a produit en annexe de son recours un rapport du docteur C.________ daté du 2 décembre 2019. En vertu de l'art. 99 al. 1 LTF, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente. On rappellera qu'il incombait au recourant de faire valoir devant la cour cantonale tous les faits et d'invoquer tous les moyens de preuves utiles. Or il ne prétend pas qu'il était dans l'impossibilité de produire l'avis du docteur C.________ au stade de la procédure cantonale. En tant que ce document est postérieur au jugement attaqué, il est donc irrecevable.
16
5. La cour cantonale a nié que les lésions du genou gauche du recourant traitées par arthroscopie le 15 août 2017 (déchirure du ménisque interne et lésion cartilagineuse sur le condyle fémoral interne) fussent en relation de causalité avec l'accident initial du 20 janvier 2015. Elle s'est fondée pour cela sur les appréciations établies par les doctoresses K.________ et L.________, de la division de médecine des assurances de la CNA, que l'intimée a produites dans le cadre de la procédure cantonale parallèle portant sur sa décision de suppression des prestations d'assurance du 13 septembre 2015.
17
En résumé, d'après les médecins précités, sur les images IRM du genou gauche du 5 février 2015, on pouvait visualiser que les ménisques tant interne qu'externe étaient touchés et qu'ils présentaient une fissure horizontale caractéristique d'une atteinte dégénérative du ménisque; du côté interne, la fissure était associée à un kyste méniscal, ce qui parlait en faveur d'une dégénérescence dès lors qu'un tel kyste ne se développait pas en peu de temps. Par ailleurs, toujours selon ces médecins, l'assuré présentait une altération du cartilage sous la forme d'une chondropathie de grade IV qui ne pouvait pas être séquellaire à l'accident du 20 janvier 2015. D'une part, il s'agissait là d'une dégénérescence du cartilage articulaire due à des pressions excessives ou mal réparties sur le cartilage; or le grade IV constaté chez l'assuré représentait déjà une évolution très avancée. D'autre part, la face antérieure du condyle fémoral où se situait la chondropathie diagnostiquée chez l'assuré ne pouvait pas, physiologiquement, être atteinte lors d'une rupture du ligament collatéral causée par une entorse du genou qui se produisait lorsque celui-ci était en flexion. Les doctoresses K.________ et L.________ en ont conclu que le mouvement de torsion du genou gauche survenu le 20 janvier 2015 avait uniquement entraîné la rupture du ligament et que la lésion méniscale ne pouvait qu'être antérieure à cet événement.
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Pour la cour cantonale, aucun élément au dossier n'était de nature à mettre en doute ces constatations et conclusions claires et motivées. En particulier, le recourant ne pouvait rien tirer en sa faveur du rapport du docteur R.________ du 31 mars 2017. En tant que ce médecin avait posé le diagnostic de "déchirure traumatique du ménisque interne du genou gauche (traumatisme de janvier 2015) ", il s'était contenté de se référer aux déclarations de l'assuré sans examiner ni expliquer en quoi cette lésion était consécutive à l'accident du 20 janvier 2015.
19
 
Erwägung 6
 
6.1. En l'espèce, le recourant ne remet pas vraiment en cause les considérations médicales des doctoresses K.________ et L.________ concernant la nature de la chrondropathie de grade IV, se limitant à relever que le mouvement de torsion qu'il avait subi le 20 janvier 2015 était susceptible d'avoir eu un effet délétère sur l'évolution de cette lésion cartilagineuse, ce qui n'est aucunement démontré. Le recourant conteste en revanche d'une manière recevable le bien-fondé des conclusions des médecins précités au sujet de la déchirure du ménisque interne, qui se retrouve sur toutes les images d'examens IRM du genou gauche auxquels il s'est soumis depuis le 5 février 2015.
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6.2. A cet égard, comme le Tribunal fédéral l'a déjà relevé dans l'arrêt fédéral 8C_806/2019, on doit convenir avec le recourant qu'il existe des éléments qui auraient dû faire douter la cour cantonale de la pertinence des conclusions des doctoresses K.________ et L.________, lesquelles retiennent que cette déchirure méniscale a un caractère dégénératif et est antérieure à l'événement accidentel initial.
21
Tout d'abord, on peut observer que les médecins prénommés font une analyse et une interprétation des images IRM de février 2015 différentes de celles de la doctoresse N.________, radiologue à l'Institut de radiologie de l'Hôpital P.________ à U.________, qui a effectué cet examen (voir son compte-rendu du 5 février 2015). Alors qu'ils affirment que les ménisques interne et externe de l'assuré sont touchés et qu'ils présentent une fissure horizontale typique d'une atteinte dégénérative, la radiologue constate l'absence de déchirure méniscale ou de méniscopathie au niveau du compartiment externe et décrit la déchirure du ménisque interne comme étant une déchirure complexe avec un trajet horizontal compliqué par un trajet oblique, ceci accompagné par un kyste mesurant 2x2 mm. Des constatations similaires ressortent d'un courriel du docteur Q.________, également radiologue à l'Hôpital P.________, auquel le recourant avait demandé de réexaminer toutes les imageries de son genou gauche depuis le 5 février 2015 (voir le courriel du 3 mai 2018 du médecin précité au recourant produit dans le cadre de la procédure cantonale parallèle). Dans ce courriel, le docteur Q.________ a encore souligné que "sur la base de l'imagerie seule, il n'est pas possible de déterminer si une déchirure méniscale est traumatique, dégénérative ou mixte". Dans ces circonstances, on peut s'étonner que les doctoresses K.________ et L.________ n'aient pas estimé utile de visualiser les vidéos de l'arthroscopie pratiquée par le docteur J.________ pour rendre leurs conclusions. De plus, le docteur Q.________ ne semble pas accorder la même importance que les médecins de la CNA à la présence du petit kyste visible déjà sur le premier examen IRM.
22
Ensuite, il a échappé à la cour cantonale que le docteur H.________ a expressément précisé dans son appréciation médicale du 12 octobre 2015 que "si le patient devait ultérieurement se faire opérer de la lésion méniscale au genou gauche, il peut toujours annoncer une rechute à la [CNA]". Or une telle déclaration ne peut qu'être comprise en ce sens que le médecin d'arrondissement n'a pas écarté l'hypothèse d'un lien de causalité entre cette lésion du ménisque interne et l'événement assuré, bien au contraire.
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Enfin, en ce qui concerne le rapport du docteur R.________ du 31 mars 2017, on ne voit pas comment la cour cantonale est parvenue à la conclusion que ce médecin s'était contenté de se référer aux déclarations de l'assuré pour poser le diagnostic de "déchirure traumatique du ménisque interne du genou gauche (traumatisme de janvier 2015) ". A priori, rien ne permet de penser qu'il s'agisse d'un diagnostic de complaisance. L'origine traumatique de cette lésion est au demeurant également soutenue par le docteur J.________, dans son bref rapport du 25 août 2017.
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6.3. Au vu de tous ces éléments divergents, le point de savoir si la déchirure du ménisque interne encore présente sur l'IRM du 13 mars 2017 est en relation de causalité avec l'accident initial du 20 janvier 2015 doit dès lors faire l'objet d'une instruction médicale complémentaire. La cause sera par conséquent renvoyée à la CNA afin qu'elle mette en oeuvre une expertise au sens de l'art. 44 LPGA et qu'elle rende une nouvelle décision sur le droit aux prestations de l'assuré pour la rechute annoncée. Dans cette mesure, le recours est bien fondé.
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7. Vu l'issue du litige, les frais judiciaires seront mis à la charge de l'intimée (art. 66 al. 1 LTF). Le recourant, qui obtient gain de cause, a droit à une indemnité de dépens à la charge de la CNA (art. 68 al. 1 LTF). La cause sera en outre renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision sur les dépens de la procédure cantonale (art. 68 al. 5 LTF).
26
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1. Le recours est partiellement admis. Le jugement du 29 octobre 2019 de la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal vaudois ainsi que la décision sur opposition du 23 janvier 2018 de la CNA sont annulés. La cause est renvoyée à l'assureur-accidents pour instruction complémentaire et nouvelle décision. Le recours est rejeté pour le surplus.
 
2. Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge de l'intimée.
 
3. L'intimée versera au recourant une indemnité de 2800 fr. au titre de dépens pour la procédure fédérale.
 
4. La cause est renvoyée à la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal vaudois pour nouvelle décision sur les dépens de la procédure cantonale.
 
5. Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal vaudois et à l'Office fédéral de la santé publique.
 
Lucerne, le 1er février 2021
 
Au nom de la Ire Cour de droit social
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président : Maillard
 
La Greffière : von Zwehl
 
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