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Informationen zum Dokument  BGer 4C.155/2002  Materielle Begründung
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BGer 4C.155/2002 vom 09.09.2002
 
Tribunale federale
 
{T 0/2}
 
4C.155/2002/ech
 
Arrêt du 9 septembre 2002
 
Ire Cour civile
 
Les juges fédéraux Walter, président de la Cour, Corboz et Nyffeler,
 
greffière de Montmollin.
 
A.________,
 
B.________,
 
C.________,
 
défendeurs et recourants,
 
tous trois représentés par Me Roger Mock, avocat,
 
rue du Port 6, 1204 Genève,
 
contre
 
X.________ SA en liquidation,
 
demanderesse et intimée, représentée par
 
Me Jean-Cédric Michel, avocat, rue Bellot 6, 1206 Genève.
 
responsabilité des administrateurs; prescription
 
(recours en réforme contre l'arrêt de la Chambre civile de
 
la Cour de justice du canton de Genève du 22 février 2002)
 
Faits:
 
A.
 
La société X.________ SA (ci-après: X.________) a été inscrite au registre du commerce à Genève le 22 septembre 1982. Son but social était, notamment, le financement, la gestion, l'administration, le contrôle d'entreprises ou de sociétés, les participations.
 
Du 2 mars 1990 au 28 juillet 1998, le conseil d'administration de la société était composé de:
 
- D.________, d'Irak, à Bagdad, administrateur président, avec signature collective à deux;
 
- E.________, d'Irak, à Bagdad, administrateur vice-président, avec signature collective à deux;
 
- A.________, de Masein, à Arzier, administrateur secrétaire, avec signature individuelle;
 
- B.________, (épouse de A.________), administratrice, sans signature;
 
- C.________, administrateur, sans signature.
 
D.________ était propriétaire des actions de X.________. A.________ a géré seul les affaires de la société de 1990 à 1998. Quant à B.________ et C.________, ils n'ont exercé aucune activité, leur présence au conseil d'administration étant due exclusivement à la nécessité d'avoir une majorité d'administrateurs de nationalité suisse.
 
En août 1990, à la suite de l'invasion du Koweït par l'Irak, un embargo a été décrété et les transactions financières avec des ressortissants irakiens ont été limitées. Cette situation a eu pour conséquence que la société X.________ est entrée en veilleuse, ses comptes n'ont pas été révisés et il n'y a pas eu d'assemblée générale. En octobre 1996, la société X.________, à l'initiative de l'administrateur propriétaire D.________, a mandaté un avocat chargé d'établir les mouvements financiers effectués par l'administrateur gérant, A.________, à partir des comptes bancaires de X.________. De ces diverses recherches, la société a acquis la conviction que le dernier nommé avait effectué des prélèvements sur les biens sociaux sans pouvoir justifier que les fonds aient été utilisés dans l'intérêt de la société. Quant aux autres administrateurs suisses, B.________ et C.________, ils avaient totalement failli à leur obligation de veiller sur la gestion sociale.
 
La société a requis des poursuites, les 21 et 22 janvier 1998, à l'encontre de A.________, B.________ et C.________.
 
Ces trois administrateurs ont démissionné, ce dont l'assemblée générale du 28 juillet 1998 a pris acte, sans leur donner décharge.
 
La société a été mise en liquidation le 29 mars 1999.
 
B.
 
Le 16 avril 1999, X.________ a déposé devant les tribunaux genevois une action en responsabilité dirigée contre A.________, B.________ et C.________, leur réclamant la somme de 732'943 fr.56 avec intérêts à 5 % l'an dès le 23 octobre 1996.
 
Par jugement du 20 novembre 2000, le Tribunal de première instance du canton de Genève a condamné les défendeurs, pris solidairement, à verser à la demanderesse la somme de 534'423 fr.51 avec intérêts moratoires à 5 % l'an dès le 21 janvier 1998. Le tribunal a ainsi admis la demande, sous déduction de 198'520 fr.05 correspondant au loyer que A.________ a payé, de 1991 à 1993, pour les locaux de la société.
 
Statuant sur appel des défendeurs, la Chambre civile de la Cour de justice, par arrêt du 22 février 2002, a réformé ce jugement et a condamné A.________ à verser à la société la somme de 486'809 fr.05 avec intérêts à 5 % l'an dès le 21 janvier 1998; elle a condamné solidairement les autres défendeurs à payer le 10 % de cette somme, soit 48'680 fr.90 avec intérêts à 5 % l'an dès le 21 janvier 1998.
 
Les défendeurs avaient soulevé une exception de prescription, en faisant valoir que A.________ avait informé D.________ de la situation financière de la société par une lettre du 3 juillet 1992 et par un fax du 8 août 1992. La cour cantonale a retenu qu'il n'était pas prouvé que D.________ ait reçu ces documents et a par conséquent rejeté l'exception de prescription.
 
Les défendeurs alléguaient que 260'000 fr. avaient été affectés à l'acquisition de parts d'une société civile immobilière. La cour cantonale a cependant retenu qu'aucun lien entre cette opération immobilière et le prélèvement de 260'000 fr. sur les fonds sociaux n'était établi.
 
Pour le reste, il n'était pas contesté que les prélèvements s'étaient élevés au total à 472'943 fr.60. Sur cette somme, les parties admettaient qu'il fallait déduire les loyers à raison de 198'520 fr.05 Par ailleurs, la cour cantonale a estimé que A.________ avait pu établir une utilisation conforme à l'intérêt social pour 47'614 fr.50, mais que le reste, soit 226'809 fr.05, restait sans justification et qu'il en était redevable. Quant aux autres administrateurs défendeurs, la cour cantonale a jugé que leur responsabilité était moindre et n'a mis à leur charge que le 10 % des sommes dues par A.________, leur responsabilité étant toutefois solidaire à concurrence de ce montant.
 
C.
 
Les défendeurs recourent en réforme au Tribunal fédéral contre l'arrêt du 22 février 2002. Invoquant une violation des art. 760 et 754 CO, ils concluent à l'annulation de la décision attaquée et au rejet de la demande.
 
La demanderesse propose le rejet du recours.
 
Le Tribunal fédéral considère en droit:
 
1.
 
Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral doit conduire son raisonnement juridique sur la base des faits contenus dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédérales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il n'y ait lieu à rectification de constatations reposant sur une inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il ne faille compléter les constatations de l'autorité cantonale parce que celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents et régulièrement allégués (art. 64 OJ; ATF 127 III 248 consid. 2c; 126 III 59 consid. 2a). Dans la mesure où une partie recourante présente un état de fait qui s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée sans se prévaloir avec précision de l'une des exceptions qui viennent d'être rappelées, il n'est pas possible d'en tenir compte (ATF 127 III 248 consid. 2c). Il ne peut être présenté de griefs contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens de preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). Le recours en réforme n'est pas ouvert pour se plaindre de l'appréciation des preuves et des constatations de fait qui en découlent (ATF 127 III 543 consid. 2c; 126 III 189 consid. 2a; 125 III 78 consid. 3a).
 
Le Tribunal fédéral ne peut aller au-delà des conclusions des parties (qui ne peuvent en prendre de nouvelles: art. 55 al. 1 let. b OJ), mais il n'est pas lié par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al. 1 OJ), ni par l'argumentation juridique retenue par la cour cantonale (art. 63 al. 3 OJ; ATF 128 III 22 consid. 2e/cc; 127 III 248 consid. 2c; 126 III 59 consid. 2a).
 
2.
 
2.1 Les actions et omissions à raison desquelles les administrateurs sont recherchés en responsabilité restent soumises à l'ancien droit de la société anonyme si elles sont intervenues avant le premier juillet 1992; après cette date, le nouveau droit est applicable (ATF 128 III 180 consid. 2b; 122 III 488 consid. 3a).
 
2.2 Selon l'art. 760 al. 1 CO, les actions en responsabilité contre les administrateurs se prescrivent par 5 ans à compter du jour où la partie lésée a eu connaissance du dommage, ainsi que de la personne responsable, et, dans tous les cas, par 10 ans dès le jour où le fait dommageable s'est produit. Cette réglementation n'est pas différente de celle prévue par l'ancien art. 760 al. 1 aCO.
 
S'agissant du délai de cinq ans - qui est seul en cause ici -, il ne court qu'à partir du moment où le lésé a une connaissance suffisante du dommage et de l'identité du responsable; cela suppose qu'il apprenne les circonstances propres à fonder et à motiver une demande en justice (ATF 112 II 118 consid. 4; 111 II 55 consid. 3a; 109 II 433 consid. 1).
 
Celui qui allègue la prescription pour se libérer doit prouver les faits permettant de constater sa date de départ (Kummer, Commentaire bernois, n. 304 ad art. 8 CC, cf. également arrêt 4C.122/1988 reproduit in SJ 1989 p. 232 consid. 2a).
 
La cour cantonale n'a donc pas violé l'art. 8 CC en considérant qu'il incombait aux défendeurs de prouver que la prescription avait commencé à courir plus de 5 ans avant les réquisitions de poursuite. Elle n'a pas davantage mal déterminé le délai de prescription et les circonstances permettant de dire qu'il a commencé à courir.
 
Les défendeurs soutiennent que la prescription serait acquise exclusivement parce que l'administrateur propriétaire aurait reçu le courrier du 3 juillet 1992 et le fax du 8 août 1992. Procédant à une appréciation des preuves, la cour cantonale a retenu qu'il n'était pas prouvé qu'il ait reçu ces documents. Comme on l'a rappelé ci-dessus, l'appréciation des preuves ne peut être revue dans un recours en réforme.
 
Dès lors que le fardeau de la preuve incombait aux défendeurs, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en mettant la carence de la preuve à la charge de ceux-ci et en raisonnant, par voie de conséquence, comme si ces documents n'avaient pas été portés à la connaissance des organes sociaux.
 
L'exception de prescription a donc été rejetée sans violer le droit fédéral.
 
2.3 Selon l'art. 754 al. 1 CO, les membres du conseil d'administration et toutes les personnes qui s'occupent de la gestion répondent à l'égard de la société du dommage qu'ils lui causent en manquant intentionnellement ou par négligence à leur devoir. Cette règle n'est pas fondamentalement différente de celle contenue à l'ancien art. 753 al. 1 CO. L'administrateur est tenu d'accomplir sa mission avec diligence (art. 717 al. 1 CO, art. 722 al. 1 aCO). La responsabilité des administrateurs suppose que ceux-ci aient manqué fautivement à leur devoir, que la société ait subi un dommage et qu'il existe un rapport de causalité entre
 
le manquement reproché aux administrateurs et le dommage (cf. ATF 128 III 180 consid. 2d). On ne voit pas en quoi - et les recourants ne le disent pas non plus - la cour cantonale aurait méconnu les principes généraux régissant la responsabilité des administrateurs.
 
En raison de son devoir de diligence et de fidélité (art. 717 al. 1 CO, art. 722 al. 1 aCO), l'administrateur doit, comme cela est prévu expressément dans le cas du mandataire (art. 400 al. 1 CO), rendre compte de sa gestion et restituer tout ce qu'il a reçu en tant qu'administrateur de la société. Dès lors qu'il est établi en l'espèce que l'administrateur gérant a prélevé des biens sociaux, il en est évidemment redevable. Il lui incombe soit de les restituer, soit de prouver qu'il les a utilisés dans l'intérêt de la société. Il ne saurait sérieusement soutenir que ce n'est pas à lui de prouver l'utilisation qu'il a fait des fonds; dès lors qu'il est démontré qu'il a prélevé des biens sociaux, il doit en rendre compte.
 
S'agissant du prélèvement de 260'000 fr., la cour cantonale a constaté qu'il n'était établi aucun lien entre le prélèvement de cette somme et l'investissement immobilier allégué. Il s'agit là d'une question d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, qui ne peut donner lieu à un recours en réforme. Savoir quelle a été l'utilisation d'une somme déterminée est une pure question de fait, qui ne peut être examinée en instance de réforme (art. 63 al. 2 OJ).
 
En ce qui concerne les autres prélèvements, leur montant a été arrêté - d'une manière qui lie le Tribunal fédéral saisi d'un recours en réforme (art. 63 al. 2 OJ) - à 472'943 fr.60. Sur cette somme, il a été admis - ce que les défendeurs ne critiquent pas - que 198'520 fr.05 correspondent à des loyers payés pour la société et que 47'614 fr.50 ont été dépensés dans l'intérêt social. Pour le solde, la cour cantonale a conclu que l'administrateur gérant en était redevable, parce qu'il n'avait pas établi une utilisation conforme à l'intérêt social. Il s'agit à nouveau d'une question d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, qui ne peut être examinée en instance de réforme. On ne voit pas en quoi - et les défendeurs ne le disent pas non plus - la cour cantonale aurait violé sur ce point une règle du droit fédéral.
 
Considérant que les administrateurs avaient gravement violé leurs devoirs, la cour cantonale leur a dénié toute prétention à une rémunération. On peut se demander si cette décision est conforme au droit fédéral dans la mesure où l'administrateur gérant semble avoir fourni quelques prestations utiles, à savoir payer le loyer et d'autres factures (cf. ATF 124 III 423 consid. 4a). Alors que la cour cantonale a consacré un long passage à cette question, les recourants n'en disent pas un seul mot dans leur acte de recours. Comme il s'agit d'une affaire pécuniaire, l'objet du litige est à la libre disposition des parties. En l'absence de toute motivation répondant aux exigences de l'art. 55 al. 1 let. b et c OJ, il faut en déduire que ce point n'est pas contesté et qu'il n'y a donc pas lieu de l'examiner plus avant.
 
En conclusion, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral lorsqu'elle a condamné l'administrateur gérant à restituer à la société les prélèvements qu'il a effectués dans tous les cas où il n'a pas pu justifier d'une utilisation conforme à l'intérêt social.
 
2.4 En ce qui concerne les autres administrateurs recherchés, il résulte des constatations cantonales souveraines (art. 63 al. 2 OJ) qu'ils ont totalement négligé leur obligation de veiller sur la gestion sociale, et notamment de contrôler l'administrateur gérant, contribuant ainsi par leur carence fautive à causer le dommage, l'administrateur gérant se sentant à l'abri de toute surveillance. La cour cantonale a estimé que leur responsabilité devait être limitée à 10 % du dommage; ce point n'est pas discuté dans le recours et il n'y a donc pas lieu d'y revenir.
 
La cour cantonale en a déduit que les intéressés devaient verser le 10 % des 260'000 fr. prétendument affectés à un investissement immobilier, soit 26'000 fr. (arrêt attaqué p. 18 al. 2), ainsi que 10 % des 226'809 fr.05 correspondant aux autres prélèvements injustifiés, soit 22'680 fr.90 (arrêt attaqué p. 22 2ème alinéa). Le total s'élève donc bien à 48'680 fr.90.
 
Il n'y a donc sur ce point - contrairement à ce que soutiennent les défendeurs - ni inadvertance, ni trace d'une violation du droit fédéral.
 
Dans la mesure où ils sont coresponsables, les autres administrateurs sont tenus solidairement avec l'administrateur gérant (art. 759 al. 1 CO, art. 759 al. 1 aCO).
 
La condamnation des autres administrateurs ne viole donc pas davantage le droit fédéral et le recours doit être entièrement rejeté.
 
3.
 
Les frais et dépens seront mis solidairement à la charge des recourants qui succombent (art. 156 al. 1 et 7, art. 159 al. 1 et 5 OJ).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est rejeté et l'arrêt attaqué est confirmé.
 
2.
 
Un émolument judiciaire de 8'000 fr. est mis à la charge des recourants , solidairement entre eux.
 
3.
 
Les recourants, débiteurs solidaires, verseront à l'intimée une indemnité de 10'000 fr. à titre de dépens.
 
4.
 
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des parties et à la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève.
 
Lausanne, le 9 septembre 2002
 
Au nom de la Ire Cour civile
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le président: La greffière:
 
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