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Informationen zum Dokument  BGer 4C.153/2004  Materielle Begründung
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BGer 4C.153/2004 vom 16.07.2004
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
4C.153/2004 /mks
 
Arrêt du 16 juillet 2004
 
Ire Cour civile
 
Composition
 
MM. et Mme les Juges Corboz, président, Favre et Kiss.
 
Greffière: Mme Aubry Girardin.
 
Parties
 
R. et S. A.________,
 
demandeurs et recourants, tous deux représentés
 
par Me Xavier Wenger, avocat,
 
contre
 
Banque X.________,
 
défenderesse et intimée, représentée par Me Philippe Pont, avocat,
 
Objet
 
action en libération de dette; contrat d'ouverture de crédit
 
(recours en réforme contre le jugement du Tribunal cantonal valaisan, Cour civile II, du 12 mars 2004).
 
Faits:
 
A.
 
Désireux d'acquérir un logement, R. et S. A.________ se sont adressés, en 1991, à la fiduciaire et agence immobilière B.________ (ci-après la Fiduciaire), qui détenait un mandat de courtage relatif à un immeuble situé à Martigny. La Fiduciaire leur a présenté divers appartements. Les époux A.________ ont décidé d'acheter le plus grand, en insistant pour obtenir les travaux de conciergerie qui étaient bien rémunérés.
 
Les formalités administratives et financières destinées à cette acquisition ont été menées par la Fiduciaire.
 
Le 26 juillet 1991, les époux A.________ ont signé devant notaire un acte de vente soumis à la condition que les acheteurs obtiennent un subventionnement de l'Office du logement. Cet acte portait sur une part de propriété par étage avec droit exclusif sur un appartement de quatre pièces et sur une place de parc, pour le prix de 436'000 fr., sous déduction de 28'253,05 fr. de finitions à effectuer par les acquéreurs.
 
Ce prix a été payé sur le compte de construction de la promotion auprès de la Banque X.________ (ci-après: la Banque), succursale de Martigny, cessionnaire de la somme.
 
Le 14 août 1991, la Fiduciaire a déposé au nom des époux A.________ un dossier relatif à une demande d'aide fédérale et cantonale au logement. Le 25 septembre 1991, l'aide fédérale leur a été accordée en fonction d'un coût de revient arrondi à 454'000 fr., soit 436'000 fr. de prix d'achat et 17'440 fr. de frais d'actes. Il a été retenu que la prise en charge de ces frais, ajoutée au coût des finitions à effectuer, permettait aux acquéreurs de réaliser l'exigence de fonds propres de 10%.
 
Pour financer l'achat de leur appartement, les époux A.________, agissant toujours par l'intermédiaire de la Fiduciaire, se sont adressés à la Banque, qui leur a octroyé, le 21 octobre 1991, deux prêts s'élevant respectivement à 300'000 fr. et à 108'000 fr., garantis par le nantissement de deux obligations hypothécaires au porteur d'un même montant. Selon la formule de l'Office fédéral du logement remplie par la Banque en juin 1991, celle-ci a confirmé avoir examiné la solvabilité des époux A.________ selon les usages bancaires.
 
A partir du 3 juillet 1992, l'Office fédéral du logement a versé ses subsides, l'État du Valais a fait de même dès le 5 février 1993.
 
Jusqu'à fin 1997, les époux A.________ se sont acquittés du remboursement des annuités en faveur de la Banque.
 
Dès le 1er janvier 1998, l'Office fédéral du logement et l'État du Valais ont cessé leurs versements à la suite d'un réexamen de la situation des intéressés, dont les revenus dépassaient les limites pour l'octroi de leurs aides. En effet, il résultait du procès-verbal de taxation du 22 novembre 1997 que les époux A.________ avaient omis d'indiquer, dans leur précédente déclaration d'impôt, le revenu provenant d'une rente de 11'517 fr. versée par une assurance.
 
A la suite de ces décisions, les époux A.________ ont connu des difficultés financières et n'ont plus été en mesure de s'acquitter des annuités convenues.
 
Le 27 mai 1999, la Banque a dénoncé les prêts hypothécaires pour le 30 septembre 1999, dont les soldes s'élevaient à 316'500 fr. et à 94'600 fr. Le 29 octobre 1999, elle a également dénoncé les deux obligations hypothécaires au porteur pour le 31 janvier 2000.
 
Les époux A.________ n'ayant pas été en mesure de s'exécuter, la Banque a introduit, en février 2000, une poursuite en réalisation de gage immobilier et a obtenu, le 2 mai 2000, la mainlevée provisoire à concurrence de 411'100 fr. plus intérêts.
 
B.
 
Le 31 mai 2000, R. et S. A.________ ont ouvert une action en libération de dette contre la Banque.
 
L'expertise judiciaire requise par les époux A.________ a été refusée par le juge en charge du dossier, ce qu'a confirmé la Cour de cassation civile du Tribunal cantonal valaisan, par jugement du 12 mai 2003. Par arrêt du 17 septembre 2003, la Cour de céans a déclaré irrecevable le recours de droit public interjeté par les époux A.________ contre cette décision.
 
Par jugement du 12 mars 2004, la Cour civile II du Tribunal cantonal valaisan a rejeté l'action en libération de dette introduite par R. et S. A.________. Hormis le moyen fondé sur la nullité de la vente immobilière qui a été écarté, les juges ont considéré en substance que l'on ne pouvait reprocher à la Banque d'avoir surestimé la capacité financière des acheteurs. Par conséquent, celle-ci n'avait pas violé ses devoirs d'information et de conseil en ne dissuadant pas les époux A.________ de se lancer dans l'opération immobilière et en ne leur refusant pas tout crédit.
 
C.
 
Contre ce jugement, R. et S. A.________ (les demandeurs) interjettent un recours en réforme au Tribunal fédéral. Ils concluent à la réforme du jugement du 12 mars 2004, à l'admission de leur action en libération de dette et à ce qu'il soit dit qu'ils ne sont pas débiteurs de la Banque, sous suite de frais et dépens.
 
La Banque (la défenderesse) propose de déclarer irrecevable le recours en réforme, subsidiairement de le rejeter, en mettant les frais et dépens à la charge des recourants.
 
Par arrêt de ce jour, le Tribunal fédéral a rejeté le recours de droit public formé parallèlement par les époux A.________ à l'encontre du jugement du 12 mars 2004.
 
Le Tribunal fédéral considère en droit:
 
1.
 
1.1 Interjeté par les demandeurs qui ont succombé dans leur action en libération de dette et dirigé contre un jugement final rendu en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 48 al. 1 OJ; art. 23 al. 1 let. b CPC valaisan), le recours porte sur une contestation civile dont la valeur litigieuse dépasse largement le seuil de 8'000 fr. (art. 46 OJ). Il a en outre été été déposé en temps utile compte tenu des féries (art. 34 al. 1 let. a et 54 al. 1 OJ) et dans les formes requises (art. 55 OJ). Il convient donc d'entrer en matière.
 
1.2 Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit mener son raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait lieu de rectifier des constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents, régulièrement allégués et clairement établis (art. 64 OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c et l'arrêt cité). Dans la mesure où une partie recourante présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée, sans se prévaloir avec précision de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir compte (ATF 127 III 248 consid. 2c). Il ne peut être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ).
 
Les demandeurs semblent méconnaître ces principes, car ils fondent une partie de leur argumentation sur des faits différents de ceux ressortant du jugement entrepris, ce qui n'est pas admissible. La Cour de céans limitera donc son raisonnement aux éléments figurant dans la décision attaquée.
 
2.
 
En premier lieu, les demandeurs se plaignent d'une violation de l'art. 8 CC.
 
Cette disposition confère le droit à la preuve et à la contre-preuve, à la condition qu'il s'agisse d'établir un fait pertinent, qui n'est pas déjà prouvé par une mesure probatoire adéquate et qui a été régulièrement offerte selon les règles de la loi de procédure applicable (ATF 129 III 18 consid. 2.6 et les arrêt cités). L'art. 8 CC ne dicte cependant pas sur quelles bases et comment le juge doit former sa conviction (ATF 128 III 22 consid. 2d p. 25; 127 III 248 consid. 3a). Cette disposition ne peut être invoquée pour faire corriger l'appréciation des preuves qui ressortit au juge du fait (cf. ATF 127 III 248 consid. 3a).
 
Comme il l'a déjà été évoqué dans le cadre du recours de droit public déposé parallèlement (cf. arrêt 4P.101/2004 du 16 juillet 2004, consid. 4.2), c'est sans arbitraire que la cour cantonale a considéré que les frais d'actes de 17'440 fr. pouvaient être pris en compte dans le calcul des fonds propres amenés par les acquéreurs, ce qui ressort du reste des pièces du dossier. C'est donc sur la base d'une appréciation des preuves que les juges ont inclus le montant de 17'440 fr. dans les fonds propres des acquéreurs, ce qui exclut que cette question puisse relever de l'art. 8 CC.
 
Sous le couvert de cette disposition, les demandeurs formulent du reste des critiques qui ne concernent pas le fardeau de la preuve.
 
Ainsi, lorsqu'ils soutiennent qu'il appartenait à la défenderesse de démontrer que le montant de 17'440 fr. pouvait être inclus dans le calcul des fonds propres, ils remettent en cause les faits retenus sur la base des pièces du dossier. Il en va de même lorsqu'ils se plaignent d'avoir été privés de la possibilité de faire valoir qu'ils n'ont en réalité pas payé ni été tenus de verser les 17'440 fr. de frais d'actes, dès lors qu'il ressort du jugement attaqué qu'ils ont pris en charge ces frais.
 
Enfin, la critique concernant le fait que la cour cantonale aurait comptabilisé les frais d'actes dans les fonds propres, alors que cet élément n'aurait été allégué par aucune des parties, relève de la procédure cantonale (cf. ATF 113 Ia 433 consid. 4b) et ne peut être invoquée dans un recours en réforme (art. 55 al. 1 let. c in fine OJ; ATF 127 III 248 consid. 1b).
 
Le moyen tiré de l'art. 8 CC est donc irrecevable.
 
3.
 
Dans leur second grief, les demandeurs soutiennent que la banque aurait dû refuser de leur octroyer tout crédit, de sorte qu'en retenant que celle-ci avait respecté son devoir de diligence et de fidélité, le jugement attaqué méconnaît l'art. 398 al. 2 CO.
 
3.1 Comme l'a retenu pertinemment la cour cantonale, les demandeurs cherchent à rendre responsable la banque pour la violation d'une obligation d'information reposant sur le contrat d'ouverture de crédit. Bien que la nature juridique de ce contrat soit controversée, il est admis que la banque doit remplir, à l'égard de son client, des devoirs d'information et de conseil ressortant au mandat et consacrés à l'art. 398 CO (cf. arrêt du Tribunal fédéral 4C.410/1997 du 23 juin 1998 in Pra 1998 No 155 p. 827, traduit in SJ 1999 I 205, consid. 3 et 3a et les références citées). Dans cet arrêt, la Cour de céans a précisé que, si le client réclame un crédit qui n'est pas lié à une affaire à connotation bancaire, mais au financement d'un projet indépendant d'une affaire bancaire, en l'occurrence une opération immobilière, la banque n'est en principe pas tenue, pour autant qu'elle soit même en mesure de le faire, de vérifier spontanément la possibilité de réaliser un tel projet d'un point de vue juridique ou économique, pas plus qu'elle n'est obligée d'instruire le preneur de crédit des risques liés au financement d'une affaire de ce genre; le preneur de crédit doit supporter le risque de l'entrepreneur; bien plus encore que s'il s'agit d'une affaire à connotation bancaire, un devoir de mise en garde n'existe que dans des situations très spécifiques, notamment lorsque la banque dispose de connaissances particulières quant au risque lié au financement du projet (arrêt 4C.410/1997 précité, consid. 3c in fine).
 
3.2 En l'occurrence, il a été retenu dans le jugement entrepris, d'une manière qui lie le Tribunal fédéral en instance de réforme (art. 63 al. 2 OJ), que les demandeurs n'étaient pas clients de la banque avant de solliciter un crédit immobilier. Ils n'ont pas agi seuls, mais ont chargé une fiduciaire d'effectuer les démarches nécessaires. Le prix d'achat était correct et n'avait rien de spéculatif. L'Office fédéral du logement a considéré que les fonds propres investis étaient suffisants. Le montant et la durée de l'amortissement de la dette hypothécaire n'étaient pas déraisonnables. Au moment de l'octroi du crédit, les demandeurs disposaient de plusieurs revenus, certes modestes, mais relativement sûrs, n'avaient pas d'engagements financiers préexistants et ne faisaient pas l'objet de poursuites en cours ni d'actes de défaut de biens. Enfin, il n'a pas été établi que la banque aurait poussé les demandeurs à acquérir leur logement ni qu'elle aurait été invitée à leur donner des conseils quant aux perspectives économiques de cette opération immobilière. En pareilles circonstances, on ne voit manifestement pas que la banque ait manqué à son devoir de diligence découlant de l'art. 398 CO en octroyant le crédit requis, compte tenu des principes jurisprudentiels précités.
 
Au demeurant, pour tenter de démontrer une violation de l'art. 398 al. 2 CO, les demandeurs formulent des critiques d'emblée infondées, car elles reposent sur des prémisses différentes de celles ressortant du jugement entrepris, ce qui n'est pas admissible (cf. supra consid. 1.2). Ainsi, tout leur raisonnement se base sur le fait qu'ils n'auraient fourni qu'un apport de fonds propres de 8,5% et non de 10%, comme retenu prétendument à tort par les juges cantonaux. Cette question, qui relève des faits, a toutefois déjà été examinée sous l'angle de l'arbitraire dans le cadre du recours de droit public déposé parallèlement et la Cour de céans a conclu qu'il n'y avait rien de choquant à retenir que les demandeurs avaient fourni 10% de fonds propres (arrêt 4P.101/2004 précité, consid. 4.2). Il n'y a donc pas lieu de s'interroger sur l'éventuelle violation des devoirs de la banque, si le crédit avait été octroyé sur la base de 8,5% de fonds propres, puisque cette hypothèse ne correspond pas aux constatations cantonales.
 
En pareilles circonstances, le recours ne peut qu'être rejeté, dans la mesure où il est recevable.
 
4.
 
Compte tenu de l'issue du litige, les frais et dépens seront mis à la charge des demandeurs, solidairement entre eux (art. 156 al. 1 et 7, ainsi que 159 al. 1 et 5 OJ).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
 
2.
 
Un émolument judiciaire de 7'000 fr. est mis à la charge des demandeurs, solidairement entre eux.
 
3.
 
Les demandeurs, débiteurs solidaires, verseront à la défenderesse une indemnité de 8'000 fr. à titre de dépens.
 
4.
 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et au Tribunal cantonal valaisan, Cour civile II.
 
Lausanne, le 16 juillet 2004
 
Au nom de la Ire Cour civile
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le président: La greffière:
 
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