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Informationen zum Dokument  BGer 6P.108/2004  Materielle Begründung
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BGer 6P.108/2004 vom 01.10.2004
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
6P.108/2004
 
6S.322/2004 /rod
 
Arrêt du 1er octobre 2004
 
Cour de cassation pénale
 
Composition
 
MM. les Juges Schneider, Président,
 
Kolly et Karlen.
 
Greffière: Mme Kistler.
 
Parties
 
X.________,
 
recourant, représenté par Me Philippe Oguey, avocat,
 
contre
 
Ministère public du canton de Vaud,
 
rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne,
 
Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation pénale, rte du Signal 8, 1014 Lausanne.
 
Objet
 
6P.108/2004
 
art. 29, 32 et 9 Cst., art. 6 CEDH (procédure pénale; arbitraire)
 
6S.322/2004
 
art. 249 PPF (principe de la libre appréciation des preuves)
 
recours de droit public et pourvoi en nullité contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation pénale, du 21 mai 2004.
 
Faits:
 
A.
 
Par jugement du 19 janvier 2004, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de Lausanne a condamné X.________ pour vol, faux dans les titres, utilisation frauduleuse d'un ordinateur et tentative de cette infraction à dix mois d'emprisonnement, sous déduction de la détention préventive, peine complémentaire à celle prononcée le 17 septembre 2002 par le Tribunal correctionnel de Lausanne. En outre, il a ordonné l'expulsion de X.________ du territoire suisse pour une durée de cinq ans avec sursis et délai d'épreuve de cinq ans.
 
Statuant le 21 mai 2004, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté les recours de X.________ et confirmé le jugement de première instance.
 
B.
 
En résumé, la condamnation de X.________ repose sur les faits suivants:
 
B.a Le 16 mai 2001, au restaurant M.________, X.________ a subtilisé la carte de crédit de Y.________. Il a ensuite proposé à un commerçant de procéder à une opération fictive portant sur 1'516 francs avec cette carte. En contrepartie, il lui a offert de partager l'argent ainsi obtenu. Le commerçant a dénoncé le cas à la police et a restitué la somme perçue à l'institut de crédit. Avant que la carte ne soit bloquée, X.________ l'a encore utilisée illicitement afin de passer des appels depuis un Publiphone, pour un montant de 100 francs, et pour huit tentatives à hauteur de 7'968 francs au total.
 
X.________ conteste ces faits, affirmant qu'il était à ce moment à son lieu de travail, sis à la place de la Riponne, à Lausanne. Pour étayer ses dires, il a produit, en seconde instance, une attestation de son employeur, la société P.________ SA, du 28 janvier 2004, ainsi qu'un décompte de timbrage signé par une responsable de cette société attestant des heures durant lesquelles il a travaillé le 16 mai 2001.
 
B.b Le 16 septembre 2001, au comptoir suisse, X.________ a volé la carte VISA de Z.________. Il a demandé ensuite à un compatriote, dénommé A.________, de lui remettre de l'argent liquide en échange de quoi il aurait la possibilité d'acheter des articles avec la carte de crédit volée. Ce dernier a accepté. Il a acheté un double lecteur CD au stand B.________ SA, a signé la quittance d'achat et remis 500 francs à X.________, ainsi que des vêtements au stand O.________, où il a signé deux autres quittances. En définitive, la carte VISA a été utilisée frauduleusement à de nombreuses reprises entre les 16 et 18 septembre 2001, pour un montant total de 8'616,85 francs suisses et de 8'185 francs français.
 
Pour admettre la culpabilité du recourant, l'autorité cantonale s'est fondée avant tout sur les déclarations faites durant l'enquête par A.________, qui est cependant revenu sur son témoignage lors de l'audience de jugement. Elle a toutefois considéré ce revirement de dernière heure comme non crédible, persuadée que le témoin avait dit la vérité lors des auditions précédentes et qu'il avait menti à l'autorité de jugement pour tirer d'affaire son compatriote.
 
C.
 
Contre l'arrêt cantonal, X.________ forme un recours de droit public et un pourvoi en nullité au Tribunal fédéral. Pour les deux recours, il sollicite l'assistance judiciaire et l'effet suspensif.
 
Le Tribunal fédéral considère en droit:
 
I. Recours de droit public
 
1.
 
1.1 Le recours de droit public au Tribunal fédéral est ouvert contre une décision cantonale pour violation des droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let. a OJ). Il n'est en revanche pas ouvert pour se plaindre d'une violation du droit fédéral, qui peut donner lieu à un pourvoi en nullité (art. 269 al. 1 PPF); un tel grief ne peut donc pas être invoqué dans le cadre d'un recours de droit public, qui est subsidiaire (art. 84 al. 2 OJ; art. 269 al. 2 PPF).
 
1.2 En vertu de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de recours doit, à peine d'irrecevabilité, contenir un exposé succinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques violés et préciser en quoi consiste la violation. Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'a donc pas à vérifier de lui-même si la décision attaquée est en tous points conforme au droit ou à l'équité. Il n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours.
 
2.
 
Invoquant une violation des art. 29, 32 al. 2, 9 Cst. et 6 CEDH, ainsi qu'une interprétation trop restrictive de l'art. 411 let. i CPP/VD, le recourant reproche à l'autorité cantonale d'avoir écarté arbitrairement deux pièces produites en seconde instance, à savoir une attestation de son employeur, la société P.________ SA, et un décompte des heures de travail du recourant. Selon le recourant, ces pièces apporteraient la preuve qu'il travaillait le 16 mai 2001 au moment où les faits en cause se sont produits.
 
Le recourant n'ayant produit ces pièces qu'en seconde instance, l'autorité cantonale a considéré qu'elles étaient irrecevables. En effet, selon la procédure pénale vaudoise, la production de pièces à l'appui d'un recours en nullité n'est admise qu'exceptionnellement, lorsque celles-ci résultent d'opérations intervenues après le jugement, mais au plus tard avant l'échéance du délai de recours. La jurisprudence vaudoise a précisé en outre que les pièces nouvelles doivent se rapporter à un fait postérieur au jugement, la production de pièces se rapportant à un fait antérieur au jugement étant exclue (Code annoté de la procédure pénale vaudoise, Lausanne 2004, n. 2 ad art. 425 CPP, p. 508). En écartant l'attestation de l'employeur et le décompte des heures du recourant, l'autorité cantonale n'a donc pas appliqué le droit cantonal de manière arbitraire; elle a en outre suffisamment motivé sa décision (art. 29 al. 2 Cst.).
 
Le recourant invoque également une violation des art. 29, 32, 9 Cst. et de l'art. 6 CEDH. Cette critique est également infondée. En effet, la jurisprudence vaudoise est tout à fait compatible avec le droit constitutionnel. L'art. 32 al. 3 Cst., qui garantit le droit à toute personne condamnée de faire examiner le jugement par une juridiction supérieure et qui reprend l'article 2 du protocole additionnel n° 7 de la CEDH (RS 0.101.07; message du Conseil fédéral du 20 novembre 1996 relatif à une nouvelle constitution fédérale, FF 1997 I 1 ss, spéc. 121 et 189 s.), n'exige pas que la juridiction supérieure jouisse d'un plein pouvoir d'examen en fait et en droit. Un recours, formé devant un tribunal de seconde instance, limité au réexamen complet des questions de droit et au réexamen des faits et des preuves sous le seul angle de l'arbitraire, est tout à fait admissible (ATF 124 I 92; voir aussi Auer/Malinverni/Hottelier, Droit constitutionnel suisse, vol. II, Les droits fondamentaux, Berne 2000, 1385 ss). Au demeurant, en cas de faits ou de moyens de preuve nouveaux, le condamné peut toujours déposer une demande de révision selon l'art. 397 CP.
 
Au vu de ce qui précède, il convient dès lors de rejeter le grief du recourant relatif à la non-prise en compte des pièces produites avec le recours cantonal.
 
3.
 
En relation avec le vol de la carte de crédit du 16 septembre 2001 et les transactions frauduleuses effectuées les 16, 17 et 18 septembre 2001, le recourant reproche à l'autorité cantonale de n'avoir pas tenu compte du fait que le témoin à charge dénommé A.________ est revenu sur ses accusations lors de l'audience de jugement et d'avoir ainsi violé le principe de la présomption d'innocence.
 
3.1 Consacrée par les art. 32 al. 1 Cst. et 6 par. 2 CEDH, la présomption d'innocence interdit au juge de prononcer une condamnation alors qu'il éprouve des doutes sur la culpabilité de l'accusé. Des doutes abstraits ou théoriques, qui sont toujours possibles, ne suffisent cependant pas à exclure une condamnation. Pour invoquer utilement la présomption d'innocence, le condamné doit donc démontrer que le juge de la cause pénale, à l'issue d'une appréciation exempte d'arbitraire de l'ensemble des preuves à sa disposition, aurait dû éprouver des doutes sérieux et irréductibles au sujet de la culpabilité (ATF 127 I 38 consid. 2 p. 40; 124 IV 86 consid. 2a p. 87/88; 120 Ia 31 consid. 2e p. 38, consid. 4b p. 40).
 
Une décision est arbitraire, donc contraire à l'art. 9 Cst., lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral n'invalide l'appréciation retenue par le juge de la cause que si elle apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective ou adoptée sans motifs objectifs. Il ne suffit pas que les motifs du verdict soient insoutenables; il faut en outre que l'appréciation soit arbitraire dans son résultat (ATF 129 I 49 consid. 4 p. 58). En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, la décision n'est arbitraire que si le juge n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, s'il a omis, sans raison sérieuse, de tenir compte d'un moyen important propre à modifier la décision attaquée ou encore si, sur la base des éléments recueillis, il a fait des déductions insoutenables (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9).
 
3.2 Pour retenir la participation du recourant aux actes en relation avec le vol de la carte de crédit du 16 septembre 2001, l'autorité cantonale s'est fondée sur les déclarations faites durant l'enquête par le témoin A.________ devant la police, puis devant le juge d'instruction. Elle a ensuite exposé les raisons pour lesquelles elle n'était pas convaincue par le revirement du témoin lors des débats, se déclarant persuadée que celui-ci avait dit la vérité lors des multiples dépositions précédentes et qu'il avait menti lors de l'audience de jugement pour tirer d'affaire un compatriote.
 
L'autorité cantonale a expliqué en outre que la version du recourant n'était pas crédible. Elle a considéré comme établi que le recourant détenait la carte soustraite avant de rencontrer A.________, ce que démontraient les achats faits au stand S.________ sous une signature qui n'était pas celle de ce témoin et qui correspondait à celle apposée sur les nombreuses quittances postérieures. En outre, elle a noté que la déclaration du recourant selon laquelle une bande de malfaiteurs lui aurait offert un voyage en Algérie achevait de détruire sa crédibilité.
 
L'autorité cantonale a ainsi expliqué de manière détaillée les raisons qui l'ont amenée à ne pas tenir compte du revirement de dernière heure de A.________. Elle ne saurait dès lors se voir reprocher d'avoir violé le principe de la présomption d'innocence. Infondé, le grief du recourant doit être rejeté.
 
4.
 
En définitive, le recours doit être rejeté.
 
Le recourant qui succombe doit supporter les frais judiciaires (art. 278 al. 1 PPF; art. 156 al. 1 OJ). Comme son recours était d'emblée dépourvu de chance de succès, l'assistance judiciaire doit être refusée (art. 152 al. 1 OJ).
 
Vu l'issue du pourvoi, la requête d'effet suspensif devient sans objet.
 
II. Pourvoi en nullité
 
5.
 
Saisi d'un pourvoi en nullité, le Tribunal fédéral contrôle l'application du droit fédéral (art. 269 PPF) sur la base exclusive de l'état de fait définitivement arrêté par l'autorité cantonale (cf. art. 277bis et 273 al. 1 let. b PPF). Le raisonnement juridique doit se fonder sur les faits retenus dans la décision attaquée, dont le recourant ne peut s'écarter.
 
Le Tribunal fédéral n'est pas lié par les motifs invoqués, mais il ne peut aller au-delà des conclusions du recourant (art. 277bis PPF). Celles-ci, qui doivent être interprétées à la lumière de leur motivation, circonscrivent les points litigieux (ATF 126 IV 65 consid. 1 p. 66).
 
6.
 
Le recourant reproche à l'autorité cantonale d'avoir violé l'art. 249 PPF en écartant les pièces qu'il a produites à l'appui de son recours et qui démontreraient qu'il travaillait au moment où les faits de la cause se sont produits (cf. consid. 2 ci-dessus).
 
6.1 Le principe de la libre appréciation des preuves énoncé par l'art. 249 PPF signifie qu'en matière pénale les juridictions d'instruction et de jugement ne sont pas liées par des preuves légales et peuvent, selon leur intime conviction, décider si un fait doit être tenu pour établi. L'art. 249 PPF interdit uniquement au juge d'appliquer les règles légales - sur l'admissibilité et la force probante d'un moyen de preuve ou les conditions de sa recevabilité - qui lui refusent de se prononcer sur leur valeur démonstrative (ATF 127 IV 46 consid. 1c p. 47; 115 IV 267 consid. 1 p. 268 s.; 103 IV 299 consid. 1a p. 300 s.).
 
En revanche, cette disposition ne permet pas de contester l'étendue des investigations, l'appréciation des preuves et les constatations de fait qui en découlent. Ces questions ne peuvent donner lieu qu'à un grief de rang constitutionnel formulé dans un recours de droit public (Bernard Corboz, Le pourvoi en nullité, in: Les recours au Tribunal fédéral, publications FSA, Berne 1997, p. 57 ss, p. 74).
 
6.2 En l'espèce, en reprochant à l'autorité cantonale de ne pas avoir tenu compte de deux pièces produites en seconde instance, le recourant s'en prend en réalité à l'appréciation des preuves, ce qu'il n'est pas habilité à faire par la voie du pourvoi en nullité. Son grief est dès lors irrecevable.
 
7.
 
Au vu de ce qui précède, le pourvoi est irrecevable.
 
Succombant, le recourant doit supporter les frais judiciaires (art. 278 al. 1 PPF; art. 156 al. 1 OJ). Etant donné que le pourvoi était voué à l'échec, l'assistance judiciaire est exclue (art. 152 al. 1 OJ).
 
Vu l'issue du pourvoi, la requête d'effet suspensif devient sans objet.
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours de droit public est rejeté.
 
2.
 
Le pourvoi en nullité est irrecevable.
 
3.
 
Les requêtes d'assistance judiciaires sont rejetées.
 
4.
 
Un émolument judiciaire de 1'600 francs est mis à la charge du recourant.
 
5.
 
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au Ministère public du canton de Vaud et au Tribunal cantonal vaudois, Cour de cassation pénale.
 
Lausanne, le 1er octobre 2004
 
Au nom de la Cour de cassation pénale
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le président: La greffière:
 
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