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Informationen zum Dokument  BGer 1A.140/2002  Materielle Begründung
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BGer 1A.140/2002 vom 11.09.2002
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
1A.140/2002/col
 
Arrêt du 11 septembre 2002
 
Ire Cour de droit public
 
Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président du Tribunal fédéral,
 
Reeb, Catenazzi,
 
greffier Kurz.
 
A.________,
 
la société P.________,
 
la société C.________,
 
recourants,
 
tous représentés par Me Xavier Mo Costabella, avocat, rue de Rive 6, 1204 Genève,
 
contre
 
Juge d'instruction du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case postale 3344, 1211 Genève 3,
 
Chambre d'accusation de la Cour de justice du canton de Genève, place du Bourg-de-Four 1, case postale 3108, 1211 Genève 3.
 
Entraide judiciaire internationale en matière pénale avec le Koweït
 
recours de droit administratif contre l'ordonnance de la Chambre d'accusation du 18 avril 2002.
 
Faits:
 
A.
 
Le 9 février 1994, l'Office du Procureur général de l'Etat du Koweït a adressé à l'Office fédéral de la police (ci-après: l'OFP) une demande d'entraide judiciaire pour les besoins d'une enquête pénale dirigée contre les dénommés A.________, Q.________, M.________, S.________ et L.________ (Ministre de 1981 à 1989), auxquels sont reprochés des infractions contre le patrimoine et des délits de faux au préjudice de K.________, société détenue par la société U.________, appartenant elle-même à l'Etat du Koweït. Hauts responsables de K.________, les inculpés se seraient enrichis de manière illégitime entre 1986 et 1992, au détriment de cette société, pour un montant total de quelque 66 millions de dollars. Ils auraient conclu des contrats de transport à des conditions trop onéreuses avec des intermédiaires qui sous-traitaient à des conditions plus avantageuses, les auteurs s'appropriant la différence de prix; à l'occasion d'achats, de ventes ou de commandes de navires, ils se seraient fait remettre des commissions auxquelles ils n'avaient pas droit; ils auraient injustement perçu une partie des indemnités d'assurance payées en raison de la réalisation du risque de guerre lors de la guerre du Golfe. L'autorité requérante désirait obtenir des renseignements sur différentes opérations dans cinq établissements bancaires, ainsi que le séquestre d'avoirs.
 
Le 2 mai 1994, le juge d'instruction genevois, auquel l'OFP avait confié l'exécution de cette demande, est entré en matière, en ordonnant auprès de banques genevoises la saisie des avoirs appartenant aux personnes physiques et morales désignées dans la requête.
 
Par ordonnances du 31 août 1994, la Chambre d'accusation du canton de Genève (ci-après: la Chambre d'accusation) a rejeté divers recours formés contre la décision d'entrée en matière. Par arrêts du 22 décembre 1994, le Tribunal fédéral a confirmé ces décisions, en écartant en particulier les griefs relatifs à la compétence du Procureur général requérant, et en considérant que la question de la conformité de la procédure étrangère à la CEDH pourrait être examinée par la suite.
 
B.
 
Le 24 mars 1995, le Consulat général de l'Etat du Koweït à Genève a produit des renseignements sur les règles de procédure applicables dans l'Etat requérant.
 
Le 24 février 1997, le Procureur général a fourni un mémorandum sur l'état des procédures. La cause avait été soumise le 22 décembre 1993 à la Cour d'Assises, devant laquelle seuls Q.________ et L.________ s'étaient présentés. Diverses exceptions avaient été soulevées, mais la cour avait décidé de poursuivre la procédure. Toutefois, la cause avait été renvoyée le 21 novembre 1995 au Tribunal spécial des Ministres, en vertu d'une loi n° 88/95 adoptée entre-temps, pour le chef d'accusation d'enrichissement illégitime à l'encontre de l'ancien Ministre et de ses comparses. Pour le surplus, la Cour d'Assises avait rendu un verdict de culpabilité partielle le 22 juin 1996, frappé d'appel. L'exécution de la commission rogatoire était toujours requise. Le Procureur rappelait les termes de l'art. 6 CEDH; il relevait notamment que A.________ avait été assigné en bonne et due forme, ce qui permettait de poursuivre la procédure par défaut.
 
Le 12 mai 1998, le Procureur général a confirmé qu'il n'était plus compétent pour poursuivre l'ancien Ministre L.________; la cause était toujours pendante devant la Cour d'Assises à l'encontre des autres accusés.
 
Par pli daté du 13 juillet 1999, le Président de la Commission d'enquête du Tribunal des Ministres (ci-après: la commission d'enquête) a fait savoir qu'il était saisi de la cause relative à l'ancien Ministre, que la Cour d'Assises avait décidé de suspendre sa procédure, et qu'il souhaitait la transmission des documents requis.
 
Dans un mémoire commun du 14 mars 2001, transmis le 11 avril suivant, le Procureur général et le Président de la commission d'enquête ont réaffirmé leurs compétences respectives, en demandant la levée partielle du blocage des comptes bancaires afin de permettre l'exécution d'un jugement civil rendu à Londres en faveur de K.________, ainsi que le maintien "des mesures prises dans le cadre de l'entraide judiciaire précédente".
 
C.
 
Par ordonnance de clôture du 15 octobre 2001, le juge d'instruction a ordonné la transmission à l'autorité requérante, notamment, des documents remis par l'UBS de Genève le 30 juin 1994, concernant des comptes et dépôts-titres détenus par A.________ et les sociétés P.________ et C.________, dont il est l'ayant droit. Le juge d'instruction a aussi confirmé la saisie des comptes visés. Il a retenu que dans sa communication complémentaire du 11 avril 2001, le Procureur de l'Etat du Koweït avait maintenu sa demande et confirmé que, conformément à la nouvelle législation, il était compétent pour poursuivre les quatre inculpés, à l'exclusion de l'ancien ministre dont la cause relevait de la commission d'enquête.
 
Par ordonnance du 18 avril 2002, la Chambre d'accusation a confirmé cette décision, sur recours de A.________, P.________ et C.________. Tant la commission d'enquête que le Parquet avaient reconnu la compétence répressive de ce dernier; selon les décisions figurant au dossier, les accusés auraient tous été renvoyés devant le Tribunal des Ministres, mais ce dernier n'était pas lié par ce renvoi. La question de la compétence n'était donc pas définitivement tranchée. Le cas échéant, l'entraide pouvait être accordée pour les besoins de la procédure menée devant la commission d'enquête. Les sociétés recourantes ne pouvaient se prévaloir de l'art. 2 EIMP, pas plus qu'A.________, car ce dernier résidait à Londres et se trouvait, en l'état, à l'abri des poursuites intentées contre lui. Le principe de la proportionnalité était respecté.
 
D.
 
A.________, P.________ et C.________ forment un recours de droit administratif contre cette dernière ordonnance. Ils demandent l'annulation de toutes les décisions précitées, ainsi que l'irrecevabilité de la demande d'entraide et de son complément du mois d'avril 2001.
 
La Chambre d'accusation se réfère à son ordonnance et l'Office fédéral de la justice conclut au rejet du recours.
 
Le Tribunal fédéral considère en droit:
 
1.
 
Interjeté dans le délai et les formes utiles contre une décision de clôture confirmée en dernière instance cantonale, le recours de droit administratif est recevable (art. 80e let. a et 80f al. 1 de la loi fédérale sur l'entraide internationale en matière pénale - EIMP, RS 351.1). Les recourants sont titulaires des différents comptes au sujet desquels le juge d'instruction a ordonné la transmission de renseignements (art. 80h let. b EIMP et 9a let. a OEIMP).
 
2.
 
En l'absence d'une convention liant la Suisse et l'Etat requérant, l'entraide judiciaire est entièrement régie par l'EIMP et son ordonnance d'exécution (OEIMP, RS 351.11).
 
3.
 
Les recourants persistent à contester la compétence du Procureur général du Koweït pour requérir l'entraide judiciaire. La cause relèverait désormais uniquement du Tribunal des Ministres, pour l'ensemble des accusés, et non des juridictions ordinaires.
 
3.1 La Chambre d'accusation a examiné les différentes décisions rendues à cet égard dans l'Etat requérant. Une première procédure avait abouti à un jugement de la Cour d'assises au mois de juin 1996, annulé pour vice de forme. Les quatre accusés n'ayant pas été ministres ont été renvoyés le 15 mars 1997 par la Cour d'appel devant le Tribunal des Ministres qui, le 22 avril suivant, a accepté sa compétence à l'égard de l'ancien Ministre du pétrole, mais a réservé sa décision à l'égard des autres accusés. Ces décisions ont été contestées notamment par le Parquet auprès de la Cour de cassation. Dans deux décisions du 22 décembre 1997, cette dernière a estimé que les accusés avaient agi de concert et qu'il y avait une connexité suffisante pour que les cinq accusés soient jugés ensemble devant le Tribunal des Ministres. Le 12 mai 1998, le Procureur général avait confirmé qu'il n'était plus compétent pour poursuivre l'ancien Ministre L.________; la cause était toujours pendante devant la Cour d'Assises à l'encontre des autres accusés. Le 13 juillet 1999, le Président de la commission d'enquête du Tribunal des Ministres a fait savoir qu'il s'était saisi de la cause relative à l'ancien Ministre, que la Cour d'Assises avait décidé de suspendre sa procédure, et qu'il souhaitait la transmission des documents requis. Enfin, dans un mémoire commun du 14 mars 2001, le Procureur général et le Président de la commission d'enquête avaient réaffirmé leurs compétences respectives, en demandant la levée partielle du blocage des comptes bancaires afin de permettre l'exécution d'un jugement civil rendu à Londres en faveur de K.________, ainsi que le maintien des mesures d'entraide.
 
En présence de décisions apparemment contradictoires, la Chambre d'accusation a considéré que la situation procédurale n'était pas claire: la question de la compétence du Tribunal des Ministres pour juger l'ensemble des accusés n'était pas définitivement tranchée. Cela étant, il n'y avait pas incompétence manifeste du Procureur général, et la commission d'enquête avait de toute façon repris pour son compte la requête d'entraide formée par le procureur.
 
3.2 Selon la jurisprudence constante, l'autorité suisse requise doit certes s'assurer de la compétence répressive de l'Etat requérant (cf. notamment l'art. 5 EIMP); elle s'interdit en revanche d'examiner la compétence de l'autorité requérante au regard des normes d'organisation ou de procédure de l'Etat étranger. Ce n'est qu'en cas d'incompétence manifeste, faisant apparaître la demande comme un abus caractéristique, que l'entraide peut être refusée (ATF 116 Ib 89 consid. 2c/aa p. 92 et la jurisprudence citée).
 
3.3 Comme le relève la Chambre d'accusation, si la situation procédurale actuelle n'est pas dénuée d'ambiguïtés, il n'en résulte pas pour autant que l'incompétence du Procureur général serait manifeste. Tel était déjà l'opinion du Tribunal fédéral dans ses arrêts du 22 décembre 1994. Même si, comme le soutiennent les recourants, la cause de l'ensemble des accusés relève maintenant exclusivement du Tribunal des Ministres, respectivement de la commission d'enquête de ce tribunal, cette autorité a d'ores et déjà manifesté, à plusieurs reprises, sa volonté de voir exécuter les actes d'entraide requis par le Procureur.
 
Les recourants soutiennent que l'arrêt de la Cour de cassation aurait pour effet l'annulation de toute la procédure, avec effet ex tunc. Cette question relève toutefois du droit de l'Etat requérant. Du point de vue de l'Etat requis, si l'entraide est requise par une autorité qui se révèle par la suite incompétente, elle peut encore être accordée lorsque l'autorité compétente manifeste sa volonté d'obtenir les renseignements recueillis. Cette déclaration a un effet réparateur, et les actes d'entraide exécutés jusque-là n'en sont pas affectés (cf. art. 28 al. 6 EIMP). La Suisse n'a pas à s'interroger sur les effets, selon la procédure de l'Etat requérant, du dessaisissement de la première autorité. S'il y a conflit de compétence, celui-ci est positif et n'a pas d'influence sur l'octroi de l'entraide.
 
4.
 
Invoquant ensuite l'art. 2 let. a EIMP, les recourants soutiennent que si le Koweït a ratifié le Pacte ONU II, sans ses protocoles facultatifs, divers rapports d'organisations non gouvernementales mettraient en évidence de nombreuses violations des droits de l'homme commises dans ce pays. Les juges, nommés par l'Emir sur recommandation du Ministère de la justice, n'auraient pas d'indépendance. Les sociétés recourantes reconnaissent qu'elles n'ont pas qualité pour soulever un tel grief (ATF 126 II 258 consid. 2b p. 260 et les arrêts cités). Le recourant A.________ explique qu'il s'est exilé à Londres en 1994, que les autorités koweïtiennes refusent de lui renouveler son passeport, et que son épouse avait été empêchée de quitter le Koweït pendant plusieurs années. Le recourant n'avait jamais été convoqué pour se défendre dans le procès en cours. Il serait un otage de la lutte entre les divers prétendants à la succession du chef de l'Etat.
 
4.1 Selon l'art. 2 EIMP, la demande d'entraide est irrecevable s'il y a lieu d'admettre que la procédure à l'étranger [a] n'est pas conforme aux principes de procédure fixés par la CEDH ou par le Pacte ONU II, ou [d] présente d'autres défauts graves. Cette disposition a pour but d'éviter que la Suisse ne prête son concours à des procédures qui ne garantiraient pas à la personne poursuivie un standard de protection minimal correspondant à celui offert par le droit des Etats démocratiques, défini en particulier par les deux instruments précités, ou qui se heurteraient à des normes reconnues comme appartenant à l'ordre public international (ATF 122 II 140 consid. 5a et les arrêts cités). La Suisse elle-même contreviendrait à ses engagements en accordant délibérément l'entraide ou l'extradition d'une personne à un Etat dans lequel il existe des motifs sérieux de penser qu'un risque de traitement contraire à la CEDH ou au Pacte ONU II menace l'intéressé (ATF 121 II 296 consid. 3b et les arrêts cités).
 
4.2 Saisie d'un grief de ce genre, l'autorité suisse requise n'a pas à se livrer d'office à un examen exhaustif du niveau de protection des droits de l'homme dans l'Etat requérant; elle doit se concentrer sur l'évaluation des incidences prévisibles de cette situation sur la position concrète de la personne poursuivie (ATF 117 Ib 64 consid. 5f p. 91). Il ne suffit donc pas que la personne poursuivie à l'étranger se prétende menacée du fait d'une situation politico-juridique donnée; il lui appartient de rendre vraisemblable l'existence d'un risque sérieux et objectif d'une grave violation des droits de l'homme dans l'Etat requérant, susceptible de la toucher de manière concrète (ATF 125 II 356 consid. 8a p. 364, 123 II 161 consid. 6b, 122 II 373 consid. 2a p. 376-377 et les arrêts cités). L'intéressé ne saurait ainsi se contenter d'affirmations générales; il lui incombe, sinon de démontrer, du moins d'alléguer de manière vraisemblable en quoi consistent les vices invoqués, et leurs incidences concrètes sur sa propre situation, en particulier au regard de la procédure pénale ouverte dans l'Etat requérant. La jurisprudence a ainsi eu l'occasion de préciser que l'accusé qui se trouve dans un Etat tiers non susceptible de l'extrader directement à l'Etat requérant, n'est pas a priori touché de manière concrète par les défauts allégués (ATF 125 II 356 consid. 8b p. 365).
 
4.3 La cour cantonale a fait application de ces principes en relevant que si le recourant fait partie des personnes poursuivies au Koweït, il est toutefois domicilié à Londres et ne risque pas de se trouver contre son gré à disposition des autorités de l'Etat requérant. A ceci, le recourant rétorque qu'il a dû, précisément, quitter le Koweït en raison des risques qu'il dénonce et qu'en outre, il n'a jamais été convoqué pour prendre part à la procédure dirigée contre lui. Ces affirmations ne répondent pas à l'argumentation retenue par la cour cantonale: quels que soient les vices invoqués, le recourant ne prétend pas être exposé à devoir se soumettre, le cas échéant, à un jugement rendu contre lui dans l'Etat requérant. Si une demande d'extradition devait être formée contre lui, il appartiendrait alors à son Etat de résidence, partie à la CEDH, de s'assurer du respect, notamment, des droits de la défense.
 
4.4 La jurisprudence considère que la personne poursuivie peut, dans certains cas, se prévaloir de l'art. 2 let. a EIMP lorsqu'il est à redouter que, nonobstant son absence du territoire de l'Etat requis, un jugement par défaut est susceptible d'être prononcé contre lui (arrêt du 19 septembre 2000 dans la cause L.). Toutefois, dans ce cas également, l'intéressé doit apporter des éléments permettant de penser qu'il court le danger de subir concrètement une atteinte à ses droits fondamentaux. En l'occurrence, un jugement par défaut a déjà été rendu contre le recourant A.________ par la Cour d'Assises, au mois de juin 1996, mais celui-ci a été annulé par la Cour d'appel. Le recourant prétend n'avoir jamais été convoqué, mais l'autorité requérante affirme le contraire, en particulier dans son mémorandum du 24 février 1997, où elle relève que l'assignation - nécessaire au prononcé d'un jugement par défaut - a eu lieu en bonne et due forme, A.________ ayant au surplus entamé des démarches judiciaires afin de contester les mesures de saisie dont il fait l'objet dans l'Etat requérant. Le recourant n'indique d'ailleurs pas s'il craint un nouveau jugement par défaut, et ne prétend pas non plus que les droits de l'accusé qui ne comparaît pas - notamment le droit d'obtenir le relief - seraient compromis dans un tel cas. Le recourant prétend aussi qu'il serait l'objet d'une lutte entre les divers prétendants à la succession du chef de l'Etat, mais il se contente, là aussi, d'affirmations purement gratuites.
 
Le recourant relève que les juges sont nommés par le Chef de l'Etat, sur recommandation du Ministère de la justice. Cet élément à lui seul n'est pas suffisant pour douter de l'indépendance des magistrats. En effet, cette question doit être résolue non seulement sur le vu du mode de désignation, mais aussi compte tenu de la durée des mandats, de l'existence d'une protection contre les pressions extérieures et du point, central, de savoir s'il y a ou non apparence d'indépendance. Les tribunaux doivent statuer sans recevoir d'instructions ou de recommandations (ATF 123 II 511 consid. 5c p. 517 et la jurisprudence citée). Le fait que l'engagement des magistrats, salariés, soit de durée déterminée et qu'il s'agisse souvent de ressortissants étrangers ne constituent pas des motifs de douter de leur indépendance. Par ailleurs, si les différents rapports produits par le recourant (observations finales du Comité des droits de l'homme du 27 juillet 2000 -, rapports d'Amnesty International et d'Human Rights Watch, ainsi que de l'US Department of State) font état de sérieux problèmes dans l'Etat requérant (maintien de la loi martiale de 1991, arrestations illégales, cas de torture, discriminations à l'égard des femmes, situation des bédouins et des apatrides, maintien de la peine de mort, violations de la liberté d'expression), aucun d'entre eux ne mentionnent l'indépendance des magistrats comme un motif de préoccupation particulier. Il n'est jamais prétendu que le Chef de l'Etat serait, d'une manière ou d'une autre, intervenu afin d'influencer l'issue d'un procès déterminé. Les différentes décisions de justice qui figurent au dossier font au contraire ressortir que les objections soulevées après le premier arrêt de la Cour d'Assises ont été examinées avec sérieux et indépendance. Les seuls procès inéquitables dont il est fait état concernent des délits politiques jugés par la Cour martiale ou la Cour de sûreté de l'Etat, mais non des délits de droit commun jugés par les juridictions ordinaires.
 
L'Etat requérant, qui a ratifié le 21 mai 1996 le Pacte ONU II, a été interpellé le 14 février 1995 par l'OFP, notamment à propos du respect des garanties judiciaires figurant aux art. 6-8 CEDH. Dans sa réponse, du 24 mars 1995, transmise par le Ministère de la Justice, le Procureur général expose les règles relatives à la légalité des peines, à la publicité des débats, à la présomption d'innocence, au principe d'accusation et aux droits de la défense, en particulier le droit de faire entendre les témoins à décharge. Le recourant ne tente pas de démontrer que l'une ou l'autre de ces prérogatives ne serait pas respectée. L'occasion d'une telle démonstration concrète n'a d'ailleurs pas manqué car, même s'il n'y a pas personnellement participé, le recourant a été informé du premier procès qui s'est tenu en Assises, et aurait eu le loisir d'en critiquer, s'il y avait lieu, le déroulement.
 
C'est dès lors avec raison, faute de griefs suffisamment étayés, que la cour cantonale a refusé d'entrer en matière sur l'argumentation tirée de l'art. 2 EIMP.
 
5.
 
Les recourants invoquent enfin le principe de la proportionnalité. Le verdict rendu en 1996, puis l'arrêt de la Cour de cassation, auraient rendu sans objet la demande d'entraide. Par ailleurs, la transmission en bloc de tous les documents saisis, sans aucun tri, serait inadmissible, d'autant plus que l'autorité requérante ne demande plus que la levée des blocages de comptes qui avaient été ordonnés.
 
5.1 Contrairement à ce que semblent soutenir les recourants, le premier verdict - annulé pour vice de forme - puis les décisions de la Cour de cassation ne rendent pas l'entraide sans objet. Seule pourrait avoir cet effet une décision d'acquittement, de non-lieu, ou une renonciation à toute poursuite (art. 5 EIMP). Or, même s'il subsiste quelques incertitudes sur la juridiction qui sera finalement saisie, l'Etat requérant a clairement manifesté sa volonté de mener à terme les procédures en cours; tant le Procureur que la commission d'enquête ont, le 14 mars 2001, confirmé leur intérêt pour les renseignements recueillis en Suisse, le maintien des blocages opérés en Suisse étant mentionné à titre supplémentaire.
 
5.2 Quant à l'absence de tri des documents à transmettre, la cour cantonale rappelle à juste titre que les intéressés ne peuvent se contenter de se plaindre d'une transmission en bloc; il leur appartient d'indiquer quelles pièces ne doivent pas être transmises, et pour quels motifs (ATF 126 II 258 consid. 9b/aa). Force est de constater qu'à aucun stade de la procédure, y compris dans leur recours de droit administratif, les recourants n'ont satisfait à ce devoir de collaboration, alors même que l'occasion leur en avait été donnée. Le grief doit par conséquent être écarté.
 
6.
 
Sur le vu de ce qui précède, le recours de droit administratif doit être rejeté, dans la mesure où il est recevable. Conformément à l'art. 156 al. 1 OJ, un émolument judiciaire est mis à la charge des recourants, qui succombent.
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
 
2.
 
Un émolument judiciaire de 5000 fr. est mis à la charge des recourants.
 
3.
 
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des recourants, au Juge d'instruction et à la Chambre d'accusation du canton de Genève, ainsi qu'à l'Office fédéral de la justice (B 107164).
 
Lausanne, le 11 septembre 2002
 
Au nom de la Ire Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le président: Le greffier:
 
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