VerfassungsgeschichteVerfassungsvergleichVerfassungsrechtRechtsphilosophie
UebersichtWho-is-WhoBundesgerichtBundesverfassungsgerichtVolltextsuche...

Informationen zum Dokument  BGer 6S.701/2001  Materielle Begründung
Druckversion | Cache | Rtf-Version

Bearbeitung, zuletzt am 16.03.2020, durch: DFR-Server (automatisch)  
 
BGer 6S.701/2001 vom 27.02.2002
 
{T 0/2}
 
6S.701/2001/ROD
 
C O U R DE C A S S A T I O N P E N A L E
 
*************************************************
 
Séance du 27 février 2002
 
Composition de la Cour: M. Schubarth, Président,
 
MM. Schneider, Wiprächtiger, Kolly et Karlen, Juges.
 
Greffière: Mme Krauskopf.
 
_________
 
Statuant sur le pourvoi en nullité
 
formé par
 
la Confédération Suisse à Berne,
 
représentée par le Secrétariat d'Etat à l'économie,
 
Domaines spécialisés, à Berne,
 
contre
 
l'ordonnance rendue le 30 octobre 2001 par la Chambre
 
d'accusation de la Cour de justice genevoise dans la
 
cause qui oppose la recourante au Procureur général du
 
canton de G e n è v e;
 
(concurrence déloyale; qualité pour recourir)
 
Vu les pièces du dossier d'où ressortent
 
les f a i t s suivants:
 
A.- Se fondant sur les art. 10 al. 2 let. c et 23
 
LCD, la Confédération suisse, agissant par l'intermé-
 
diaire de l'Office fédéral de l'industrie, des arts et
 
métiers et du travail (devenu entre-temps le Secrétariat
 
d'Etat à l'économie ou Seco), a déposé plainte pénale
 
le 3 mai 1996 auprès du Procureur général du canton de
 
Genève contre les responsables de la société X.________
 
SA ainsi que contre Y.________ et Z.________, anciens
 
administrateurs de la société, pour infraction à l'art. 3
 
LCD. La plainte a été complétée le 27 août 1996 et le 4
 
février 1997.
 
Le Seco avait été informé par la Direction régio-
 
nale française de la concurrence, de la consommation et
 
de la répression des fraudes de l'existence de nombreuses
 
plaintes de personnes domiciliées en France contre les
 
méthodes de promotion et de vente trompeuses de
 
X.________ SA. Celle-ci promet notamment bonheur, amour,
 
chance et prospérité et fait de la publicité pour toute
 
une gamme de services à cet effet (voyants, médiums en
 
tarots, pouvoir secret des runes, activateur universel de
 
chance, centre de recherche sur le plaisir utilisant une
 
méthode sextasy sensée rendre l'utilisateur irrésistible
 
sexuellement etc.).
 
B.- La plainte et ses compléments ont donné lieu à
 
deux procédures pénales. Dans le cadre de l'instruction,
 
D.________, principal actionnaire de X.________ SA, a été
 
inculpé d'infraction à l'art. 3 let. b, c et i LCD.
 
C.- Le Procureur général a classé la première
 
procédure le 17 mai 2001 et la seconde le 22 août 2001,
 
faute de charges suffisantes.
 
D.- Sur recours de la Confédération, la Chambre
 
d'accusation de la Cour de Justice genevoise a ordonné la
 
jonction des deux procédures et confirmé le 30 octobre
 
2001 les décisions de classement. Se référant à l'ATF 126
 
III 198, elle estime, d'une part, que les actes reprochés
 
ne sont pas aptes à influencer la concurrence et ne
 
tombent ainsi pas sous le coup de la LCD, d'autre part,
 
qu'il n'y a pas d'éléments de tromperie astucieuse et,
 
enfin, que le fait que les dommages soient minimes et
 
qu'un laps de temps de plus de 5 ans se soit écoulé
 
depuis les faits justifie un classement en opportunité.
 
E.- La Confédération forme un pourvoi en nullité
 
contre cette ordonnance, concluant à son annulation, sous
 
suite de frais et dépens. Elle se plaint en particulier
 
du fait que la Chambre d'accusation a aveuglément appli-
 
qué l'ATF 126 III 198, qui, d'une part, présente des
 
imperfections et, d'autre part, diffère singulièrement du
 
cas d'espèce. Invitée à indiquer au Tribunal fédéral sur
 
quelle disposition elle fonde sa qualité pour recourir,
 
la Confédération a invoqué l'art. 270 let. e PPF et l'ap-
 
plication par analogie de l'ATF 120 IV 154.
 
C o n s i d é r a n t en d r o i t :
 
1.- Le Tribunal fédéral revoit d'office et
 
librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis
 
(ATF 126 IV 107 consid. 1 p. 109).
 
2.- Rendue en dernière instance cantonale, la
 
décision attaquée, qui rejette un recours contre une
 
décision de classement, met un terme à l'action pénale;
 
elle constitue donc une ordonnance de non-lieu au sens de
 
l'article 268 ch. 2 PPF (cf. ATF 120 IV 107 consid. 1a
 
p.108), de sorte que le pourvoi est recevable à son
 
encontre.
 
3.- Conformément à l'art. 1 de l'ordonnance con-
 
cernant le droit de la Confédération d'intenter une
 
action dans le cadre de la loi contre la concurrence
 
déloyale (RS 241.3), le Seco est habilité à représenter
 
la Confédération.
 
4.- a) En vertu de l'art. 270 let. e ch. 1 PPF,
 
entré en vigueur le 1er janvier 2001, la victime d'une
 
infraction, si elle était déjà partie à la procédure
 
cantonale, peut se pourvoir en nullité, mais uniquement
 
dans la mesure où la sentence touche ses prétentions
 
civiles ou peut avoir des incidences sur le jugement de
 
celles-ci (cf. aussi art. 8 al. 1 let. c de la loi
 
fédérale du 4 octobre 1991 sur l'aide aux victimes
 
d'infractions [LAVI; 312.5]). La révision de cette
 
disposition a eu pour but de décharger la Cour de
 
cassation en limitant l'accès des justiciables
 
à celle-ci (FF 1999 IX 8859 ss). Depuis le 1er janvier
 
2001, la qualité pour recourir selon l'art. 270 let. e
 
PPF n'appartient donc plus à l'ensemble des lésés, mais
 
aux seules victimes et à leurs proches, soit au cercle de
 
personnes défini par l'art. 2 LAVI (FF 1999 IX 8863 et
 
8873). Or, à l'évidence, la Confédération n'est pas une
 
victime au sens de l'art. 2 LAVI, ne pouvant se réclamer
 
d'une atteinte directe à son intégrité corporelle,
 
sexuelle ou psychique. Les personnes domiciliées à
 
l'étranger qui sont lésées par les agissements de
 
X.________ SA et à la place desquelles agit la Confé-
 
dération (FF 1992 I 341) ne revêtent d'ailleurs pas
 
davantage la qualité de victime LAVI, aucune atteinte
 
directe à leur intégrité psychique ou physique n'ayant
 
été constatée dans l'ordonnance attaquée (au sujet de la
 
notion de victime voir ATF 122 IV 71 consid. 3a p. 76).
 
b) La recourante déduit sa qualité pour recourir de
 
l'ATF 120 IV 154 en tant qu'il reconnaît aux associations
 
professionnelles et économiques ainsi qu'aux organisa-
 
tions de consommateurs la qualité pour se pourvoir en
 
nullité sur la base de l'art. 270 al. 1 2ème phrase aPPF,
 
entré en vigueur le 1er janvier 1993, à la suite de
 
l'adoption de la loi fédérale du 4 octobre 1991 sur
 
l'aide aux victimes d'infractions (LAVI; RS 312.5). Elle
 
admet que depuis lors l'art. 270 PPF a été modifié et, en
 
particulier, que le terme de lésé a été remplacé par
 
celui de victime, avec un renvoi à la LAVI, mais estime
 
que cette modification ne restreint pas la notion de
 
victime à la seule définition qu'en donne la LAVI. Elle
 
fait valoir qu'en initiant une procédure pénale basée sur
 
les art. 10 al. 2 let. c et 23 LCD, elle agit dans l'in-
 
térêt de la Suisse mais aussi des victimes étrangères et
 
qu'elle doit dès lors être assimilée aux victimes lésées
 
par l'acte incriminé, de la même manière que les asso-
 
ciations et organisations mentionnées à l'art. 10 al. 2
 
let. a et b LCD. Elle ajoute qu'elle remplit pour le
 
surplus les conditions auxquelles est subordonnée la
 
qualité de victime pour se pourvoir en nullité, puis-
 
qu'elle a participé à la procédure cantonale et que la
 
décision attaquée met en péril des droits à caractère ci-
 
vil dont elle est titulaire.
 
Ce raisonnement ne peut être suivi. Lors de l'en-
 
trée en vigueur le 1er août 1992 de l'art. 10 al. 2
 
let. c LCD (droit d'actions et de plainte de la Confé-
 
dération), la teneur d'alors de l'article 270 PPF aurait
 
probablement permis à la Confédération de se pourvoir en
 
nullité, en tant que cette disposition reconnaissait au
 
plaignant lésé la qualité pour le faire. Tel n'est cepen-
 
dant plus le cas aujourd'hui (cf. supra, let. a). Certes,
 
il n'est pas exclu que lors de la dernière révision de
 
cette disposition, la faculté de la Confédération de se
 
pourvoir en nullité lorsqu'elle agit au plan pénal en
 
matière de concurrence déloyale n'ait pas été envisagée;
 
la question de savoir si, en pareil cas, elle doit être
 
habilitée à le faire ne semble pas s'être posée. Quoi
 
qu'il en soit, le texte de l'actuel art. 270 let. e PPF
 
mentionne exclusivement la victime au sens de la LAVI et
 
interpréter cette disposition dans le sens que voudrait
 
la recourante reviendrait à conférer au lésé une qualité
 
que la dernière modification légale lui a précisément
 
déniée. Une telle interprétation serait par conséquent
 
contraire tant au texte qu'à l'esprit du nouvel art. 270
 
let. e PPF; elle serait au demeurant contraire au but
 
poursuivi par le législateur dans la mesure où la modi-
 
fication de cette disposition visait aussi à décharger le
 
Tribunal fédéral (Initiatives parlementaires, Révision
 
partielle de l'organisation judiciaire en vu de décharger
 
le Tribunal fédéral, FF 1999 IX 8863 et 8873). La qualité
 
pour se pourvoir en nullité que l'art. 270 let. e PPF
 
confère à la victime ne saurait dès lors être étendue à
 
la Confédération lorsqu'elle intervient, en application
 
de l'art. 10 al. 2 let. c LCD, au plan pénal en matière
 
de concurrence déloyale.
 
c) La qualité de cette dernière pour se pourvoir
 
en nullité dans la présente cause ne peut non plus être
 
déduite de l'art. 270 let. f PPF, également en vigueur
 
depuis le 1er janvier 2001, qui ne reconnaît cette
 
qualité au plaignant qu'autant qu'il s'agisse du droit
 
de porter plainte. En l'espèce, la recourante conteste
 
le jugement sur le fond, mais non une éventuelle irrégu-
 
larité quant à son droit de plainte et ses conditions.
 
Par ailleurs, ni l'art. 27 al. 2 LCD ni l'art. 3 de
 
l'ordonnance réglant la communication des décisions pé-
 
nales prises par les autorités cantonales du 1er décembre
 
1999 [RS 312.3] ne prévoient que les décisions pénales en
 
matière de LCD (à l'exception de celles relatives à l'in-
 
dication des prix au consommateur) soient communiquées au
 
Seco ou au Procureur général de la Confédération, de
 
sorte que la Confédération ne peut non plus agir par
 
l'entremise du Procureur général de la Confédération
 
(art. 270 let. d ch. 3 PPF).
 
Enfin, la Confédération ne peut pas non plus se
 
prévaloir de l'art. 83 DPA, applicable dans sa nouvelle
 
teneur depuis le 1er janvier 2002 et qui confère à
 
l'administration concernée le droit de se pourvoir en
 
nullité aux mêmes conditions que le Procureur général de
 
la Confédération (cf. FF 1998 II 1284). L'art. 27 LCD
 
attribue la poursuite pénale en matière de concurrence
 
déloyale aux cantons et non à l'administration fédérale,
 
rendant ainsi la DPA inapplicable à ce domaine (cf. art.
 
1 DPA). A supposer que l'on veuille appliquer cette
 
disposition par analogie aux procédures pénales initiées
 
par la Confédération en matière de concurrence déloyale,
 
le fait que l'ordonnance querellée ait été rendue avant
 
l'entrée en vigueur du nouvel art. 83 DPA s'y oppose, les
 
conditions de recevabilité du pourvoi en nullité devant
 
de toute manière être réunies lorsque la décision entre-
 
prise est rendue (ATF 120 IV 44 consid. 1 p. 46 s.).
 
Au vu de ce qui précède, la qualité de la Confédé-
 
ration pour se pourvoir en nullité doit en l'espèce être
 
niée. Le pourvoi est par conséquent irrecevable.
 
Par ces motifs,
 
le Tribunal fédéral ,
 
1. Déclare le pourvoi en nullité irrecevable.
 
2. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument
 
judiciaire.
 
3. Communique le présent arrêt au représentant de
 
la recourante, à la Chambre d'accusation de la Cour de
 
justice genevoise ainsi qu'au Procureur général du canton
 
de Genève.
 
_____________
 
Lausanne, le 27 février 2002
 
Au nom de la Cour de cassation pénale
 
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
 
Le Président, La Greffière,
 
© 1994-2020 Das Fallrecht (DFR).