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Informationen zum Dokument  BGer 1P.537/2003  Materielle Begründung
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BGer 1P.537/2003 vom 23.02.2004
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
1P.537/2003 /col
 
Arrêt du 23 février 2004
 
Ire Cour de droit public
 
Composition
 
MM. les Juges Aemisegger, Président de la Cour et Président du Tribunal fédéral, Féraud et Fonjallaz.
 
Greffier: M. Thélin.
 
Parties
 
X.________,
 
recourant, représenté par Me Robert Assaël, avocat,
 
contre
 
F.________ Ltd, représentée par Me Patrick Schellenberg, avocat,
 
G.________ Sàrl,
 
représentée par Me Albert-Louis Dupont-Willemin, avocat,
 
la Banque H.________ SA, représentée par Me Nathalie Bornoz, avocate,
 
Procureur général du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case postale 3565, 1211 Genève 3,
 
Cour de cassation du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, 1211 Genève 3.
 
Objet
 
procédure pénale; appréciation des preuves
 
recours de droit public contre les arrêts de la Cour de cassation du 5 novembre 2002 et du 30 juillet 2003.
 
Faits:
 
A.
 
De plusieurs personnes physiques ou morales, X.________ a reçu d'importantes sommes d'argent qu'il devait placer en actions ou autres titres par l'intermédiaire d'une société de gestion de fortunes gérée par lui. Par la suite, certains de ces investisseurs n'obtinrent aucun remboursement. Dans l'enquête consécutive à leurs plaintes, on ne trouva aucune trace des placements censément effectués d'après les relevés de portefeuille qu'ils avaient reçus. X.________ prétendit avoir été lui-même abusé par un marabout africain, auquel il disait avoir remis l'argent en vue d'une multiplication magique des billets de banque.
 
Par arrêt du 9 avril 2002, la Cour correctionnelle du canton de Genève l'a reconnu coupable d'abus de confiance, escroquerie et faux dans les titres, et l'a condamné à trois ans de réclusion. A l'égard de l'une des clientes, l'accusation d'abus de confiance commis en qualité de gérant de fortunes a été abandonnée au motif qu'il subsistait un doute sur point de savoir si, précisément, le prévenu avait reçu les fonds en cette qualité ou dans le cadre d'une relation d'amitié; dans cette seconde éventualité, il fallait retenir l'abus de confiance simple et cette infraction-ci était prescrite. Par ailleurs, la Cour correctionnelle a rejeté les allégations relatives à l'implication d'un marabout africain, qu'elle a considérées comme absolument invraisemblables.
 
B.
 
Le condamné, contestant toute culpabilité et critiquant, sur divers points, l'application du droit, a recouru contre ce prononcé. La Cour de cassation cantonale, statuant le 5 novembre 2002, a partiellement admis le recours. Elle a retenu que la juridiction intimée avait refusé à tort de prendre en considération la circonstance atténuante du temps relativement long écoulé depuis les faits, d'une part, ainsi qu'une violation du principe de la célérité du procès, d'autre part. Pour le surplus, elle a rejeté les griefs du recourant. Elle a ainsi annulé l'arrêt attaqué et renvoyé la cause à la Cour correctionnelle pour fixer à nouveau la peine, conformément aux instructions qui lui étaient adressées.
 
Le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable un recours de droit public dirigé contre ce dernier arrêt, au motif que celui-ci constituait une décision incidente dont il ne résultait aucun préjudice irréparable (arrêt 1P.639/2002 du 13 janvier 2003).
 
La Cour correctionnelle s'est prononcée par un nouvel arrêt le 13 mars 2003, pour fixer la peine à deux ans et neuf mois de réclusion. X.________ a derechef saisi la Cour de cassation cantonale, qui l'a débouté le 30 juillet 2003.
 
C.
 
Agissant par la voie du recours de droit public pour violation des art. 9, 29 al. 1 et 2 et 32 al. 1 Cst., X.________ requiert le Tribunal fédéral d'annuler les deux arrêts du 5 novembre 2002 et du 30 juillet 2003. Il tient le verdict de culpabilité pour arbitraire et contraire à la présomption d'innocence; il se plaint aussi d'une motivation insuffisante du premier arrêt de la Cour de cassation et d'une violation du principe de la célérité.
 
Invitées à répondre, G.________ Sàrl, en liquidation, conclut au rejet du recours; les autres intimées ont renoncé à présenter des observations. La Cour de cassation cantonale tient le recours pour tardif et le Procureur général propose son rejet.
 
Le Tribunal fédéral considère en droit:
 
1.
 
1.1 Au termes de l'art. 89 al. 1 OJ, le recours de droit public doit être adressé au Tribunal fédéral dans le délai de trente jours dès la communication du prononcé attaqué.
 
Les délais de recours au Tribunal fédéral sont suspendus du 15 juillet au 15 août inclusivement (art. 34 al. 1 let. b OJ), sauf en matière de procédure pénale et de poursuite pour dettes et faillites (art. 34 al. 2 OJ). Les observations de la Cour de cassation cantonale se réfèrent à cette dernière disposition, mais celle-ci ne vise pas les procédures de la juridiction constitutionnelle ou administrative concernant des affaires pénales (ATF 103 Ia 367; voir aussi ATF 120 IV 44 consid. 1b/dd p. 48). L'arrêt rendu le 30 juillet 2003 a été notifié le même jour. Le délai a couru dès le 16 août, jour qui n'est pas compté (ATF 79 I 245; voir aussi ATF 122 V 60). Le dépôt de l'acte de recours est intervenu le 15 septembre, soit le dernier jour à disposition.
 
Le délai n'est certes pas observé à l'égard de l'arrêt antérieur, rendu le 5 novembre 2002, mais il s'agissait d'une décision incidente à attaquer conjointement avec la décision finale (art. 87 al. 3 OJ).
 
1.2 En vertu de l'art. 84 al. 2 OJ, le recours de droit public n'est recevable que dans la mesure où les griefs soulevés ne peuvent pas être présentés au Tribunal fédéral par un autre moyen de droit, tel que le pourvoi en nullité à la Cour de cassation du Tribunal fédéral. Celui-ci est ouvert contre les jugements relatifs à des infractions de droit pénal fédéral, rendus en dernière instance cantonale (art. 247 al. 1, 268 ch. 1 PPF); il peut être formé pour violation du droit fédéral, sauf les droits constitutionnels (art. 269 PPF; ATF 124 IV 137 consid. 2e p. 141).
 
2.
 
Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. confère à toute personne le droit d'exiger, en principe, qu'un jugement ou une décision défavorable à sa cause soit motivé. Cette garantie tend à donner à la personne touchée les moyens d'apprécier la portée du prononcé et de le contester efficacement, s'il y a lieu, devant une instance supérieure. Elle tend aussi à éviter que l'autorité ne se laisse guider par des considérations subjectives ou dépourvues de pertinence; elle contribue, par là, à prévenir une décision arbitraire. L'objet et la précision des indications à fournir dépend de la nature de l'affaire et des circonstances particulières du cas; néanmoins, en règle générale, il suffit que l'autorité mentionne au moins brièvement les motifs qui l'ont guidée, sans qu'elle soit tenue de répondre à tous les arguments présentés (ATF 112 Ia 107 consid. 2b p. 109; voir aussi ATF 126 I 97 consid. 2b p. 102, 125 II 369 consid. 2c p. 372, 124 II 146 consid. 2a p. 149).
 
Consacrée par les art. 32 al. 1 Cst. et 6 par. 2 CEDH, selon l'adage in dubio pro reo, la présomption d'innocence interdit au juge de prononcer une condamnation alors qu'il éprouve des doutes sur la culpabilité de l'accusé. Des doutes abstraits ou théoriques, qui sont toujours possibles, ne suffisent cependant pas à exclure une condamnation. Pour invoquer utilement la présomption d'innocence, le condamné doit donc démontrer que le juge de la cause pénale, au regard de l'ensemble des preuves à sa disposition, aurait dû éprouver des doutes sérieux et irréductibles au sujet de la culpabilité (ATF 127 I 38 consid. 2 p. 40; 124 IV 86 consid. 2a p. 87/88; 120 Ia 31 consid. 2e p. 38, consid. 4b p. 40).
 
L'appréciation des preuves est arbitraire, donc contraire à l'art. 9 Cst., lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral n'invalide l'appréciation retenue par le juge de la cause que si elle apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective ou adoptée sans motifs objectifs. Il ne suffit pas que les motifs du verdict soient insoutenables; il faut en outre que l'appréciation soit arbitraire dans son résultat. Il ne suffit pas non plus qu'une solution différente puisse être tenue pour également concevable, ou apparaisse même préférable (ATF 129 I 49 consid. 4 p. 58; 127 I 38 consid. 2 p. 40, 126 I 168 consid. 3a p. 170; voir aussi ATF 129 I 8 consid. 2.1 in fine p. 9).
 
3.
 
La Cour correctionnelle a constaté que la cliente A.________ avait confié des fonds au recourant sur la base d'une relation d'amitié existant entre eux, de sorte que, selon la jurisprudence relative à l'art. 140 ch. 2 aCP, correspondant à l'art. 138 ch. 2 CP, le recourant n'avait pas agi en qualité de gérant de fortunes. A l'appui de ses recours à la Cour de cassation cantonale d'abord, puis au Tribunal fédéral ensuite, le recourant soutient que la Cour correctionnelle aurait dû constater l'existence d'une relation d'amitié aussi dans ses rapports avec son client B.________. Plus exactement, il soutient que les circonstances constatées au sujet de A.________, qui ont conduit la Cour correctionnelle à retenir l'existence d'une relation d'amitié, étaient réalisées de façon semblable dans les rapports avec B.________.
 
Dans sa plainte pénale, on lit textuellement que ce dernier entretenait des "relations amicales" avec le recourant. Il est toutefois fréquent que des personnes en relation d'affaires, ou désireuses d'entrer dans une telle relation, cultivent leurs contacts sur un mode familier ou amical. Savoir si cela suffisait à exclure l'application de l'art. 140 ch. 2 aCP est une question de droit qui aurait pu être soumise au Tribunal fédéral au moyen d'un pourvoi en nullité pour violation du droit pénal fédéral; la Cour de céans n'en connaît donc pas dans le cadre du recours de droit public. Pour le surplus, il est exact que B.________ ne s'est pas présenté devant la Cour correctionnelle, comme A.________, et que le recourant lui a adressé des lettres tout à fait semblables à celles reçues par cette cliente. Il s'agissait de simples comptes-rendus des opérations prétendument faites en exécution du mandat de gestion. On ne discerne pas en quoi ces faits peuvent dénoter des relations d'amitié particulièrement intenses avec les clients concernés. Peut-être la Cour correctionnelle a-t-elle reconnu indûment l'existence d'une telle relation avec A.________; le cas échéant, la présomption d'innocence et la protection contre l'arbitraire n'autorisent pas le recourant à exiger le bénéfice d'une erreur semblable au sujet de B.________. Enfin, à l'examen du mémoire remis à la Cour de cassation cantonale, daté du 31 mai 2002, il n'apparaît pas que cette autorité ait passé sous silence un moyen important soulevé par le recourant. Le grief tiré du droit d'être entendu se révèle donc, lui aussi, mal fondé.
 
4.
 
Le recourant persiste à soutenir que les fonds à lui confiés ont été subtilisés par un marabout africain. La personne qu'il désigne dans ce rôle est introuvable, de sorte que les enquêteurs n'ont pas pu l'interroger. Certains des moyens de preuve auxquels il se réfère dénotent tout au plus des contacts entre lui et ce mystérieux inconnu. Ils ne permettent aucunement de constater que ce dernier ait effectivement reçu et fait disparaître les valeurs dont le recourant devait compte à ses propres clients. Compte tenu de sa formation et de son expérience professionnelles dans le domaine bancaire et financier, il est d'ailleurs hautement invraisemblable que celui-ci se soit réellement dessaisi desdites valeurs en vue de la multiplication magique proposée par le marabout. La présomption d'innocence n'exige donc pas que cette hypothèse soit retenue même en l'absence de toute preuve concluante; on ne discerne non plus aucune violation des autres garanties invoquées.
 
5.
 
Le principe de la célérité, consacré par les art. 29 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH, impose aux autorités compétentes de mener une procédure pénale sans désemparer dès le moment où le prévenu est informé des soupçons qui pèsent sur lui, afin de ne pas le maintenir inutilement dans les angoisses de la poursuite. Une éventuelle violation du principe de la célérité doit être compensée, en règle générale, par une réduction de la peine, mais elle peut aussi entraîner l'abandon de la poursuite si cela constitue la seule réparation adéquate. Savoir si le principe a été violé est une question de droit constitutionnel à soulever par la voie du recours de droit public; vérifier si de justes conséquences ont été tirées d'une violation avérée est une question de droit pénal fédéral et elle n'est donc examinée que dans le cadre du pourvoi en nullité (ATF 124 I 139 consid. 2a p. 140; 119 IV 107 consid. 1 p. 109).
 
Dans son premier pourvoi à la Cour de cassation cantonale, le recourant a demandé une réduction de la peine par suite d'un manquement à l'obligation de célérité. La juridiction saisie lui a donné raison sur ce point. C'est seulement dans le deuxième pourvoi que le recourant a soutenu qu'une réduction de peine était insuffisante et qu'il devait plutôt être acquitté de certaines des accusations en cause. Selon la jurisprudence précitée, le grief qu'il persiste à soulever sur ce point, devant le Tribunal fédéral, est irrecevable au regard de l'art. 84 al. 2 OJ.
 
6.
 
A titre de partie qui succombe, le recourant doit acquitter l'émolument judiciaire et les dépens à allouer à l'intimée qui a déposé des observations.
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.
 
2.
 
Le recourant acquittera les sommes suivantes:
 
2.1 Un émolument judiciaire de 3'000 fr.;
 
2.2 Une indemnité de 1'000 fr. à verser à G.________ Sàrl à titre de dépens.
 
3.
 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties, au Procureur général et à la Cour de cassation du canton de Genève.
 
Lausanne, le 23 février 2004
 
Au nom de la Ire Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le président: Le greffier:
 
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