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Informationen zum Dokument  BGer 8G.127/2003  Materielle Begründung
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BGer 8G.127/2003 vom 27.01.2004
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
8G.127/2003 /rod
 
Arrêt du 27 janvier 2004
 
Chambre d'accusation
 
Composition
 
MM. les Juges Karlen, Président,
 
Fonjallaz, Vice-président, et Marazzi.
 
Greffier: M. Fink.
 
Parties
 
Procureur général du canton du Jura, 2900 Porrentruy,
 
requérant,
 
contre
 
Procureur général du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case postale 3565, 1211 Genève 3.
 
Objet
 
Fixation de for dans la cause X.________,
 
contestation au sujet du for.
 
Faits:
 
A.
 
Le 5 juillet 2000, X.________, né le 26 janvier 1985, a été reconnu coupable de contrainte sexuelle, de viols et d'autres infractions par le Tribunal de la jeunesse du canton de Genève. Son placement dans un foyer a été confirmé. Le 28 février 2001, le même tribunal a déclaré l'intéressé coupable d'autres infractions et a ordonné son placement dans une maison d'éducation au travail pour une durée indéterminée.
 
En été 2001, vu les efforts de ce mineur, le tribunal genevois l'a placé pour une durée indéterminée dans une institution, située dans le canton du Jura. Le tuteur général du canton de Genève était chargé de suivre son évolution et de surveiller son éducation.
 
A la suite d'accusations émanant d'une jeune fille, née le 15 juillet 1987, X.________ a été arrêté et placé en détention le 7 août 2003. Il est soupçonné de contrainte sexuelle et de viols commis dès le début de l'année 2002 dans le canton du Jura. Il rejette ces soupçons.
 
B.
 
Le Procureur général du canton du Jura a invité les autorités genevoises à se déterminer sur la question du for intercantonal en tenant compte de l'art. 372 CP, puisque le détenu aurait commis des infractions avant et après avoir atteint l'âge de 18 ans.
 
Vu les nombreuses récidives de l'intéressé, la Juge du Tribunal genevois de la jeunesse est d'avis qu'une mesure éducative au sens des art. 91 ss CP n'est plus envisageable, qu'une peine privative de liberté sans sursis s'impose et que le droit pénal des adultes doit être appliqué; ainsi, les infractions nouvellement reprochées au jeune adulte ne seraient pas du ressort du tribunal genevois (prise de position du 15 octobre 2003).
 
Le défenseur du détenu estime que le dossier doit être transféré à Genève. Au contraire, d'après l'avocate de la plaignante, les autorités jurassiennes sont compétentes.
 
C.
 
Le 26 novembre 2003, le Procureur général du canton du Jura a saisi la Chambre de céans d'une requête en fixation de for tendant à ce que le canton de Genève soit déclaré compétent aux fins de poursuivre et de juger le détenu pour les actes punissables commis sur le territoire jurassien entre les mois de juillet 2001 et d'avril 2003.
 
D.
 
Dans sa réponse du 5 décembre 2003, le Procureur général du canton de Genève, agissant par un substitut, conclut à la compétence des autorités jurassiennes car le prévenu a agi sur leur territoire et n'a plus d'attaches dignes de ce nom à Genève. Au demeurant, l'accès aux dossiers genevois est garanti en application de l'entraide prévue à l'art. 351 CP (sic; recte art. 352 CP), contrairement à ce que croyait le procureur jurassien.
 
En annexe à la réponse du procureur genevois figurent des remarques de la Juge du Tribunal de la jeunesse du canton de Genève du 4 décembre 2003, confirmant sa prise de position du 15 octobre 2003.
 
E.
 
Le 12 octobre 2003, le prévenu s'est évadé des prisons de Porrentruy avec deux codétenus. Ils ont été arrêtés peu après puis dénoncés pour lésions corporelles simples, agressions, contraintes, violence ou menaces contre les fonctionnaires.
 
F.
 
Par un arrêt du 8 janvier 2004, la Chambre d'accusation du canton du Jura a rejeté la requête de mise en liberté provisoire de X.________. D'après cette autorité, en bref, les charges relatives aux viols sont claires, précises et résultent de divers témoignages indirects; le prévenu, ressortissant d'un pays d'Afrique, n'a plus de domicile fixe et sa mère, qui vit à Genève, ainsi que lui-même doivent quitter la Suisse sur ordre de l'Office fédéral des réfugiés.
 
La Chambre considère en droit:
 
1.
 
Le détenu est soupçonné d'actes délictueux commis en partie alors qu'il était encore un adolescent et en partie peu après avoir atteint l'âge de 18 ans révolus. Dès lors, la contestation au sujet du for doit être tranchée par la Chambre d'accusation du Tribunal fédéral, non pas par le Conseil fédéral dont la compétence est prévue à l'art. 372 ch. 1 al. 3 CP pour les causes concernant les enfants et les adolescents (ATF 96 IV 23 consid. 1 et la jurisprudence citée).
 
2.
 
Selon l'article 1 al. 2 OCP1 (RS 311.01), si un délinquant s'est rendu coupable d'infractions pour partie avant d'avoir atteint l'âge de 18 ans révolus et pour partie après, la procédure prévue à l'égard des adultes est applicable; si l'instruction est ouverte avant qu'il n'ait atteint l'âge de 20 ans révolus, et qu'une mesure prévue par le droit pénal des mineurs doive vraisemblablement être ordonnée, la procédure prévue à l'égard des adolescents pourra être appliquée.
 
La détermination de la compétence locale constitue une question de procédure à résoudre selon les art. 346 à 350 CP ou, en cas de mesure vraisemblable fondée sur le droit pénal des mineurs, selon l'art. 372 CP. L'autorité compétente devra choisir la solution qui conviendra le mieux aux circonstances du cas (ATF 107 IV 77 consid. 1).
 
3.
 
3.1 En l'espèce, il est incontesté qu'une part des actes reprochés au prévenu aurait été commise pour partie avant d'avoir atteint l'âge de 18 ans et pour partie après. La procédure prévue à l'égard des adultes est ainsi applicable sauf si les deux autres conditions cumulatives de la seconde partie de l'article 1, al. 2 de l'OCP1 sont réunies; il s'agit de l'ouverture de l'instruction avant que l'intéressé n'ait atteint l'âge de 20 ans révolus et de la perspective vraisemblable d'une mesure prévue par le droit pénal des mineurs.
 
Ici, l'instruction en cause a été ouverte en été 2003, alors que l'intéressé, né au mois de janvier 1985, n'avait pas atteint l'âge de 20 ans révolus. La première condition est ainsi réalisée. Quant à la seconde, elle appelle les considérations qui suivent.
 
3.2 Les charges relatives aux atteintes à l'intégrité sexuelle sont graves. Elles reposent sur les déclarations de la victime et des témoignages indirects. Le prévenu a déjà été déclaré coupable, alors qu'il était mineur, d'actes de cette nature. A cela s'ajoutent les infractions dont il se serait fait l'auteur à l'occasion de son évasion ainsi que d'autres actes délictueux, de moindre gravité (déplacements en train sans titres de transport). Dans ces circonstances, une mesure prévue par le droit pénal des mineurs ne paraît pas devoir être ordonnée par l'autorité qui sera désignée pour juger le prévenu. Certes, seule une petite partie des atteintes à l'intégrité sexuelle semble avoir été commise après qu'il fut parvenu à sa majorité; mais le fait qu'elles se seraient produites alors que le délinquant bénéficiait précisément d'un placement dans un foyer, ordonné par le Tribunal de la jeunesse genevois, laisse entendre qu'il n'est pas réceptif à ce genre de mesures éducatives. De plus, ce tribunal estime lui-même qu'une peine privative de liberté, sans sursis, s'impose, vu l'échec des mesures éducatives.
 
Dès lors, la Chambre de céans considère que la seconde condition de l'article 1, al. 2 de l'OCP1 (dernière partie) n'est pas réalisée, car il n'est pas vraisemblable qu'une mesure prévue par le droit pénal des mineurs doive être ordonnée. Ainsi, s'agissant de la désignation du for intercantonal, ce sont les règles de la procédure applicable aux adultes qui prévalent.
 
On doit préciser que, nonobstant l'appréciation de la Chambre de céans, la juridiction qui sera finalement désignée sera libre de prononcer ou non une mesure relevant du droit pénal des mineurs (Schweri, Interkantonale Gerichtsstandsbestimmung in Strafsachen, Berne 1987 p. 109 n. 327).
 
4.
 
Les règles de la procédure à l'égard des adultes en matière de conflit de for prévoient notamment que l'autorité compétente pour la poursuite et le jugement d'une infraction est celle du lieu où l'auteur a agi (art. 346 al. 1 CP).
 
En l'espèce, il est incontesté que le prévenu est soupçonné d'avoir agi, au moins pour l'essentiel, dans le canton du Jura. Il n'est pas allégué que l'un ou l'autre des actes délictueux en cause se soit produit sur territoire genevois.
 
Il s'ensuit que les autorités jurassiennes doivent être déclarées compétentes.
 
5.
 
L'un des arguments du Procureur général du canton du Jura est fondé sur les difficultés d'accès au dossier du Tribunal de la jeunesse de Genève, qui fait valoir des règles cantonales sur la confidentialité.
 
En application de l'art. 352 CP, qui prévoit l'entraide judiciaire entre cantons, de telles limitations ne sauraient valoir dans une cause entraînant, comme ici, l'application du Code pénal. Le Procureur général du canton de Genève s'est d'ailleurs exprimé dans ce sens.
 
6.
 
La requête est ainsi rejetée. Il n'y a pas lieu de percevoir un émolument judiciaire.
 
Par ces motifs, la Chambre prononce:
 
1.
 
La requête est rejetée et les autorités jurassiennes sont déclarées compétentes aux fins de poursuivre et de juger les actes reprochés à X.________, réputés commis sur le territoire jurassien entre les mois de juillet 2001 et d'avril 2003.
 
2.
 
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.
 
3.
 
Le présent arrêt est communiqué en copie au requérant et au Procureur général du canton de Genève.
 
Lausanne, le 27 janvier 2004
 
Au nom de la Chambre d'accusation
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le président: Le greffier:
 
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