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Informationen zum Dokument  BGE 136 III 232  Materielle Begründung
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Regeste
Sachverhalt
Extrait des considérants:
5. La recourante est une société anonyme de droit f ...
6. La problématique en jeu est la suivante. ...
7. Il convient encore d'examiner la cause sous l'angle du droit d ...
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35. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit civil dans la cause Métropole Télévision contre Société suisse de radiodiffusion et télévision SSR (recours en matière civile)
 
 
4A_203/2009 du 12 janvier 2010
 
 
Regeste
 
Grenzüberschreitendes Satellitenfernsehen; Urheberrecht (Art. 10 Abs. 1 und Abs. 2 lit. d URG); unlauterer Wettbewerb (Art. 2 UWG).  
Fehlen besonderer Umstände, die das Verhalten des französischen Sendeunternehmens unabhängig von einer Verletzung des URG als unlauter im Sinne von Art. 2 UWG erscheinen liessen (E. 7).  
 
Sachverhalt
 
BGE 136 III, 232 (233)A. Métropole Télévision, société anonyme de droit français, diffuse par satellite le programme de télévision M6 à partir et à destination du territoire français. Comme l'empreinte ou la zone de couverture du satellite (footprint) s'étend inévitablement au-delà des frontières, les téléspectateurs de Suisse romande reçoivent, depuis une quinzaine d'années, le programme M6, qu'il soit retransmis par des câblo-opérateurs suisses ou capté directement par le téléspectateur, au moyen d'une antenne parabolique.
1
Depuis janvier 2002, Métropole Télévision émet un nouveau signal satellite; distinct de celui utilisé pour la diffusion vers la France, il peut être capté dans la même zone, couvrant en particulier la Suisse et la France. Ce signal comprend le programme M6, mais avec des messages publicitaires destinés spécifiquement aux téléspectateurs suisses; il est repris par certains câblo-opérateurs suisses, dont Cablecom dans le canton de Fribourg. Ainsi, Métropole Télévision émet, vers le satellite Atlantic Bird 3, un signal comportant le programme M6 avec une fenêtre publicitaire destinée au public français et, vers le satellite Eutelsat W3, un signal comprenant le même programme avec une fenêtre publicitaire destinée au public suisse.
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B. Le 17 novembre 2003, la Société suisse de radiodiffusion et de télévision (SSR), agissant par sa succursale, la Société suisse de radiodiffusion et télévision (SSR) - Télévision suisse romande (TSR), a ouvert action en constatation de droit, en interdiction, en cessation de trouble et en dommages-intérêts contre Métropole Télévision devant la Cour d'appel civil du Tribunal cantonal de l'État de Fribourg. Invoquant des dispositions relatives au droit d'auteur et à la concurrence déloyale, la SSR concluait tout d'abord à ce qu'il fût constaté que la défenderesse n'était pas en droit de procéder à une diffusion du programme M6 spécifiquement destinée au public suisse de langue française - notamment du fait de l'insertion dans ce programme de messages publicitaires spécifiquement destinés au public suisse -, sans y être autorisée par les titulaires des droits d'auteur sur les oeuvres ainsi diffusées. Elle demandait ensuite qu'il fût fait défense à Métropole Télévision de diffuser dans ce programme destiné au public suisse de langue française, en tout ou en partie, divers films ou séries télévisées produits par des producteurs déterminés, qu'elle énumérait, ou des sociétés qui étaient liées à ces derniers. Elle concluait enfin à ce que la défenderesse fût condamnée à lui verser des dommages-intérêts d'un montant à fixer, mais s'élevant au moins à 10 millions de francs.
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BGE 136 III, 232 (234)Par décision du 21 mars 2005, le Président de la IIe Cour d'appel civil a limité la procédure, dans un premier temps, "aux questions de principe de la violation ou non de la loi fédérale du 9 octobre 1992 sur le droit d'auteur et les droits voisins (...) et de la loi fédérale du 19 décembre 1986 contre la concurrence déloyale (...), ainsi que de la légitimation active de la demanderesse pour se prévaloir d'une telle violation, sans préjudice du droit des parties de compléter le cas échéant ultérieurement leurs écritures et offres de preuve en rapport avec l'existence d'un dommage et l'étendue de celui-ci."
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Par arrêt du 4 janvier 2007, la cour cantonale a rejeté l'action, faute de légitimation active de la SSR.
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La demanderesse a interjeté un recours en matière civile. Par arrêt du 29 août 2007 (cause 4A_55/2007), le Tribunal fédéral a admis partiellement le recours, annulé l'arrêt attaqué et renvoyé la cause à l'autorité précédente.
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La cour cantonale a rendu un nouvel arrêt, en date du 12 février 2009. Elle a admis l'action introduite par la SSR "sur le principe et dans les limites définies par l'ordonnance présidentielle du 21 mars 2005" et, partant, a "constaté que la diffusion spécifiquement destinée au public suisse, notamment du fait de l'accompagnement de fenêtres publicitaires spécifiques, par Métropole Télévision dans son programme M6 d'oeuvres pour lesquelles elle n'a pas été autorisée à une telle diffusion par les titulaires de droits d'auteur sur elles, constitue une violation de la loi fédérale du 9 octobre 1992 sur le droit d'auteur et les droits voisins et une violation de la loi fédérale du 19 décembre 1986 contre la concurrence déloyale."
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C. Métropole Télévision a interjeté un recours en matière civile. Elle concluait principalement à l'annulation de l'arrêt cantonal et au rejet de l'action introduite par la SSR.
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Statuant en séance publique, la Ire Cour de droit civil du Tribunal fédéral a admis le recours, annulé l'arrêt attaqué et rejeté l'action introduite le 17 novembre 2003 par la SSR contre Métropole Télévision.
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(résumé)
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Extrait des considérants:
 
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La demanderesse invoque tout d'abord le droit d'auteur à l'appui de son action. Aux termes de l'art. 110 al. 1 LDIP (RS 291), les droits de la propriété intellectuelle sont régis par le droit de l'État pour lequel la protection de la propriété intellectuelle est revendiquée. En prévoyant un rattachement à la lex loci protectionis (Schutzlandprinzip), la loi suisse permet au demandeur de choisir le droit sur lequel il base son action et ainsi de déterminer la lex causae. C'est la loi de l'État protecteur qui définira ensuite son champ d'application territorial et régira, plus généralement, toutes les questions juridiques qui se posent, comme celle de l'éventuelle violation des droits de propriété intellectuelle (BERNARD DUTOIT, Droit international privé, 4e éd. 2005, n° 1 ad art. 110 LDIP; FRANK VISCHER , in Zürcher Kommentar zum IPRG, 2e éd. 2004, n° 3 ad art. 110 LDIP; CATHERINE METTRAUX KAUTHEN , La loi applicable entre droit d'auteur et droit des contrats, 2002, p. 13-15; FRANÇOIS DESSEMONTET, Le droit d'auteur, 1999 [ci-après: op. cit. 1], n°1056 p. 646 et n° 1061 p. 649/650; MERCEDES NOVIER , La propriété intellectuelle en droit international privé suisse, 1996, p. 148-152).
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En l'espèce, la demanderesse a choisi le droit suisse. Il convient dès lors d'examiner, avant d'aborder la cause sous l'angle de la concurrence déloyale, si l'acte reproché à la recourante porte atteinte au droit d'auteur selon la loi fédérale du 9 octobre 1992 sur le droit d'auteur et les droits voisins (LDA; RS 231.1).
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La recourante diffuse le programme télévisé M6 par satellite depuis la France. La zone couverte ne se limite pas à la France, mais comprend d'autres pays, dont la Suisse. Plus précisément, la diffusion s'effectue par plusieurs signaux, dont l'un, relayé par le satellite Eutelsat W3, transporte le programme M6 avec des fenêtres publicitaires spécifiquement destinées au public suisse (par simplification, ce signal sera désormais désigné sous l'appellation signal "suisse"); le satellite Eutelsat W3 couvre notamment les territoires suisse et français, à l'instar du satellite Atlantic Bird, qui relaie un signal porteur du programme M6 avec des fenêtres publicitaires s'adressant avant tout au public français (par simplification, ce signal sera désormais désigné sous l'appellation signal "français"). Le signal "suisse" est repris par plusieurs câblo-opérateurs suisses.
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BGE 136 III, 232 (236)Le programme M6 comprend des oeuvres dont la recourante, d'après les contrats qu'elle a produits dans la procédure, a acquis les droits de diffusion pour la France métropolitaine, les départements et territoires d'outre-mer, Monaco et Andorre. La diffusion de ces oeuvres peut être interrompue, précédée ou suivie par des messages publicitaires, dont le contenu sera différent selon que le programme M6 est transmis par le signal "suisse" ou par le signal "français".
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A partir de là, il s'agit de déterminer si, comme la cour cantonale l'a admis, la diffusion d'oeuvres par le signal "suisse" nécessite, selon le droit suisse, l'autorisation des titulaires du droit exclusif d'utilisation desdites oeuvres, autorisation dont l'absence consacrerait une violation du droit d'auteur selon la LDA.
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6.1 Aux termes de l'art. 10 al. 1 LDA, l'auteur a le droit exclusif de décider si, quand et de quelle manière son oeuvre sera utilisée. En particulier, il a le droit de la diffuser par la radio, la télévision ou des moyens analogues, soit par voie hertzienne, soit par câble ou autres conducteurs (art. 10 al. 2 let. d LDA). L'art. 12 al. 1 ch. 5 aLDA accordait déjà à l'auteur le droit exclusif de radiodiffuser son oeuvre, l'art. 12 al. 2 aLDA précisant qu'à la radiodiffusion était assimilée toute communication publique de l'oeuvre par tout autre moyen servant à diffuser les signes, les sons ou les images. Si la rédaction change, nouveau et ancien droits correspondent matériellement sur ce point, de sorte que la jurisprudence rendue sous l'ancien droit reste valable (BARRELET/EGLOFF, Le nouveau droit d'auteur, 3e éd. 2008, n° 3 ad art. 10 LDA p. 53/54; FRANÇOIS DESSEMONTET, Inhalt des Urheberrechts, in Urheberrecht und verwandte Schutzrechte, SIWR vol. II/1, 2e éd. 2006, p. 205/206; SVEN-UWE NEUMAIER, Grenzüberschreitender Rundfunk im internationalen Urheberrecht, Baden-Baden 2003, p. 84; Message du 19 juin 1989 concernant une loi fédérale sur le droit d'auteur et les droits voisins, FF 1989 III 514). Dans un arrêt rendu juste avant l'entrée en vigueur de la LDA, le Tribunal fédéral a eu l'occasion de préciser que la notion de radiodiffusion propre au droit d'auteur comprenait l'envoi par n'importe quel type de satellite de signaux accessibles techniquement et financièrement au public en général et destinés à être reçus directement ou indirectement par lui (ATF 119 II 51 consid. 2c p. 60). Il ne fait dès lors aucun doute que la transmission télévisée d'une oeuvre, via un satellite, est soumise au droit exclusif de l'auteur selon le droit suisse. Il reste toutefois à rechercher ce qu'il faut entendre par une telle diffusion. En d'autres termes, il s'agit de déterminer si une transmission par BGE 136 III, 232 (237)satellite partant d'un État étranger et atteignant le territoire suisse est appréhendée par le droit suisse.
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6.2 Parallèlement à l'adoption de la nouvelle LDA, la Suisse a ratifié la Convention de Berne pour la protection des oeuvres littéraires et artistiques révisée à Paris le 24 juillet 1971 (RS 0.231.15; ci-après: CB), en vigueur pour notre pays depuis le 25 septembre 1993; cette convention garantit un niveau minimal de protection des oeuvres (FF 1989 III 496). Selon l'art. 11bis al. 1 ch. 1 CB, les auteurs d'oeuvres littéraires et artistiques jouissent du droit exclusif d'autoriser la radiodiffusion de leurs oeuvres ou la communication publique de ces oeuvres par tout autre moyen servant à diffuser sans fil les signes, les sons ou les images. Cette formulation, qui date de la Convention de Berne révisée à Bruxelles le 26 juin 1948, n'a pas été modifiée depuis lors (CLAUDE MASOUYÉ, Guide de la Convention de Berne, publication OMPI, 1978, p. 77); elle avait été reprise quasi-textuellement à l'art. 12 al. 1 ch. 5 et al. 2 aLDA. Le texte de Bruxelles liait déjà la Suisse jusqu'à l'entrée en vigueur de la nouvelle version de la Convention de Berne (cf. FF 1989 III 495 ch. 145.111).
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Avant l'avènement de la radiodiffusion par satellite, la théorie classique, déduite de la Convention de Berne, soumettait la diffusion au droit de l'État d'émission (Sendelandtheorie). L'idée était en effet que, du point de vue du droit d'auteur, l'acte qui devait être autorisé contre rémunération était l'émission, à l'exclusion de la réception. Le pays d'émission correspondait en général à celui où résidait le public visé par l'émission, la radiodiffusion terrestre ne provoquant que des débordements marginaux. Dès lors, l'application exclusive du droit de l'État d'émission ne posait guère de problèmes (cf. ELSA DELIYANNI, Le droit de représentation des auteurs face à la télévision transfrontalière par satellite et par câble, Paris 1993, § 84 p. 130; ANDRÉ KEREVER, La radiodiffusion par satellite et le droit d'auteur, Bulletin du droit d'auteur 24 (1990) n° 3 p. 13/14; WALTER DILLENZ, La protection juridique des oeuvres transmises par satellites de radiodiffusion directe, Le droit d'auteur 1986 p. 347/348; URS PETER KÄLIN, Der urheberrechtliche Vergütungsanspruch bei der Werkverwertung mit Hilfe des Satellitenrundfunks und der Kabelweiterverbreitung, 1986, p. 74/75 et 120).
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Contrairement à la radiodiffusion terrestre, la transmission par satellite permet d'atteindre sans difficulté des publics résidant dans plusieurs États. Ainsi, un organisme de diffusion basé dans un petit pays, comme le Luxembourg, peut transmettre par satellite son BGE 136 III, 232 (238)programme de télévision aux publics de pays environnants bien plusvastes, comme la France ou l'Allemagne; une des conséquences del'application exclusive du droit de l'État d'émission peut consisteralors en ce que la rémunération du droit d'auteur soit calculée uniquement en fonction du public - restreint - de ce pays-là. D'aucuns s'en sont émus et, dans les années 1980, la théorie Bogsch - du nomdu directeur général d'alors de l'OMPI - a vu le jour. Appelée également théorie de l'empreinte ou de la réception (Empfangstheorie), elle définit la radiodiffusion par satellite comme une opération complexe qui prend naissance avec le départ du signal et s'achève avec la réception des signaux par les publics résidant dans les États couverts par l'empreinte; la conséquence est que l'organisme de diffusion devra respecter les législations sur le droit d'auteur de tous les pays dans lesquels le signal émanant du satellite peut être capté, ce qui implique en particulier d'acquérir les droits d'auteur pour tous les États couverts par l'empreinte (THOMAS DREIER, Satelliten- und Kabel-Richtlinie, in Europäisches Urheberrecht, Vienne 2001, n° 10 p. 408/409 et n° 12 p. 420/421; KREILE/BECKER, Neuordnung des Urheberrechts in der Europäischen Union, GRUR Int. 1994 p. 910; KEREVER, op. cit., p. 16; DILLENZ, op. cit., p. 344).
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En matière de radiodiffusion par satellite, l'Union européenne a écarté la théorie Bogsch au profit de la théorie de l'État d'émission (KREILE/BECKER, op. cit., p. 909). En effet, la Directive 93/83/CEE du Conseil du 27 septembre 1993 relative à la coordination de certaines règles du droit d'auteur et des droits voisins du droit d'auteur applicables à la radiodiffusion par satellite et à la retransmission par câble (JO L 248 du 6 octobre 1993 p. 15) définit la "communication au public par satellite" comme l'acte d'introduction, sous le contrôle et la responsabilité de l'organisme de radiodiffusion, de signaux porteurs de programmes destinés à être captés par le public dans une chaîne ininterrompue de communication conduisant au satellite et revenant vers la terre (art. 1er par. 2 let. a); elle précise que cette communication a lieu uniquement dans l'État membre dans lequel, sous le contrôle et la responsabilité de l'organisme de radiodiffusion, les signaux porteurs de programmes sont introduits dans une chaîne ininterrompue de communication conduisant au satellite et revenant vers la terre (art. 1er par. 2 let. b). Il s'ensuit que le radiodiffuseur doit se conformer uniquement à la législation sur les droits d'auteur en vigueur dans l'État où la communication par satellite a lieu (considérants 4 et 5 de la Directive 93/83/CEE). L'ayant droit peut uniquement BGE 136 III, 232 (239)décider s'il autorise ou non le radiodiffuseur à transmettre l'oeuvre par satellite et, une fois cette autorisation donnée, il ne peut juridiquement empêcher la réception de l'oeuvre dans les États couverts par l'empreinte du satellite; cela signifie également qu'une éventuelle violation du droit d'auteur ne peut avoir lieu que dans l'État d'émission (KREILE/BECKER, op. cit., p. 910; METTRAUX KAUTHEN, op. cit., p. 22). En contrepartie, la Directive 93/83/CEE impose aux États membres de prévoir le droit exclusif de l'auteur d'autoriser la communication au public par satellite d'oeuvres protégées par le droit d'auteur (art. 2), autorisation qui ne pourra être acquise que par contrat (art. 3 par. 1). Un autre aménagement de la théorie de l'État d'émission en faveur des auteurs consiste pour les parties à déterminer la rémunération des droits d'auteur en fonction de tous les paramètres de l'émission, tels que l'audience effective et l'audience potentielle (considérant 17 de la Directive 93/83/CEE).
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Le Conseil de l'Europe s'est également préoccupé de la problématique des droits d'auteur en rapport avec la transmission par satellite. Il a ainsi rédigé la Convention européenne du 11 mai 1994 concernant des questions de droit d'auteur et de droits voisins dans le cadre de la radiodiffusion transfrontière par satellite (Convention STE 153). Après avoir précisé qu'un acte de radiodiffusion par satellite comprend la liaison montante jusqu'au satellite et la liaison descendante jusqu'à terre (art. 2), la Convention STE 153 prévoit, à l'instar de la Directive 93/83/CEE, qu'une transmission d'oeuvres a lieu dans l'État partie sur le territoire duquel se situe l'origine de la transmission et qu'elle est, en conséquence, régie exclusivement par la loi de cet État (art. 3 par. 1). La protection du droit d'auteur est déterminée par la Convention de Berne, ce qui signifie en particulier que les droits pour la radiodiffusion transfrontière par satellite d'oeuvres au sens de cette convention doivent être acquis par contrat (art. 4 par. 1). La Convention STE 153 n'est pas entrée en vigueur. La Suisse l'a signée en date du 11 mai 1994. La majorité des organisations consultées à l'époque s'était prononcée en faveur d'une ratification (Huitième rapport sur la Suisse et les conventions du Conseil de l'Europe, FF 2004 3645 ch. 4.9.7). Aujourd'hui, le Conseil fédéral est toutefois d'avis qu'il convient de renoncer à une ratification. En effet, relevant les parallèles entre la Directive 93/83/CEE et la Convention STE 153, il observe que cette dernière n'est plus applicable parmi les États membres de la Communauté européenne et qu'une ratification ne présente dès lors quasiment plus d'intérêt pour la Suisse (Neuvième rapport BGE 136 III, 232 (240)sur la Suisse et les conventions du Conseil de l'Europe, FF 2008 4126 ch. 4.9.7).
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La Convention STE 153 était censée compléter la Convention européenne sur la télévision transfrontière du 5 mai 1989, ratifiée par la Suisse et entrée en vigueur pour notre pays le 1er mai 1993 (CETT; RS 0.784.405) (FF 2008 4126 ch. 4.9.7). Relevant du droit public de la télévision, la CETT a été amendée par le Protocole du 1er octobre 1998, accepté par la Suisse le 1er octobre 2000 et entré en vigueur pour notre pays le 1er mars 2002 (RS 0.784.405.1). C'est le lieu de relever que la CETT ne prévoit en principe pas que les États parties puissent appliquer leur propre droit au motif que des services de programmes de télévision seraient captés sur leur territoire. L'art. 28 CETT amendée, qui a trait aux relations entre la convention et le droit interne, précise que les Parties ne sont pas empêchées d'appliquer des règles plus strictes ou plus détaillées que celles de la CETT aux services de programmes transmis par un radiodiffuseur relevant de leur compétence au sens de l'art. 5 CETT (cf. FRÉDÉRIC RIEHL, La Convention du Conseil de l'Europe sur la télévision transfrontière: Les nouveautés, Medialex 1998 p. 709). Or, selon l'art. 5 par. 2 et par. 3 al. a CETT amendée, relève de la compétence de l'État de transmission tout d'abord le radiodiffuseur qui a son siège social effectif dans cette Partie, lorsque les décisions relatives à la programmation sont prises dans cette Partie; si l'une et/ou l'autre de ces conditions ne sont pas réunies, la convention prévoit des cas en cascade, dont aucun ne prend en compte le critère de l'État de réception (cf. art. 5 par. 3 al. b à d et par. 4 CETT amendée). La convention réserve toutefois à une reprise le droit de l'État de réception; afin d'éviter des distorsions de concurrence et la mise en péril du système télévisuel d'une Partie, l'art. 16 par. 1 CETT amendée prévoit en effet que la publicité et le télé-achat dirigés spécifiquement et fréquemment vers l'audience d'une seule Partie autre que la Partie de transmission ne doivent pas contourner les règles relatives à la publicité télévisée et au télé-achat dans cette Partie. Pour la Suisse, les règles relatives à la publicité télévisée se trouvent essentiellement aux art. 9 ss de la loi fédérale sur la radio et la télévision du 24 mars 2006 (LRTV; RS 784.40); elles instituent certaines interdictions, comme, par exemple, en matière de boissons alcoolisées (pour quelque temps encore) ou de médicaments, qui sont plus larges que celles résultant de la CETT (cf. NOBEL/WEBER, Medienrecht, 3e éd. 2007, p. 439 ss).
24
BGE 136 III, 232 (241)6.3 Plusieurs auteurs se sont penchés sur la définition, en droit suisse, de l'acte soumis à autorisation en matière de radiodiffusion par satellite. Se référant à la Convention de Berne, HERMANN J. STERN est d'avis que seule l'émission (Ausstrahlen) des signaux porteurs de programme est déterminante en droit d'auteur; comme il n'y a, dans le pays de réception, aucun acte d'utilisation de l'oeuvre, le droit de l'État d'émission est exclusivement applicable à la radiodiffusion par satellite (Sende- und Weitersenderecht - Rundfunk, Kabel und Satelliten, 100 Jahre URG, 1983, p. 203-207). En revanche, pour KASPAR SPOENDLIN, la transmission par satellite ne peut être définie en droit d'auteur que par rapport à sa finalité, qui est d'atteindre un public; l'acte de communication s'achève par conséquent dans le pays de réception. L'auteur qualifie ainsi une radiodiffusion transfrontalière non autorisée de "délit à distance", le lieu de l'action et le lieu du résultat étant situés dans des États différents (Der internationale Schutz des Urhebers, UFITA 107/1988 p. 37). Selon KÄLIN, la réception de la radiodiffusion par satellite et les circonstances qui l'accompagnent doivent être prises en compte en droit d'auteur; le risque de déplacement de radiodiffuseurs dans des pays offrant une protection réduite justifie la prise en considération des droits des États de réception, en particulier pour fixer l'ampleur de la rémunération due aux auteurs (op. cit., p. 120).
25
Examinant la question après l'entrée en vigueur de la nouvelle LDA, NEUMAIER constate que la situation en droit suisse n'est pas claire. Il considère néanmoins que la LDA devrait être applicable en cas de débordement massif et intentionnel d'une radiodiffusion étrangère. En effet, contrairement à l'ancien droit, l'art. 10 LDA reconnaît largement le droit d'utilisation de l'oeuvre, la liste de droits exclusifs énumérés à l'al. 2 - dont le droit de diffusion - n'étant pas exhaustive; d'autre part, le principe de territorialité valable en droit suisse de la propriété intellectuelle a toujours été compris en ce sens que la protection du droit d'auteur pouvait s'étendre à des actes commis par des personnes à l'étranger (op. cit., p. 85).
26
Après avoir affirmé sans ambages que la conception suisse de la radiodiffusion par satellite se fondait sur la théorie Bogsch (Das neue schweizerische Urheberrecht, UFITA 122/1993 p. 123), MANFRED REHBINDER s'est rallié plus récemment aux tenants de la théorie de l'État d'émission, en déclarant que la question de savoir pour quel pays le droit de diffusion devait être acquis se déterminait selon l'emplacement de l'entreprise de radiodiffusion (Schweizerisches BGE 136 III, 232 (242)Urheberrecht, 3e éd. 2000, p. 142; également REHBINDER/VIGANÒ, URG, Urheberrecht und verwandte Schutzrecht [...], 3e éd. 2008, n° 22 ad art. 10 LDA p. 63).
27
Pour leur part, BARRELET/EGLOFF, dans l'édition de leur ouvrage sortie en 2008, relèvent que, techniquement parlant, c'est la station terrestre à qui le satellite de télécommunication ou de service fixe transmet ses signaux ou alors le propriétaire du satellite de radiodiffusion directe qui procèdent à la diffusion et qui devraient donc y être autorisés par l'ayant droit. Comme cette manière de voir est difficile à traduire en pratique, la tendance aujourd'hui est de considérer la transmission par satellite comme un tout, englobant liaison montante (uplink) et liaison descendante (downlink). Le droit de diffusion porte ainsi sur toute la chaîne de communication jusqu'à son retour sur terre. L'envoi des signaux vers un satellite suppose déjà l'acquisition des droits correspondants, dont la rémunération sera fixée en fonction de l'étendue de la zone de réception. Les auteurs soulignent que cette conception est celle de la Directive 93/83/CEE et de la Convention STE 153, qui prévoient toutes deux que l'acte de transmission a lieu uniquement dans l'État où les signaux sont introduits dans la chaîne (op. cit., n° 28 ad art. 10 LDA p. 64; du même avis: REHBINDER/VIGANÒ, op. cit., n° 22 ad art. 10 LDA p. 63).
28
6.4 La Directive 93/83/CEE n'est certes pas applicable en tant que telle en Suisse. L'idée d'une harmonisation avec le droit européen n'était toutefois pas étrangère aux préoccupations du législateur lors de l'adoption du nouveau droit d'auteur en 1992 (cf. ATF 133 III 568 consid. 4.6 p. 576 et la référence aux déclarations de la conseillère aux États Meier, rapporteur, relevant le caractère "eurocompatible" de dispositions de la future LDA, in BO 1992 CE 381). La Directive 93/83/CEE apparaît dès lors comme l'un des éléments permettant de cerner, en matière de radiodiffusion par satellite, le fait générateur du droit d'auteur selon la LDA. Il en va de même de la Convention STE 153, étant précisé que la non-ratification de cet instrument tient à son caractère jugé désormais superflu, et non à des motifs de fond.
29
Comme la doctrine la plus récente le relève, la tendance actuelle est d'admettre que la théorie de l'État d'émission s'applique à la radiodiffusion par satellite en droit d'auteur suisse. Ainsi, le droit de diffusion au sens de l'art. 10 al. 2 let. d LDA - dont l'auteur ou son ayant droit peut autoriser l'exercice contre rémunération - porte uniquement sur l'injection des signaux satellite porteurs de l'oeuvre dans la chaîne de communication; la réception n'est a priori pas un fait BGE 136 III, 232 (243)appréhendé par le droit d'auteur suisse, sauf éventuellement à recourir à la clause générale de l'art. 10 al. 1 LDA, question qu'il n'est pas nécessaire de trancher pour les motifs exposés ci-après.
30
6.5 En l'espèce, l'intimée ne remet pas fondamentalement en cause la théorie de l'État d'émission, mais elle fait valoir que ce principe ne s'applique pas dans le cas présent. Elle ne prétend pas que la diffusion par satellite des oeuvres contenues dans le programme M6 nécessite de manière générale l'autorisation de leurs auteurs ou des ayants droit de ces derniers; en particulier, elle ne soutient pas que la diffusion des oeuvres par la recourante via le signal satellite "français", capté en Suisse, impliquerait une telle autorisation. De l'avis de l'intimée, suivi par la cour cantonale, seule est soumise à une autorisation relevant du droit d'auteur suisse la diffusion des oeuvres par un signal distinct transportant également des publicités destinées au public suisse. En d'autres termes, c'est parce que la recourante cible le public suisse en entrecoupant ou en accompagnant les oeuvres diffusées de messages publicitaires spécifiques que les auteurs desdites oeuvres ou leurs ayants droit devraient autoriser la diffusion par un signal distinct, faute de quoi celle-ci violerait la LDA.
31
L'examen de ce raisonnement suppose de garder à l'esprit l'élément suivant. En tous les cas, une éventuelle exception au principe de l'État d'émission ne peut être justifiée, logiquement, que par des motifs relevant du droit d'auteur. On relèvera au passage que ce sont toujours des considérations liées à la protection des auteurs (reconnaissance ou non du droit exclusif, ampleur de la rémunération selon le public atteint) qui ont donné lieu aux prises de position défavorables à l'application exclusive du droit de l'État d'émission à la radiodiffusion par satellite. Il convient donc de rechercher en quoi la situation des auteurs ou de leurs ayants droit serait spécialement affectée par la diffusion du signal "suisse".
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Il n'est pas contesté que les oeuvres diffusées sur M6 par le signal "suisse" sont les mêmes que celles transportées par le signal "français" et que leur diffusion est simultanée quel que soit le satellite par lequel elles transitent. Par ailleurs, l'empreinte du satellite relayant le signal "suisse" et celle du satellite relayant le signal "français" comprennent les territoires suisse et français, de sorte que chaque signal peut être capté dans les deux pays. La différence entre les deux signaux réside dans le contenu des messages publicitaires qui entrecoupent, précèdent ou suivent les oeuvres diffusées.
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BGE 136 III, 232 (244)Il est admis que les interruptions de publicité jalonnant la diffusion d'oeuvres audiovisuelles constituent des atteintes au droit à l'intégrité, lequel confère à l'auteur le droit exclusif de décider si, quand et de quelle manière l'oeuvre peut être modifiée (cf. art. 11 al. 1 let. a LDA) (DESSEMONTET, op. cit. 1, n° 294 p. 221). L'art. 14 par. 1 CETT prévoit du reste que la publicité peut, sous réserve d'exceptions, être insérée pendant les émissions, mais "de façon à ne pas porter atteinte à l'intégrité et à la valeur des émissions et de manière qu'il ne soit pas porté préjudice aux droits des ayants droit", donc des auteurs et des créateurs (cf. Rapport explicatif relatif à la Convention européenne sur la télévision transfrontière, p. 41). L'atteinte résulte du fait que l'atmosphère créée par l'oeuvre ainsi que le rythme de la narration sont affectés par l'interruption (cf. KARL-NIKOLAUS PEIFER, Werbeunterbrechungen in Spielfilmen nach deutschem und italienischem Urheberrecht, GRUR Int. 1995 p. 28). Si le droit d'auteur est touché, c'est parce que l'oeuvre n'est pas diffusée d'une seule traite. En revanche, le contenu des messages publicitaires transmis pendant l'interruption apparaît dénué de toute pertinence. En l'espèce, le fait que les publicités entrecoupant les oeuvres diffusées soient destinées aux consommateurs suisses plutôt que français est sans incidence sur le droit à l'intégrité de l'oeuvre. A fortiori, il en va de même lorsque les messages publicitaires précèdent ou suivent la diffusion des oeuvres. On ne discerne dès lors pas en quoi la situation des auteurs ou de leurs ayants droit - en l'occurrence les producteurs de séries télévisées - serait affectée plus sévèrement par la diffusion de leurs oeuvres via le signal "suisse" que par la transmission via le signal "français".
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L'intimée fait grand cas des contrats conclus par la recourante avec les maisons de distribution ou de production, car ceux que le diffuseur français a produits n'incluent pas la Suisse dans les territoires de diffusion. En premier lieu, la question de savoir si le droit d'auteur suisse est applicable dans le cas présent ne saurait dépendre des contrats passés entre le radiodiffuseur étranger et les titulaires des droits d'auteur (cf. WERNER RUMPHORST, Satellitenfernsehen und Urheberrecht - Kritische Anmerkungen zur sogenannten Theorie des intendierten Sendegebietes, GRUR Int. 1992 p. 911). Au demeurant, la circonstance selon laquelle la Suisse ne figure pas dans la zone contractuelle de diffusion s'impose quel soit le signal satellite en jeu. En soi, elle ne peut donc justifier, dans le domaine du droit d'auteur, un traitement différencié de la diffusion via le signal "suisse" par rapport à la transmission via le signal "français".
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BGE 136 III, 232 (245)En conclusion, on ne distingue aucun motif lié à la protection des auteurs ou de leurs ayants droit qui commanderait de traiter différemment la diffusion par le signal "suisse" et celle par le signal "français", en soumettant à autorisation, en vertu du droit suisse, la diffusion transfrontière d'oeuvres par le signal "suisse". En tout état de cause, une exception au principe de l'État d'émission ne saurait entrer en ligne de compte dans le cas particulier.
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En conclusion, la cour cantonale a admis à tort que la diffusion d'oeuvres dans le programme M6 par le signal "suisse", sans l'autorisation des titulaires de droits d'auteur, constituait une violation de la LDA. Le recours est bien fondé sur ce point.
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Cette clause générale peut trouver application notamment lorsqu'un comportement tombe sous le coup d'une loi protégeant un bien immatériel, comme la LDA (DAVID/JACOBS, Schweizerisches Wettbewerbsrecht, 4e éd. 2005, n° 70 p. 22). A l'inverse, un acte qui n'est contraire à aucune de ces lois spéciales n'est en principe pas déloyal au sens de la LCD (VON BÜREN/MARBACH/DUCREY, Immaterialgüter- und Wettbewerbsrecht, 3e éd. 2008, p. 232 n° 1082; IVAN CHERPILLOD, Urheberrecht, in Urheberrecht und verwandte Schutzrechte, SIWR vol. II/1, 2006, p. 24; PEDRAZZINI/PEDRAZZINI, Unlauterer Wettbewerb UWG, 2e éd. 2002, p. 33 n° 3.05). Pour que l'acte, en soi licite, soit BGE 136 III, 232 (246)qualifié de concurrence déloyale, il faut, en plus, des circonstances particulières qui le fassent apparaître comme contraire aux règles de la bonne foi (VON BÜREN/MARBACH/DUCREY, op. cit., p. 232 n° 1083). Ainsi, ne constitue pas, en règle générale, un acte de concurrence déloyale l'imitation d'un produit qui n'est protégé ni en droit des brevets, ni en droit d'auteur, ni en droit des modèles; mais il y aura procédé déloyal si, par exemple, le client est induit en erreur de façon évitable à propos du fabricant du produit imité (ATF 116 II 471 consid. 3a/aa p. 472 ss et les arrêts cités). Dans le même ordre d'idées, le Tribunal fédéral a reconnu que, si des importations parallèles en marge d'un réseau de distribution sélective ne violaient pas le droit des marques, cette exploitation par un tiers d'une violation d'obligations contractuelles n'était pas déloyale non plus, sauf si des circonstances particulières la faisaient apparaître comme contraire à la bonne foi (ATF 122 III 469 consid. 10 p. 485).
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L'intimée a toujours fait valoir que la recourante agissait contrairement aux règles de la bonne foi au sens de l'art. 2 LCD parce qu'elle violait les droits des auteurs des oeuvres diffusées via le signal "suisse" ou de leurs ayants droit. Elle n'a jamais invoqué de circonstances particulières qui, indépendamment d'une violation de la LDA, rendraient déloyal le comportement incriminé (cf. ATF 119 II 51 consid. 3b p. 63 i.f.). A ce propos, il faut constater que la recourante utilise une possibilité technique - la diffusion nécessairement transfrontalière des oeuvres litigieuses - sans qu'un acte illicite puisse lui être imputé par ailleurs. Un acte contraire aux règles de la bonne foi selon la LCD ne peut dès lors être retenu à la charge de la recourante.
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