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Informationen zum Dokument  BGer 8C_657/2009  Materielle Begründung
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BGer 8C_657/2009 vom 15.11.2010
 
Bundesgericht
 
Tribunal fédéral
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
8C_657/2009
 
Arrêt du 15 novembre 2010
 
Ire Cour de droit social
 
Composition
 
Mme et MM. les Juges Leuzinger, Juge présidant, Frésard et Maillard.
 
Greffière: Mme von Zwehl.
 
 
Participants à la procédure
 
B.________, représentée par Me Marino Montini, avocat,
 
recourante,
 
contre
 
Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents, Fluhmattstrasse 1, 6004 Lucerne,
 
intimée.
 
Objet
 
Assurance-accidents (notion d'accident),
 
recours contre le jugement du Tribunal administratif de la République et canton de Neuchâtel, Cour des assurances sociales, du 15 juillet 2009.
 
Faits:
 
A.
 
B.________ travaille au service de la société X.________ SA en tant que responsable des opérations. A ce titre, elle est assurée contre le risque d'accidents auprès de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA).
 
Le samedi 10 juin 2006, B.________ a participé à une sortie d'entreprise organisée par son employeur. Une des activités proposées était d'effectuer des exercices de tir au fusil d'assaut dans le stand de tir de Y.________ dans le canton de Berne. Après avoir terminé une série de dix tirs et retiré les protections auditives qu'elle portait, la prénommée a eu la sensation d'entendre moins bien (sensation d'oreilles bouchées). Cette gêne persistant les jours suivants, elle a consulté, le docteur P.________, oto-rhino-laryngologue (ORL). Celui-ci a constaté une perte auditive de 45,7 % à droite et de 38,4 % à gauche (entre 500 et 2000 hz ainsi qu'entre 4 et 6000 hz) sans lésion spécifique visible par IRM; il a posé le diagnostic de «surdité bilatérale à prédominance droite sur traumatisme acoustique» (rapports des 14 et 30 août 2006). Lors d'un entretien avec une collaboratrice de l'agence de la CNA le 3 octobre 2006, B.________ a confirmé avoir porté les protections d'usage - des pamirs - durant toute la séance de tirs et précisé qu'elle n'avait jamais eu de problèmes aux oreilles auparavant (hormis une otite soignée par le docteur P.________ en 2005); pour elle, la seule explication possible à la survenance de sa surdité était que les protections auditives qu'elle avait portées étaient défectueuses. Depuis fin octobre 2006, B.________ est appareillée avec des résultats satisfaisants.
 
Par décision du 20 février 2007, la CNA a refusé de prendre en charge les suites de l'événement du 10 juin 2006. Elle a considéré que le déroulement des faits décrits par l'assurée ne mettait en évidence aucun facteur extérieur extraordinaire, si bien que l'on ne se trouvait pas en présence d'un accident. L'existence d'une lésion assimilée à un accident devait également être niée au vu des constatations médicales. Dans le cadre de l'opposition formée par l'assurée contre cette décision, la CNA a pris contact avec La Mobilière, assureur en responsabilité civile de R.________, organisateur de la sortie d'entreprise du 10 juin 2006, qui lui a communiqué certaines pièces de son dossier. La CNA a également requis l'avis du docteur M.________, de sa division de médecine (appréciation du 4 décembre 2007). Dans une nouvelle décision du 21 décembre 2007, l'assureur-accidents a écarté l'opposition.
 
B.
 
Saisie d'un recours de l'assurée contre cette dernière décision, la Cour des assurances sociales du Tribunal administratif du canton de Neuchâtel l'a rejeté par jugement du 15 juillet 2009.
 
C.
 
B.________ interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement cantonal. Sous suite de frais et dépens, elle conclut, principalement, à ce que les conséquences de l'événement du 10 juin 2006 soient prises en charge par la CNA; subsidiairement, à ce que la cause soit renvoyée au tribunal cantonal pour instruction complémentaire et nouveau jugement.
 
La CNA conclut au rejet du recours. L'Office fédéral de la santé publique ne s'est pas déterminé.
 
Considérant en droit:
 
1.
 
Le litige porte sur le point de savoir si l'événement du 10 juin 2006 constitue un accident ou une lésion assimilée à un accident.
 
Sur ces deux notions, le jugement entrepris expose correctement les dispositions légales et les principes jurisprudentiels applicables. Il suffit par conséquent d'y renvoyer.
 
2.
 
La juridiction cantonale a fait siennes les conclusions du docteur M.________, de la CNA, selon lesquelles l'hypothèse la plus vraisemblable était que le déficit auditif présenté par l'assurée était dû à une atteinte congénitale qui, au terme d'un processus dégénératif, avait évolué en une surdité bilatérale croissante. Selon ce médecin, l'atteinte constatée chez B.________ était atypique. Il était extrêmement rare que l'exercice de tirs au fusil conduise à des dommages auditifs, affectant de surcroît les deux oreilles, lorsque les protections auditives prévues à cet effet avaient été portées normalement. Des dommages survenaient si les protections n'avaient pas été portées, qu'elles avaient glissé ou qu'elles avaient été momentanément enlevées. Or, il était hautement invraisemblable que les pamirs que l'assurée avait déclaré avoir portés lors des tirs aient été inefficaces, voire mal positionnés, des deux côtés. A ces arguments du médecin de la CNA, la juridiction cantonale a ajouté que les allégations de l'assurée sur la défectuosité des pamirs étaient d'autant moins vraisemblables que celle-ci avait déclaré avoir effectué dix tirs sans ressentir de gêne immédiate et que d'après les pièces ressortant du dossier de La Mobilière, les participants avaient été encadrés par des instructeurs et les mêmes pamirs utilisés par plusieurs personnes. La surdité de l'assurée ne résultait donc ni d'un accident, ni d'une lésion assimilée à un accident, laquelle eût au demeurant impliqué une lésion du tympan inexistante en l'espèce (cf. art. 9 al. 2 let. h OLAA).
 
3.
 
La recourante invoque une violation de son droit d'être entendue en relation avec l'instruction de son cas par la CNA, qu'elle estime être incomplète et lacunaire. Elle fait valoir notamment que les renseignements recueillis auprès de La Mobilière n'ont fait l'objet d'aucune vérification au stand de tir de Y.________, sans parler du fait que R.________ n'était que l'organisateur de la journée et non pas le responsable du stand de tir. Elle avait par ailleurs toujours soutenu qu'elle n'avait jamais souffert, avant le 10 juin 2006, de quelconques troubles auditifs et que la défectuosité des pamirs étaient la cause la plus vraisemblable à son atteinte à la santé apparue immédiatement après sa pratique de tirs au fusil d'assaut. Dans de telles circonstances, il fallait admettre la présence d'un accident. La CNA ne lui opposait qu'une argumentation fondée sur de pures conjectures.
 
4.
 
4.1 Dans le domaine des assurances sociales, le juge fonde sa décision, sauf dispositions contraires de la loi, sur les faits qui, faute d'être établis de manière irréfutable, apparaissent comme les plus vraisemblables, c'est à-dire qui présentent un degré de vraisemblance prépondérante (ATF 126 V 353 consid. 5b p. 360, 125 V 193 consid. 2 p. 195 et les références; cf. ATF 130 III 321 consid. 3.2 et 3.3 p. 324 s.).
 
4.2 En l'occurrence, il est établi que l'assurée a participé le 10 juin 2006 à une séance de tirs au fusil d'assaut au cours de laquelle elle a porté les protections d'usage et qu'elle souffre depuis cet événement d'une surdité bilatérale partielle. Par ailleurs, le seul avis médical au dossier qui repose sur un examen clinique de l'assurée émane du médecin traitant ORL, lequel a conclu à un traumatisme acoustique. On peut certes admettre avec la CNA que dans la situation normale où le tireur porte des pamirs correctement et où ces protections sont efficaces, le fait de devenir sourd après avoir pratiqué une séance de tirs ne répond pas à la notion d'un accident en l'absence d'un facteur extérieur extraordinaire.
 
En dehors de cette hypothèse, on sait toutefois d'expérience que des traumatismes acoustiques peuvent survenir à la suite d'exercices de tirs. La recourante soutient justement qu'elle a subi un tel traumatisme du fait que les protections auditives dont elle a fait usage étaient défectueuses voire mal positionnées. Cette version des faits - et d'un événement accidentel - est a priori plausible. En ce domaine, l'exigence de preuve est réduite et il suffit que l'assuré établisse une vraisemblance prépondérante. Contrairement aux premiers juges et à la CNA, on ne peut pas exclure, de manière toute générale, qu'un des pamirs mis à disposition des tireurs dans le stand de tir de Y.________ en date du 10 juin 2006 ait été défectueux. Les pamirs ont une durée d'utilisation limitée dans le temps et leur bon état doit faire l'objet de vérifications régulières (cf. la brochure versée au dossier de suvaPro, «La protection individuelle de l'ouïe», p. 18). A ce propos, on ne saurait purement et simplement se fonder sur les affirmations de R.________ à son assureur responsabilité civile dès lors qu'elles n'ont fait l'objet d'aucune vérification.
 
A ce stade, la thèse retenue par la CNA d'un état maladif qui surviendrait subitement et - par un pur hasard - en concomitance avec une séance de tirs suscite pour le moins une certaine perplexité. Dans un tel contexte, on ne saurait sans plus opposer à l'assurée l'adage «post hoc ergo propter hoc». Cet adage ne vaut que si des mesures d'instruction suffisantes ont été mises en oeuvre et qu'elles n'ont pas permis d'établir un lien de causalité. Tel n'est pas le cas et on ne peut que s'étonner que la CNA n'ait procédé à aucune enquête sur place. Vu l'écoulement du temps, une instruction complémentaire en vue d'éclaircir les conditions exactes dans lesquelles la séance de tirs a été pratiquée semble difficile. Une expertise médicale ORL est en revanche encore réalisable et permettrait, en particulier, de déterminer si une surdité du type de celle constatée chez B.________ peut se déclencher subitement et indépendamment de tout traumatisme, si elle est compatible avec l'anamnèse médicale et professionnelle de la prénommée, ou si l'origine la plus vraisemblable réside dans les exercices de tirs en question. La cause sera par conséquent retournée à la CNA pour ce faire. Le cas échéant, l'intimée pourra compléter l'instruction par des témoignages (on peut penser par exemple à des collègues de travail qui ont participé à la sortie du 10 juin 2006). Après quoi, elle rendra une nouvelle décision sur le droit aux prestations de l'assurée. Le recours doit être admis dans ce sens.
 
5.
 
Vu l'issue de la procédure, les frais judiciaires seront mis à charge de l'intimée (art. 66 al. 1 LTF). Celle-ci versera également à la recourante une indemnité à titre de dépens (art. 68 al. 1 LTF).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est admis en ce sens que le jugement du 15 juillet 2009 du Tribunal administratif de la République et canton de Neuchâtel (Cour des assurances sociales) ainsi que la décision sur opposition du 21 décembre 2007 de la CNA sont annulés, la cause étant renvoyée à l'assureur-accidents pour qu'il procède conformément aux considérants et rende une nouvelle décision sur le droit aux prestations de l'assurée.
 
2.
 
Les frais judiciaires, arrêtés à 750 fr., sont mis à la charge de l'intimée.
 
3.
 
L'intimée versera à la recourante la somme de 2'800 fr. à titre de dépens pour la dernière instance.
 
4.
 
La cause est renvoyée au Tribunal administratif de la République et canton de Neuchâtel (Cour des assurances sociales) pour nouvelle décision sur les dépens de la procédure cantonale.
 
5.
 
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal administratif de la République et canton de Neuchâtel, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral de la santé publique.
 
Lucerne, le 15 novembre 2010
 
Au nom de la Ire Cour de droit social
 
du Tribunal fédéral suisse
 
La Juge présidant: La Greffière:
 
Leuzinger von Zwehl
 
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