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Informationen zum Dokument  BGer 1P.766/2001  Materielle Begründung
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BGer 1P.766/2001 vom 25.02.2002
 
{T 0/2}
 
1P.766/2001/col
 
Arrêt du 25 février 2002
 
Ire Cour de droit public
 
Les juges fédéraux Aeschlimann, juge présidant la Ire Cour
 
de droit public,
 
Fonjallaz, Pont Veuthey, juge suppléante,
 
greffier Parmelin.
 
F.________, recourant, représenté par Me Jean-Luc Maradan, avocat, rue de Lausanne 91, 1700 Fribourg,
 
contre
 
Juge d'instruction du canton de Fribourg, case postale 156, place Notre-Dame 4, 1702 Fribourg,
 
Ministère public du canton de Fribourg, rue de Zaehringen 1, 1700 Fribourg,
 
Chambre pénale du Tribunal cantonal du canton de Fribourg, place de l'Hôtel-de-Ville 2a, 1700 Fribourg.
 
indemnisation pour détention injustifiée
 
(recours de droit public contre l'arrêt de la Chambre pénale du Tribunal cantonal du canton de Fribourg du 9 octobre 2001)
 
Faits:
 
A.
 
Le 26 avril 2001, à 06h50, F.________ a été interpellé par deux agents de la Police cantonale fribourgeoise, alors qu'il s'apprêtait à entrer dans son véhicule, en vertu d'un mandat d'amener décerné contre lui par le Juge d'instruction du canton de Fribourg (ci-après: le Juge d'instruction) à la suite d'une plainte déposée la veille, à 21h30, par B.________ pour injures, menaces et abus du téléphone; à ses dires, les agents l'auraient plaqué contre le véhicule, fouillé, puis menotté avant de le conduire au poste de police de Romont, où il a été interrogé une première fois de 09h10 à 11h00, puis une seconde fois de 14h00 à 14h10, en qualité de prévenu, sur délégation du Juge d'instruction. Son amie, P.________, a également été entendue comme personne appelée à fournir des renseignements, de même que le plaignant qui a accepté de retirer sa plainte à la condition que F.________ et son amie cessent de les importuner, lui et son épouse. Le retrait de plainte a été confirmé lors de l'audience tenue le même jour à 15h00 devant le Juge d'instruction.
 
B.
 
Le 28 mai 2001, F.________ a saisi la Chambre pénale du Tribunal cantonal du canton de Fribourg (ci-après: la Chambre pénale) d'une requête en indemnisation fondée sur l'art. 242 du Code de procédure pénale fribourgeois, du 14 novembre 1996 (CPP frib.) en raison de l'arrestation, puis de la détention injustifiées dont il prétendait avoir été la victime le 26 avril 2001; il réclamait à l'Etat de Fribourg les sommes de 1'285,65 fr. pour ses frais d'avocat, de 1'500 fr. à titre de réparation morale et de 185 fr. avec intérêts à 5% dès le 26 avril 2001 pour perte de gain.
 
Par arrêt du 9 octobre 2001, la Chambre pénale a rejeté cette requête. Elle a considéré qu'il n'y avait eu ni arrestation ni détention préventive injustifiées au sens de l'art. 242 al. 1 CPP frib. Au surplus, elle a estimé que le préjudice subi n'était pas suffisamment important pour donner lieu au paiement d'une indemnité à titre de réparation morale en application de l'art. 242 al. 2 CPP frib. et qu'une indemnisation ne se justifiait pas plus sous l'angle de l'équité.
 
C.
 
Agissant par la voie du recours de droit public pour violation des art. 9 Cst., 5 CEDH et 9 Pacte ONU II, F.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt et de renvoyer le dossier à l'Etat de Fribourg. Il reproche à la Chambre pénale d'avoir nié l'existence d'un cas de détention injustifiée appelant réparation aux conditions de l'art. 242 al. 1 CPP frib., au terme d'une application arbitraire du droit cantonal. Il requiert l'assistance judiciaire.
 
La Chambre pénale n'a pas déposé d'observations. Le Ministère public du canton de Fribourg conclut à l'admission du recours. Le Juge d'instruction se réfère aux observations formulées devant la cour cantonale.
 
Le Tribunal fédéral considère en droit:
 
1.
 
Formé en temps utile contre une décision finale prise en dernière instance cantonale, le recours répond aux exigences des art. 86 al. 1 et 89 al. 1 OJ. Le recourant, dont la démarche tend à l'obtention d'une indemnité pour arrestation et détention injustifiées fondée sur le droit cantonal, a qualité pour agir au sens de l'art. 88 OJ. Les autres conditions de recevabilité du recours sont par ailleurs réunies, de sorte qu'il y a lieu d'entrer en matière sur le fond.
 
2.
 
2.1 Selon une jurisprudence constante, ni le droit constitutionnel fédéral, ni le droit conventionnel n'exigent de l'Etat qu'il indemnise les particuliers victimes d'une incarcération en soi licite, mais qui se révèle par la suite injustifiée (cf. ATF 119 Ia 221 consid. 6 p. 230; 113 Ia 177 consid. 2d p. 182; 108 Ia 13 consid. 3 p. 17; 105 Ia 127 consid. 2b p. 128; SJ 1998 p. 333 consid. 4a p. 338; SJ 1995 p. 285 consid. 3b p. 288; RSDIE 1998 p. 486; JAAC 1997 n° 104 p. 944; arrêt de la CourEDH du 28 septembre 1995 dans la cause Masson et van Zon c. Pays-Bas, Série A, vol. 327 A, § 49; Auer/Malinverni/Hottelier, Droit constitutionnel suisse, vol. II, Berne 2000, n° 339; Gérard Piquerez, Procédure pénale suisse, Zurich 2000, n° 4031, p. 850). Il est en revanche loisible aux cantons d'instituer une telle garantie, dont le Tribunal fédéral examine alors la portée sous l'angle de l'arbitraire lorsque, comme en l'espèce, elle est contenue dans une norme de rang inférieur à la Constitution (cf. ZBl 99/1998 p. 34 consid. 2).
 
2.2 Aux termes de l'art. 242 CPP frib., celui qui subit un préjudice causé par une arrestation ou une détention injustifiées ou par une erreur judiciaire, en obtient réparation sur requête, dans la mesure où il n'a pas provoqué ni aggravé le préjudice par son fait (al. 1). Celui qui subit un préjudice important en raison d'un autre acte de procédure peut en demander réparation. Il y est fait droit si et dans la mesure où l'équité l'exige (al. 2).
 
L'autorité intimée a considéré que le recourant n'avait pas fait l'objet d'une arrestation au sens des art. 111 al. 1 et 242 al. 1 CPP frib. et qu'il ne pouvait dès lors fonder sa prétention en indemnisation sur cette dernière disposition; elle a par ailleurs estimé que l'art. 242 al. 2 CPP frib. n'était pas applicable à défaut d'un préjudice important et qu'une indemnisation du demandeur fondée sur cette disposition ne se justifiait pas non plus sous l'angle de l'équité. Le recourant conteste exclusivement la première de ces motivations qu'il tient pour arbitraire.
 
2.3 Dans les cas visés à l'art. 242 al. 1 CPP frib., la réparation du préjudice subi est complète, alors qu'elle est limitée à l'équité dans les cas visés à l'alinéa 2. Suivant les travaux préparatoires, l'indemnisation totale prévue à l'alinéa 1 correspond aux cas imposés par la Convention européenne des droits de l'homme (Bulletin officiel des séances du Grand Conseil, séance du 2 octobre 1996, p. 2993). L'intention du législateur était donc d'indemniser intégralement les personnes qui avaient droit à une réparation en application de l'art. 5 § 5 CEDH dans le cadre de l'art. 242 al. 1 CPP frib. et de les indemniser équitablement dans les autres cas.
 
Le droit à réparation au sens de l'art. 5 § 5 CEDH suppose préalablement qu'une violation de l'un des autres paragraphes de l'article 5 de la Convention ait été établie. Cet article ne concerne que la liberté physique d'une personne et non les simples restrictions à la liberté de circuler, qui relèvent de l'art. 2 du Protocole n° 4 à la Convention. Pour déterminer si un individu se trouve privé de sa liberté, il faut partir de sa situation concrète et prendre en compte un ensemble de critères comme le genre, la durée, les effets et les modalités d'exécution des mesures considérées. Ainsi, la différence entre privation et restriction de liberté est une différence de degré et d'intensité, et non de nature ou d'essence (arrêt de la CourEDH du 25 juin 1996 dans la cause Amuur c. France, Recueil des arrêts et décisions 1996-III, p. 848, § 42, s'agissant du maintien de requérants d'asile dans la zone de transit d'un aéroport); il peut trouver application même en cas de privation de liberté de très courte durée (JAAC 1995 n° 116 p. 979; voir aussi ATF 113 Ia 177 consid. 1 p. 180). L'art. 5 § 1 CEDH renvoie pour l'essentiel à la législation nationale et consacre l'obligation d'en respecter les règles de fond comme de procédure; il exige toutefois la conformité de toute privation de liberté au but général de protection de l'individu contre l'arbitraire (arrêt de la CourEDH du 14 octobre 1999 dans la cause Riera Blume et autres c. Espagne, § 31).
 
La Commission européenne des droits de l'homme a ainsi estimé qu'un enfant passant deux heures dans un poste de police pour y être interrogé, sans être enfermé, n'était pas privé de sa liberté (décision du 19 mars 1981 citée par Ergec/Velu, La Convention européenne des droits de l'homme, Bruxelles 1990, n. 305, p. 253 et par Mark E. Villiger, Handbuch der Europäischen Menschenrechtskonvention, 2ème éd., Zurich 1999, n. 320, p. 206). Elle en a jugé de même d'une personne souffrant de troubles psychiques retenue au poste de police durant quelque deux heures et demie, sans être enfermée, le temps pour la police de procéder aux vérifications d'usage (JAAC 1995 n° 116 p. 979).
 
2.4 En vertu de l'art. 102 CPP frib., le juge peut ordonner à la police de lui amener une personne, au besoin par la force, si, sans raison suffisante, elle n'a pas donné suite à une citation ou si, pour des motifs concrets, il est à prévoir qu'elle n'y donnera pas suite (let. a), si sa comparution immédiate est indispensable (let. b) ou si elle est fortement soupçonnée d'un crime ou d'un délit et qu'il est sérieusement à craindre qu'elle ne se dérobe à la poursuite pénale, qu'elle ne la compromette ou qu'elle ne commette une nouvelle infraction grave (let. c). Selon l'art. 103 CPP frib., la personne appréhendée en vertu d'un mandat d'amener doit être interrogée immédiatement par l'autorité qui a décerné le mandat (al. 1). Après son audition, elle ne peut être retenue que si la détention préventive est ordonnée (al. 2).
 
A teneur de l'art. 111 CPP frib., la décision de mise en détention préventive est communiquée au prévenu, au Ministère public, à la police et à l'établissement de détention sous la forme d'un extrait du procès-verbal ou celle d'un mandat d'arrêt (al. 1). La personne arrêtée sur mandat doit être entendue par le juge au plus tard dans les vingt-quatre heures à compter de son arrestation ou, le cas échéant, de sa remise aux autorités fribourgeoises (al. 2).
 
Conformément à l'art. 154 CPP frib., le juge conduit personnellement les opérations d'instruction (al. 1). Il peut confier, par écrit, certaines missions à la police. Toutefois, le prévenu peut exiger que, sauf impossibilité reconnue, son audition ou les confrontations avec les témoins à charge soient conduites par le juge d'instruction lui-même (al. 2). Par ailleurs, suivant l'art. 156 al. 1 CPP frib., lors de sa première comparution, le prévenu est avisé de l'infraction qui lui est reprochée. Il reçoit une formule résumant ses principaux droits (droits de se taire, d'être assisté d'un défenseur, de recourir et de demander, le cas échéant, sa mise en liberté). Conformément à l'art. 156 al. 2 CPP frib., cette disposition est applicable lorsque la police procède à la première audition par délégation du juge d'instruction. La police rappelle en outre au prévenu son droit d'exiger une audition par le juge personnellement conformément à l'art. 154 al. 2 CPP frib.
 
2.5 En l'espèce, le recourant a été interpellé le 26 avril 2001 à 06h50 par la Police cantonale en vertu d'un mandat d'amener décerné contre lui par le Juge d'instruction chargé d'instruire la plainte déposée la veille au soir par B.________ pour menaces de mort et abus du téléphone; il n'a pas été immédiatement traduit devant ce magistrat pour y être entendu, mais il a été conduit au poste de police de Romont où il a subi deux interrogatoires, sur délégation du Juge d'instruction, avant d'être interrogé personnellement par ce dernier à 15h00 et de rentrer chez lui. Or, en vertu de l'art. 103 al. 1 CPP frib., la personne qui fait l'objet d'un mandat d'amener doit être entendue immédiatement par l'autorité qui a décerné le mandat et non pas par la police, ce qui exclut une garde à vue (cf. Bulletin officiel des séances du Grand Conseil 1996, p. 2953; Damien Piller/Claude Pochon, Commentaire du Code de procédure pénale du canton de Fribourg, Fribourg 1998, n. 103.2, p. 161). Le Juge d'instruction semble être parti du principe que l'art. 156 al. 2 CPP frib. l'autorisait à déléguer à la police le soin de procéder à la première audition du prévenu. Il est pour le moins douteux que cette possibilité existe au regard du texte clair de l'art. 103 al. 1 CPP frib. et de la volonté du législateur, telle qu'elle résulte des travaux préparatoires. Peu importe en définitive, car même si le droit de procédure cantonal devait ne pas avoir été respecté en l'occurrence, les restrictions imposées à la liberté personnelle du recourant n'ont de toute manière pas atteint la durée et l'intensité requises par la jurisprudence pour être considérées comme une privation de liberté au sens de l'art. 5 § 1 CEDH et justifier une indemnité pour détention injustifiée fondée sur l'art. 242 al. 1 CPP frib. A la différence des cas cités par le recourant (cf. Rep. 1993 p. 264; ATF 113 Ia 177), ce dernier n'a en effet à aucun moment été enfermé dans une cellule depuis son arrivée au poste de police jusqu'à son audition par le Juge d'instruction et n'a pas subi d'autres restrictions à sa liberté que celle de circuler, allant au-delà de ce que chaque citoyen doit supporter sans indemnisation dans l'intérêt public de la lutte contre la criminalité (cf. arrêt non publié de la Chambre d'accusation du Tribunal fédéral du 14 septembre 1998 dans la cause D. contre Ministère public de la Confédération, consid. 5a; cf. ATF 113 Ia 177 consid. 3; Niklaus Schmid, Strafprozessrecht, 3ème éd., Zurich 1997, n. 1220).
 
L'autorité intimée a donc à juste titre examiné la requête sous l'angle de l'art. 242 al. 2 CPP frib. Pour le surplus, le recourant n'invoque aucun grief en relation avec le refus de lui allouer une indemnité fondée sur cette disposition. Il n'appartient pas au Tribunal fédéral d'examiner d'office cette question (ATF 127 I 38 consid. 3c p. 43).
 
3.
 
Le recours doit par conséquent être rejeté aux frais du recourant qui succombe (art. 156 al. 1 OJ). Les conditions de l'art. 152 al. 1 OJ étant réunies, il convient de faire droit à la demande d'assistance judiciaire et de statuer sans frais. Me Jean-Luc Maradan est désigné comme avocat d'office du recourant pour la présente procédure et une indemnité lui sera versée (art. 152 al. 2 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens (art. 159 al. 2 OJ).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
 
1.
 
Le recours est rejeté.
 
2.
 
La demande d'assistance judiciaire est admise.
 
3.
 
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.
 
4.
 
Me Jean-Luc Maradan est désigné comme avocat d'office du recourant et une indemnité de 1'200 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la Caisse du Tribunal fédéral.
 
5.
 
Il n'est pas alloué de dépens.
 
6.
 
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au Juge d'instruction, au Ministère public et à la Chambre pénale du Tribunal cantonal du canton de Fribourg.
 
Lausanne, le 25 février 2002
 
Au nom de la Ire Cour de droit public
 
du Tribunal fédéral suisse
 
Le Juge présidant: Le Greffier:
 
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