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Informationen zum Dokument  BGer 5C.124/2004  Materielle Begründung
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BGer 5C.124/2004 vom 03.09.2004
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
5C.124/2004 /frs
 
Arrêt du 3 septembre 2004
 
IIe Cour civile
 
Composition
 
M. et Mmes les Juges Raselli, Président, Escher et Hohl.
 
Greffière: Mme Michellod Bonard.
 
Parties
 
A.________,
 
demandeur et recourant, représenté par Me Mario-Dominique Torello, avocat,
 
contre
 
B.________,
 
défenderesse et intimée, représentée par Me Michel A. Halpérin, avocat,
 
Objet
 
effets accessoires du divorce; contribution d'entretien,
 
recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève du 23 avril 2004.
 
Faits:
 
A.
 
Les époux A.________ et B.________ se sont mariés le 15 avril 1988, sous le régime de la séparation de biens.
 
Trois enfants sont issus de cette union: C.________, née le 2 octobre 1987, D.________, né le 8 septembre 1989 et E.________, née le 2 avril 1992.
 
B.
 
Par requête déposée en date du 10 mai 2001, A.________ a formé une demande unilatérale de divorce. B.________ a acquiescé au principe du divorce lors de l'audience de comparution personnelle du 21 septembre 2001, mais s'est opposée aux conclusions de son époux sur les effets accessoires du divorce.
 
Par jugement du 20 mars 2003, le Tribunal de première instance du canton de Genève a prononcé le divorce et a, notamment:
 
- condamné A.________ à verser à B.________, à titre de contribution à l'entretien des enfants, par enfant, outre les allocations familiales, les sommes de 800 fr. jusqu'à l'âge de 15 ans et de 900 fr. de 15 ans à la majorité et même au-delà mais jusqu'à 25 ans au plus si l'enfant bénéficiaire poursuivait une formation sérieuse et régulière.
 
- condamné A.________ à verser à B.________, à titre de contribution à son propre entretien, la somme mensuelle de 2'000 fr. jusqu'à ce qu'elle ait atteint l'âge de la retraite.
 
- condamné A.________ à verser à B.________ la somme de 277'300 fr.
 
C.
 
Sur appel de A.________ et appel incident de B.________, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a, le 23 avril 2004, confirmé le jugement de première instance en tant qu'il déboutait notamment le demandeur de ses conclusions en paiement de 290'674,60 fr. avec intérêts et qu'il condamnait ce dernier à verser à son ex-épouse la somme de 277'300 fr. La cour d'appel a par contre:
 
- augmenté les contributions d'entretien pour les enfants à 1'450 fr. par enfant jusqu'à la majorité et même au-delà mais jusqu'à 25 ans au plus si l'enfant bénéficiaire poursuivait une formation sérieuse et régulière,
 
- diminué la contribution d'entretien pour B.________ à 1'000 fr. par mois jusqu'à ce qu'elle ait atteint l'âge de 64 ans et
 
- condamné A.________ à verser à B.________ la somme de 77'246,50 fr.
 
D.
 
Sur les points encore litigieux, la Cour de justice a retenu les faits suivants:
 
a) Le 13 juillet 1988, B.________ a acheté en son nom une villa qui devait servir de domicile familial. Le prix d'achat de 1'520'000 fr. a été financé par l'épouse en ce qui concerne les fonds propres et, pour le surplus, par un emprunt hypothécaire contracté par les deux époux. Le paiement des intérêts et l'amortissement devait se faire par le biais d'un compte-joint ouvert à cet effet. C'est B.________ qui a régulièrement payé les montants dus, par débit de ses comptes bancaires.
 
La villa a fait l'objet d'une rénovation importante entre octobre 1988 et mai 1989. Les travaux ont été exécutés tantôt par des amis et collègues de A.________ et tantôt par diverses entreprises. Ce dernier a assumé la majeure partie des contacts avec ces intervenants, qui ont été payés soit au comptant soit notamment par chèques, avant et après février 1989.
 
A.________ allègue avoir payé de ses propres deniers des frais totalisant 281'674,60 fr. ainsi que 9'000 fr. d'amortissement du crédit hypothécaire. Il soutient avoir utilisé à cet effet l'argent provenant de la liquidation du régime matrimonial d'avec sa précédente épouse. Cette liquidation s'est terminée en février 1989 avec un solde en faveur du recourant de 182'670,75 fr.
 
La villa a été revendue en 2001 pour 1'350'000 fr., ce qui a permis à B.________ de rembourser l'emprunt hypothécaire.
 
La Cour de justice a estimé que le demandeur n'avait pas prouvé avoir consenti les dépenses alléguées pour la rénovation de la villa de son ex-épouse.
 
b) Le 29 mars 1996, A.________ a acheté en son nom une parcelle en France pour 120'000 FF, correspondant à environ 30'000 fr. Il y a fait construire un chalet qu'il a revendu en 2003 pour 194'040 Euros, correspondant à environ 283'066 fr.
 
B.________ allègue avoir financé l'achat de la parcelle et la construction du chalet par le biais d'augmentations du prêt hypothécaire grevant sa villa. A.________ prétend au contraire avoir essentiellement financé cet achat par les deniers provenant de l'héritage de son père. Il a effectivement hérité, durant la construction du chalet, de la somme d'environ 105'000 fr.
 
La Cour de justice a retenu que les diverses augmentations du prêt hypothécaire avaient été investies dans l'achat et la construction du chalet. Elle a de ce fait condamné A.________ à rembourser la somme de 277'300 fr. à son ex-épouse, de même que les intérêts hypothécaires correspondants, soit 77'246,50 fr.
 
c) Concernant la situation personnelle des parties, la Cour de justice a retenu ce qui suit:
 
- A.________, né le 10 juillet 1955, a le rang d'officier de police. En 2002, il a gagné un salaire mensuel net de xxx fr. En mai 2003, son médecin traitant envisageait de discuter avec lui d'une retraite précoce, en fonction du résultat de divers examens médicaux en cours.
 
- B.________, née le 21 octobre 1953, est titulaire d'une maturité et d'un diplôme de sténodactylo. Elle a travaillé en tant que secrétaire jusqu'en 1987 puis s'est consacrée presque exclusivement à l'éducation de ses trois enfants et à la tenue du ménage. Elle a ensuite repris une activité de secrétaire à temps partiel, son dernier emploi étant un poste d'auxiliaire temporaire à 50%. Elle gagnait à ce titre 2'721,05 fr. nets par mois. Son contrat, de durée déterminée, a pris fin le 31 décembre 2003. Ses trois enfants - dont l'aînée a 16 ans - habitent chez elle, vont toujours à l'école, ne gagnent rien et n'ont pas de fortune.
 
E.
 
A.________ interjette un recours en réforme contre l'arrêt cantonal. Il se plaint d'une violation des art. 8 CC et 312 CO en relation avec la rénovation de la villa et la construction de son chalet et conteste en outre l'application des art. 125, 133 et 285 CC. Le demandeur conclut à la réforme de la décision cantonale en ce sens que:
 
- B.________ est déboutée de ses prétentions en paiement de 277'300 fr. et de 77'246,50 fr.,
 
- elle est condamnée à lui verser la somme de 290'674,60 fr.,
 
- elle n'a droit à aucune pension à titre de contribution à son propre entretien à partir du 1er mars 2006,
 
- dès le 1er mars 2006, les pensions pour les enfants sont réduites à hauteur de 800 fr. jusqu'à l'âge de 15 ans, et à 900 fr. de 15 ans à la majorité en cas d'études sérieuses et régulières.
 
- l'arrêt est confirmé pour le surplus.
 
L'intimée n'a pas été invitée à déposer de réponse.
 
Le recours de droit public interjeté parallèlement a été rejeté dans la mesure où il était recevable, par arrêt de ce jour (5P.218/2004).
 
Le Tribunal fédéral considère en droit:
 
1.
 
Interjeté par la partie qui a succombé dans ses conclusions en paiement et dirigé contre un jugement final rendu en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation civile dont la valeur litigieuse atteint le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ), le recours en réforme est en principe recevable; en outre, il a été formé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ).
 
Le recours en réforme est ouvert pour violation du droit fédéral (art. 43 al. 1 OJ). En revanche, il ne permet pas d'invoquer la violation directe d'un droit de rang constitutionnel (art. 43 al. 1, 2e phrase OJ) ou la violation du droit cantonal (ATF 127 III 248 consid. 2c).
 
Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral conduit son raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il ne faille rectifier des constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents et régulièrement allégués (art. 64 OJ).
 
Dans la mesure où la partie recourante présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée, sans se prévaloir avec précision de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir compte. Il ne peut être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours en réforme n'est donc pas ouvert pour se plaindre de l'appréciation des preuves et des constatations de fait qui en découlent.
 
Dans son examen du recours, le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties, lesquelles ne peuvent en prendre de nouvelles (art. 55 al. 1 let. b OJ); en revanche, il n'est lié ni par les motifs que les parties invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par l'argumentation juridique de la cour cantonale (art. 63 al. 3 OJ). Il peut donc admettre un recours pour d'autres motifs que ceux invoqués par la partie recourante et peut également rejeter un recours en adoptant une autre argumentation juridique que celle retenue par la cour cantonale (ATF 127 III 248 consid. 2c et les références citées).
 
2.
 
Le demandeur soutient que la cour cantonale a violé l'art. 8 CC en rejetant sa prétention en paiement de 290'674,60 fr., puisque cette autorité s'est contentée des seules dénégations de la défenderesse sans tenir compte du fait que celle-ci n'avait pas apporté la preuve de ses contre-allégués.
 
2.1 L'art. 8 CC dispose que chaque partie doit, si la loi ne prescrit le contraire, prouver les faits qu'elle allègue pour en déduire son droit.
 
Pour toutes les prétentions relevant du droit privé fédéral, l'art. 8 CC répartit le fardeau de la preuve - en l'absence de disposition spéciale contraire - et détermine, sur cette base, la partie qui doit assumer les conséquences de l'absence de preuve (ATF 127 III 519 consid. 2a p. 522). Cette disposition ne dicte pas au juge comment il doit former sa conviction; ainsi, lorsque l'appréciation des preuves le convainc de la réalité ou de l'inexistence d'un fait, la question de la répartition du fardeau ne se pose plus; seul le moyen tiré d'une appréciation arbitraire des preuves, à invoquer dans un recours de droit public, est alors recevable.
 
2.2 Le demandeur fonde sa créance sur le fait qu'il a lui-même financé les travaux de rénovation de la villa de son ex-épouse et qu'il a amorti le crédit hypothécaire à concurrence de 9'000 fr. En application de l'art. 8 CC, il lui appartenait d'apporter la preuve de ces allégations. La défenderesse n'avait en revanche aucune obligation de collaborer à l'établissement des preuves et pouvait se borner à contester les faits allégués par le demandeur (cf. ATF 115 II 1 consid. 4).
 
La cour cantonale a estimé, au terme d'une appréciation des preuves, que le demandeur n'avait pas prouvé ses allégués. En le déboutant de sa conclusion en paiement de 290'674,60 fr., la cour cantonale a donc parfaitement respecté l'art. 8 CC.
 
3.
 
Le demandeur considère que la cour cantonale a également violé l'art. 8 CC en retenant les allégués de la défenderesse quant au financement du chalet acquis en France. Cette dernière prétendait que les quatre augmentations du crédit hypothécaire grevant sa propriété avaient été investies dans l'achat de la parcelle et la construction du chalet du demandeur. Elle n'avait cependant fourni aucune pièce bancaire propre à prouver ces allégations. Le demandeur estime que dans ces circonstances, la cour cantonale a méconnu la règle du fardeau de la preuve en retenant les allégations de la défenderesse et en ignorant ainsi les preuves contraires qu'il avait apportées. Le demandeur semble en outre reprocher à la cour cantonale d'avoir considéré comme prouvés des faits qui ne lui paraissaient que vraisemblables.
 
Comme cela a été rappelé ci-dessus (consid. 2.1), l'art. 8 CC ne prescrit pas quelles sont les mesures probatoires qui doivent être ordonnées ni ne dicte au juge comment il doit former sa conviction. Ainsi, lorsque le demandeur reproche à la cour cantonale d'avoir retenu les allégués de son ex-épouse malgré l'absence de toute pièce bancaire de sa part et malgré les preuves contraires qu'il aurait lui-même apportées, il s'en prend en réalité à l'appréciation des preuves, ce qui n'est pas admissible dans un recours en réforme. Enfin, rien ne permet de penser que la cour cantonale se serait contentée d'une simple vraisemblance pour retenir que les augmentations du crédit hypothécaire avaient été investies dans le chalet du demandeur.
 
4.
 
Le demandeur se plaint encore de la violation de l'art. 312 CO. En ce qui concerne le montant de 277'300 fr., correspondant aux augmentations de l'hypothèque, il estime que l'une des conditions de l'existence d'un contrat de prêt n'est pas réalisée puisque la défenderesse n'a pas prouvé qu'elle lui avait transféré de l'argent ou qu'il avait utilisé la procuration qu'il détenait sur le compte bancaire dont elle était l'unique titulaire. Il conteste pour la même raison devoir lui rembourser les intérêts hypothécaires dus sur le montant de 277'300 fr., soit 77'246,50 fr., qu'elle a elle-même acquittés envers la banque.
 
4.1 Le demandeur perd de vue qu'il n'est pas autorisé, dans le cadre du recours en réforme, à critiquer l'état de fait retenu par la cour cantonale. Celle-ci a considéré que le montant de 277'300 fr. prêté par la BCGe aux deux époux avait été investi dans le chalet, ce qui lie le Tribunal fédéral (cf. supra, consid. 1).
 
4.2 Les rapports entre codébiteurs sont régis par l'art. 148 CO. Selon l'alinéa 1 de cette disposition, "si le contraire ne résulte de leurs obligations, chacun des débiteurs solidaires doit prendre à sa charge une part égale du paiement fait au créancier". L'alinéa 2 prévoit que "celui qui paie au-delà de sa part a, pour l'excédent, un recours contre les autres".
 
La défenderesse a assumé seule, sans intention libérale, le paiement des intérêts d'une dette hypothécaire commune ainsi que son remboursement, alors qu'une partie de cette dette a exclusivement servi à augmenter la fortune personnelle de son époux. Comme l'a jugé la cour cantonale, il s'agit là d'une convention de prêt entre les époux qui déroge à la règle du partage en parts égales d'une dette assumée solidairement par des codébiteurs, au sens de l'art. 148 al. 1 CO. Dans ces circonstances, la défenderesse était en droit de réclamer au demandeur, sur la base de l'art. 148 al. 1 et 2 CO, l'intégralité du montant dont il avait seul profité (277'300 fr.) ainsi que les intérêts hypothécaires y relatifs (77'246,50 fr.).
 
5.
 
Dans un dernier grief, le demandeur estime que la cour cantonale a violé les art. 125, 133 et 285 CC en le condamnant à verser des pensions alimentaires à son ex-épouse et à ses enfants sans tenir compte du fait qu'il devra cesser de travailler dans la police genevoise dès fin février 2006 et ne sera ainsi plus en mesure d'assumer le versement de ces pensions.
 
Le grief est entièrement irrecevable, puisqu'il se fonde sur un élément de fait qui n'a pas été retenu dans l'arrêt cantonal, à savoir l'obligation pour le demandeur de prendre sa retraite à fin février 2006. La cour cantonale a au contraire retenu qu'il pouvait rester au sein de la police genevoise jusqu'à l'âge de 63 ans (soit en 2018), et que même s'il choisissait de prendre une retraite anticipée, il pourrait exercer une activité rémunérée pour compléter le montant de sa retraite.
 
6.
 
Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté dans la mesure où il est recevable et il appartiendra au demandeur, qui succombe, d'assumer les frais judiciaires de la procédure fédérale (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a en revanche pas lieu d'allouer des dépens à la défenderesse dès lors qu'elle n'a pas été invitée à répondre au recours et n'a donc pas assumé de frais en relation avec la procédure devant le Tribunal fédéral (art. 159 al. 1 et 2 OJ; Poudret/Sandoz-Monod, Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire, vol. V, 1992, n° 2 ad art. 159 OJ).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
 
2.
 
Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge du demandeur.
 
3.
 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
 
Lausanne, le 3 septembre 2004
 
Au nom de la IIe Cour civile
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le président: La greffière:
 
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