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Informationen zum Dokument  BGer 1P.364/2004  Materielle Begründung
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BGer 1P.364/2004 vom 23.09.2004
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
1P.364/2004/col
 
Arrêt du 23 septembre 2004
 
Ire Cour de droit public
 
Composition
 
MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal fédéral, Reeb et Fonjallaz.
 
Greffier: M. Parmelin.
 
Parties
 
A.________,
 
recourante,
 
contre
 
B.________,
 
intimé
 
Procureur général du canton du Jura,
 
Le Château, case postale 196, 2900 Porrentruy 2,
 
Président du Tribunal correctionnel de première
 
instance,
 
case postale 86, 2900 Porrentruy 2,
 
Chambre d'accusation du Tribunal cantonal du canton du Jura, Le Château, 2900 Porrentruy.
 
Objet
 
procédure pénale; choix du défenseur d'office,
 
recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre d'accusation du Tribunal cantonal du canton du Jura
 
du 27 mai 2004.
 
Faits:
 
A.
 
Par ordonnance du 23 janvier 2004, A.________ a été renvoyée devant le Tribunal correctionnel de première instance du canton du Jura sous les préventions d'instigation à obtention frauduleuse d'une constatation fausse, d'obtention frauduleuse d'une constatation fausse, d'escroqueries, éventuellement de complicité d'escroqueries, et d'abus de confiance qualifiés, éventuellement d'abus de confiance.
 
Le 15 avril 2004, elle a sollicité une prolongation du délai qui lui avait été fixé pour faire valoir ses moyens de preuve. Elle exposait ne plus avoir actuellement de mandataire pour assumer sa défense et ne pas avoir été en mesure d'en consulter un nouveau pour le mandater, en raison de problèmes de santé.
 
Le 19 avril 2004, le Président du Tribunal correctionnel a fait droit à cette requête en prolongeant le délai au 6 mai 2004. Par ordonnance du 20 avril 2004, il a désigné un mandataire d'office à la prévenue en la personne de Me B.________, avocat à Delémont.
 
Dans un courrier du 6 mai 2004, A.________ a réfuté ce choix contre lequel elle déclarait recourir en indiquant vouloir confier la défense de ses intérêts à un avocat indépendant qu'elle entendait choisir personnellement. Elle sollicitait ainsi une seconde prolongation de délai conséquente pour mener à bien ses démarches.
 
Le Président du Tribunal correctionnel lui a répondu le 10 mai 2004 qu'il n'entendait pas revenir sur sa décision et qu'il rejetait la demande de prolongation de délai. Il a transmis au surplus la déclaration de recours, traitée comme une requête de prise à partie, à la Chambre d'accusation du Tribunal cantonal du canton du Jura (ci-après: la Chambre d'accusation ou la cour cantonale), comme objet de sa compétence.
 
Par arrêt du 27 mai 2004, cette autorité a rejeté la prise à partie. Elle a estimé en substance que dans la mesure où la requérante n'avait plus de mandataire privé, le Président du Tribunal correctionnel était tenu de lui désigner un défenseur d'office en vertu des art. 45 al. 1 ch. 3 let. a et c du Code de procédure pénale jurassien (CPP jur.).
 
B.
 
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande au Tribunal fédéral de casser cet arrêt, sous suite de frais et dépens. Elle se plaint en substance d'avoir été privée de la liberté de choisir un avocat indépendant pour assurer la défense de ses intérêts et d'une inégalité de traitement par rapport aux autres prévenus qui ont obtenu une seconde prolongation du délai fixé pour faire valoir leurs offres de preuve. Elle requiert l'assistance judiciaire gratuite.
 
La Chambre d'accusation conclut au rejet du recours dans la mesure où il est recevable. Le Procureur général du canton du Jura a renoncé à présenter des observations. Le Président du Tribunal correctionnel se réfère à l'arrêt attaqué. Me B.________ s'est déterminé.
 
Le Tribunal fédéral considère en droit:
 
1.
 
Seul le recours de droit public pour violation des droits constitutionnels des citoyens est ouvert contre une décision prise en dernière instance cantonale, rejetant une prise à partie portant sur la désignation d'un défenseur d'office fondée, comme en l'espèce, sur le droit cantonal de procédure. Formé en temps utile contre une décision qui touche la recourante dans ses intérêts juridiquement protégés, le recours est recevable au regard des art. 88 et 89 al. 1 OJ. Les décisions relatives à l'assistance judiciaire et à la désignation d'un avocat d'office sont de nature incidente (ATF 129 I 129 consid. 1.1 p. 131 et l'arrêt cité). Elles ne peuvent être attaquées immédiatement par la voie du recours de droit public que si elles exposent leur destinataire à un préjudice irréparable au sens de l'art. 87 al. 2 OJ. Vu l'issue du recours, la question de savoir si la désignation d'un avocat d'office contre le gré du prévenu est susceptible de lui causer un tel dommage peut rester indécise.
 
2.
 
A.________ tient la désignation d'un mandataire d'office au stade actuel de la procédure pour prématurée, illégale et arbitraire, au regard de l'art. 45 al. 1 ch. 3 let. a CPP jur., qui ne déclare la défense obligatoire qu'aux débats devant le Tribunal correctionnel. Ce faisant, elle perd de vue la disposition de l'art. 45 al. 2 CPP jur. qui impose également la désignation d'un avocat d'office durant la procédure de renvoi lorsque des débats au sens de l'alinéa 1 ch. 2 et 3 let. a ou b sont probables. Tel est précisément le cas en l'espèce où une audience avait d'ores et déjà été fixée le 5 juillet 2004. On observera au demeurant qu'en règle générale, il est souhaitable que l'assistance d'un avocat d'office intervienne le plus tôt possible, ceci dans l'intérêt d'une saine administration de la justice. La nomination d'un défenseur d'office à ce stade de la procédure échappe ainsi à toute critique.
 
3.
 
La recourante reproche au Président du Tribunal correctionnel de l'avoir privée du droit de choisir personnellement son mandataire en lui désignant immédiatement Me B.________ comme défenseur d'office. Elle n'indique toutefois pas la disposition du droit cantonal de procédure ou le principe de droit constitutionnel qui imposerait à l'autorité compétente en la matière de prendre l'avis du prévenu avant de désigner un avocat d'office, comme il lui appartenait de le faire en vertu de l'art. 90 al. 1 let. b OJ (cf. ATF 129 III 626 consid. 4 p. 629). La recevabilité du recours sur ce point est douteuse. Peu importe en définitive, car le grief est de toute manière mal fondé.
 
La désignation d'un défenseur d'office incombe à l'autorité compétente selon le droit cantonal de procédure et ne ressortit pas au domaine du droit à la liberté personnelle du prévenu. Ni l'art. 29 al. 2 Cst. ni l'art. 6 § 3 let. c CEDH ne garantissent au prévenu mis au bénéfice de l'assistance judiciaire le droit de choisir l'avocat qui lui sera commis d'office et d'être consulté par l'autorité compétente avant qu'elle ne se prononce à ce propos (ATF 125 I 161 consid. 3b p. 164; 114 Ia 101 consid. 3 p. 104; 113 Ia 69 consid. 5b p. 70; 105 Ia 296 consid. 1d et 1f p. 302 et 305). Saisi d'un recours de droit public portant sur la contestation du choix du défenseur d'office, le Tribunal fédéral se limite à examiner si l'autorité est tombée dans l'arbitraire en abusant de la liberté d'appréciation dont elle jouit lorsqu'elle nomme un avocat d'office. Tel pourrait être le cas lorsque la désignation du défenseur d'office compromet objectivement l'exercice des droits de la défense, soit à cause des relations personnelles du plaideur avec la personne désignée, soit en raison de la nature particulière de l'affaire (arrêt 2P.287/1997 du 25 novembre 1997 consid. 3b paru à la SJ 1998 p. 192/193), ou encore lorsque le refus de tenir compte des voeux du prévenu est manifestement contraire aux intérêts de la justice (arrêt 1P.808/1991 du 12 février 1992).
 
Or, la recourante ne prétend pas que l'avocat commis d'office ne serait pas qualifié pour assurer la défense de ses intérêts. Elle tient certes le choix de Me B.________ pour arbitraire, mais elle ne fait valoir à l'encontre de celui-ci aucun reproche précis et fondé, propre à faire apparaître ce choix comme arbitraire et contraire aux intérêts de la défense. Elle ne prétend en particulier pas que l'avocat désigné ne pourrait exercer son mandat d'office en raison de conflits d'intérêts, d'incompatibilité ou d'un autre motif (arrêt P.3015/1986 du 21 février 1986 consid. 3 paru à la SJ 1986 p. 351). Elle ne cherche pas plus à démontrer que la défense de ses intérêts imposerait la désignation d'un autre avocat en raison de la nature particulière de l'affaire ou qu'elle serait mise en péril par des relations personnelles conflictuelles avec Me B.________. Si la relation de confiance doit en principe être recherchée, le droit à un procès équitable garanti à l'art. 29 al. 1 Cst. ne donne pas à l'assisté le droit de refuser l'avocat désigné, parce qu'il n'aurait, pour des raisons purement subjectives, pas confiance en lui (ATF 105 Ia 296 consid. 1d p. 302). On relèvera enfin que le Président du Tribunal correctionnel pouvait sans arbitraire estimer urgente la nomination d'un avocat d'office dans la mesure où il entendait tenir une audience le 5 juillet 2004 et il n'a pas fait preuve d'arbitraire en en désignant un sans attendre une proposition concrète de la part de la recourante.
 
4.
 
A.________ reproche au Président du Tribunal correctionnel d'avoir refusé de lui accorder une seconde prolongation du délai fixé pour faire valoir ses moyens de preuve alors qu'il avait accédé à une demande analogue émanant des conseils des autres prévenus. Elle se plaint à ce propos d'une inégalité de traitement.
 
Dans une ordonnance du 12 mai 2004, le Président de la Chambre d'accusation a donné acte à la recourante du dépôt de son recours du 6 mai 2004, traité comme une prise à partie, contre l'ordonnance du Président du Tribunal correctionnel du 20 avril 2004 lui désignant un défenseur d'office en la personne de Me B.________, avocat à Delémont. La cour cantonale a donc clairement circonscrit l'objet du litige à cette question, sans que la recourante ne s'en plaigne. Celle-ci n'allègue pas avoir contesté le refus de prolonger une nouvelle fois le délai fixé pour faire valoir d'éventuels compléments de preuve, que le Président du Tribunal correctionnel lui a notifié le 10 mai 2004. Elle ne prétend pas plus que la Chambre d'accusation aurait dû examiner d'office ce point dans le cadre de la prise à partie dont elle était saisie. Le recours est donc irrecevable sur ce point, faute d'épuisement des instances cantonales. Il ressort au demeurant du dossier que A.________ a présenté les moyens de preuve qu'elle entendait faire administrer aux débats en date du 25 mai 2004, soit dans le délai prolongé accordé aux autres prévenus. Or, le Président du Tribunal correctionnel n'a pas écarté cette demande sous prétexte qu'elle aurait été déposée hors délai, mais il l'a transmise à Me B.________ le 7 juin 2004 en lui donnant un délai à fin juin 2004 pour l'examiner et, le cas échéant, formuler une demande de complément de preuve, de sorte que les droits de défense de la recourante ont été sauvegardés. Supposé admissible au regard de l'art. 86 al. 1 OJ, le grief aurait dû être écarté pour ce motif.
 
5.
 
A.________ semble enfin voir un déni de justice dans le fait que la Chambre d'accusation aurait circonscrit le litige au principe de la désignation d'un avocat d'office, alors qu'elle s'en prenait également à la personne de celui-ci. A supposer que tel soit le cas, cela ne suffirait pas à justifier l'annulation de l'arrêt attaqué, dès lors que la recourante ne formule aucun reproche personnel à l'endroit de Me B.________ propre à faire apparaître sa désignation comme arbitraire ou contraire à ses intérêts. Il est au surplus difficile de lui faire grief de ne pas avoir sollicité d'office une prolongation du délai pour faire valoir un éventuel complément de preuve, dès lors que A.________ admet l'avoir d'emblée informé qu'elle le récusait et n'avoir répondu à aucune des convocations qu'il lui avait adressée.
 
6.
 
Le recours doit par conséquent être rejeté, dans la mesure où il est recevable. Celui-ci étant d'emblée dénué de toute chance de succès, la demande d'assistance judiciaire doit également être écartée (art. 152 al. 1 OJ). Vu la nature du litige, la recourante n'a pas à supporter de frais de justice. Me B.________ a conclu implicitement à l'admission du recours et ne saurait ainsi prétendre à des dépens.
 
Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.
 
2.
 
La demande d'assistance judiciaire gratuite est rejetée.
 
3.
 
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire, ni alloué de dépens.
 
4.
 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties, au Procureur général, au Président du Tribunal correctionnel de première instance et à la Chambre d'accusation du Tribunal cantonal du canton du Jura.
 
Lausanne, le 23 septembre 2004
 
Au nom de la Ire Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le président: Le greffier:
 
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