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Informationen zum Dokument  BGer 6B_783/2009  Materielle Begründung
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BGer 6B_783/2009 vom 12.01.2010
 
Bundesgericht
 
Tribunal fédéral
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
6B_783/2009
 
Arrêt du 12 janvier 2010
 
Cour de droit pénal
 
Composition
 
MM. les Juges Favre, Président,
 
Schneider et Mathys.
 
Greffière: Mme Angéloz.
 
Parties
 
X.________,
 
recourant,
 
contre
 
Ministère public du canton de Vaud,
 
1014 Lausanne,
 
intimé.
 
Objet
 
Escroquerie par métier; fixation de la peine,
 
recours contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation pénale,
 
du 20 avril 2009.
 
Faits:
 
A.
 
Par jugement du 9 septembre 2008, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de la Broye et du Nord vaudois a condamné X.________, pour escroquerie par métier, à 12 mois de privation de liberté, dont la moitié avec sursis pendant 2 ans. Saisie d'un recours du condamné, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois l'a rejeté par arrêt du 20 avril 2009.
 
B.
 
En substance, les juges cantonaux ont considéré que l'accusé, couvert de dettes et sans moyens, avait, de manière récurrente, loué des appartements et commandé des travaux ou des marchandises, qu'il ne payait jamais. Il s'était, de même, fait remettre de l'argent pour des opérations qu'il n'effectuait pas. Il ne pouvait arguer d'une absence de vérification de sa solvabilité par les bailleurs. D'une part, il s'était toujours efforcé de leur faire croire qu'il était aisé, solvable et digne de confiance, voire qu'il évoluait dans des milieux d'affaires. D'autre part, il avait rendu des vérifications difficiles, en changeant très souvent de lieu de résidence et d'arrondissement de poursuites. Il s'était par ailleurs limité à la conclusion de contrats périodiques ou portant sur des sommes modiques, n'appelant donc pas de vérifications poussées quant à sa solvabilité.
 
Le prononcé d'une peine privative de liberté, plutôt qu'une peine pécuniaire, a été justifié par le fait que l'accusé avait généré un passif très important, qu'il n'avait jamais tenté de réduire, et avait déclaré en audience qu'il n'entrevoyait pas la possibilité de verser des acomptes en raison de moyens insuffisants. L'octroi d'un sursis complet a été exclu, au vu des dénégations persistantes de l'accusé à l'audience, lequel n'avait en outre pas hésité à accuser des lésés de mentir et à se présenter comme une victime de personnes qu'il avait dupées.
 
C.
 
X.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral, pour constatation manifestement inexacte des faits et violation du principe in dubio pro reo ainsi que pour violation des art. 146 et 47 CP. Il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué, subsidiairement au prononcé d'une peine privative de liberté inférieure à 12 mois et assortie d'un sursis total. Il sollicite l'assistance judiciaire, restreinte à une exemption des frais.
 
Le Ministère public et l'autorité cantonale ont renoncé à formuler des observations.
 
Considérant en droit:
 
1.
 
Sous l'intitulé "violation du principe in dubio pro reo", le recourant se borne à dresser une liste de griefs qu'il avait soulevés devant l'autorité cantonale comme moyens de nullité, sans aucunement démontrer, ni même indiquer, en quoi le raisonnement par lequel ils ont été écartés violerait le principe qu'il invoque. En particulier, il n'établit aucune appréciation arbitraire (sur cette notion, cf. ATF 135 V 2 consid. 1.3 p. 4/5; 134 I 140 consid. 5.4 p. 148 et les arrêts cités) des preuves, d'une manière qui satisfasse aux exigences de motivation de l'art. 106 al. 2 LTF (cf. ATF 133 IV 286 consid. 1.4 p. 287). Le grief est par conséquent irrecevable.
 
2.
 
Le recourant se plaint d'une constatation manifestement inexacte des faits. Il reproche à la cour cantonale d'avoir méconnu que tous les contrats de bail avaient aussi été signés par son amie, dont il soutient que, contrairement à lui, elle avait les moyens de payer. Il lui fait en outre grief d'avoir ignoré qu'aucune garantie de loyer ne lui a été réclamée, alors que, selon lui, le dommage aurait, le cas échéant, été évité.
 
2.1 Rien dans l'arrêt attaqué n'indique que le recourant, qui n'établit pas le contraire, se soit plaint en instance cantonale de recours d'une omission des premiers juges de retenir que son amie aurait également signé les baux et aurait eu les moyens de payer les loyers. Partant, le grief est irrecevable, faute d'épuisement des instances cantonales (cf. art. 80 al. 1 LTF; ATF 134 III 524 consid. 1.3 p. 527).
 
2.2 S'agissant du versement d'une garantie de loyer, l'arrêt attaqué constate que, dans le cas de l'appartement loué à Lucens, une telle garantie a été exigée et payée. En ce qui concerne l'appartement loué à Y.________, il retient que la garantie n'a pas été payée, admettant par-là même qu'elle a été réclamée. L'arbitraire de ces constatations n'est en rien démontré par le recourant, qui se borne à les contredire. Sur ces points, le grief est par conséquent irrecevable, faute de motivation suffisante au regard des exigences de l'art. 106 al. 2 LTF. Pour le surplus, il est vain, dès lors que l'arrêt attaqué ne retient pas que, dans les deux autres cas de location, une garantie de loyer aurait été exigée.
 
2.3 Le moyen doit ainsi être rejeté, autant qu'il est recevable.
 
3.
 
Le recourant conteste s'être rendu coupable d'escroquerie, plus précisément avoir usé d'astuce. Il soutient que, dans les quatre cas de location, les bailleurs n'ont pas procédé à des vérifications de sa solvabilité et que, dans les autres cas retenus à sa charge, l'existence d'une astuce n'est pas établie.
 
3.1 Il y a tromperie astucieuse, au sens de l'art. 146 CP, lorsque l'auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manoeuvres frauduleuses ou à une mise en scène, mais aussi lorsqu'il donne simplement de fausses informations, si leur vérification n'est pas possible, ne l'est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, de même que si l'auteur dissuade la dupe de vérifier ou prévoit, en fonction des circonstances, qu'elle renoncera à le faire en raison d'un rapport de confiance particulier. L'astuce n'est toutefois pas réalisée si la dupe pouvait se protéger avec un minimum d'attention ou éviter l'erreur avec le minimum de prudence que l'on pouvait attendre d'elle. Il n'est cependant pas nécessaire qu'elle ait fait preuve de la plus grande diligence ou qu'elle ait recouru à toutes les mesures possibles pour éviter d'être trompée. L'astuce n'est exclue que si elle n'a pas procédé aux vérifications élémentaires que l'on pouvait attendre d'elle au vu des circonstances. Pour apprécier si l'auteur a usé d'astuce et si la dupe a omis de prendre des mesures de prudence élémentaires, il ne suffit pas de se demander comment une personne raisonnable et expérimentée aurait réagi à la tromperie. Il faut prendre en considération la situation particulière de la dupe, telle que l'auteur la connaît et l'exploite, par exemple une faiblesse d'esprit, l'inexpérience ou la sénilité, un état de dépendance, d'infériorité ou de détresse (ATF 135 IV 76 consid. 5 p. 78; 128 IV 18 consid. 3a p. 20/21; 126 IV 165 consid. 2a p. 171/172 et les arrêts cités).
 
Selon la jurisprudence, la tromperie portant sur la volonté d'exécuter un contrat n'est pas astucieuse dans tous les cas. Cette volonté peut en effet être contrôlée indirectement, par des investigations quant à la capacité d'exécuter le contrat, car celui qui n'a manifestement pas la capacité de conclure ne peut non plus avoir de volonté sérieuse de le faire. L'absence de volonté d'exécuter le contrat peut aussi être déduite du fait que, dans le passé déjà, l'auteur n'a pas tenu ses engagements. Il y a toutefois tromperie astucieuse si une vérification de la capacité d'exécution n'est pas possible ou ne peut être exigée de la dupe (ATF 125 IV 124 consid. 3a p. 128; 118 IV 359 consid. 2 p. 361). Cette dernière hypothèse vise notamment les cas d'opérations courantes de faible valeur, pour lesquelles une vérification entraînerait des frais ou une perte de temps disproportionnée ou ne peut être exigée pour des raisons commerciales (cf. arrêt 6S.415/2003 consid. 2.3). Dans ce dernier arrêt, il a été admis qu'une société bailleresse, qui avait pris certaines précautions en vérifiant que le locataire ne figurait pas sur sa liste de mauvais débiteurs et en lui demandant des informations sur sa situation financière, ne pouvait se voir objecter qu'elle n'avait pas, en outre, sollicité de renseignements auprès de l'office des poursuites, dès lors que le montant du loyer, de l'ordre de 1700 fr., n'était pas d'une importance telle qu'un contrôle plus approfondi que celui qui avait été effectué s'imposait.
 
3.2 L'arrêt attaqué n'examine pas la réalisation de la condition de l'astuce de manière concrète, pour chacun des cas d'escroquerie retenus, mais raisonne de manière générale, n'opérant guère de distinction qu'entre les cas concernant des contrats de location, quatre au total, et ceux relatifs à d'autres prestations (travaux de réparation ou de déménagement, acquisition de vin ou de matériel informatique, etc). S'agissant des cas de location, les précédents juges observent que le recourant a toujours tenté de faire croire qu'il était aisé, solvable et digne de confiance, voire qu'il évoluait dans le monde des affaires, qu'il a rendu difficile toute vérification en changeant souvent de lieu de résidence, donc d'arrondissement de poursuites, et que les contrats portaient sur des loyers mensuels inférieurs à 2000 fr. et ne nécessitant donc pas de vérifications poussées quant à sa solvabilité. Il reprend ce dernier argument pour les autres cas, relevant que, dans ceux-ci également, les contrats portaient sur des montants modiques.
 
3.3 Cette manière de procéder ne permet pas de contrôler si le droit fédéral a été correctement appliqué, notamment de vérifier si, dans chacun des cas retenus, la condition de l'astuce est réalisée. En particulier, elle ne permet pas de discerner ce que le recourant a, dans chacun des cas, précisément dit ou fait pour amener son cocontractant à lui fournir la prestation demandée et si ce dernier, avant de l'octroyer, a effectué le minimum de vérifications possible et exigible. On ne trouve pas de constatations concrètes d'un recours à un édifice de mensonges, à des manoeuvres frauduleuses ou à une véritable mise en scène, ni de constatations autorisant à conclure que le recourant aurait dissuadé l'une des dupes de procéder à des vérifications ou aurait exploité un rapport de confiance particulier.
 
A la lecture de l'arrêt attaqué, on peut se demander si, dans certains cas, tels que la commande de travaux, de réparation ou de déménagement, ou l'achat de mazout, l'escroquerie n'a pas été retenue du seul fait que le recourant n'a finalement pas payé les prestations fournies, après les avoir commandées en assurant qu'il allait les payer, voire après les avoir simplement commandées.
 
Dans deux des quatre cas de location, il n'est pas établi qu'une garantie de loyer a été réclamée et, dans l'un des cas où elle l'a été, l'appartement a été loué alors même qu'elle n'avait pas été payée, rien n'indiquant au surplus que les bailleurs aient cherché à s'enquérir d'une quelconque manière de la capacité du recourant de fournir sa propre prestation. Contrairement à ce que semble penser l'autorité cantonale, le montant relativement modique de certains loyers ne dispensait pas les bailleurs, fussent-ils des particuliers, de prendre un minimum de précautions avant de louer. L'arrêt 6S.415/2003 précité, auquel elle se réfère, n'autorise pas une telle conclusion (cf. supra, consid. 3.1). Tel qu'il est rédigé, l'arrêt attaqué ne permet pas d'exclure que, du moins dans certains cas, les bailleurs se soient simplement fiés à des affirmations ou promesses du recourant. Il insiste essentiellement sur le comportement que le recourant, après avoir obtenu la prestation demandée, a adopté pour faire patienter ses cocontractants ou pour justifier ses carences. Est toutefois déterminant celui qu'il a adopté aux fins d'obtenir la prestation.
 
Force est ainsi de constater que les lacunes de l'arrêt attaqué ne permettent, pratiquement pour aucun des cas retenus, de déterminer si le recourant a effectivement usé de tromperie astucieuse.
 
3.4 Sur le vu de ce qui précède, le grief doit être admis, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Après complètement de l'état de fait, celle-là devra se prononcer à nouveau sur la réalisation de l'infraction litigieuse et, par voie de conséquence, sur la peine, ce qui rend superflu d'examiner ici les griefs du recourant dirigés contre cette dernière.
 
4.
 
En conclusion, le recours doit être partiellement admis dans la mesure où il est recevable.
 
Autant que le recourant obtient gain de cause, il ne sera pas perçu de frais (cf. art. 66 al. 1 LTF), de sorte que sa requête d'assistance judiciaire, limitée à une exemption de ceux-ci, devient sans objet. Pour le surplus, son recours était dénué de chances de succès. Dans cette mesure, sa requête d'assistance judiciaire doit donc être rejetée (cf. art. 64 al. 1 LTF) et il devra supporter des frais, dont le montant sera toutefois arrêté en tenant compte de sa situation financière. Il n'y a pas lieu de lui allouer des dépens, dès lors qu'il a procédé sans avocat.
 
En application de l'art. 66 al. 4 LTF, le canton de Vaud sera dispensé de payer des frais.
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est partiellement admis dans la mesure où il est recevable, l'arrêt attaqué annulé et la cause renvoyée à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.
 
2.
 
La requête d'assistance judiciaire du recourant est rejetée dans la mesure où elle n'est pas sans objet.
 
3.
 
Un part des frais judiciaires, arrêtée à 800 fr., est mise à la charge du recourant.
 
4.
 
Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation pénale.
 
Lausanne, le 12 janvier 2010
 
Au nom de la Cour de droit pénal
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Président: La Greffière:
 
Favre Angéloz
 
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