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Informationen zum Dokument  BGer 2C_103/2017  Materielle Begründung
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BGer 2C_103/2017 vom 13.02.2017
 
2C_103/2017
 
{T 0/2}
 
 
Arrêt du 13 février 2017
 
 
IIe Cour de droit public
 
Composition
 
MM. et Mme les Juges fédéraux Seiler, Président,
 
Zünd et Aubry Girardin.
 
Greffier : M. Ermotti.
 
 
Participants à la procédure
 
X.________,
 
représenté par Me Léonard Bruchez, avocat,
 
recourant,
 
contre
 
Service de la population du canton de Vaud,
 
Juge de paix du district de Lausanne.
 
Objet
 
Détention administrative,
 
recours contre le jugement du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours civile, du 14 décembre 2016.
 
 
Considérant en fait et en droit :
 
1. Né en 1984, X.________, ressortissant du Nigéria, fait l'objet d'une décision définitive et exécutoire de renvoi de Suisse rendue par le Service de la population du canton de Vaud (ci-après: le Service de la population) le 8 mai 2015, confirmée par la Cour de droit public du Tribunal cantonal vaudois le 14 décembre 2015, le recours interjeté par l'intéressé au Tribunal fédéral ayant été déclaré irrecevable par arrêt du 14 janvier 2016 (cause 2C_38/2016; art. 105 al. 2 LTF).
1
 
Erwägung 2
 
2.1. Par ordonnance du 23 novembre 2016, le Juge de paix du district de Lausanne a ordonné la détention administrative de X.________ dès le jour même pour une durée de six mois et a transmis le dossier au Président du Tribunal cantonal pour qu'il désigne un avocat d'office à l'intéressé. Cette ordonnance a été notifiée personnellement à X.________ le 25 novembre 2016.
2
Le 25 novembre 2016 également, le Président du Tribunal cantonal a désigné Me Léonard Bruchez en qualité de conseil d'office de X.________. Ce prononcé, ainsi qu'une copie du dossier de la cause ont été adressés à l'avocat d'office par pli recommandé du même jour, de sorte que celui-ci en a eu connaissance le lundi 28 novembre 2016 au plus tôt.
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Le 8 décembre 2016, X.________, par l'intermédiaire de son avocat d'office, a formé un recours contre l'ordonnance du 23 novembre 2016.
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2.2. Par arrêt du 14 décembre 2016, la Chambre des recours civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal cantonal) a déclaré le recours irrecevable, car tardif. Les juges ont retenu, en substance, que le délai de recours de dix jours devait commencer à courir non pas dès le 28 novembre 2016, date de la prise de connaissance de la décision par l'avocat nommé d'office, mais à partir du 25 novembre 2016, date de la notification de l'ordonnance du 23 novembre 2016 à X.________, dès lors que le Juge de paix n'avait pas encore connaissance du rapport de représentation entre l'intéressé et son conseil d'office. Le recours du 8 décembre 2016 était ainsi déposé hors délai.
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2.3. Contre cet arrêt, X.________ forme un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral dans lequel il conclut à titre principal à la réforme de l'arrêt du 14 décembre 2016 en ce sens que son recours déposé auprès du Tribunal cantonal est déclaré recevable, la mesure de détention administrative prononcée pour une durée de six mois levée et par conséquent à ce qu'il soit remis en liberté. Subsidiairement, il demande l'annulation de l'arrêt du 14 décembre 2016 et le renvoi du dossier au Tribunal cantonal pour reprise de l'instruction et nouvelle décision dans le sens des considérants.
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Invités à se prononcer, le Tribunal cantonal a déclaré se référer aux considérants de son arrêt, alors que le Service de la population a renoncé à se déterminer, indiquant seulement être dans l'attente d'un vol spécial à destination de Lagos, fixé à très brève échéance. Le Secrétariat d'Etat aux migrations a aussi renoncé à prendre position.
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3. Le recours est dirigé contre une décision d'irrecevabilité de nature finale (art. 90 LTF), prise en dernière instance cantonale par un Tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2). Sur le fond, il concerne une détention administrative, de sorte que la voie du recours en matière de droit public est ouverte. Déposé en temps utile, compte tenu des féries (art. 46 al. 1 let. c et 100 al. 1 LTF), et dans les formes requises (art. 42 LTF), par le recourant qui remplit les conditions de l'art. 89 al. 1 LTF, le recours est en principe admissible, sous réserve des conclusions principales concernant la détention elle-même et de la motivation y relative, qui sont irrecevables. En effet, l'arrêt attaqué étant une décision d'irrecevabilité, seule celle-ci peut être contestée devant le Tribunal fédéral, qui n'a, à ce stade, pas à examiner le fond de la contestation (arrêts 1B_39/2016 du 29 mars 2016 consid. 1 et 2C_509/2015 du 2 février 2016 consid. 2.2).
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4. Le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), à moins que ceux-ci n'aient été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire (ATF 137 I 58 consid. 4.1.2 p. 62) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF).
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Sauf exceptions non pertinentes en l'espèce (cf. art. 95 let. c, d et e LTF), le recours devant le Tribunal fédéral ne peut pas être formé pour violation du droit cantonal en tant que tel. En revanche, il est possible de faire valoir que la mauvaise application du droit cantonal constitue une violation du droit fédéral, en particulier qu'elle est arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. ou contraire à d'autres droits constitutionnels (ATF 137 V 143 consid. 1.2 p. 145). Le Tribunal fédéral n'examine toutefois le moyen tiré de la violation d'une norme de rang constitutionnel que si le grief a été invoqué et motivé de manière précise et détaillée (art. 106 al. 2 LTF).
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5. En lien avec l'irrecevabilité, le recourant se plaint d'une constatation manifestement inexacte des faits (art. 97 LTF) et d'arbitraire dans l'application des principes généraux du droit administratif, ainsi que dans celle de l'art. 31 de la loi d'application dans le canton de Vaud de la législation fédérale sur les étrangers du 18 décembre 2007 (LVLEtr; RS/VD 142.11), en lien avec les articles 16 et 44 de la loi vaudoise du 28 octobre 2008 sur la procédure administrative (LPA/VD; RS/VD 173.36).
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5.1. Selon la jurisprudence, il y a arbitraire dans l'appréciation des preuves et l'établissement des faits lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266).
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Appelé à revoir l'application faite d'une norme cantonale sous l'angle de l'arbitraire, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue en dernière instance cantonale que si elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté ou si elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice ou de l'équité. Il ne suffit pas que la motivation de la décision soit insoutenable; encore faut-il qu'elle soit arbitraire dans son résultat (ATF 136 I 316 consid. 2.2.2 p. 318 s.; cf. aussi ATF 133 I 149 consid. 3.1 p. 153; arrêt 2C_443/2012 du 27 novembre 2012 consid. 4.1).
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5.2. Le Tribunal cantonal a retenu que, lorsqu'il a notifié l'ordonnance entreprise le 25 novembre 2016, le Juge de paix n'avait pas encore connaissance du rapport de représentation entre l'intéressé et son conseil d'office. Le recourant considère que cette constatation est manifestement inexacte (en d'autres termes arbitraire). Il produit à cet effet la télécopie du Service de la population du 23 novembre 2016 informant la Justice de paix que la mise à disposition en vue de détention du recourant avait été ordonnée et que celui-ci serait amené afin d'être entendu le même jour au Juge de paix. Ce document indiquait en outre expressément que le recourant avait un mandataire en procédure, soit Me Léonard Bruchez.
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5.3. Il ressort effectivement du document produit que le recourant disposait d'un représentant en la personne de Me Léonard Bruchez lorsque la décision de première instance a été rendue le 23 novembre 2016 et que le Juge de paix ne pouvait l'ignorer, puisque le Service de la population le lui avait indiqué par écrit. Du reste, au terme de sa décision (p. 6), le Juge de paix lui-même a mentionné que X.________ avait requis lors de l'audience l'assistance d'un avocat d'office en la personne de Me Léonard Bruchez et y a donné suite, puisqu'au ch. II du dispositif de l'ordonnance du 23 novembre 2016, il est demandé au Président du Tribunal cantonal de désigner un avocat d'office à l'intéressé. En revanche, à ce moment-là, soit le 23 novembre 2016, Me Léonard Bruchez n'était pas encore officiellement le défenseur d'office du recourant, le Président du Tribunal cantonal ne l'ayant désigné en cette qualité que le 25 novembre 2016. Partant, l'affirmation du Tribunal cantonal selon laquelle le 23 novembre 2016 le Juge de paix n'avait pas encore connaissance du rapport de représentation entre l'intéressé et son conseil d'office n'est pas manifestement inexacte.
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Encore faut-il se demander si les conséquences qu'en tire le Tribunal cantonal sur la date déterminante de notification de l'ordonnance pour le calcul du délai de recours sont conformes aux principes généraux de notification et ne procèdent pas d'une application arbitraire du droit cantonal.
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5.4. Selon l'art. 30 al. 2 LVLEtr, dont il n'est pas contesté qu'il s'applique à la présente cause, le délai de recours à l'encontre d'une décision du Juge de paix est de dix jours. Conformément au renvoi prévu à l'art. 31 al. 6 LVLEtr, la LPA/VD est applicable aux décisions rendues en vertu de la LVLEtr, ainsi qu'aux recours contre ces décisions.
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L'art. 16 LPA/VD prévoit que les parties peuvent se faire représenter en procédure, sauf si elles doivent agir personnellement en vertu de la loi ou pour les besoins de l'instruction. La notification des décisions est régie par l'art. 44 LPA/VD, aux termes duquel les décisions sont en principe notifiées à leurs destinataires sous pli recommandé ou par acte judiciaire (al. 1). La doctrine relative à cette disposition, citant de la jurisprudence cantonale, souligne que, lorsque l'autorité a connaissance d'un rapport de représentation, la notification d'une décision ne peut intervenir de manière régulière en mains de l'administré personnellement (BOVAY/BLANCHARD/GRISEL RAPIN, ad art. 44 LPA/VD, in Procédure administrative vaudoise, 2012, n. 1.3 p. 160), mais doit être faite auprès du représentant. La procédure administrative vaudoise applique un principe général posé dans l'intérêt de la sécurité du droit, afin d'établir une règle claire quant à la notification déterminante pour le calcul du délai de recours. Il s'agit d'une clause de sauvegarde dans le cas où les parties ne se sont pas constitué de domicile de notification (cf. Yves DONZALLAZ, La notification en droit interne suisse, 2002, n. 707 p. 369; arrêt 2C_869/2013 du 19 février 2014 consid. 4.1).
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5.5. Il ressort ainsi tant des principes de droit administratif que du droit cantonal qu'en l'absence de domicile de notification, l'autorité qui a connaissance du fait que le justiciable agit par l'intermédiaire d'un représentant doit, pour procéder à une notification régulière, communiquer l'acte au représentant. Il est toutefois déterminant que l'autorité concernée ait connaissance du rapport de représentation. Si un représentant existe, que son identité est transmise à l'autorité saisie et que le justiciable demande, dans le cadre de la procédure, la désignation de ce même représentant en tant qu'avocat d'office, le fait que celui-ci ne soit pas encore désigné en cette qualité ne change rien au fait que l'autorité est réputée connaître l'existence du rapport de représentation. Tel était le cas du Juge de paix (supra consid. 5.3). Partant, celui-ci devait notifier l'ordonnance du 23 novembre 2016 à Me Bruchez, représentant du recourant, même si celui-ci n'était pas encore officiellement désigné en qualité d'avocat d'office. Le recourant n'a donc pas à subir les conséquences de l'absence de notification régulière à son mandataire. En qualifiant la notification de l'acte au recourant en personne de régulière et de déterminante pour déclencher le délai de recours, alors que l'intéressé a agi par l'intermédiaire d'un avocat depuis le début de la procédure devant le Juge de paix et que ce dernier le savait puisqu'il a demandé sa désignation comme avocat d'office, le Tribunal cantonal a arbitrairement violé les principes de la procédure cantonale. Le moment déterminant pour le calcul du délai de recours est, conformément aux principes précités, celui de la prise de connaissance de la décision du Juge de paix par Me Bruchez, qui est intervenue en même temps que la transmission de sa désignation en qualité d'avocat d'office, le 28 novembre 2016.
19
Dans ces circonstances, le recours doit être admis, dans la mesure où il est recevable. L'arrêt attaqué doit être annulé et la cause renvoyée au Tribunal cantonal pour qu'il statue sur le fond de la cause.
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Comme le recourant obtient gain de cause et qu'une mesure de détention est en jeu, il convient de trancher sans attendre d'éventuelles observations finales de sa part.
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6. Compte tenu de l'issue du litige, il sera statué sans frais (art. 66 al. 4 LTF). Le canton du Vaud supportera les dépens alloués à l'avocat du recourant (cf. art. 68 al. 1 LTF), ce qui a pour conséquence de rendre la demande d'assistance judiciaire formée pour la procédure fédérale sans objet (arrêt 2C_1088/2013 du 9 décembre 2013 consid. 8, non publié in ATF 140 II 1).
22
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1. Le recours est admis dans la mesure où il est recevable et l'arrêt du 14 décembre 2016 est annulé.
 
2. La cause est renvoyée au Tribunal cantonal pour qu'il statue dans le sens des considérants.
 
3. Il n'est pas perçu de frais.
 
4. Le canton de Vaud versera au mandataire du recourant une indemnité de 2'000 fr. à titre de dépens.
 
5. Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, au Service de la population du canton de Vaud, au Juge de paix du district de Lausanne, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Chambre des recours civile, et au Secrétariat d'Etat aux migrations.
 
Lausanne, le 13 février 2017
 
Au nom de la IIe Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président : Seiler
 
Le Greffier : Ermotti
 
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