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Informationen zum Dokument  BGer 5P.197/2004  Materielle Begründung
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BGer 5P.197/2004 vom 17.06.2004
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
5P.197/2004 /frs
 
Arrêt du 17 juin 2004
 
IIe Cour civile
 
Composition
 
M. et Mmes les Juges Raselli, Président,
 
Nordmann et Hohl.
 
Greffière: Mme Bendani.
 
Parties
 
X.________,
 
recourant, représenté par Me Mauro Poggia, avocat,
 
contre
 
Dame X.________,
 
intimée, représentée par Me Isabelle Uehlinger, avocate,
 
Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève, case postale 3108, 1211 Genève 3.
 
Objet
 
art. 9 Cst. et 29 al. 2 Cst. (mesures provisoires),
 
recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève du 1er avril 2004.
 
Faits:
 
A.
 
A.a X.________, né le 4 mars 1965, et dame X.________, née le 17 octobre 1971, tous deux de nationalité yougoslave, se sont mariés le 30 août 1991 au Kosovo. Deux enfants sont issues de leur union: A.________, née le 24 juin 1993, et B.________, née le 10 août 1996.
 
L'époux est établi en Suisse depuis 1985. L'épouse a vécu au Kosovo avec les fillettes et n'a habité en Suisse qu'à titre temporaire.
 
A.b A la suite d'une dispute survenue lors d'une visite de l'époux au Kosovo, l'épouse a quitté le domicile conjugal le 8 octobre 2002. Son mari l'a empêchée d'emmener les enfants. Elle est venue en Suisse le 18 octobre 2002, afin de "faire valoir ses droits parentaux de manière plus efficace".
 
Début novembre 2002, l'époux a déposé une demande de divorce devant le Tribunal de district de Pristina. Par jugement du 18 décembre 2002, le Tribunal kosovar a prononcé le divorce et attribué la garde des enfants à leur père.
 
A.c Dès le 21 décembre 2002, l'époux a vécu avec ses enfants à Genève dans l'appartement de sa compagne où il dispose d'une chambre dans laquelle il partage son lit avec ses filles. Ces dernières ont été scolarisées à Genève dès janvier 2003.
 
L'époux travaille à plein temps comme monteur-électricien pour un salaire net de 3'754 fr. 60. L'épouse effectue des nettoyages à raison de 15 heures par semaine le soir pour un salaire net d'environ 1'200 fr.
 
B.
 
Le 3 avril 2003, l'épouse a ouvert une action en divorce fondée sur l'art. 115 CC devant le Tribunal de première instance du canton de Genève. L'époux a opposé une exception de chose jugée et conclu à la reconnaissance du jugement de divorce du Tribunal de district de Pristina.
 
Le 5 juin 2003, l'épouse a sollicité des mesures provisoires concluant notamment à ce que la garde des enfants lui soit attribuée.
 
Par jugement du 11 juillet 2003, le Tribunal de première instance a notamment reconnu le jugement de divorce kosovar et, sur mesures provisoires, confié la garde des enfants à leur père.
 
C.
 
Un rapport du 11 juillet 2003 du Service de protection de la jeunesse préconise notamment l'attribution de la garde des enfants à la mère, considérant que le père partage une chambre avec ses filles, que la prise en charge des enfants par celui-ci est problématique et qu'il est violent.
 
Le 20 novembre 2003, la Direction du Service de protection de la jeunesse a procédé au placement immédiat des enfants dans un lieu approprié et a interdit au père de les rencontrer, estimant les filles en danger au vu des violences physiques constatées par un médecin. Par ordonnance du 18 décembre 2003, cette mesure a été ratifiée par le Tribunal tutélaire, qui a confirmé le placement des enfants, étendu le mandat de la curatrice et retiré la garde des filles au père. Cette décision est fondée sur la maltraitance chronique des enfants par leur père et sa compagne, les coups assénés par celui-ci, le climat familial malsain, la médisance de la compagne à l'égard de la mère, la plainte des enfants de devoir dormir dans le même lit que leur père et la peur de celles-ci de le revoir.
 
D.
 
Statuant sur appel des deux parties, la Cour de justice du canton de Genève a, par arrêt du 1er avril 2004, rendu une décision incidente sur le fond en rejetant l'exception de chose jugée soulevée par l'époux, et prononcé des mesures provisoires, en particulier attribué la garde des enfants à leur mère, fixé le droit de visite du père, instauré une curatelle de surveillance des relations personnelles selon l'art. 308 al. 2 CC et arrêté les contributions d'entretien de l'épouse et des enfants.
 
Contre cet arrêt, l'époux interjette un recours de droit public au Tribunal fédéral, concluant à son annulation. L'intimée n'a pas été invitée à se déterminer.
 
Le Tribunal fédéral considère en droit:
 
1.
 
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 128 I 46 consid. 1a p. 48, 177 consid. 1 p. 179 et les arrêts cités).
 
L'arrêt attaqué réunit deux types de décisions, soit une décision sur le fond et une décision sur mesures provisoires.
 
1.1 La décision sur le fond rejette l'exception d'autorité de la chose jugée opposée par l'époux à la demande en divorce de l'épouse, au motif que le jugement de divorce du Tribunal de district de Pristina ne peut être reconnu en Suisse car il viole l'ordre public suisse. Il s'agit donc d'une décision incidente dans une procédure de divorce, susceptible d'un recours en réforme aux conditions de l'art. 50 al. 1 OJ (cf. ATF 116 II 738 consid. 1 p. 741; 114 II 383).
 
Dans la mesure où le recourant se plaint de la violation de l'art. 27 LDIP, il n'est pas possible d'entrer en matière car la violation du droit fédéral doit faire l'objet d'un recours en réforme (art. 43 al. 1 OJ) et que le recours de droit public est subsidiaire à cette voie de droit (art. 84 al. 2 OJ; ATF 120 II 384 consid. 4a p. 385). En revanche, il y a lieu d'examiner les griefs de violation de l'art. 29 al. 2 Cst. et de constatation incomplète des faits en violation de l'art. 9 Cst.
 
1.2 Contre la décision rendue en matière de mesures provisoires dans la procédure de divorce, seule est ouverte la voie du recours de droit public (ATF 126 III 261 consid. 1 p. 263 et les références citées).
 
2.
 
En ce qui concerne la décision incidente sur le fond, le recourant se plaint de violation des art. 29 al. 2 et 9 Cst.
 
2.1 Il invoque tout d'abord un défaut de motivation de la décision incidente et, partant, une violation de l'art. 29 al. 2 Cst.
 
2.1.1 Comme le droit d'être entendu a un caractère formel et que sa violation entraîne l'admission du recours, ainsi que l'annulation de la décision attaquée indépendamment des chances de succès du recours sur le fond (ATF 127 V 431 consid. 3d/aa p. 437; 126 V 130 consid. 2b p. 132 et les références citées), il convient de discuter ce grief en premier. Dès lors que le recourant ne prétend pas que le droit cantonal lui assurerait une protection plus étendue, son moyen doit être examiné - avec un plein pouvoir d'examen - à la lumière de la seule garantie constitutionnelle (ATF 126 I 15 consid. 2a p. 16 et les références citées).
 
La jurisprudence, rendue sous l'empire de l'art. 4 aCst. et qui s'applique également à l'art. 29 al. 2 Cst., a déduit du droit d'être entendu le devoir pour l'autorité de motiver sa décision, afin que le destinataire puisse la comprendre, la contester utilement s'il y a lieu et que l'autorité de recours puisse exercer son contrôle. Pour répondre à ces exigences, le juge doit mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 126 I 97 consid. 2b p. 102; 124 V 180 consid. 1a p. 181; 123 I 31 consid. 2c p. 34).
 
2.1.2 Selon le recourant, l'action en divorce ouverte par l'épouse serait irrecevable pour défaut d'intérêt juridique à agir car le divorce a déjà été prononcé par le jugement du Tribunal de district de Pristina du 18 décembre 2002. Il importerait peu que ce jugement soit ou non reconnaissable en Suisse puisque les deux parties sont d'accord avec leur séparation judiciaire. En ne se penchant pas spécialement sur cette question de l'intérêt à agir et en ne fournissant aucune motivation à ce propos, la cour cantonale aurait violé l'art. 29 al. 2 Cst.
 
On ne saurait reprocher à la cour cantonale de ne pas avoir spécialement motivé cette question dès lors qu'elle découle d'une méconnaissance d'un principe élémentaire du droit du divorce, à savoir que l'accord des parties ne suffit pas pour que le divorce existe; en effet, conformément à l'art. 111 al. 2 CC, il faut qu'un juge le prononce, par un jugement qui est formateur. Dès lors que la Cour de justice a estimé que le jugement du district de Pristina ne pouvait être reconnu en Suisse, il n'y a pas de divorce et une action en divorce en Suisse est recevable.
 
2.2 Invoquant une violation de l'art. 9 Cst., le recourant soutient ensuite que l'état de fait retenu est incomplet sur deux points.
 
2.2.1 A supposer que le recours en réforme interjeté parallèlement soit recevable - question qui ne peut être tranchée en l'état, le délai pour l'avance de frais n'ayant pas expiré -, force est de constater que le grief est irrecevable, faute de motivation respectant les exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ. En effet, selon cette disposition, le recourant doit exposer succinctement les droits constitutionnels ou les principes juridiques violés, précisant en quoi consiste la violation. Ses griefs doivent être présentés de manière claire et détaillée (ATF 129 I 113 consid. 2.1 p. 120; 125 I 71 consid. 1c p. 76, 492 consid. 1b p. 495 et les références citées). Cela implique en particulier qu'il désigne précisément les passages de la décision qu'il vise et les pièces du dossier sur lesquelles repose sa critique. S'il dénonce une violation de l'art. 9 Cst., il ne peut se contenter d'opposer sa thèse à celle de l'autorité cantonale, comme il le ferait dans une procédure d'appel, mais doit au contraire démontrer, par une argumentation précise, que la décision attaquée est insoutenable (ATF 128 I 295 consid. 7a p. 312).
 
2.2.2 Sur le premier point critiqué par le recourant, la cour cantonale a retenu que l'épouse a allégué que sa convocation à la première audience du Tribunal de district de Pristina du 20 novembre 2002 avait été retournée au Tribunal par le Service postal, que cette audience s'est tenue en présence de son époux et du conseil de celui-ci, mais en son absence, et qu'elle n'a été ni présente, ni convoquée aux audiences des 29 novembre et 18 décembre 2002, le Tribunal lui ayant nommé un représentant. La cour cantonale en a conclu que l'épouse n'a pas été citée régulièrement au sens de l'art. 27 al. 2 let. a LDIP, que, par ailleurs, il n'est pas établi qu'elle ait eu connaissance du procès de quelque autre façon et qu'elle ait pu faire valoir ses moyens et qu'au surplus, elle n'a jamais participé à la procédure, qui s'est déroulée à son insu.
 
Le recourant affirme qu'il est démontré, par les pièces du dossier, que son épouse s'est réfugiée chez ses parents, puis qu'elle a disparu, que la convocation du Tribunal de district de Pristina lui a été envoyée à l'adresse qu'elle avait indiquée et qu'en cachant délibérément sa nouvelle adresse, c'est par sa faute que la convocation ne lui est pas parvenue, et qu'il est invraisemblable qu'elle n'ait pas été mise au courant de la procédure par sa famille. Ce faisant, le recourant n'indique pas précisément sur quelles pièces du dossier il se fonde et ne démontre pas en quoi ces documents devraient conduire à constater un état de fait incomplet, voire en particulier que l'épouse aurait reçu la convocation à la première audience du Tribunal kosovar. Étant par ailleurs de nature purement appellatoire, sa critique est irrecevable.
 
2.2.3 Sur le second point critiqué par le recourant, la cour cantonale a retenu qu'un représentant, nommé sans l'accord de l'épouse, a donné son accord au divorce, ce qui est contraire à l'ordre public suisse.
 
Le recourant soutient que si l'acquiescement du représentant au divorce peut paraître critiquable, en aucun cas, il ne peut emporter à lui seul la conviction que le jugement kosovar ne pourrait être reconnu en Suisse et qu'en procédure par défaut, les tribunaux suisses statuent aussi sur des faits présentés par une seule partie. Il s'agit là d'une critique de fond, qui doit être soulevée par la voie du recours en réforme.
 
Lorsqu'il reproche à la cour cantonale de ne pas avoir constaté que l'épouse n'a pas contesté le jugement kosovar, qu'elle n'a pas essayé de prendre contact avec le représentant provisoire qui lui a été nommé, le recourant procède par pure affirmation, sans démonter que de tels faits ressortiraient du dossier et qu'ils seraient pertinents pour la solution du litige. Son grief est donc irrecevable.
 
3.
 
Contre la décision sur mesures provisoires, le recourant se plaint de constatation arbitraire des faits et de violation arbitraire de l'art. 144 al. 2 CC en relation avec l'attribution de la garde des enfants à leur mère.
 
3.1 Pour satisfaire aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, le recourant doit démontrer, par une argumentation précise, que la décision attaquée est insoutenable (ATF 128 I 295 consid. 7a p. 312). De plus, comme l'annulation de la décision attaquée ne se justifie que si celle-ci est arbitraire non seulement dans ses motifs, mais également dans son résultat (ATF 129 I 8 consid. 2.1 p. 9; 128 I 273 consid. 2.1 p. 275), le grief pris d'une constatation arbitraire des faits ne peut être accueilli que s'il porte sur des faits pertinents et décisifs (ATF 122 I 53 consid. 5 p. 57).
 
3.2 Selon l'arrêt attaqué, la garde des filles a été retirée au père au motif que celles-ci faisaient l'objet d'une maltraitance physique et psychologique chronique de la part de celui-ci et de sa compagne, ainsi que l'a constaté un médecin scolaire du Service de santé de la jeunesse. Il a également été relevé que les filles avaient très peur de revoir leur père. Par ailleurs, ce dernier dispose d'une seule chambre chez sa compagne, dans laquelle il partageait son lit avec ses filles, ce dont elles se sont plaintes. La Cour de justice a dès lors estimé que la garde des enfants ne saurait être attribuée au père. En revanche, comme la mère dispose d'un appartement de trois pièces et demie et que son temps de travail lui permet de prendre personnellement en charge les enfants, elle a attribué leur garde à celle-ci.
 
3.3 Le recourant qualifie la décision de la cour cantonale d'arbitraire car elle se base sur des faits tronqués et non vérifiés. Il reproche à la Cour de justice de ne pas avoir ordonné d'instruction sur les actes de maltraitance envers les enfants, de ne pas avoir entendu les filles, ni des témoins, de ne pas avoir ordonné d'expertise de crédibilité et, partant, d'avoir admis les allégations d'une seule partie, alors qu'elles apparaissent manifestement fausses ou, à tout le moins, sujettes à caution, au vu des pièces du dossier. Il reproche également à la cour cantonale d'avoir violé l'art. 144 al. 2 CC, puisque le juge n'a pas interrogé lui-même les enfants.
 
Le recourant ne s'en prend ainsi qu'à un seul des motifs qui ont conduit la cour cantonale à attribuer la garde des enfants à la mère, soit les actes de maltraitance et la peur des filles à son égard. En revanche, il ne remet pas en cause le fait qu'il ne dispose que d'une seule chambre et que ses filles étaient obligées de dormir dans son lit alors que son épouse dispose d'un appartement de trois pièces et demie; il ne conteste pas non plus que son épouse ne travaille que 15 heures par semaine et peut prendre personnellement en charge les enfants, alors que lui-même travaille à plein temps. Partant, il ne démontre pas en quoi la décision de l'autorité cantonale devrait être qualifiée d'arbitraire dans son résultat. Il s'ensuit que tant son grief d'appréciation arbitraire des faits que celui d'application arbitraire de l'art. 144 al. 2 CC sont irrecevables.
 
4.
 
Vu le sort du recours, les frais judiciaires doivent être mis à la charge du recourant (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer de dépens à l'intimée, qui n'a pas été invitée à répondre au recours.
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
 
2.
 
Un émolument judiciaire de 2'500 fr. est mis à la charge du recourant.
 
3.
 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
 
Lausanne, le 17 juin 2004
 
Au nom de la IIe Cour civile
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le président: La greffière:
 
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