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Informationen zum Dokument  BGer 2A.151/2001  Materielle Begründung
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BGer 2A.151/2001 vom 09.04.2002
 
2A.151/2001
 
{T 0/2}
 
IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
 
************************************************
 
9 avril 2002
 
Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger,
 
président, Hungerbühler, Müller, Yersin et Merkli.
 
Greffière: Mme Dupraz.
 
Statuant sur le recours de droit administratif
 
formé par
 
R.________, représenté par le Service d'Aide Juridique aux
 
Exilé-e-s, rue du Moutier 50, à Vallorbe,
 
contre
 
la décision prise le 15 mars 2001 par le Département fédéral
 
de justice et police;
 
(interdiction de sortir
 
d'un centre d'enregistrement de requérants d'asile)
 
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
 
les f a i t s suivants:
 
A.- Ressortissant yougoslave né le 24 août 1977,
 
R.________ s'est présenté le 5 février 2001 au Centre d'en-
 
registrement de X.________ et a déposé une demande d'asile.
 
Il a ensuite été placé dans ce centre d'enregistrement.
 
Les requérants d'asile placés dans un centre d'enre-
 
gistrement ont besoin d'une autorisation de sortie octroyée
 
par le personnel chaque fois qu'ils veulent quitter leur lo-
 
gement. Le 19 février 2001 au matin, R.________ voulait sor-
 
tir. Cependant, le personnel en faction à l'entrée du centre
 
d'enregistrement précité ne lui a pas accordé d'autorisation
 
de sortie, parce qu'il était convoqué l'après-midi même pour
 
se voir notifier son attribution à un canton.
 
Le 21 février 2001, après que R.________ eut défi-
 
nitivement quitté le centre d'enregistrement susmentionné, le
 
Service d'Aide Juridique aux Exilé-e-s à Vallorbe, agissant
 
pour le prénommé, a adressé au Département fédéral de justice
 
et police (ci-après: le Département fédéral) une requête in-
 
titulée recours administratif, tendant à l'annulation de la
 
décision attaquée, c'est-à-dire de l'interdiction de quitter
 
le Centre d'enregistrement de X.________ le 19 février 2001.
 
Par lettre du 15 mars 2001, le Département fédéral a
 
fait savoir à R.________ que son cas n'était pas régi par la
 
loi fédérale sur la procédure administrative; il s'agissait,
 
en effet, d'une procédure de première instance dans une af-
 
faire administrative dont la nature exigeait qu'elle fût
 
tranchée sur-le-champ par décision immédiatement exécutoire,
 
au sens de l'art. 3 lettre f PA. Le Département fédéral s'est
 
cependant déclaré prêt à examiner la requête susmentionnée
 
sous l'angle de la dénonciation conformément à l'art. 71 PA,
 
tout en précisant que le dénonciateur n'avait aucun des
 
droits reconnus à la partie.
 
B.- Par recours de droit administratif du 26 mars
 
2001, R.________ demande au Tribunal fédéral, sous suite de
 
dépens, d'annuler la décision du Département fédéral du 15
 
mars 2001. Il requiert l'assistance judiciaire.
 
Le Département fédéral conclut à l'irrecevabilité du
 
recours.
 
Considérant en droit :
 
1.- a) Le recourant qualifie de décision incidente
 
la lettre du Département fédéral du 15 mars 2001. Le Départe-
 
ment fédéral doute qu'il s'agisse formellement d'une décision
 
incidente dans une procédure de dénonciation; mais, à suppo-
 
ser que tel soit le cas, comme le recours de droit adminis-
 
tratif n'est pas recevable contre la décision mettant fin à
 
la procédure de dénonciation, il ne l'est pas non plus contre
 
la décision incidente, selon l'art. 101 lettre a OJ.
 
En considérant comme une simple dénonciation la re-
 
quête précitée tendant à interjeter formellement recours, le
 
Département fédéral a pris une décision de non-entrée en ma-
 
tière en ce qui concerne le recours administratif; il existe
 
donc une décision mettant un terme à la procédure de recours
 
au sens des art. 44 ss PA. Cette décision porte sur une ma-
 
tière régie par le droit public fédéral et elle a pour objet
 
(du point de vue procédural) des droits et obligations du re-
 
courant. Ainsi, elle constitue en tant que décision de procé-
 
dure, une décision au sens de l'art. 5 PA, à l'encontre de
 
laquelle la voie du recours de droit administratif est ouver-
 
te selon l'art. 97 OJ.
 
b) En outre, la recevabilité du recours de droit ad-
 
ministratif est soumise à la condition que cette voie de
 
droit ne soit exclue ni par la loi fédérale d'organisation
 
judiciaire ni par une loi spéciale. L'art. 100 al. 1 lettre b
 
OJ déclare le recours de droit administratif irrecevable en
 
matière de police des étrangers, en particulier dans le do-
 
maine du droit d'asile, contre les décisions sur l'octroi ou
 
le refus de l'asile (ch. 2), contre le renvoi (ch. 4) et con-
 
tre les décisions concernant l'admission provisoire des
 
étrangers (ch. 5). Le contrôle de la liberté de mouvement des
 
requérants d'asile dans les centres d'enregistrement ne tombe
 
sous aucun de ces motifs d'irrecevabilité. En outre, la loi
 
sur l'asile du 26 juin 1998 (LAsi; RS 142.31) ne contient pas
 
non plus de motif d'exclusion à ce sujet. Pour autant que la
 
Commission suisse de recours en matière d'asile ne soit pas
 
compétente, le Département fédéral statue définitivement,
 
sous réserve du recours de droit administratif au Tribunal
 
fédéral (art. 105 al. 4 LAsi); la loi sur l'asile renvoie sur
 
ce point à la loi fédérale d'organisation judiciaire, qui
 
précisément n'exclut pas le recours de droit administratif.
 
c) Enfin, seul a qualité pour former un recours de
 
droit administratif celui qui est atteint par la décision at-
 
taquée et a un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit
 
annulée ou modifiée (art. 103 lettre a OJ).
 
L'intérêt digne de protection exigé par l'art. 103
 
lettre a OJ doit en principe être actuel. Comme le recourant
 
ne séjourne plus dans le Centre d'enregistrement de
 
X.________, il n'a pas d'intérêt actuel à la solution du li-
 
tige. Cependant, le séjour des requérants d'asile dans les
 
centres d'enregistrement est généralement de courte durée; en
 
outre, comme la question de la forme à respecter, soit de la
 
procédure à suivre, pour soulever des griefs concernant l'hé-
 
bergement dans de tels centres se posera vraisemblablement
 
souvent à l'avenir mais n'est pas encore clarifiée, le Tribu-
 
nal fédéral ne peut guère être saisi à temps. Dans ces cir-
 
constances, il se justifie de faire abstraction de l'exigence
 
d'un intérêt actuel (cf. ATF 125 II 497 consid. 1a/bb p.
 
499/500 et la jurisprudence citée). Par conséquent, le Tri-
 
bunal fédéral n'est pas obligé de s'en tenir aux circonstan-
 
ces concrètes telles qu'elles se présentaient au moment où le
 
recours a été déposé; dans un pareil cas, il faut au contrai-
 
re se fonder sur la situation de fait et de droit existant au
 
moment du jugement et prévisible pour la suite (cf., en ma-
 
tière de recours de droit public, ATF 126 I 250 consid. 1b in
 
fine p. 252). Concrètement, dans la présente espèce, il y a
 
lieu de prendre en considération l'ordonnance du DFJP du 14
 
mars 2001 relative à l'exploitation des centres d'enregistre-
 
ment (ci-après: l'Ordonnance ou OCEnr; RS 142.311.23) et le
 
règlement interne des centres d'enregistrement pour requé-
 
rants d'asile et personnes à protéger (ci-après: le Règle-
 
ment) édicté par l'Office fédéral des réfugiés (ci-après:
 
l'Office fédéral), bien que ces deux textes ne soient entrés
 
en vigueur que le 1er avril 2001 donc après le départ du re-
 
courant du Centre d'enregistrement de X.________.
 
d) Par conséquent, le Tribunal fédéral doit entrer
 
en matière sur le présent recours. Comme le Département fédé-
 
ral a pris en définitive une décision de non-entrée en matiè-
 
re, ce recours ne peut porter que sur la question de savoir
 
si l'autorité intimée aurait dû considérer la requête préci-
 
tée du 21 février 2001 comme un recours formel, point de vue
 
que défend apparemment le recourant. Pour répondre à cette
 
question, il est indispensable d'examiner s'il existe une
 
voie de droit permettant de faire contrôler les restrictions
 
imposées à un étranger en rapport avec son séjour dans un
 
centre d'enregistrement et, le cas échéant, à quelles condi-
 
tions un tel contrôle est soumis.
 
2.- a) L'art. 26 al. 1 LAsi prévoit que la Confédé-
 
ration crée pour les requérants d'asile des centres d'enre-
 
gistrement dont elle confie la gestion à l'Office fédéral.
 
Selon l'art. 26 al. 2 LAsi, le centre d'enregistrement re-
 
cueille les données personnelles du requérant d'asile; en rè-
 
gle générale, il relève ses empreintes digitales et le photo-
 
graphie; il peut l'interroger sommairement sur les motifs qui
 
l'ont fait quitter son pays et sur l'itinéraire qu'il a em-
 
prunté. L'art. 26 al. 3 LAsi habilite le Département fédéral
 
à édicter des dispositions relatives aux centres d'enregis-
 
trement afin d'en assurer le bon fonctionnement et de garan-
 
tir une procédure rapide.
 
Les centres d'enregistrement ne sont pas simplement
 
des bureaux où les requérants d'asile doivent s'annoncer et
 
participer à des auditions. Il s'agit plutôt de bâtiments
 
disposant notamment de réfectoires et de dortoirs; les cen-
 
tres d'enregistrement doivent être de véritables locaux col-
 
lectifs, comme cela ressort en particulier des débats parle-
 
mentaires (cf. BO 1997 CN 1226 ss et, avant déjà, BO 1989 CN
 
1009). Durant les premiers jours suivant le dépôt d'une de-
 
mande d'asile, les requérants d'asile habitent dans de tels
 
centres d'enregistrement; ils y sont en fait obligés en
 
l'absence d'autres possibilités d'hébergement. Normalement,
 
l'Office fédéral n'a pas besoin de prendre de décision ex-
 
presse pour assigner formellement au requérant d'asile un
 
centre d'enregistrement comme lieu d'hébergement. Une telle
 
compétence d'assignation existe cependant légalement. Elle ne
 
résulte pas clairement du texte de l'article 26 LAsi, mais
 
bien de l'art. 28 LAsi qui habilite l'Office fédéral à assi-
 
gner au requérant d'asile un lieu de séjour, soit un loge-
 
ment, et à l'héberger le cas échéant dans un logement collec-
 
tif.
 
b) Le législateur lui-même n'a pas réglé en détail
 
les modalités du séjour dans les centres d'enregistrement. Il
 
a délégué cette compétence au Département fédéral (art. 26
 
al. 3 LAsi). Le Conseil fédéral a concrétisé ladite compéten-
 
ce à l'art. 20 de l'ordonnance 1 du 11 août 1999 sur l'asile
 
relative à la procédure (OA 1; RS 142.311): le Département
 
fédéral doit réglementer en particulier les heures d'ouvertu-
 
re, le droit d'accès, les conditions d'entrée et de sortie,
 
ainsi que la garde des objets appartenant aux requérants
 
d'asile. C'est sur la base de la délégation précitée que le
 
Département fédéral a édicté l'Ordonnance qui est entrée en
 
vigueur le 1er avril 2001. L'art. 1 al. 2 OCEnr dispose que
 
l'Office fédéral précise, dans un règlement interne (dans la
 
version allemande: "Hausordnung"), les mesures d'organisation
 
liées à l'exploitation des logements de la Confédération.
 
C'est en se fondant sur cet article que l'Office fédéral a
 
mis le Règlement en vigueur, le 1er avril 2001.
 
L'Ordonnance contient des dispositions concernant
 
les heures d'ouverture durant lesquelles les requérants
 
d'asile et les personnes à protéger peuvent être enregistrés
 
(art. 2 OCEnr), le repos nocturne (art. 3 OCEnr), la saisie
 
d'objets et de valeurs patrimoniales (art. 4 OCEnr), le mode
 
d'hébergement (art. 5 OCEnr), l'obligation pour les personnes
 
hébergées de participer à l'entretien des locaux (art. 7
 
OCEnr), les contacts (art. 9 OCEnr) ainsi que l'accès des vi-
 
siteurs (art. 10 OCEnr). En l'espèce, c'est surtout l'art. 8
 
OCEnr qui est important. Selon l'art. 8 al. 2 et 3 OCEnr, les
 
requérants d'asile ne peuvent quitter le logement qu'à des
 
moments déterminés (en semaine de 9 à 17 heures, le week-end
 
du vendredi à 9 heures au dimanche à 19 heures). Pour cela,
 
ils ont besoin d'une autorisation écrite de sortie accordée
 
par le personnel (art. 8 al. 1 OCEnr). L'autorisation de sor-
 
tie peut notamment être refusée si la présence du requérant
 
d'asile est requise dans le cadre de l'examen de sa demande
 
ou de l'exécution de son renvoi; elle est également refusée
 
si l'intéressé est tenu de participer à l'entretien des lo-
 
caux (art. 8 al. 4 OCEnr).
 
c) La présence dans un centre d'enregistrement aux
 
conditions précitées (réglementation du déroulement de la
 
journée, règlement intérieur, interdiction de sortir durant
 
des périodes bloquées pour tout le monde, exigence d'une au-
 
torisation pour sortir en dehors de ces périodes) impose au
 
requérant d'asile des restrictions dans l'organisation de sa
 
journée. Compte tenu en particulier de la possibilité qu'a le
 
personnel du centre d'enregistrement de refuser une autorisa-
 
tion de sortie au requérant d'asile, ce dernier peut subir
 
une atteinte à son droit fondamental à la liberté personnel-
 
le, respectivement à la liberté de mouvement. Si le séjour
 
dans le centre d'enregistrement se limitait à quelques jours,
 
cette situation ne poserait guère de problème de protection
 
juridique sérieux. Au départ, le requérant d'asile ne dispose
 
pas d'un autre logement; de plus, il est normalement prêt à
 
se tenir à disposition sur place pour de premiers éclaircis-
 
sements. Le séjour dans un centre d'enregistrement sert sim-
 
plement, d'après le concept initial, à recueillir des données
 
personnelles et à effectuer un examen médical; puis le requé-
 
rant d'asile peut être sommairement interrogé sur les motifs
 
qui l'ont fait quitter son pays et sur l'itinéraire qu'il a
 
emprunté (art. 26 al. 2 LAsi et 19 OA 1). Ensuite intervient
 
l'attribution à un canton (art. 27 LAsi). En principe, l'au-
 
dition sur les motifs de la demande d'asile a lieu là-bas et
 
elle est effectuée par l'autorité cantonale (art. 29 LAsi).
 
Le législateur prévoyait que le séjour dans un centre d'enre-
 
gistrement durerait quatre à dix jours (BO 1997 CN 1228),
 
respectivement deux à cinq jours seulement (BO 1989 CN 1009).
 
En réalité, les requérants d'asile restent nettement
 
plus longtemps dans un centre d'enregistrement. Déjà sous
 
l'empire de la législation antérieure, le séjour moyen dans
 
le Centre d'enregistrement de Genève atteignait treize jours,
 
dans quelques cas seulement quatre à cinq jours, mais dans
 
d'autres deux à trois ou même cinq à six semaines (cf. Philip
 
Grant/Nicolas Wisard, La liberté personnelle des requérants
 
d'asile dans les Centres d'enregistrement, in ASYL 1996/3
 
p. 82). Cela est dû notamment au fait que l'Office fédéral
 
procède parfois lui-même à l'audition du requérant d'asile
 
sur les motifs de sa demande (Philip Grant/Nicolas Wisard,
 
op. cit., loc. cit.). L'Office fédéral règle de toute façon
 
certains cas sans l'aide des cantons. Il n'attribue pas
 
l'étranger à un canton et le retient dans le centre d'enre-
 
gistrement s'il envisage un renvoi préventif au sens de
 
l'art. 42 LAsi ou une décision de non-entrée en matière; dans
 
des cas clairs, des requérants d'asile sont même retenus jus-
 
qu'à ce qu'une décision matérielle d'asile soit prise (cf., à
 
ce sujet, Ursina Stgier, Rechtsschutzdefizite im Empfangs-
 
stellenverfahren, in ASYL 2000/3 p. 25 ss). L'étranger ne
 
peut souvent pas prévoir jusqu'à quel stade de la procédure
 
il devra rester dans un centre d'enregistrement et s'il sera
 
attribué, le cas échéant, à un canton; il ne peut guère éva-
 
luer la durée probable de son séjour dans un tel centre. En
 
l'espèce, le recourant a été attribué à un canton deux semai-
 
nes après son admission dans le Centre d'enregistrement de
 
X.________.
 
Une protection juridique réglementée peut être né-
 
cessaire dans des cas particuliers, au moins lorsque le sé-
 
jour dans un centre d'enregistrement ne reste pas limité à un
 
court laps de temps (ATF 126 I 250 consid. 2d p. 255; 123 II
 
402 consid. 4d p. 413; 121 I 87 consid. 1a et 1b p. 90/91;
 
arrêt 2P.96/2000 du 8 juin 2001, consid. 5c). Il convient dès
 
lors d'examiner à quelles conditions et de quelle manière le
 
requérant d'asile doit pouvoir obtenir un contrôle juridique
 
de sa situation.
 
3.- a) En droit administratif fédéral, le point de
 
départ de la protection juridique est la décision. Seule une
 
décision est sujette à recours (art. 44 PA), étant précisé
 
qu'un recours aboutit à un contrôle réglementé de l'acte éma-
 
nant de l'autorité fédérale à laquelle on reproche d'avoir
 
violé le droit. Sont considérées comme décisions, selon
 
l'art. 5 al. 1 PA, les mesures prises par les autorités dans
 
des cas d'espèce, fondées sur le droit public fédéral et
 
ayant pour objet de créer, de modifier ou d'annuler des
 
droits ou des obligations (lettre a), de constater l'existen-
 
ce, l'inexistence ou l'étendue de droits ou d'obligations
 
(lettre b), de rejeter ou de déclarer irrecevables des deman-
 
des tendant à créer, modifier, annuler ou constater des
 
droits ou obligations (lettre c).
 
La décision a la particularité de toucher, par son
 
contenu, la situation juridique du destinataire. Vu sa por-
 
tée, elle doit satisfaire à certaines exigences de forme. En
 
principe, il faut accorder à l'intéressé le droit d'être en-
 
tendu au préalable (art. 30 PA). La décision doit revêtir la
 
forme écrite (art. 34 PA), être désignée comme telle, être
 
motivée et indiquer les voies de droit (art. 35 PA). Il n'est
 
pas nécessaire que toute intervention étatique prenne la for-
 
me d'une décision; sinon, le bon fonctionnement de l'adminis-
 
tration pourrait en être affecté. Il est souvent indispensa-
 
ble que les autorités procèdent de façon informelle (cf. Lu-
 
kas S. Brühwiler-Frésey, Verfügung, Vertrag, Realakt und an-
 
dere verwaltungsrechtliche Handlungssysteme, Berne 1984,
 
p. 274 ss; Alexandre Flückiger, L'extension du contrôle juri-
 
dictionnel des activités de l'administration, Berne 1998,
 
p. 3; Paul Richli, Zum verfahrens- und prozessrechtlichen
 
Regelungsdefizit beim verfügungsfreien Staatshandeln, in PJA
 
1992 p. 196 ss, p. 200/201).
 
b) Au début de la procédure, le requérant d'asile ne
 
dispose pas encore de points de repère propres par rapport au
 
pays et doit recevoir une large assistance. Pour que ses be-
 
soins puissent être satisfaits, il faut le rattacher à une
 
organisation structurée. Certaines des restrictions qu'il
 
doit supporter sont dues au séjour comme tel dans un centre
 
d'enregistrement, c'est-à-dire au règlement intérieur ou
 
d'exploitation prévu pour l'essentiel par l'Ordonnance. Le
 
requérant d'asile se trouve ainsi dans un rapport de droit
 
particulier (cf. Alberto Achermann/Christina Hausammann,
 
Handbuch des Asylrechts, 2e éd., Berne/Stuttgart 1991,
 
p. 368). Dans de telles conditions, il est impensable d'exi-
 
ger des décisions formelles pour tous les actes appliquant la
 
réglementation liée à ce statut. Des décisions formelles et
 
concrètes sont inutiles, par exemple, pour fixer les heures
 
des repas ou le menu de chaque repas particulier, pour assi-
 
gner l'entretien des locaux ou attribuer les dortoirs; même
 
le respect des heures de visite (art. 10 al. 4 OCEnr) se rè-
 
gle de manière informelle. Dans cette optique, le personnel
 
procède par des instructions qui, bien qu'obligatoires, peu-
 
vent être données de façon informelle. Compte tenu de la si-
 
tuation inhérente à ce statut spécial, on ne peut parler en
 
principe d'atteintes particulières aux droits fondamentaux à
 
propos des circonstances et des tâches, respectivement des
 
injonctions, quotidiennes les plus diverses; en définitive,
 
pour autant qu'un véritable besoin de protection juridique
 
existe, il ne saurait en tout cas pas fonder un droit général
 
et illimité à la prise de décisions formelles.
 
Il en va toutefois autrement en ce qui concerne les
 
ordres du personnel du centre d'enregistrement qui peuvent
 
porter une atteinte non négligeable à la personnalité et à la
 
liberté du requérant d'asile. Les autorisations de sortie
 
(respectivement leur refus) en font partie. Au bout d'un ou
 
deux jours, une fois que les empreintes digitales et les pho-
 
tographies ont été prises, les requérants d'asile ont en
 
principe le droit de quitter le centre d'enregistrement pour
 
des périodes limitées. Le personnel bien en vue à l'entrée du
 
centre d'enregistrement accorde l'autorisation en apposant
 
sur un document un tampon approuvant la sortie. Si l'autori-
 
sation doit exceptionnellement être refusée selon l'art. 8
 
al. 4 OCEnr (par exemple, en cas d'audition le jour en ques-
 
tion), l'apposition du tampon est refusée et le requérant
 
d'asile est empêché de sortir. En principe, une telle mesure
 
interviendra dans le court terme et ne sera pas prévisible
 
longtemps à l'avance. D'après l'organisation prévue par l'Or-
 
donnance et le Règlement, une autorisation de sortie est né-
 
cessaire chaque jour. Dans ces circonstances, une véritable
 
procédure de décision pour chaque sortie en particulier ne
 
paraît ni indiquée ni praticable; l'opinion du Département
 
fédéral, selon laquelle les dispositions de la loi fédérale
 
sur la procédure administrative ne sont pas applicables en
 
raison de l'art. 3 lettre f PA, part de cette idée.
 
4.- a) Il s'agit de garantir une protection juridi-
 
que à partir de cette situation (absence d'une décision cons-
 
tituant l'objet indispensable d'un recours), sans pour autant
 
étendre le concept de décision. Le requérant d'asile, qui se
 
sent atteint de façon excessive dans sa liberté, doit pouvoir
 
recourir contre des actes particuliers respectivement contre
 
le comportement général du personnel du centre d'enregistre-
 
ment. En revanche, il n'y a pas lieu d'admettre systématique-
 
ment une voie de recours à l'encontre de n'importe quelle at-
 
teinte. Une telle protection juridique ne s'harmoniserait pas
 
avec la loi fédérale sur la procédure administrative. L'ou-
 
verture d'une voie de recours doit rester limitée à des cas
 
graves.
 
Pour autant que, concrètement, la violation de la
 
liberté personnelle soit invoquée, une simple dénonciation -
 
seule possibilité prise en considération par le Département
 
fédéral - n'est pas toujours suffisante puisque, dans ce cas,
 
l'intéressé ne jouit pas des droits reconnus à la partie et
 
ne peut pas exiger que son affaire soit traitée (art. 71 al.
 
2 PA; cf. également, au sujet du manque d'efficacité de la
 
dénonciation, ATF 121 I 87 consid. 1a p. 90). En outre, il
 
n'est pas admissible de renvoyer à la voie de l'action en
 
responsabilité de l'Etat le requérant d'asile qui se sent at-
 
teint dans sa liberté par l'organisation de son séjour dans
 
un centre d'enregistrement. Une protection juridique de ce
 
genre, simplement indirecte et a posteriori, ne peut pas suf-
 
fire et n'est finalement pas dans l'intérêt de la collectivi-
 
té publique. Il convient au contraire de permettre au requé-
 
rant d'asile qui estime ses droits fondamentaux gravement lé-
 
sés de faire valoir ses griefs à l'encontre d'actes étatiques
 
qui viennent de se produire, durent encore ou sont imminents.
 
b) La nécessité d'une protection juridique a pour
 
origine, comme on l'a constaté, l'existence d'un intérêt di-
 
gne de protection au contrôle d'une intervention étatique
 
prétendument illicite. En soi et comme on l'a vu plus haut,
 
l'existence d'un intérêt digne de protection ne doit pas con-
 
duire à transformer l'action étatique incriminée en une déci-
 
sion. En revanche, quiconque est à tel point touché par une
 
intervention étatique qu'il risque d'être atteint de façon
 
inadmissible dans ses droits fondamentaux doit avoir la pos-
 
sibilité de demander à l'autorité compétente (de première
 
instance) une décision attaquable, normalement en constata-
 
tion (cf. ATF 123 II 402 consid. 4b/aa p. 413; 121 I 87 con-
 
sid. 1b p. 90/91). D'ailleurs, une telle possibilité existe
 
déjà dans le droit en vigueur: si le requérant prouve qu'il a
 
un intérêt digne de protection, l'autorité (compétente) con-
 
cernée doit entrer en matière sur sa demande en constatation
 
(art. 25 al. 2 PA). De la sorte, une voie de recours s'ouvre
 
à l'intéressé contre la décision en cause, que celle-ci soit
 
constatatoire, formatrice ou même d'irrecevabilité, si l'au-
 
torité refuse d'entrer en matière.
 
c) Ainsi, les principes et les dispositions de la
 
loi fédérale sur la procédure administrative permettent l'ob-
 
tention d'une décision et rendent possible l'ouverture d'une
 
voie de droit. Mais ils ne donnent pas assez d'indications
 
concrètes pour montrer, dans le cas particulier d'un centre
 
d'enregistrement, comment et à quelles conditions existe cet-
 
te protection juridique. Comme cela a été exposé ci-dessus,
 
étant donné les particularités du séjour dans un centre d'en-
 
registrement, le requérant d'asile doit en principe se sou-
 
mettre au règlement intérieur et obtempérer aux injonctions
 
(informelles) du personnel. L'autorité ne doit qu'exception-
 
nellement libeller par écrit et motiver un ordre qui pourrait
 
porter sérieusement atteinte aux droits fondamentaux du re-
 
quérant d'asile, et cela seulement si ce dernier conteste
 
l'ordre et demande expressément une décision formelle. Dans
 
l'intérêt de la sécurité du droit en général et d'une bonne
 
gestion des centres d'enregistrement en particulier, il pa-
 
raît utile d'établir des règles spéciales afin de concrétiser
 
cette procédure de décision. La réglementation de ladite pro-
 
cédure ne devrait nullement émaner du législateur ordinaire
 
ni même forcément du Conseil fédéral. Il conviendrait d'exa-
 
miner si, le cas échéant, le Département fédéral lui-même ne
 
pourrait pas, sur la base de l'art. 26 al. 3 LAsi et dans un
 
délai raisonnable, édicter une réglementation, respectivement
 
insérer des règles à ce sujet dans l'Ordonnance. Cette régle-
 
mentation déterminerait avant tout l'autorité à laquelle
 
l'intéressé devrait s'adresser pour demander une décision et
 
celle auprès de laquelle il pourrait déposer un recours. Il
 
serait opportun d'attribuer la compétence décisionnelle à la
 
Direction de l'établissement. On pourrait alors concevoir que
 
l'Office fédéral fonctionne comme instance de recours. La ré-
 
glementation fixerait concrètement (grâce à une énumération
 
ou à une clause générale) pour quelles catégories d'ordres,
 
respectivement à quelles conditions (par exemple, à partir
 
d'une durée de séjour minimale), le requérant d'asile serait
 
en droit d'exiger une décision.
 
d) En l'absence de texte réglementant cette procédu-
 
re, le recourant n'a pas obtenu de décision formelle sur la
 
requête susmentionnée lorsqu'elle était d'actualité. Il a
 
omis de demander une décision formelle à l'Office fédéral, en
 
se fondant directement sur la loi fédérale sur la procédure
 
administrative, bien que cela fût envisageable. En tout cas,
 
la requête précitée n'était pas dirigée contre une décision
 
formelle. C'est pourquoi le Département fédéral était en
 
droit de refuser de la traiter comme un recours administratif
 
et pouvait la considérer comme une simple dénonciation. Dès
 
lors, le recours de droit administratif tendant à obliger le
 
Département fédéral à traiter formellement cette requête
 
n'est pas fondé et doit être rejeté.
 
e) Les griefs soulevés par le recourant à l'encontre
 
de son séjour dans le Centre d'enregistrement de X.________
 
n'ont pas été jugés matériellement. Il n'y a plus d'intérêt
 
actuel à ce qu'ils soient examinés (cf. consid. 1c ci-des-
 
sus). Le Tribunal fédéral a renoncé en l'espèce à l'existence
 
d'un intérêt actuel digne de protection pour pouvoir se pro-
 
noncer sur des questions de procédure qui, sans cela, n'au-
 
raient probablement jamais pu être tranchées. Il faut partir
 
du fait que les requérants d'asile séjournant dans un centre
 
d'enregistrement auront désormais l'occasion de faire contrô-
 
ler les conditions essentielles de séjour dans un tel centre,
 
en particulier la réglementation des sorties sous l'angle de
 
la liberté personnelle, respectivement de la liberté de mou-
 
vement. Pour le moment, en l'absence d'une réglementation at-
 
tribuant une compétence décisionnelle à ce sujet à la Direc-
 
tion de l'établissement, l'Office fédéral devrait être direc-
 
tement compétent. Mais, en l'état, il n'y a pas de raison de
 
transmettre la requête susmentionnée avec toutes les pièces
 
du dossier audit Office fédéral pour qu'il se prononce con-
 
crètement a posteriori sur les conditions de séjour du recou-
 
rant dans le Centre d'enregistrement de X.________, dans le
 
cadre d'une procédure de décision formelle au sens des
 
considérants qui précèdent.
 
5.- Succombant, le recourant n'a pas droit à des dé-
 
pens (art. 159 al. 1 OJ) et doit en principe supporter les
 
frais judiciaires (art. 156 al. 1, 153 et 153a OJ). Il a ce-
 
pendant demandé l'assistance judiciaire. Le Tribunal fédéral
 
dispense une partie de payer les frais judiciaires à la dou-
 
ble condition qu'elle soit dans le besoin et que ses conclu-
 
sions ne paraissent pas vouées à l'échec (art. 152 al. 1 OJ).
 
L'indigence semble avérée. Vu la situation procédurale peu
 
claire en ce qui concerne le problème soulevé dans le re-
 
cours, on peut considérer que celui-ci n'était pas d'emblée
 
dénué de chance de succès. Il faut par conséquent admettre la
 
demande qui consiste exclusivement à dispenser le recourant
 
de payer les frais judiciaires, puisqu'il n'est pas représen-
 
té par un avocat (cf. l'art. 152 al. 2 OJ).
 
Par ces motifs,
 
l e T r i b u n a l f é d é r a l :
 
1. Rejette le recours.
 
2. Admet la demande d'assistance judiciaire.
 
3. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.
 
4. Communique le présent arrêt en copie au représen-
 
tant du recourant et au Département fédéral de justice et po-
 
lice.
 
____________
 
Lausanne, le 9 avril 2002
 
DAC/elo
 
Au nom de la IIe Cour de droit public
 
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
 
Le Président,
 
La Greffière,
 
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