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Informationen zum Dokument  BGer 6S.40/2004  Materielle Begründung
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BGer 6S.40/2004 vom 06.04.2004
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
6S.40/2004 /rod
 
Arrêt du 6 avril 2004
 
Cour de cassation pénale
 
Composition
 
MM. les Juges Schneider, Président,
 
Wiprächtiger et Kolly.
 
Greffière: Mme Kistler.
 
Parties
 
X.________,
 
recourant, représenté par Me Christian Favre, avocat,
 
contre
 
Ministère public du canton de Vaud,
 
rue de l'Université 24, case postale, 1014 Lausanne.
 
Objet
 
Mise en danger de la vie d'autrui (art. 129 CP),
 
pourvoi en nullité contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation pénale, du 11 juillet 2003.
 
Faits:
 
A.
 
Par jugement du 20 février 2003, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de La Broye et du Nord vaudois a condamné X.________ à la peine de sept mois d'emprisonnement, sous déduction de la détention préventive, pour mise en danger de la vie d'autrui et infraction à la loi fédérale sur les stupéfiants.
 
Statuant le 11 juillet 2003, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours de X.________ et confirmé le jugement de première instance.
 
B.
 
S'agissant de la condamnation pour mise en danger de la vie d'autrui, qui est seule contestée, l'arrêt attaqué retient ce qui suit:
 
X.________ et Y.________ vivaient en concubinage. Ils avaient deux filles (nées en 1998 et 2000), dont la mère avait la garde. Au début du mois de février 2001, devant la fréquence et la gravité des disputes, Y.________ a informé X.________ qu'elle avait décidé de le quitter, en précisant qu'elle avait l'intention de partir vivre en Espagne, auprès de ses parents, avec leurs deux filles.
 
Le 26 mars 2001, dans la maison familiale, à la suite d'une altercation au sujet des projets de départ de Y.________, X.________ a saisi sa compagne par le cou avec les deux mains et lui a appuyé avec les pouces sur la trachée en lui disant qu'il allait la tuer. Après une interruption, il l'a à nouveau serrée au cou, à tel point qu'elle a manqué d'air et qu'elle a eu une sensation très nette d'étouffement. Lorsqu'il s'est aperçu qu'il risquait de la tuer, il a relâché son étreinte et Y.________ a pu se dégager pour se réfugier dans la chambre de ses filles. Pendant plusieurs jours, elle a eu de la peine à déglutir.
 
C.
 
X.________ se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral. Invoquant une violation de l'art. 129 CP, il conclut à l'annulation de l'arrêt attaqué. En outre, il sollicite l'assistance judiciaire.
 
Le Tribunal fédéral considère en droit:
 
1.
 
Saisi d'un pourvoi en nullité, le Tribunal fédéral contrôle l'application du droit fédéral (art. 269 PPF) sur la base exclusive de l'état de fait définitivement arrêté par l'autorité cantonale (cf. art. 277bis et 273 al. 1 let. b PPF). Le raisonnement juridique doit se fonder sur les faits retenus dans la décision attaquée, dont le recourant ne peut s'écarter. Le Tribunal fédéral n'est pas lié par les motifs invoqués, mais il ne peut aller au-delà des conclusions du recourant (art. 277bis PPF). Celles-ci, qui doivent être interprétées à la lumière de leur motivation, circonscrivent les points litigieux (ATF 126 IV 65 consid. 1 p. 66).
 
2.
 
L'art. 129 CP punit de la réclusion pour cinq ans au plus ou de l'emprisonnement celui qui, sans scrupules, aura mis autrui en danger de mort imminent. Cette infraction suppose la réunion de trois éléments, à savoir la mise d'autrui dans un danger de mort imminent, la conscience de ce fait et l'absence de scrupules. Pour le recourant, aucun de ces trois éléments ne serait réalisé.
 
2.1 Le danger au sens de l'art. 129 CP suppose un risque concret de lésion, c'est-à-dire un état de fait dans lequel existe, d'après le cours ordinaire des choses, la probabilité ou un certain degré de possibilité que le bien juridique soit lésé, sans toutefois qu'un degré de probabilité supérieur à 50 % soit exigé (ATF 121 IV 67 consid. 2b p. 70). Il doit en outre s'agir d'un danger de mort, et non pas seulement d'un danger pour la santé ou l'intégrité corporelle (ATF 101 IV 154 consid. 2a p. 159). Enfin, il faut que le danger soit imminent. La notion d'imminence n'est toutefois pas aisée à définir; elle implique en tout cas, outre la probabilité sérieuse de la réalisation du danger concret, un élément d'immédiateté qui se caractérise moins par l'enchaînement chronologique des circonstances que par le lien de connexité direct unissant le danger et le comportement de l'auteur; l'immédiateté disparaît ou s'atténue lorsque s'interposent ou surviennent des actes ou d'autres éléments extérieurs (ATF 106 IV 12 consid. 2a p. 14).
 
S'agissant plus précisément de la strangulation, la jurisprudence a admis qu'il pouvait y avoir danger de mort lorsque l'auteur étranglait sa victime avec une certaine intensité. Ainsi, dans l'ATF 124 IV 53, le Tribunal fédéral a retenu une mise en danger de la vie d'autrui à la charge d'un auteur qui avait étranglé sa victime, sans pour autant lui causer de sérieuses lésions et sans qu'elle ait perdu connaissance. Il relevait que, selon les médecins légistes, la violence décrite pouvait entraîner, bien que rarement, une mort par réflexe cardio-inhibiteur, ou par asphyxie, si elle était suffisamment forte et longue (cf. aussi arrêt, non publié, du 15 octobre 2001, du Tribunal fédéral, 6P.96/2001 et 6S.413/2001; arrêt, non publié, du 22 août 2001, du Tribunal fédéral, 6P.70/2001 et 6S.316/2001).
 
Les circonstances de la strangulation relèvent du fait, de sorte que les constatations de l'autorité cantonale à cet égard échappent au contrôle de la Cour de cassation saisie d'un pourvoi et ne peuvent donc être contestées dans le cadre de cette voie de droit. En revanche, savoir si, au vu des constatations de fait, la strangulation revêt une intensité suffisante pour créer un danger de mort, relève du droit, dont la cour de céans contrôle l'application librement et avec plein pouvoir d'examen.
 
En l'espèce, l'autorité cantonale a constaté que le recourant "a serré [la victime] au cou, à tel point qu'elle a manqué d'air et a eu une sensation très nette d'étouffement"; elle a ajouté que "pendant plusieurs jours, [la victime] a eu de la peine à déglutir". Ces éléments, à savoir le sentiment net d'oppression et les difficultés de déglutition, établissent de manière suffisante qu'il s'agit d'une strangulation d'une certaine force, propre à entraîner un danger concret pour la vie de la victime. Il n'est pas nécessaire que la victime ait subi des lésions sérieuses ou encore qu'elle ait perdu connaissance. En conséquence, l'autorité cantonale n'a pas violé le droit fédéral en estimant que l'acte de strangulation incriminé revêtait une intensité suffisante pour créer un danger imminent pour la vie d'autrui au sens de l'art. 129 CP. Quant à la condition d'imminence, on ne discerne pas davantage qu'elle ne serait pas réalisée, faute d'éléments extérieurs à la strangulation.
 
2.2 Sur le plan subjectif, l'auteur doit être conscient de mettre autrui en danger de mort imminent et le faire sciemment (ATF 121 IV 67 consid. 2d p. 75 in fine), car celui qui crée consciemment un tel danger le veut nécessairement. Peu importent à cet égard les mobiles de l'auteur. En revanche l'auteur doit refuser, même à titre éventuel, la réalisation de ce risque, sans quoi il s'agirait d'une tentative d'homicide (ATF 107 IV 163 consid. 3 p. 165).
 
En l'espèce, le recourant soutient inutilement qu'il n'avait pas conscience du danger de mort et qu'il a relâché son étreinte lorsqu'il s'est aperçu qu'il risquait de tuer sa compagne. En effet, le jugement de première instance, auquel renvoie l'arrêt attaqué, retient que le recourant était parfaitement conscient qu'il pouvait tuer son amie. Or, celui qui commet une violente strangulation avec conscience et volonté veut nécessairement mettre la vie de sa victime en danger, à moins qu'il ignore, ce qui n'est pas le cas ici, qu'un tel acte peut être fatal. Si le recourant a relâché son étreinte, c'est qu'il ne voulait pas tuer sa compagne, ce qui exclut la tentative d'homicide, mais non qu'il refusait le danger de mort.
 
2.3 L'auteur doit en outre créer le danger "sans scrupules". Un acte est commis sans scrupules lorsque, compte tenu des moyens utilisés, des mobiles et de l'état de l'auteur ainsi que des autres circonstances, il apparaît comme contraire aux principes généralement admis des bonnes moeurs et de la morale (ATF 114 IV 103 consid. 2a p. 108). L'absence de scrupules caractérise toute mise en danger dont les motifs doivent être moralement désapprouvés. Plus le danger connu de l'auteur est grand et moins ses mobiles méritent attention, plus l'absence de scrupules apparaît comme évidente (ATF 107 IV 163 consid. 3 p. 165 s.).
 
Le recourant conteste avoir fait preuve d'absence de scrupules, vu qu'il voulait uniquement faire pression sur sa compagne pour l'amener à renoncer à son projet de le quitter en emmenant leurs enfants. Le mobile du recourant ne saurait cependant justifier le risque qu'il a fait courir à sa compagne. Celle-ci était en droit de partir en Espagne rejoindre ses parents en emmenant les enfants. Comme le constate l'arrêt attaqué, le recourant a agi poussé par son égoïsme et sa jalousie, incapable qu'il était de tolérer que sa compagne veuille prendre ses distances alors que la vie de couple était devenue insoutenable. Un tel comportement est contraire aux principes généralement admis des bonnes moeurs et de la morale. C'est donc à juste titre que l'autorité cantonale a considéré que la condition de l'absences de scrupules était réalisée.
 
3.
 
Au vu de ce qui précède, le pourvoi en nullité doit être rejeté.
 
Succombant, le recourant doit supporter les frais judiciaires (art. 278 al. 1 PPF; art. 156 al. 1 OJ). Son pourvoi étant dénué de toute chance de succès, il n'a pas droit à l'assistance judiciaire.
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le pourvoi est rejeté.
 
2.
 
La requête d'assistance judiciaire est rejetée.
 
3.
 
Un émolument judiciaire de 800 fr. est mis à la charge du recourant.
 
4.
 
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au Ministère public du canton de Vaud et au Tribunal cantonal vaudois, Cour de cassation pénale.
 
Lausanne, le 6 avril 2004
 
Au nom de la Cour de cassation pénale
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le président: La greffière:
 
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