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Informationen zum Dokument  BGer 4P.159/2004  Materielle Begründung
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BGer 4P.159/2004 vom 19.11.2004
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
4P.159/2004 /ech
 
Arrêt du 19 novembre 2004
 
Ire Cour civile
 
Composition
 
MM. les Juges Corboz, Président, Nyffeler et Favre.
 
Greffier: M. Thélin.
 
Parties
 
A.________,
 
recourante, représentée par Me Pierre Gasser,
 
contre
 
Caisse X.________ & Cie SA,
 
intimée,
 
Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève, case postale 3108, 1211 Genève 3.
 
Objet
 
procédure civile; appréciation des preuves
 
recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre d'appel en matière de baux et loyers du 26 mai 2004.
 
Faits:
 
A.
 
Selon contrat de bail du 3 juillet 1995, la Caisse X.________ & Cie SA a remis en location à A.________ un appartement de cinq pièces et demie dans un bâtiment d'habitation sis rue ... 19 à Genève. Le loyer était fixé à 2'694 fr. par mois, auquel s'ajoutait une provision pour charges de 165 fr. Le bail était conclu pour une durée initiale de dix-huit mois, soit jusqu'au 31 décembre 1996; par la suite, il était prolongeable d'année en année selon une clause de tacite reconduction. Le 2 septembre 1998, la bailleresse a communiqué à la locataire que la provision pour charges était augmentée à 210 fr. par mois.
 
Les parties ont en outre conclu deux baux distincts concernant chacun un box pour véhicule dans le même bâtiment. Le loyer était fixé à 168 fr. par mois et par box.
 
B.
 
Par lettre du 23 octobre 2002, reçue par sa destinataire le 7 novembre 2002, la bailleresse a sommé la locataire d'acquitter un arriéré de loyer et de charges, pour l'appartement, qu'elle chiffrait à 7'503 fr.95 au 31 octobre 2002. Le délai d'exécution était fixé à trente jours dès réception de cette sommation. Celle-ci indiquait qu'à défaut d'exécution dans ce délai, le bail de l'appartement serait résilié en application de l'art. 257d CO.
 
La locataire a opéré un versement de 6'400 fr. le 19 novembre 2002, accompagné de la mention "loyer 19 rue ... deux mois".
 
Le 18 janvier 2003, usant de la formule officielle prévue à cette fin, la bailleresse a résilié le bail de l'appartement avec effet au 28 février 2003, au motif que la sommation était restée vaine.
 
C.
 
A.________ n'ayant pas restitué l'appartement, la Caisse X.________ & Cie SA a saisi d'abord la commission de conciliation compétente, puis le Tribunal des baux et loyers du canton de Genève. Sa requête tendait à la condamnation de l'adverse partie à évacuer immédiatement le logement concerné de sa personne, de ses biens et de tous tiers.
 
La défenderesse n'a pas comparu à l'audience de ce tribunal du 4 septembre 2003. La demanderesse, par son représentant, a expliqué que l'arriéré était alors soldé mais qu'elle persistait néanmoins à requérir l'évacuation. Un jugement par défaut, correspondant à ses conclusions, est intervenu le même jour. La défenderesse a fait opposition.
 
A l'audience du 11 décembre 2003, la demanderesse a exposé que le montant de l'arriéré au 31 octobre 2002, inférieur à celui indiqué dans la sommation, s'élevait en réalité à 7'167 fr.95. Toutefois, ce montant-ci était également contesté; d'après le procès-verbal de l'audience, le conseil de la défenderesse s'est exprimé, à ce sujet, comme suit: "selon nos calculs, je parviens à un arriéré au 23 octobre 2002 de 7'165 fr.95 moins 410 fr.". La demanderesse avait bien reçu le versement de 6'400 fr. mais celui-ci n'était que partiellement imputé sur la dette précitée; le solde était affecté au loyer des boxes à véhicules pour deux mois.
 
Par jugement du 5 janvier 2004, le Tribunal des baux et loyers a derechef condamné la défenderesse à l'évacuation de l'appartement.
 
D.
 
La défenderesse a appelé du jugement à la Chambre d'appel en matière de baux et loyers. Elle faisait valoir, notamment, que les loyers et charges prétendument impayés n'avaient pas été constatés et que le versement de 6'400 fr. aurait dû être imputé en totalité sur cette dette.
 
Statuant le 26 mai 2004, les juges d'appel ont confirmé le jugement. Les déclarations faites à l'audience du 11 décembre 2003 constituaient un aveu judiciaire aux termes de l'art. 189 LPC gen., d'où il ressortait que la défenderesse était débitrice, au jour de la sommation, d'un arriéré de 6'755 fr.95. Même si on imputait entièrement le versement de 6'400 fr. intervenu pendant le délai d'exécution, il subsistait un impayé de 355 fr.95, soit une somme que l'on ne pouvait tenir pour insignifiante; la demanderesse était donc en droit de résilier le bail sur la base de l'art. 257d al. 2 CO.
 
E.
 
Agissant par la voie du recours de droit public, la défenderesse requiert le Tribunal fédéral d'annuler ce dernier prononcé. Invoquant l'art. 9 Cst., elle se plaint d'une application arbitraire de l'art. 189 LPC gen. et d'une appréciation arbitraire des preuves en ce qui concerne le montant retenu pour l'arriéré au jour de la sommation. Elle tient aussi pour arbitraire d'être expulsée pour un montant impayé de 355 fr.95 seulement.
 
Invitée à répondre, la demanderesse et intimée conclut au rejet du recours; la juridiction cantonale a renoncé à présenter des observations.
 
La défenderesse a également saisi le Tribunal fédéral d'un recours en réforme dirigé contre le même prononcé.
 
Le Tribunal fédéral considère en droit:
 
1.
 
Conformément à l'art. 57 al. 5 OJ, il y a lieu de statuer d'abord sur le recours de droit public.
 
2.
 
2.1 Le recours de droit public au Tribunal fédéral est ouvert contre une décision cantonale pour violation des droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let. a OJ). L'arrêt présentement attaqué, qui est final, n'est susceptible d'aucun autre moyen de droit sur le plan fédéral ou cantonal permettant de soulever le grief de violation directe d'un droit de rang constitutionnel, de sorte que la règle de la subsidiarité du recours de droit public est respectée (art. 84 al. 2 et 86 al. 1 OJ). En revanche, en tant que la recourante soulève une question relevant de l'application du droit fédéral, le grief n'est pas recevable parce qu'il pouvait faire l'objet d'un recours en réforme (art. 43 al. 1 et 84 al. 2 OJ).
 
La recourante est personnellement touchée par la décision entreprise, qui la condamne à évacuer et restituer un appartement qu'elle occupe, de sorte qu'elle a un intérêt personnel, actuel et juridiquement protégé à ce que cette décision soit annulée. Par conséquent, la qualité pour recourir (art. 88 OJ) doit lui être reconnue.
 
Déposé en temps utile (art. 89 al. 1 OJ) et dans la forme prévue par la loi (art. 90 al. 1 OJ), le recours est en principe recevable.
 
2.2 Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 130 I 258 consid. 1.3 p. 261/262; 129 I 113 consid. 2.1; 128 III 50 consid. 1c p. 53). Il fonde son arrêt sur les faits constatés dans la décision attaquée, à moins que le recourant ne démontre que la cour cantonale a retenu ou omis de manière arbitraire certaines circonstances déterminantes (ATF 118 Ia 20 consid. 5a).
 
3.
 
Une décision est arbitraire, donc contraire à l'art. 9 Cst., lorsqu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière instance que si sa décision apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs ou en violation d'un droit certain. En outre, il ne suffit pas que les motifs de la décision soient insoutenables; encore faut-il que celle-ci soit arbitraire dans son résultat. A cet égard, il ne suffit pas non plus qu'une solution différente de celle retenue par l'autorité cantonale puisse être tenue pour également concevable, ou apparaisse même préférable (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9; 128 II 259 consid. 5 p. 280/281; 127 I 54 consid. 2b p. 56). En ce qui concerne l'appréciation des preuves et la constatation des faits, l'autorité tombe dans l'arbitraire lorsqu'elle ne prend pas en considération, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, sur la base des éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 129 I 8 consid. 2.1). Il appartient au recourant d'établir la réalisation de ces conditions en démontrant, par une argumentation précise, que la décision incriminée est insoutenable (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 129 I 185 consid. 1.6; 122 I 70 consid. 1c p. 73).
 
4.
 
La recourante critique les constatations de l'arrêt attaqué concernant le montant qui était dû à l'intimée au jour de la sommation. En particulier, elle conteste que l'art. 189 LPC gen. soit applicable sur ce point.
 
Les art. 187, 188 et 189 LPC gen. définissent les effets que le juge doit reconnaître à l'aveu d'un fait par une partie au procès. Le juge apprécie librement les déclarations extrajudiciaires tandis que l'aveu judiciaire, c'est-à-dire la déclaration que la partie, son avocat ou son représentant légal émet dans le procès, fait en principe foi contre son auteur. L'aveu judiciaire ne peut pas être révoqué, à moins que la partie ne prouve qu'elle s'est exprimée sous l'influence d'une erreur de fait; il ne peut pas être révoqué sous prétexte d'une erreur de droit .
 
L'aveu étant un moyen de preuve, il ne peut porter que sur un fait. Si une partie déclare avoir reçu une certaine somme d'argent, elle avoue le fait de cette réception. Si elle reconnaît, dans le procès, devoir payer une somme d'argent, elle se prononce par contre sur une question de droit et sa déclaration ne vaut pas aveu judiciaire selon l'art. 189 LPC gen.; la portée de cette déclaration doit être appréciée au regard de l'art. 17 CO (Bertossa/Gaillard/Guyet/Schmidt, Commentaire de la loi de procédure civile du canton de Genève du 10 avril 1987, n. 1 ad art. 187 LPC gen.). Dans une contestation en matière de bail à loyer, le juge doit de toute manière apprécier la crédibilité d'un aveu, même judiciaire (art. 274d al. 3 CO).
 
La recourante semble donc fondée à contester l'existence d'un aveu judiciaire tel que les juges d'appel l'ont retenu. Néanmoins, sur la base du procès-verbal d'audience, ces magistrats pouvaient constater sans arbitraire que la défenderesse, loin de dénier tout arriéré à la date de la sommation, a alors reconnu qu'elle devait, à l'époque indiquée, un montant évalué par elle à 6'755 fr.95. Par la suite, dans son mémoire d'appel, la défenderesse a certes reconnu un montant inférieur de 5'928 fr.85; toutefois, dans le même acte et selon son propre décompte, il fallait éventuellement y ajouter un poste "à contrôler" de 2'250 fr.80 correspondant à des loyers et charges antérieurs au 31 décembre 2001. Or, elle n'alléguait pas avoir intégralement payé ces loyers et charges et elle n'offrait donc pas non plus de prouver ce paiement. En particulier, elle ne produisait aucune pièce à cette fin. Dans ces conditions, la reconnaissance précitée n'a été sérieusement contredite par aucune autre déclaration, antérieure ou postérieure, de la défenderesse, ni par aucun autre élément de la procédure, de sorte que les juges d'appel pouvaient s'y référer sans violer l'art. 9 Cst.
 
Savoir si cette reconnaissance permet de retenir l'existence effective de l'obligation correspondante est une question de droit civil fédéral que le Tribunal fédéral n'examine pas dans le cadre du recours de droit public. A ce sujet, l'arrêt attaqué est peut-être critiquable dans sa motivation, mais il n'est en tout cas pas arbitraire dans son résultat.
 
5.
 
La recourante tient pour arbitraire d'être expulsée de son appartement en raison d'un montant impayé de 355 fr.95 seulement. Ce grief tend à établir l'annulabilité de la résiliation au regard de l'art. 271 al. 1 CO (ATF 120 II 32 consid. 4b p. 33); il pouvait donc faire l'objet d'une action régie par le droit civil fédéral et être porté devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en réforme, de sorte qu'il est irrecevable à l'appui du recours de droit public.
 
6.
 
A titre de partie qui succombe, la recourante doit acquitter l'émolument judiciaire (art. 156 al. 1 OJ). L'intimée ayant procédé sans le concours d'un mandataire, il ne lui est pas alloué de dépens (art. 159 al. 1 OJ).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.
 
2.
 
La recourante acquittera un émolument judiciaire de 3'000 fr.
 
3.
 
Il n'est pas alloué de dépens.
 
4.
 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties et à la Chambre d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève.
 
Lausanne, le 19 novembre 2004
 
Au nom de la Ire Cour civile
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le président: Le greffier:
 
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