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Informationen zum Dokument  BGer 5A_205/2010  Materielle Begründung
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BGer 5A_205/2010 vom 12.07.2010
 
Bundesgericht
 
Tribunal fédéral
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
5A_205/2010
 
Arrêt du 12 juillet 2010
 
IIe Cour de droit civil
 
Composition
 
Mmes et M. les Juges Hohl, Présidente,
 
Escher et L. Meyer.
 
Greffière: Mme de Poret Bortolaso.
 
 
Participants à la procédure
 
A.________, (époux),
 
représenté par Me Anne Reiser, avocate,
 
recourant,
 
contre
 
dame A.________, (épouse),
 
représentée par Me Mauro Poggia, avocat,
 
intimée.
 
Objet
 
mesures protectrices de l'union conjugale,
 
recours contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour
 
de justice du canton de Genève du 12 février 2010.
 
Faits:
 
A.
 
A.________, né en 1954, et dame A.________, née en 1964, se sont mariés le 7 août 1998 à Cologny.
 
Le couple a deux filles, nées respectivement le 18 août 1998 et le 21 juin 2002.
 
Les époux A.________ ont mis un terme définitif à leur vie commune le 1er janvier 2007.
 
B.
 
Sur mesures protectrices de l'union conjugale requises par dame A.________ le 19 janvier 2007 et arrêtées, sur recours de celle-ci, le 18 avril 2008, la Cour de justice a attribué à A.________ la jouissance exclusive de l'appartement familial sis à B.________ et a octroyé à dame A.________ la garde des deux fillettes, moyennant l'attribution d'un large droit de visite en faveur de leur père. Dame A.________ bénéficiait également d'une contribution de 5'400 fr. par mois, destinée à l'entretien de la famille.
 
C.
 
Le 8 octobre 2008, arguant que la situation financière de son époux s'était notablement améliorée, alors que la sienne s'était dans le même temps détériorée, dame A.________ a déposé une nouvelle requête de mesures protectrices de l'union conjugale devant le Tribunal de première instance du canton de Genève. La requérante réclamait une contribution d'entretien mensuelle d'un montant de 8'000 fr. par mois dès le 1er septembre 2008 ainsi que l'instauration d'une curatelle de surveillance et d'organisation du droit de visite.
 
Par jugement du 14 août 2009, le Tribunal de première instance a partiellement fait droit à sa requête et fixé la contribution mensuelle due par l'époux à 8'000 fr. dès le prononcé du jugement.
 
Statuant le 12 février 2010 sur appel des époux A.________, la Cour de justice a réformé le jugement du Tribunal de première instance en ce sens que la contribution d'entretien est due à compter du 8 octobre 2008, date du dépôt de la requête de modification des mesures protectrices de l'union conjugale. Le jugement de première instance a été confirmé pour le surplus.
 
L'arrêt a été notifié aux parties le 17 février 2010.
 
D.
 
Le 19 mars 2010, A.________ exerce un recours en matière civile au Tribunal fédéral, concluant en substance au rejet de la requête de modification des mesures protectrices de l'union conjugale déposée par son épouse. Il invoque, à l'appui de ses conclusions, l'application arbitraire des art. 125 al. 2 et 176 al. 1 ch. 1 CC ainsi que l'arbitraire dans l'appréciation du changement durable et important dans la situation financière des parties.
 
L'intimée conclut, à la forme, à l'irrecevabilité du recours en matière civile, et, au fond, à son rejet. La Cour de justice se réfère aux considérants de son arrêt.
 
E.
 
Par ordonnance présidentielle du 19 avril 2010, le recourant a obtenu l'effet suspensif s'agissant des aliments dus jusqu'en février 2010.
 
Considérant en droit:
 
1.
 
La décision de modification des mesures protectrices de l'union conjugale (art. 179 CC) est une décision en matière civile au sens de l'art. 72 al. 1 LTF (ATF 133 III 393 consid. 2 p. 395). Elle est finale selon l'art. 90 LTF car elle tranche définitivement, dans une procédure séparée, des questions qui ne pourront plus être revues avec l'éventuelle décision sur le divorce et les effets accessoires (ATF 133 III 393 consid. 4 p. 395). Le recours a en outre pour objet une décision rendue par une autorité cantonale de dernière instance (art. 75 LTF), dans une affaire pécuniaire, dont la valeur litigieuse atteint 30'000 fr. (art. 51 al. 1 let. a et al. 4 LTF, art. 74 al. 1 let. b LTF), et il a été interjeté dans le délai prévu par la loi (art. 100 al. 1 LTF), par la partie qui a succombé dans ses conclusions devant l'instance précédente (art. 76 al. 1 LTF), de sorte qu'il est recevable au regard de ces dispositions.
 
2.
 
Dès lors que les mesures protectrices de l'union conjugale sont considérées comme des mesures provisionnelles au sens de l'art. 98 LTF (ATF 133 III 393 consid. 5 p. 396), seule peut être invoquée à leur encontre la violation de droits constitutionnels.
 
3.
 
Pour fixer le montant de la contribution d'entretien due à l'épouse, la Cour de justice a appliqué la méthode du minimum vital avec répartition de l'excédent.
 
Ainsi que l'alléguait l'intimée, la juridiction cantonale a avant tout constaté que le revenu du mari avait augmenté depuis l'entrée en force de la première décision rendue en matière de mesures protectrices de l'union conjugale. En tant que son salaire s'élevait désormais à 24'000 fr. par mois, pour des charges mensuelles incompressibles de 11'922 fr. 30, son solde disponible atteignait environ 12'000 fr. dès le 1er janvier 2010. A la même date, le budget de l'intimée était en revanche déficitaire de 3'935 fr., celle-ci devant par ailleurs compter avec une diminution de son revenu dès la mi-février 2010. Les juges cantonaux ont alors considéré que le recourant se devait avant tout de combler le déficit de son épouse, celle-ci pouvant ensuite prétendre, pour elle-même et les enfants, aux 3/4 du solde disponible de son mari, à savoir une somme de 6'050 fr. (3/4 x [12'000 fr. - 3'935 fr.]). Tenant compte toutefois des critères posés par l'art. 125 CC, applicables lorsque la séparation des époux apparaît définitive, la cour cantonale a pondéré le montant de la contribution auquel l'épouse pouvait prétendre selon ses calculs (environ 10'000 fr.), pour en conclure que la contribution d'entretien, fixée à 8'000 fr. par la première instance, était équitable dans son résultat.
 
4.
 
4.1 Le recourant reproche à la cour cantonale une application arbitraire des art. 125 et 176 CC dans la mesure où, considérant que la reprise de la vie commune était exclue, la juridiction se devait de tenir compte des principes applicables à l'entretien post-divorce. En tant que la situation financière des époux était favorable, la Cour de justice ne pouvait ainsi appliquer la méthode du minimum vital avec répartition de l'excédent, mais devait au contraire se fonder sur les dépenses indispensables au maintien des conditions de vie antérieures des époux pour déterminer si l'augmentation de la pension alimentaire était nécessaire pour couvrir le coût d'entretien des enfants et maintenir le train de vie qui était celui de l'épouse durant le mariage. Il appartenait au demeurant à celle-ci d'alléguer et de rendre vraisemblables les éléments nécessaires à le déterminer, ce qu'elle n'avait pas fait. Le recourant poursuit en affirmant qu'une contribution d'un montant de 5'400 fr. - chiffre arrêté par le juge des premières mesures protectrices de l'union conjugale - suffirait largement à couvrir l'entretien et le train de vie de la famille, estimé à 6'275 fr. lors de cette dernière procédure: ajouté au revenu de l'épouse de 2'840 fr. (2'440 fr. [revenus] + 400 fr. [allocations familiales]), le montant à disposition de la famille totaliserait en effet une somme de 8'240 fr. La cour cantonale ne pouvait dès lors justifier l'augmentation de la contribution d'entretien réclamée par l'intimée, sauf à admettre implicitement une détérioration de ses ressources futures, ce qu'elle n'avait pourtant aucunement démontré, ou à méconnaître le principe selon lequel le train de vie des époux durant le mariage constitue la limite supérieure du droit à l'entretien.
 
L'essentiel de l'argumentation de l'intimée consiste à comparer la situation financière de son époux à la sienne et à souligner la disproportion existant entre celles-ci, pour ainsi justifier la modification de la contribution d'entretien à laquelle elle prétend.
 
4.2
 
4.2.1 D'après la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité; il ne suffit pas qu'une autre solution paraisse concevable, voire préférable; pour que cette décision soit annulée, encore faut-il qu'elle se révèle arbitraire non seulement dans ses motifs, mais aussi dans son résultat (ATF 132 I 13 consid. 5.1; 131 I 217 consid. 2.1, 57 consid. 2; 129 I 173 consid. 3.1).
 
4.2.2 Les époux peuvent solliciter la modification de mesures protectrices de l'union conjugale si, depuis l'entrée en vigueur de celles-ci, les circonstances de fait ont changé d'une manière essentielle et durable (art. 179 al. 1 CC; arrêt 5P. 387/2002 du février 2003 consid. 2 résumé in: FamPra.ch 2003 p. 636; Hausheer/Reusser/Geiser, Commentaire bernois, 2005, n. 8 et 8a ad art. 179 CC; Bräm/Hasenböhler, Commentaire zurichois, 2e éd. 1998, n. 7 s. ad art. 179 CC; Hasenböhler/Opel, Commentaire bâlois, 3e éd. 2006, n. 3 ad art. 179 CC).
 
La décision sur mesures protectrices étant revêtue d'une autorité de la chose jugée limitée (ATF 127 III 474 consid. 2b/aa p. 477; BRÄM/HASENBÖHLER, op. cit., n. 8 ad art. 179 CC et les références), la requête de modification de ces mesures ne peut avoir pour objet qu'une adaptation aux circonstances nouvelles, mais non une nouvelle fixation. Une modification en raison d'une augmentation importante du revenu du débirentier ne se justifie dès lors que si ce revenu aurait dû jouer un rôle dans la fixation de la contribution d'entretien, en ce sens que celle-ci, fixée sur la base du revenu inférieur, ne permet pas au crédirentier de maintenir le train de vie qui était le sien précédemment en raison des frais occasionnés par l'existence de deux ménages séparés.
 
4.2.3 Conformément à l'art. 176 al. 1 ch. 1 CC, le juge fixe la contribution pécuniaire à verser par l'une des parties à l'autre. Le montant des aliments se détermine en fonction des facultés économiques et des besoins respectifs des époux. Tant que dure le mariage, chacun des conjoints a le droit de participer de la même manière au train de vie antérieur (ATF 119 II 314 consid. 4b/aa p. 318), la fixation de la contribution d'entretien ne devant pas anticiper sur la liquidation du régime matrimonial. En cas de situation financière favorable, il convient ainsi de se fonder sur les dépenses indispensables au maintien des conditions de vie antérieures, qui constituent la limite supérieure du droit à l'entretien (ATF 121 I 97 consid. 3b p. 100 et les arrêts cités; arrêts 5A_515/2008 du 1er décembre 2008 consid. 2.1; 5A_732/2007 du 4 avril 2008 consid. 2.2; 5P.138/2001 du 10 juillet 2001 consid. 2a/bb, publié in: FamPra.ch 2002 p. 333). C'est au créancier de la contribution d'entretien qu'il incombe de préciser les dépenses nécessaires à son train de vie et de les rendre vraisemblables (ATF 115 II 424 consid. 2 p. 425; arrêt 5A_732/2007 précité consid. 2.2).
 
4.2.4 En l'espèce, alors qu'elle devait seulement adapter la contribution aux circonstances nouvelles, la cour cantonale a appliqué la méthode du minimum vital avec répartition de l'excédent à raison de 3/4 en faveur de l'épouse, qui obtenait la garde des enfants, et d'1/4 en faveur du mari. Elle a toutefois omis de tenir compte du fait que les parties étaient dans une situation matérielle favorable (sur cette notion: arrêt 5A_288/2008 du 27 août 2008 consid. 5.4), et d'examiner ensuite si le montant de la contribution octroyé par le premier juge était insuffisant pour couvrir le coût de l'entretien des enfants et maintenir le train de vie qui était celui de l'épouse durant le mariage, éléments qu'il appartenait à celle-ci d'alléguer et de rendre vraisemblables. L'arrêt attaqué ne donne du reste aucune indication chiffrée sur les dépenses des parties et leur niveau de vie antérieur, tandis que l'intimée n'a pas fourni la moindre indication chiffrée à cet égard, ni d'ailleurs quant à la détérioration effective de sa situation financière. Force est donc de reconnaître qu'aucun élément ne permet de retenir que le montant de la contribution d'entretien fixée par le premier juge ne permettrait pas à l'épouse de maintenir le train de vie antérieur de la famille, de sorte qu'en faisant droit à sa requête sans examiner plus avant si les conditions expliquées ci-dessus étaient remplies, la décision attaquée parvient à un résultat que le recourant qualifie à juste titre d'arbitraire.
 
4.3 Dès lors que la contribution d'entretien doit également couvrir les besoins des enfants mineurs, la maxime inquisitoire est applicable (art. 176 al. 3 et 280 al. 2 CC), imposant au juge d'éclaircir les faits et de prendre en considération d'office tous les éléments qui peuvent être importants pour rendre une décision conforme à l'intérêt de l'enfant, ce même si ce sont les parties qui, en premier lieu, doivent lui soumettre les faits déterminants et les offres de preuve. L'obligation pour le juge d'établir d'office les faits n'est en effet pas sans limite: selon la jurisprudence relative à l'art. 280 al. 2 CC, la maxime inquisitoire ne dispense pas les parties d'une collaboration active à la procédure ni d'étayer leurs propres thèses; il leur incombe ainsi de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuve disponibles (ATF 128 III 411 consid. 3.2.1 p. 412 ss et les citations). Il appartenait donc en l'espèce à l'intimée d'alléguer et d'établir les motifs pertinents, soit de renseigner le juge cantonal sur les dépenses et le train de vie mené durant la vie commune, ce afin de déterminer le montant de la contribution d'entretien en conformité avec les chiffres allégués (arrêt 5A_27/2009 du 2 octobre 2009 consid. 4.3).
 
En tant que le recours doit être admis, il n'y a pas lieu d'examiner les autres griefs soulevés par le recourant.
 
5.
 
En définitive, le recours est admis, l'arrêt attaqué réformé dans le sens d'un rejet de la requête de modification de mesures protectrices de l'union conjugale. L'épouse, qui succombe, supportera les frais de justice (art. 66 al. 1 LTF) et versera des dépens à l'époux qui a fait recours (art. 68 al. 1 et 2 LTF).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est admis et l'arrêt attaqué est réformé en ce sens que la requête de modification des mesures protectrices de l'union conjugale est rejetée.
 
2.
 
Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de l'intimée.
 
3.
 
Une indemnité de 3'000 fr., à payer au recourant à titre de dépens, est mise à la charge de l'intimée.
 
4.
 
La cause est renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision sur les frais et dépens de la procédure cantonale.
 
5.
 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
 
Lausanne, le 12 juillet 2010
 
Au nom de la IIe Cour de droit civil
 
du Tribunal fédéral suisse
 
La Présidente: La Greffière:
 
Hohl de Poret Bortolaso
 
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