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Informationen zum Dokument  BGer 9C_572/2010  Materielle Begründung
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BGer 9C_572/2010 vom 25.03.2011
 
Bundesgericht
 
Tribunal fédéral
 
Tribunale federale
 
9C_572/2010 {T 0/2}
 
Arrêt du 25 mars 2011
 
IIe Cour de droit social
 
Composition
 
MM. les Juges U. Meyer, Président, Borella
 
et Boinay, Juge suppléant.
 
Greffier: M. Piguet.
 
 
Participants à la procédure
 
G.________, représentée par Me Marco Rossi, avocat,
 
recourante,
 
contre
 
Office cantonal genevois de l'assurance-invalidité, Rue de Lyon 97, 1203 Genève,
 
intimé.
 
Objet
 
Assurance-invalidité,
 
recours contre le jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et canton de Genève du 25 mai 2010.
 
Faits:
 
A.
 
A.a G.________, née en 1947, est titulaire des raisons de commerce « Service X.________», active dans le domaine du placement du personnel, et « S.________ », active dans le domaine du conseil aux entreprises. Souffrant des séquelles d'un accident de la circulation survenu le 6 juin 1991 (état de stress post-traumatique, avec notamment angoisses, somatisations et troubles de la concentration), elle s'est vu allouer par l'Office cantonal genevois de l'assurance-invalidité (ci-après: l'office AI) une demi-rente d'invalidité pour la période courant du 1er juillet 1993 au 28 février 1994, puis une rente entière d'invalidité à compter du 1er mars 1994 (décisions du 21 mai 1996, confirmées après révision le 8 février 2000).
 
A.b Dans le cadre d'une procédure de révision initiée au mois d'avril 2002, l'office AI a confié la réalisation d'une expertise pluridisciplinaire - rhumatologique, neurologique et psychiatrique - au Centre Y._________. Dans leur rapport du 26 novembre 2004, les docteurs J.________, H.________ et Z._________ ont retenu les diagnostics d'agoraphobie avec trouble panique et de dysthymie; la capacité de travail de l'assurée était complète sur le plan somatique et nulle sur le plan psychique. Constatant que le degré d'invalidité n'avait pas changé au point d'influencer le droit à la rente, l'office AI a, par communication du 28 mars 2006, maintenu le droit à la rente entière d'invalidité de l'assurée.
 
A.c Dans la même communication du 28 mars 2006, l'office AI a informé l'assurée qu'il entamait sur-le-champ une nouvelle procédure de révision. Afin d'examiner plus précisément les conséquences économiques de l'atteinte à la santé sur la capacité de gain, il a requis la production de la comptabilité des entreprises de l'assurée portant sur les années 2001 à 2007. Par décision du 20 août 2009, l'office AI a supprimé la rente entière d'invalidité versée à l'assurée, avec effet au premier jour du deuxième mois suivant la notification de la décision. Dans un premier temps, l'office AI a nié l'existence d'un motif de révision, aux motifs que l'état de santé et la situation économique ne paraissaient pas s'être modifiés de manière notable depuis l'octroi de la rente entière d'invalidité. En revanche, il a estimé que la décision initiale d'octroi de la rente était manifestement erronée et a procédé à sa reconsidération. Il a expliqué qu'à l'époque, il n'était pas suffisamment renseigné sur la nature de l'atteinte à la santé et les conséquences sur la capacité de gain, et que, de ce fait, il n'avait pas effectué la comparaison des revenus requise par la loi. Comparant les résultats d'exploitation des entreprises avant et après la survenance de l'atteinte à la santé, l'office AI est parvenu à la conclusion que le degré d'invalidité ne s'élevait à l'heure actuelle qu'à 35 %, soit un taux insuffisant pour donner droit à une rente d'invalidité.
 
B.
 
Par jugement du 25 mai 2010, le Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et canton de Genève (aujourd'hui: la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales) a rejeté le recours formé par l'assurée contre cette décision.
 
C.
 
G.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement dont elle demande l'annulation. A titre principal, elle invite le Tribunal fédéral à constater l'incompétence ratione loci de l'office AI pour traiter de son dossier. A titre subsidiaire, elle conclut au renvoi de l'affaire à la juridiction cantonale ou à l'office AI pour nouvelle décision au sens des considérants.
 
L'office AI conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer.
 
Considérant en droit:
 
1.
 
Le recours en matière de droit public peut être formé pour violation du droit, tel qu'il est délimité par les art. 95 et 96 LTF. Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF), sans être limité par les arguments de la partie recourante ou par la motivation de l'autorité précédente. Le Tribunal fédéral n'examine en principe que les griefs invoqués, compte tenu de l'exigence de motivation prévue à l'art. 42 al. 2 LTF, et ne peut aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Il fonde son raisonnement sur les faits retenus par la juridiction de première instance (art. 105 al. 1 LTF) sauf s'ils ont été établis de façon manifestement inexacte ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF). La partie recourante qui entend s'écarter des faits constatés doit expliquer de manière circonstanciée en quoi les conditions de l'art. 105 al. 2 LTF sont réalisées sinon un état de fait divergent ne peut être pris en considération. Aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF).
 
2.
 
Dans un grief de nature formelle qu'il convient d'examiner en premier lieu, la recourante conteste la compétence ratione loci de l'Office cantonal genevois de l'assurance-invalidité pour traiter de son dossier, au motif que depuis l'été 2008, elle n'était plus domiciliée dans le canton de Genève, mais dans le canton de Vaud.
 
2.1 D'après l'art. 55 al. 1 LAI, est compétent, en règle générale, l'office AI du canton dans lequel l'assuré est domicilié au moment où il exerce son droit aux prestations. Le Conseil fédéral règle la compétence dans des cas spéciaux. En vertu de l'art. 40 RAI, est notamment compétent pour enregistrer et examiner les demandes l'office AI dans le secteur d'activité duquel les assurés sont domiciliés (al. 1 let. a). L'office AI compétent lors de l'enregistrement de la demande le demeure durant toute la procédure (al. 3).
 
2.2 Selon la pratique administrative, la procédure commence par l'enregistrement de la demande par l'office AI et se termine lorsque la décision entre en force. En général, aucun changement d'office AI ne se produit en cours de procédure (art. 40 al. 3 RAI). Après l'achèvement de la procédure, le dossier, y compris les pièces relatives aux prestations déjà payées, est transmis au nouvel office AI compétent. L'office AI qui était compétent jusque-là mentionne dans la lettre d'accompagnement la date à laquelle la prochaine révision est prévue (ch. 4010 ss de la Circulaire sur la procédure dans l'assurance-invalidité [CPAI]).
 
2.3 La juridiction cantonale n'a pas violé le droit fédéral, en considérant que la recourante n'avait pas réussi à établir qu'elle avait déjà changé d'adresse lorsque la procédure de révision qui a donné lieu à la décision litigieuse avait débuté. Il convient en effet d'assimiler l'envoi d'un questionnaire pour la révision de la rente au début d'une nouvelle procédure au sens de l'art. 40 al. 3 LAI, de sorte que l'office compétent pour la suite de la procédure est celui où la personne assurée était domiciliée à ce moment précis. En date du 28 mars 2006, il n'est pas contesté que la recourante était domiciliée dans le canton de Genève, puisqu'elle a affirmé dans son recours en matière de droit public que son déménagement s'était déroulé durant le courant de l'été 2008. Dans ces conditions, c'est à juste titre que l'Office cantonal genevois de l'assurance-invalidité s'est estimé compétent pour traiter le dossier jusqu'au terme de la procédure administrative.
 
3.
 
Sur le fond, le litige porte sur la suppression, par la voie de la reconsidération, de la rente entière d'invalidité allouée à la recourante par décision du 21 mai 1996.
 
3.1 Selon l'art. 53 al. 2 LPGA, l'assureur peut revenir sur les décisions formellement passées en force lorsqu'elles sont manifestement erronées et que leur rectification revêt une importance notable. Pour juger s'il est admissible de reconsidérer une décision pour le motif qu'elle est sans nul doute erronée, il faut se fonder sur les faits et la situation juridique existant au moment où cette décision a été rendue, compte tenu de la pratique en vigueur à l'époque (ATF 125 V 383 consid. 3 p. 389 et les références). Par le biais de la reconsidération, on corrigera une application initiale erronée du droit, de même qu'une constatation erronée résultant de l'appréciation des faits. Un changement de pratique ou de jurisprudence ne saurait en principe justifier une reconsidération (ATF 117 V 8 consid. 2c p. 17, 115 V 308 consid. 4a/cc p. 314). Pour des motifs de sécurité juridique, l'irrégularité doit être manifeste, de manière à éviter que la reconsidération devienne un instrument autorisant sans autre limitation un nouvel examen des conditions à la base des prestations de longue durée. En particulier, les organes d'application ne sauraient procéder en tout temps à une nouvelle appréciation de la situation après un examen plus approfondi des faits. Ainsi, une inexactitude manifeste ne saurait être admise lorsque l'octroi de la prestation dépend de conditions matérielles dont l'examen suppose un pouvoir d'appréciation, quant à certains de leurs aspects ou de leurs éléments, et que la décision initiale paraît admissible compte tenu de la situation antérieure de fait et de droit. S'il subsiste des doutes raisonnables sur le caractère erroné de la décision initiale, les conditions de la reconsidération ne sont pas remplies (arrêts 9C_575/2007 du 18 octobre 2007 consid. 2.2; I 907/06 du 7 mai 2007 consid. 3.2.1).
 
3.2 La juridiction cantonale a considéré que l'office intimé avait effectivement omis de procéder à l'époque à un calcul du degré d'invalidité de la recourante. En effet, si, en principe, il n'y avait pas lieu de chiffrer les revenus avant et après invalidité avec exactitude lorsque le degré d'invalidité se confondait avec celui de l'incapacité de travail, la situation de la recourante était différente, dans la mesure où elle avait continué l'exploitation de son entreprise en dépit de son incapacité de travail. Faute d'examen des conséquences économiques de l'invalidité sur le droit à la rente, les décisions de l'office intimé rendues en 1996 et en 2000 étaient, d'un point de vue juridique, manifestement erronées, de sorte que les conditions d'une reconsidération étaient réunies. La comparaison des revenus d'exploitation effectuée par l'office intimé dans le cadre de la procédure litigieuse ne prêtant pas le flanc à la critique, il s'ensuivait que la recourante ne présentait pas un degré d'invalidité suffisant pour donner droit à une rente d'invalidité.
 
3.3 La recourante reproche en substance à l'office AI et aux premiers juges d'avoir calculé son degré d'invalidité d'une manière qui ne serait pas conforme à la méthode extraordinaire d'évaluation de l'invalidité, seule applicable en l'espèce.
 
3.4 Sous couvert d'appliquer la méthode extraordinaire d'évaluation de l'invalidité, les premiers juges, à l'instar de l'office AI, n'ont rien fait d'autre que de procéder à une comparaison des revenus. Or, chez une personne de condition indépendante, la comparaison des résultats d'exploitation réalisés dans son entreprise avant et après la survenance de l'invalidité ne permet de tirer des conclusions valables sur la diminution de la capacité de gain due à l'invalidité que dans le cas où l'on peut exclure au degré de vraisemblance prépondérante que les résultats de l'exploitation aient été influencés par des facteurs étrangers à l'invalidité. En effet, les résultats d'exploitation d'une entreprise dépendent souvent de nombreux paramètres difficiles à apprécier, tels que la situation conjoncturelle, la concurrence, l'aide ponctuelle des membres de la famille, des personnes intéressées dans l'entreprise ou des collaborateurs. Généralement, les documents comptables ne permettent pas, en pareils cas, de distinguer la part du revenu qu'il faut attribuer à ces facteurs - étrangers à l'invalidité - et celle qui revient à la propre prestation de travail de l'assuré (arrêt 9C_236/2009 du 7 octobre 2009 consid. 3.3 et les références, in SVR 2010 IV n° 11 p. 35).
 
3.5 Par ailleurs, les premiers juges ont retenu que la recourante avait poursuivi l'exploitation de son entreprise en dépit de son incapacité de travail totale. Ce constat ne repose toutefois sur aucune constatation de fait objective et semble même clairement contredite par les pièces du dossier. Il n'a pas été allégué au cours de la procédure que les renseignements médicaux versés au dossier étaient erronés ou incomplets. D'après le rapport d'expertise du 26 novembre 2004 établi par le Centre Y.________, la capacité résiduelle de travail de la recourante a toujours été nulle depuis le jour où la rente entière d'invalidité lui avait été octroyée. Les experts du Centre Y.________ ont également indiqué que la recourante n'avait pas repris son activité professionnelle préalable, même à titre partiel, et qu'elle n'avait pas envisagé de reprendre une autre activité lucrative. Dans le questionnaire pour la révision de la rente rempli par le recourante le 18 mai 2006, celle-ci a précisé qu'elle ne travaillait pas. Elle a repris cette affirmation dans ses recours cantonal et fédéral des 21 septembre 2009 et 5 juillet 2010. Pour sa part, l'office intimé n'a produit aucune analyse structurelle et économique des entreprises de la recourante, de laquelle il ressortait de manière certaine qu'elle participait - activement ou passivement - à la marche des affaires. En l'absence de capacité de travail avérée, il n'était pas possible de retenir que la recourante disposait d'une capacité de gain préservée. A cet égard, il n'y avait pas lieu de procéder à une évaluation chiffrée du degré d'invalidité, puisque celui-ci ne pouvait être, par définition, que nul. A toutes fins utiles, on rappellera qu'il convient de distinguer clairement la situation personnelle de la personne assurée, seule déterminante au regard de l'assurance-invalidité, de celle de l'entreprise dont elle est la propriétaire économique (arrêt 9C_236/2009 précité consid. 3.4).
 
4.
 
Le recours se révèle bien fondé. Vu l'issue du litige, les frais de justice seront supportés par l'office intimé qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Celui-ci est par ailleurs tenu de verser à la recourante une indemnité de dépens (art. 68 al. 1 LTF).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est admis. Le jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales de la République et canton de Genève du 25 mai 2010 et la décision de l'Office cantonal genevois de l'assurance-invalidité du 20 août 2009 sont annulés.
 
2.
 
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de l'intimé.
 
3.
 
L'intimé versera à la recourante la somme de 2'800 fr. à titre de dépens pour la dernière instance.
 
4.
 
La cause est renvoyée à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, pour qu'elle statue à nouveau sur les frais et dépens de la procédure cantonale au regard de l'issue du procès de dernière instance.
 
5.
 
Le présent arrêt est communiqué aux parties, à la Cour de justice de la République et canton de Genève, Chambre des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales.
 
Lucerne, le 25 mars 2011
 
Au nom de la IIe Cour de droit social
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président: Le Greffier:
 
Meyer Piguet
 
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