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Informationen zum Dokument  BGer 6B_217/2010  Materielle Begründung
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BGer 6B_217/2010 vom 19.07.2010
 
Bundesgericht
 
Tribunal fédéral
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
6B_217/2010
 
Arrêt du 19 juillet 2010
 
Cour de droit pénal
 
Composition
 
MM. et Mme les Juges Favre, Président,
 
Wiprächtiger et Jacquemoud-Rossari.
 
Greffier: M. Vallat.
 
 
Participants à la procédure
 
X.________, représenté par Me Alain Brogli, avocat,
 
recourant,
 
contre
 
Ministère public du canton de Vaud, rue de l'Université 24, 1014 Lausanne,
 
intimé.
 
Objet
 
Abus de confiance,
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation pénale, du 9 novembre 2009.
 
Faits:
 
A.
 
Par jugement du 13 mars 2009, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne a condamné X.________ pour abus de confiance, gestion déloyale et infraction à la loi sur la prévoyance professionnelle à 11 mois de privation de liberté avec 3 ans de sursis. Cette peine était complémentaire à deux précédentes condamnations de 2003 et 2005.
 
A.a En substance, il a été retenu que le condamné avait, dès 2002, travaillé pour le dénommé A.________ (lui aussi condamné le 13 mars 2009). Dès l'automne 2002, X.________ s'était occupé, à la demande de son co-accusé, de la reprise du Groupe B.________ SA à Lausanne, qui comptait notamment la société C.________ SA. C'est dans ce contexte que les infractions ont été commises.
 
A.b En ce qui concerne les faits en relation avec C.________ SA, en particulier, dès le début 2002, des négociations avaient été menées avec la société D.________ AG, en vue de revendre une partie des actifs de la première à la seconde. Elles avaient abouti à un contrat du 26 août 2002, fixant notamment la reprise du mobilier et des installations informatiques, du goodwill ainsi que du stock de marchandises. Au total, 2'653'714 fr. avaient été versés à C.________ SA, mais seul un montant de 1'600'000 fr. avait été encaissé sur son compte auprès de la Banque cantonale vaudoise. Or, en date du 27 décembre 2001, C.________ SA avait souscrit une cession générale de créances actuelles et futures à fin de garantie en faveur de celle-ci. X.________ et A.________ connaissaient cette cession. Ils avaient néanmoins décidé, au mois de mars 2003, d'ouvrir un nouveau compte bancaire au nom de cette société auprès d'un autre établissement. Trois chèques remis par D.________ AG, totalisant 1'053'714 fr. 80, qui se trouvaient encore dans les coffres au siège du Groupe B.________ SA, avaient été encaissés et crédités sur ce nouveau compte, qui avait été clôturé avec un solde à zéro le 30 juillet 2003. Dans l'intervalle, plusieurs prélèvements avaient été opérés notamment en faveur de X.________.
 
A.c Les premiers juges ont considéré que l'infraction d'abus de confiance ne pouvait être retenue. Les créances encaissées sur le nouveau compte n'étaient, selon eux, pas visées par la cession, d'une part, et, d'autre part, la garantie d'un procès équitable n'aurait pas été totalement assurée.
 
B.
 
Saisie, notamment, d'un recours du Ministère public, la Cour de cassation pénale vaudoise a, par arrêt du 9 novembre 2009, réformé le jugement précité en ce sens que X.________ s'était rendu coupable d'abus de confiance, de gestion déloyale, de faux dans les titres et d'infraction à la loi sur la prévoyance professionnelle et l'a condamné à 16 mois de privation de liberté en confirmant, par ailleurs, l'octroi du sursis.
 
La cour cantonale a retenu, au sujet des actifs de C.________ SA, que les créances issues de sa liquidation étaient couvertes par la cession de créances en faveur de la Banque cantonale vaudoise. Les chèques reçus de D.________ AG n'avaient pas été encaissés au bénéfice de cette banque, mais lui avaient été dissimulés, puis portés sur le compte C.________ SA ouvert auprès de l'Union de Banque Suisse et utilisés à d'autres fins en faveur de X.________, de A.________ et de la société de ce dernier, E.________ SA. Cela constituait l'abus de confiance.
 
C.
 
X.________ forme un recours en matière pénale contre cet arrêt. Il conclut principalement à sa réforme en ce sens que le recours cantonal du Ministère public soit rejeté et la sanction prononcée en première instance confirmée. A titre subsidiaire, il demande l'annulation de l'arrêt entrepris et le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouveau jugement au sens des considérants. Il requiert, par ailleurs, le bénéfice de l'assistance judiciaire.
 
Il n'a pas été ordonné d'échange d'écritures.
 
Considérant en droit:
 
1.
 
En instance fédérale, seule demeure litigieuse la condamnation en relation avec le volet C.________ SA. Le recourant conteste uniquement que les valeurs patrimoniales appartenaient à la Banque cantonale vaudoise. Il ne soutient pas, devant la cour de céans, que la cession de créances à futur serait nulle en raison de son étendue et la cour cantonale s'est prononcée de manière convaincante sur cette question (arrêt entrepris, consid. 6c, p. 36 ss). Il s'agit donc d'examiner si les créances en faveur de C.________ SA, nées de la convention du 26 août 2002, étaient couvertes par la cession du 27 décembre 2001.
 
2.
 
Complétant l'état de fait du jugement du 13 mars 2009, la cour cantonale a constaté que les ch. 3 et 4 de l'acte de cession avaient la teneur suivante:
 
« 3. Par la présente et pour garantir les prétentions de la Banque décrites sous chiffre 4 ci-dessous, le débiteur cède à la Banque toutes les créances commerciales actuelles et futures, y compris celles de services, livraisons ou travaux en cours, issues de ses relations d'affaires avec sa clientèle. La cession en garantie des créances englobe tous leurs droits accessoires, notamment droit de gage, cautionnement, réserve de propriété, droit à la livraison de marchandises ainsi que les intérêts courants, échus et futurs.
 
4. La cession garantit les prétentions de la Banque, en capital, intérêts et accessoires, découlant du crédit mentionné sous ch. 1 ci-dessus, ainsi que ses modifications et renouvellements ultérieurs, et des autres engagements découlant des relations d'affaires entre le débiteur et la Banque dont le débiteur pourrait se trouver redevable ou garant en faveur de la Banque. »
 
L'autorité précédente a aussi constaté que la reprise d'une partie des actifs de la société C.________ SA consistait notamment dans la reprise d'un stock pour quelque 1'400'000 fr., de meubles et autres installations pour 145'787 fr. et d'un goodwill pour 500'000 fr. Ces créances devaient être considérées comme des créances commerciales en ce sens qu'elles étaient assimilables à des ventes et que leur objet représentait le coeur de l'activité de la société C.________ SA puisque, sans le stock et sans client, l'on ne peut ni assurer, ni développer ladite activité, la TVA étant d'ailleurs perçue. En outre, les cédants ne pouvaient pas imaginer que la banque, qui attend de recevoir le produit de ventes ordinaires, donc tirées en tout ou partie du stock, n'attend pas aussi que le produit d'une vente portant sur le stock lui-même utilisé ordinairement dans le cadre de ces ventes, ne soit pas inclus dans les créances concernées (arrêt entrepris, consid. 6b, p. 36 et 38).
 
2.1 Pour interpréter un contrat, le juge doit commencer par rechercher la réelle et commune intention des parties, le cas échéant sur la base d'indices (cf. art. 18 al. 1 CO). Les circonstances survenues postérieurement à la conclusion du contrat, notamment le comportement des parties, constituent un indice de la volonté réelle des cocontractants (arrêt 5A_189/2010 du 12 mai 2010, consid. 4.2). Si la cour cantonale parvient à se convaincre, sur la base de l'appréciation des preuves, que les parties ont échangé des manifestations de volonté concordantes qui correspondaient à leur volonté intime, il s'agit d'une constatation de fait (ATF 133 III 675 consid. 3.3, p. 681). Celle-ci ne peut être remise en question qu'aux conditions de l'art. 105 al. 2 LTF, soit essentiellement au motif qu'elles sont arbitraires.
 
A supposer que la volonté réelle des parties ne puisse pas être établie ou que la volonté intime de celles-ci diverge, le juge doit interpréter les déclarations faites et les comportements selon la théorie de la confiance, ce qui signifie qu'il doit rechercher comment une déclaration ou une attitude pouvait être comprise de bonne foi en fonction de l'ensemble des circonstances. Le principe de la confiance permet ainsi d'imputer à une partie le sens objectif de sa déclaration ou de son comportement, même s'il ne correspond pas à sa volonté intime. L'application du principe de la confiance est une question de droit que le Tribunal fédéral peut examiner librement (art. 106 al. 1 LTF). Cependant, pour trancher cette question, il doit se fonder sur le contenu de la manifestation de volonté et sur les circonstances, dont la constatation relève du fait (ATF 135 III 410 consid. 3.2, p. 412 s.).
 
L'interprétation selon le principe de la confiance consiste à rechercher comment les parties, lorsque leur accord s'est formé, pouvaient comprendre de bonne foi les clauses adoptées par elles, en fonction du contexte dans lequel elles ont traité. Même s'il est apparemment clair, le sens d'un texte souscrit par les parties n'est pas forcément déterminant, de sorte que l'interprétation purement littérale est prohibée (art. 18 al. 1 CO). Lorsque la teneur d'une clause contractuelle paraît limpide à première vue, il peut résulter d'autres éléments du contrat, du but poursuivi par les parties ou d'autres circonstances que le texte de cette clause ne restitue pas exactement le sens de l'accord conclu. Il n'y a cependant pas lieu de s'écarter du sens littéral du texte adopté par les cocontractants lorsqu'il n'y a aucune raison sérieuse de penser que celui-ci ne corresponde pas à leur volonté (ATF 135 III 295 consid 5.2, p. 302).
 
2.2 Le recourant soutient, dans un premier moyen, que la cour cantonale aurait violé le principe pacta sunt servanda en retenant que la commune et réelle intention des parties était de céder les créances liées à la liquidation de C.________ SA.
 
Le recourant discute, ce faisant, un point de fait. Savoir si la convention lie les parties présuppose que soit établie leur volonté concordante, de sorte que le recourant ne peut rien déduire en sa faveur du principe qu'il invoque. Par ailleurs, le recourant ne soulève expressément aucun grief d'arbitraire (art. 9 Cst.). Il n'y a donc pas lieu d'examiner la cause sous cet angle (art. 106 al. 2 LTF). Pour le surplus, en alléguant que la Banque cantonale vaudoise n'aurait jamais exigé que le montant des engagements pris par les repreneurs lui soit remis, le recourant fonde son argumentation sur des éléments étrangers à l'état de fait de la décision entreprise, qui retient, au contraire, mais tout au plus, que « la banque a réagi, certes un peu tard » (arrêt entrepris, consid. 6c, p. 39), sans préciser en quoi avait consisté cette réaction. Le recourant ne démontre pas en quoi la cour de céans ne serait pas liée par cette constatation de fait (art. 105 al. 1 LTF). En définitive, le grief, largement appellatoire, est irrecevable (ATF 133 III 393 consid. 6, p. 397).
 
2.3 Il ne ressort pas clairement de l'arrêt entrepris que la cour cantonale, en se distançant de l'avis des premiers juges, aurait constaté définitivement la volonté réelle des parties. L'indication que la banque avait réagi, certes un peu tard, lorsqu'elle avait eu connaissance de la vente des actifs de C.________ SA suggère que l'autorité cantonale a cherché appui dans le comportement des parties postérieur à la conclusion de la cession. Cette démarche s'apparente à la recherche de leur volonté réelle (supra consid. 2.1). En revanche, la formule « Les cédants ne pouvaient pas imaginer que la banque [...] n'attend[ait] pas aussi que le produit d'une vente portant sur le stock lui-même [...] ne soit pas inclus dans les créances concernées », par sa formulation potestative doublement négative et les supputations qu'elle suppose sur l'imagination d'une partie, relève, en ce qui concerne la volonté des cédants, d'une approche non dépourvue du caractère objectif propre à l'interprétation selon les règles de la bonne foi. Faute de constatation limpide liant la cour de céans sur la réelle intention des parties à la convention de cession, il convient d'examiner la question sous l'angle juridique de l'interprétation objective.
 
Le recourant ne discute pas, à juste titre, le caractère commercial des créances nées de la vente du stock, du matériel et du goodwill. Il conteste en revanche que ces créances soient « issues des relations d'affaires de C.________ SA avec sa clientèle ». Il soutient que la clause litigieuse était parfaitement claire en ce sens que seules les créances issues de relations avec la clientèle étaient visées, cependant que la vente du goodwill et des stocks aurait été conclue avec un concurrent et non un client. Il ne démontre pas, ce faisant, que les parties auraient voulu d'emblée exclure de la cession de telles créances. Au contraire, en soulignant aussi dans son recours que la convention de cession devait s'inscrire dans la durée, son argumentation tend plutôt à démontrer que les parties n'avaient pas envisagé l'hypothèse d'une liquidation de C.________ SA. Il se justifie dès lors aussi, dans cette perspective, de rechercher, au regard des règles de la bonne foi, si la déclaration de cession ne devait pas être comprise dans un sens plus étendu que celui rendu par les termes utilisés.
 
2.4 La cession a été conclue à fin de garantir les prétentions de la banque contre C.________ SA nées d'un crédit et d'autres relations d'affaires entre la société et la banque (déclaration de cession, ch. 4). La cession ne mentionne pas expressément l'hypothèse de créances nées de la vente en bloc du stock, de matériel informatique ou du goodwill, mais les créances commerciales actuelles et futures, y compris celles de services, livraisons ou travaux en cours, issues de ses relations d'affaires avec sa clientèle. En d'autres termes, la cession visait les créances commerciales issues des relations d'affaires de C.________ SA avec ses clients, actuelles et futures. L'adjonction « y compris celles de services, livraisons ou travaux en cours » tend à inclure les créances naissant de telles activités déjà au moment de la cession. On comprend ainsi que c'est le produit même de l'activité de C.________ SA qui a été offert en garantie, sous forme de créances contre les clients bénéficiaires des services de la société. Or, la convention de cession visait également les créances nées de livraisons, ce qui ne peut s'entendre que de la livraison d'éléments du stock. On ne voit donc pas, en définitive, comme l'a relevé à juste titre l'autorité cantonale, quelle différence pourrait être faite entre la vente d'éléments du stock, à l'unité, à des clients isolés et la vente de ce même stock, en bloc, à un seul client ou à un repreneur. En ce sens, on doit considérer, de bonne foi, que D.________ AG, même dans une position de concurrent, devait être assimilée à un client de C.________ SA. Du reste, eu égard au but de la convention, l'interprétation selon laquelle la vente du stock, respectivement du mobilier et du matériel, à un repreneur en cas de liquidation n'aurait pas été couverte par la cession aurait privé la banque de sa garantie au moment précisément où elle en avait le plus besoin. Le recourant ne pouvait donc pas comprendre, de bonne foi, la clause de cession en ce sens. Enfin, que le goodwill constitue un actif issu des relations avec la clientèle tombe sous le sens et il n'y a pas de raison d'appréhender différemment la créance née de la vente de cet actif et celle découlant de la vente du stock ou de matériel informatique.
 
2.5 L'interprétation selon les règles de la bonne foi ayant permis de dégager le sens de la clause litigieuse, il n'est pas nécessaire d'examiner si la convention en cause présentait une lacune (v. arrêt non publié 4C.162/2001, du 11 décembre 2001, consid. 2c). Cela exclut aussi l'interprétation contra stipulatorem invoquée par le recourant, en raison de son caractère subsidiaire (ATF 133 III 61 consid. 2.2.2.3, p. 69).
 
2.6 Etant rappelé qu'une créance cédée à fin de garantie peut constituer une chose confiée au sens de l'art. 140 CP (ATF 118 IV 32 consid. 2a et b, p. 33 ss), le recourant ne démontre pas en quoi sa condamnation pour abus de confiance violerait le droit fédéral.
 
3.
 
Le recours était d'emblée voué à l'échec. L'assistance judiciaire doit être refusée (art. 64 al. 1 LTF). Le recourant supporte les frais de la procédure, qui seront fixés en tenant compte de sa situation financière peu favorable (art. 65 al. 2 et 66 al. 1 LTF).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
 
2.
 
L'assistance judiciaire est refusée.
 
3.
 
Les frais judiciaires, arrêtés à 800 fr., sont mis à la charge du recourant.
 
4.
 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation pénale.
 
Lausanne, le 19 juillet 2010
 
Au nom de la Cour de droit pénal
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président: Le Greffier:
 
Favre Vallat
 
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