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Informationen zum Dokument  BGE 137 II 254  Materielle Begründung
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Regeste
Sachverhalt
Extrait des considérants:
Erwägung 3
Erwägung 4
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21. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public dans la cause Helvetia Nostra et consorts contre Lachat, Commune de Vendlincourt et Service de l'aménagement du territoire du canton du Jura (recours en matière de droit public)
 
 
1C_382/2009 du 8 mars 2011
 
 
Regeste
 
Art. 2 und 6-12 RPG, Art. 5 RPV; erforderliche Planungsstufe für eine Auto-Rundstrecke.  
 
Sachverhalt
 
BGE 137 II, 254 (255)Florian Lachat souhaite réaliser dans le canton du Jura un centre de formation et de sécurité routière, également destiné au loisir (Centre Safety Car). Pour mener à bien son projet, il a pris contact à partir de 2004 avec les différents services compétents de l'Etat.
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Selon le cahier des charges, le site qui devrait accueillir le circuit automobile doit s'étendre sur au moins quinze hectares, être accessible depuis le réseau routier jurassien, à maximum dix kilomètres d'une jonction autoroutière, être suffisamment éloigné de toute zone d'habitation pour ne pas générer de nuisances sonores conséquentes, se situer en dehors de toute zone de protection de la faune, de la flore BGE 137 II, 254 (256)et du paysage et ne pas porter atteinte à un point de vue particulier. Il doit également se trouver hors de toute zone à vocation spécifiquement touristique et ne pas avoir pour conséquence un afflux important de trafic dans un secteur sensible d'une localité.
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Dix-huit sites susceptibles d'accueillir le centre Safety Car ont ainsi été identifiés sur l'ensemble du territoire cantonal et comparés. Quatre emplacements ont tout d'abord été retenus, puis trois des quatre sites ont été éliminés pour diverses raisons. Le site Sur la Charmille, sur la commune de Vendlincourt, a été privilégié: il disposait des atouts les plus importants au niveau des nuisances potentielles liées au bruit et des dédommagements à trouver pour les milieux de l'agriculture, mais posait problème au niveau des eaux.
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Une fois le site Sur la Charmille définitivement retenu, le projet a été présenté à la population de Vendlincourt pour la première fois en novembre 2005. Par la suite, plusieurs autres assemblées d'information ont eu lieu.
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Le plan spécial Sur la Charmille, destiné à permettre la concrétisation du projet de Florian Lachat, a fait l'objet d'un rapport d'examen préalable du Service cantonal de l'aménagement du territoire (ci-après: le SAT) le 25 juin 2007.
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Le dépôt public du plan spécial a eu lieu du 30 août au 28 septembre 2007. Il a fait l'objet de quatorze oppositions, émanant principalement d'habitants de Vendlincourt, de la Fondation suisse pour la protection et l'aménagement du paysage, d'Helvetia Nostra ainsi que des milieux agricoles.
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La population de Vendlincourt a adopté le plan spécial Sur la Charmille en votation populaire le 3 février 2008, par 228 voix contre 150.
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Le SAT a approuvé le plan spécial le 30 juin 2008, rejetant les treize oppositions qui subsistaient.
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Helvetia Nostra et consorts ont interjeté recours auprès de la Chambre administrative du Tribunal cantonal du canton du Jura (ci-après: le Tribunal cantonal) contre la décision d'approbation du SAT.
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Par arrêt du 18 juin 2009, le Tribunal cantonal a rejeté le recours dans la mesure où il était recevable et modifié comme suit l'art. 5 al. 1 2e phrase des prescriptions du plan spécial: "La compétition et les manifestations sportives en rapport avec les sports motorisés sont interdites". La décision attaquée a été confirmée pour le surplus.
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BGE 137 II, 254 (257)Agissant par la voie du recours en matière de droit public, Helvetia Nostra et consorts demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal cantonal du 18 juin 2009 ainsi que la décision d'approbation du SAT du 30 juin 2008 et la décision de la commune de Vendlincourt adoptant le plan spécial Sur la Charmille.
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Le Tribunal fédéral a admis le recours et annulé l'arrêt attaqué ainsi que le plan d'affectation spécial Sur la Charmille.
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(résumé)
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Extrait des considérants:
 
 
Erwägung 3
 
3.1 L'aménagement du territoire vise à assurer une utilisation judicieuse du sol et une occupation rationnelle du territoire (art. 1 LAT[RS 700]). Pour garantir une gestion cohérente de l'espace dans sa globalité, le système suisse est organisé selon une construction pyramidale ("Stufenbau"), dans laquelle chacun des éléments (en particulier le plan directeur, le plan d'affectation et l'autorisation de construire) remplit une fonction spécifique. Les plans directeurs des cantons (art. 6-12 LAT) indiquent les moyens de coordonner les activités qui ont des effets sur l'organisation du territoire (art. 8 LAT). Les plans d'affectation (art. 14 ss LAT) règlent le mode d'utilisation du sol (art. 14 al. 1 LAT); ils devront donc concorder avec les plans directeurs (art. 2 al. 1 et 9 al. 1 LAT). Quant à la procédure d'autorisation de construire, elle a pour fonction de contrôler la conformité des projets aux normes de la zone concernée; elle concrétise le plan d'affectation de cas en cas. Les plans directeurs et les plans d'affectation se complètent: les premiers permettent de mettre en évidence les interdépendances en temps utile et dans toute leur ampleur; ils doivent montrer comment il faut faire concorder les activités qui influent sur l'organisation du territoire, au niveau national, régional et cantonal. Les seconds règlent le mode d'utilisation de chaque parcelle, de façon contraignante pour les propriétaires (cf. Message du 27 février 1978 concernant la LAT, FF 1978 I 1007, 1013 ch. 214, 1019 s. ch. 22; ZEN-RUFFINEN/GUY-ECABERT, Aménagement du territoire, construction, expropriation, 2001, p. 64 et 88; PIERRE MOOR, in Commentaire de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, 2010, nos 50 s. ad art. 14 LAT).
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3.2 Le droit fédéral ne comporte que peu d'indications quant au contenu du plan directeur. Celui-ci doit au moins définir la façon de coordonner les activités qui ont des effets sur l'organisation du BGE 137 II, 254 (258) territoire, compte tenu du développement souhaité (art. 8 let. a LAT). Il présente les résultats des études d'aménagement cantonales et l'état de la collaboration avec la Confédération, les cantons voisins et les régions limitrophes des pays voisins, dans la mesure où ces éléments influent de manière sensible sur le développement spatial souhaité; il détermine l'orientation future de la planification et précise notamment les exigences à respecter lors de l'affectation du sol (art. 5 al. 1 de l'ordonnance du 28 juin 2000 sur l'aménagement du territoire [OAT; RS 700.1]). Le plan directeur traite des questions d'importance cantonale ou supracommunale ou qui nécessitent une coordination importante. Relèvent notamment du plan directeur les conflits importants entre différents intérêts relatifs à l'utilisation du sol et les projets déployant des effets considérables sur l'occupation du territoire, l'utilisation du sol ou l'environnement ou nécessitant un effort de coordination (Office fédéral de l'aménagement du territoire, Le plan directeur cantonal, Guide de la planification directrice/Directives en vertu de l'art. 8 OAT, 1997, p. 26). La planification directrice a ainsi pour objet la coordination globale de toutes les activités à incidence spatiale et elle seule est en mesure de traiter de tâches d'aménagement qui s'étendent au-delà du niveau local et concernent plusieurs domaines (PIERRE TSCHANNEN, in Commentaire de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire [ci-après: commentaire LAT], 2010, n° 26 ad art. 2 LAT).
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Le plan directeur reste en principe réservé "lorsqu'il s'agit de projets qui ne peuvent s'insérer dans la planification que s'ils passent par l'échelon du plan directeur" (ATF 119 Ia 362 consid. 4a). Une telle réserve devrait avant tout concerner la délimitation de territoires pour des affectations qui dépassent le simple cadre local, comme pour des centres commerciaux et des installations de loisirs, des teritoires à protéger, des gravières ou des décharges (TSCHANNEN, Commentaire LAT, n° 31 ad art. 2 LAT; WALDMANN/HÄNNI, Raumplanungsgesetz, 2006, n° 22 ad art. 2 LAT). En d'autres termes, le degré de précision d'un plan directeur cantonal doit être établi en fonction des impératifs de coordination et d'orientation que son objet lui impose pour assurer une mise en oeuvre efficace. Ce n'est donc pas la nature juridique d'un acte de planification qui est déterminante pour le choix du niveau de décision, mais les caractéristiques propres de l'objet à planifier, en particulier celles des conflits qu'il est de nature à faire naître et des solutions adéquates qui peuvent y être apportées dans la perspective d'une appréhension globale. Cela justifie que l'on BGE 137 II, 254 (259)puisse exiger un plan d'affectation en lieu et place d'une autorisation de construire, ou qu'une localisation précise soit fixée par un plan directeur et non par un plan d'affectation (MOOR, op. cit., nos 60 s. ad art. 14 LAT).
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Le plan directeur devrait ainsi faire mention des projets spécifiques lorsqu'ils ont des effets importants sur l'organisation du territoire, par exemple parce qu'ils présentent une emprise au sol importante, qu'ils sont sources d'immissions considérables ou encore qu'ils génèrent un fort trafic et requièrent un équipement lourd. Tel est notamment le cas des grands domaines skiables, des terrains de golf, des grands stades ou encore des pistes de motocross (SAMUEL KISSLING, Les activités de loisirs hors de la zone à bâtir, Territoire & Environnement, mai n° 3/09, p. 3; THOMAS WIDMER DREIFUSS, Planung und Realisierung von Sportanlagen, 2002, p. 114). Ces projets à incidence spatiale déploient des effets extraordinaires sur le régime d'affectation du sol, l'équipement et l'environnement. Ils doivent dès lors être abordés dans le processus de la planification directrice lorsqu'ils remplissent l'un des critères suivants: sur le plan spatial, l'activité aura des effets étendus ou durables sur le développement territorial, en particulier sur l'utilisation du sol, l'urbanisation ou l'environnement; sur le plan organisationnel, l'activité est liée à d'autres activités à incidence spatiale ou nécessite la participation de plusieurs acteurs dont les intérêts diffèrent; sur le plan politique, l'activité est appelée à se déployer sur le long terme, elle mobilise d'importantes ressources financières, ne peut être évaluée avec certitude quant aux effets ou apparaît, pour une raison ou pour une autre, politiquement controversée (PIERRE TSCHANNEN, Le rôle du plan directeur en matière d'implantation de grands projets à incidence spatiale [ci-après: Le rôle], in Territoire & Environnement, septembre 2005, p. 42 s.; Office fédéral de l'environnement/Office fédéral du développement territorial, Installations générant un trafic important intégrées dans le plan directeur cantonal, 2006, p. 9 et 13). Il sera procédé soit à une planification positive, consistant à identifier les sites susceptibles d'accueillir des installations de loisirs, soit à une planification négative, consistant à désigner les secteurs dans lesquels aucun grand projet à incidences spatiales n'est admis (KISSLING, op. cit., p. 4 s.). Pour TSCHANNEN, des grands projets exerçant des effets considérables sur le territoire et l'environnement requièrent toutefois une planification positive, comportant des indications précises sur la localisation et l'ampleur des différents projets, ainsi que sur la nature et l'intensité maximale BGE 137 II, 254 (260)de l'utilisation du sol; tant le texte que la carte du plan directeur devraient identifier les secteurs susceptibles d'accueillir ces grands projets (TSCHANNEN, Le rôle, p. 45; cf. KISSLING, op. cit., p. 5).
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A titre d'exemple, à l'occasion d'un changement de site pour un centre de sécurité routière ("Verkehrssicherheitszentrum") dans le canton d'Argovie, le Grand Conseil a procédé à une adaptation du plan directeur cantonal. Dans ce cadre, plusieurs emplacements ont été examinés en fonction d'une série de critères; le site retenu représentait le meilleur compromis s'agissant notamment de sa localisation centrale dans le canton, de son bon raccordement à l'autoroute, de la possibilité de creuser dans le sol permettant de limiter les nuisances sonores et visuelles (cf. arrêt 1A.230/2005 du 4 avril 2006 consid. 4.3 et 7.1).
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3.3 Les plans directeurs qui ne disent rien au sujet des grands projets à incidence spatiale prévisibles sont lacunaires. Ils peuvent aussi avoir des répercussions sur l'élaboration ultérieure des plans d'affectation, en particulier lorsque les projets prévus ne sont pas localisés sur la carte. Un plan d'affectation qui autoriserait malgré tout un grand projet à incidence spatiale contreviendrait à l'obligation d'aménager le territoire définie à l'art. 2 LAT (TSCHANNEN, Le rôle, p. 44 et 46; CHANTAL DUPRÉ, Les installations à forte fréquentation - quelles mesures pour diminuer leurs impacts-, DC 2/2006 p. 53 s.). Selon la jurisprudence, il n'est possible de s'écarter du plan directeur cantonal que dans certaines conditions: il doit s'agir d'écarts de peu d'importance, objectivement justifiés, et il apparaîtrait déraisonnable au vu des circonstances de modifier préalablement de façon formelle le plan directeur. En outre, de nouvelles circonstances peuvent justifier de petits écarts; ceux-ci se justifient aussi lorsque le contenu du plan directeur se révèle être contraire au droit ou impossible à réaliser, d'autant que les propriétaires touchés n'ont pas de moyen de défense contre un plan directeur (ATF 119 Ia 362 consid. 4a et les arrêts cités). Ceci ne s'applique certainement pas aux grands projets à incidence spatiale, lesquels peuvent, par définition, affecter de manière importante l'organisation du territoire. Ces derniers doivent en effet au préalable faire l'objet d'un examen global et complet qui ne peut être garanti que par un processus d'élaboration du plan directeur (TSCHANNEN, Le rôle, p. 44; le même, Commentaire LAT, n° 19 ad art. 2 LAT, n° 34 ad art. 9 LAT). Ainsi, lorsque les circonstances se sont modifiées, que de nouvelles tâches se présentent, ou qu'il est BGE 137 II, 254 (261)possible de trouver une meilleure solution d'ensemble aux problèmes de l'aménagement, les plans directeurs feront l'objet des adaptations (partielles) nécessaires, en vertu de l'art. 9 al. 2 LAT.
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Erwägung 4
 
4.1 Dans le cas particulier, il n'est pas contesté que le projet litigieux représente une grande installation touristique et de loisir au sens de la fiche 3.23 du plan directeur cantonal. Il ressort du rapport technique pour examen préalable élaboré le 3 mai 2007 par l'intimé que le périmètre du site "Sur La Charmille" s'étend sur 25 ha et que l'ensemble des infrastructures du Centre Safety Car aura une emprise au sol d'environ 15 ha, impliquant le dézonage de 14,8 ha de terres agricoles en zone de sport et de loisirs. La piste en boucle mesure environ 3 km de long et 13 m de large. Prendront également place sur le site un bâtiment principal d'une surface d'environ 300 m2 sur deux étages et un bâtiment annexe de plein pied ainsi qu'une zone parking d'une capacité de 50 places. Le trafic journalier moyen estimé sur le site étant de 25 véhicules, il faudra compter avec environ 5'775 véhicules par an, étant précisé que le site ne sera ouvert que neuf mois par année, du 1er mars au 30 novembre. Par ailleurs, une vingtaine de véhicules pourront être accueillis en même temps sur le circuit. Selon la réponse au rapport d'examen préalable et le rapport de participation rendu par l'intimé en août 2007, le budget de la construction, y compris le prix du terrain et les honoraires, s'élèverait à 12 millions de francs. Après la phase de lancement de deux à trois ans, une "esquisse du compte de trésorerie" prévoit un total des produits de 2'000'000 fr. et un total des charges de 1'850'000 fr., ce qui permettrait de dégager un bénéfice avant impôt de 150'000 fr. Les objectifs du projet sont notamment d'offrir aux autorités jurassiennes et des autres cantons des infrastructures permettant de mettre en oeuvre une politique générale de sensibilisation et de prévention routière et de proposer aux nombreux adeptes des sports motorisés jurassiens et à leurs collègues extra-cantonaux un site unique en Suisse; les futurs utilisateurs du projet Safety Car seront ainsi, d'après le promoteur, des moniteurs d'auto-école de l'arc jurassien, les sociétés suisses (par ex. TCS, ACS) et étrangères organisant des cours de conduite avancée, de sensibilisation et de prévention routière générale, la presse automobile (essais de nouveaux véhicules), les concessionnaires et autres acteurs du secteur automobile, les sous-traitants de l'industrie automobile partout en Suisse ainsi que dans les régions voisines de la France et de l'Allemagne et des corps de police et de pompiers, BGE 137 II, 254 (262)etc. Le SAT précise à cet égard, dans sa duplique du 31 août 2010, qu'il n'existe aucune infrastructure de formation avec un volet de loisirs dans toute la Suisse. Il s'agit donc d'une innovation au niveau suisse, qui permettrait de drainer une clientèle nationale et internationale en raison notamment de la proximité des constructeurs automobiles susceptibles d'y effectuer des tests. Le centre Safety Car pourrait devenir le pôle de compétences romand, voire national, dans les différents domaines de la formation et la sécurité routière. Finalement, dans la conclusion de son rapport technique du 3 mai 2007, le promoteur souligne que le Centre Safety Car, destiné à un large public qui dépasse les frontières nationales, a pour but la promotion économique et touristique du Jura et de l'Ajoie en particulier. Bien que cette infrastructure représente un impact important sur le territoire (emprise au sol, nuisances sonores et environnementales), le projet proposé s'accompagne d'un grand nombre de mesures afin de limiter, voire compenser, les désagréments qu'il peut engendrer.
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Sur le vu des éléments précités, il ne fait pas de doute que le Centre Safety Car entre dans la catégorie des activités ayant des effets sur l'organisation du territoire soumises à l'obligation de planifier selon l'art. 2 LAT. Le Tribunal cantonal a estimé qu'une planification au niveau communal était suffisante pour un tel projet. Il a en effet considéré que le plan d'affectation spécial approuvé par le SAT remplissait toutes les exigences posées par la fiche 3.23 et qu'il était sans importance que le projet ne soit pas expressément mentionné en tant que tel ni localisé sur le plan directeur; il n'était dès lors pas nécessaire de procéder à l'adaptation du plan directeur cantonal.
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4.2 Comme l'a relevé l'Office fédéral du développement territorial dans ses déterminations du 15 avril 2010, le Tribunal cantonal cite largement la partie "problématique et enjeux" de la fiche 3.23 du plan directeur, mais omet d'évoquer les "principes d'aménagement" et les "mandats de planification". Or, ce sont notamment ces chapitres qui sont contraignants pour les autorités et donc déterminants pour juger de la conformité d'un plan d'affectation ou d'un projet au plan directeur cantonal. Selon le troisième principe de la fiche 3.23, une telle installation est censée contribuer "au renforcement des centralités" et doit en principe être localisée à proximité des centres régionaux ou en appui à une curiosité ou une infrastructure existante; elle doit en outre être localisée à proximité des arrêts de transports publics et/ou des jonctions autoroutières. Avec l'Office fédéral du BGE 137 II, 254 (263)développement territorial, on constate qu'il ne saute pas aux yeux que le projet répondrait à toutes ces exigences. Celui-ci doit par ailleurs remplir différentes conditions contenues dans d'autres fiches du plan directeur, relatives notamment à la protection de l'environnement, de la nature et du paysage ou des bonnes terres agricoles. D'après la fiche 3.06 du plan directeur cantonal "surfaces agricoles et surfaces d'assolement", le canton n'accepte, en principe, pas de nouvelles emprises sur les meilleures terres agricoles; la nécessité d'une nouvelle affectation doit être démontrée et le SAT veiller à ce que de nouvelles emprises sur les bonnes terres agricoles fassent l'objet d'une mise à l'enquête publique et d'une modification du plan directeur cantonal. Comme l'a souligné l'Office fédéral précité, cette exigence n'a pas été respectée.
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S'agissant des surfaces d'assolement (SDA), l'Office fédéral de l'agriculture a précisé, dans ses observations du 18 juin 2010, que les terres concernées correspondaient à des terrains de première qualité selon la "carte de vocation des sols". Et selon la "carte de délimitation des SDA dans le canton du Jura", la qualité agronomique du secteur en cause correspondait aux meilleures terres que l'on rencontre dans le Jura et en Suisse en général. En l'espèce, il apparaît que le Tribunal cantonal n'a pas pondéré le contenu de la fiche 3.23 avec celui de la fiche 3.06 qui prévoit notamment, comme objectif, de protéger durablement de l'urbanisation les meilleures terres agricoles. Enfin, l'Office fédéral de l'agriculture insiste à juste titre sur le fait que, si les SDA ne bénéficient certes pas d'une protection absolue, du moins tant que le quota cantonal n'est pas entamé, il n'en demeure pas moins que les meilleures terres agricoles ont un poids particulier dans la pesée des intérêts (intérêt national; cf. ATF 134 II 217 consid. 3.3 p. 220 et les arrêts cités). Or, il n'y a pas eu de véritable pesée des intérêts et il n'a pas été prouvé, sur la base d'une évaluation spatiale approfondie (analogue à l'évaluation des variantes) qu'il existait un intérêt prépondérant à revendiquer ces surfaces d'assolement.
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A la lecture de ce qui précède, il n'est pas certain que le plan spécial "Sur la Charmille" soit conforme au plan directeur cantonal, en particulier quant à la problématique des SDA, ainsi qu'aux exigences matérielles de la LAT, lesquelles doivent encore être respectées par le plan directeur. Quoi qu'il en soit, il n'est pas nécessaire d'examiner plus avant si les différentes exigences du plan directeur sont remplies en l'espèce puisque l'ampleur et les impacts du projet litigieux BGE 137 II, 254 (264)rendent son traitement dans le plan directeur indispensable (cf. consid. 4.3 ci-dessous).
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4.3 Sur le plan spatial, il apparaît que le circuit projeté aura des effets étendus et durables sur l'utilisation du sol, l'urbanisation et l'environnement. Quinze hectares de terrain seront recouverts par les infrastructures et 3 km de piste feront du Centre Safety Car le plus grand circuit automobile de Suisse. Il est par ailleurs constant que ce genre d'installations est source d'immissions non négligeables sur l'environnement (protection de la nature et du paysage, des eaux souterraines, de la faune, de l'air ou contre le bruit). On peut relever à cet égard que le site "Sur la Charmille", même s'il ne fait pas l'objet de mesures de protection formelles, se situe dans une environnement où se trouvent encore de très grandes surfaces préservées de toutes constructions, ce qui donne à la région un caractère exceptionnel.
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Au niveau politique, l'activité est appelée à se déployer sur le long terme, elle mobilise d'importantes ressources financières puisque 12 millions de francs sont investis dans le projet et, surtout, elle déborde largement du cadre local de la commune de Vendlincourt. En effet, toutes les parties sont unanimes pour souligner que le projet vise la promotion économique et touristique du Jura et de l'Ajoie en particulier, que le Centre Safety Car pourrait devenir le pôle de compétences romand, voire national, dans les différents domaines de la formation et la sécurité routière et qu'il est au final destiné à un large public qui dépasse les frontières nationales et internationales. Dans le même sens, il n'est pas inutile de rappeler que le promoteur a examiné dix-huit endroits susceptibles d'accueillir le centre Safety Car sur l'ensemble du territoire cantonal avant de jeter son dévolu sur le site "Sur la Charmille", le circuit n'étant pas, de prime abord, lié spécialement à cet emplacement. Il est dès lors insatisfaisant que le sort d'un projet d'une telle portée soit dans les mains d'une commune de 553 habitants (dont 425 électeurs) et que l'ensemble de la population et des communes de la région, également concerné, ne soit pas appelé à participer.
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Enfin, sur le plan organisationnel, un circuit d'une telle ampleur nécessite une coordination importante entre plusieurs intérêts divergents (protection de la nature et de l'environnement, utilisation judicieuse et mesurée du sol, respect du contingent de SDA, sécurité et formation routière, développement économique et touristique de la région, etc.). Aux yeux des Offices fédéraux qui se sont déterminés, la pesée
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BGE 137 II, 254 (265)des intérêts effectuée en l'espèce par le SAT puis le Tribunal cantonal est insuffisante ou en tous les cas problématique, notamment s'agissant de l'emplacement du site (empiètement sur les meilleures terres agricoles, éloignement des centres urbains, pas d'emplacement de rechange proposé, etc.), de la nécessité du circuit ainsi que de la protection du paysage, de la nature et des eaux souterraines. Les critiques soulevées par les Offices fédéraux, qui apparaissent pertinentes, confirment que la complexité du projet requiert une coordination large et approfondie et qu'une planification au niveau communal est manifestement insuffisante.
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En conclusion, le projet litigieux aurait dû être abordé dans le processus de la planification directrice. Le plan directeur cantonal, qui ne comporte aucune indication précise sur l'ampleur et la localisation de ce genre d'installations, est lacunaire. Partant, le plan d'affectation "Sur la Charmille" contrevient au principe de la réserve du plan et n'est pas conforme au droit fédéral de l'aménagement du territoire. Il ne se justifie pas en l'occurrence de s'écarter du plan directeur, dans la mesure où il ne s'agit pas d'un "petit écart" et que seul un nouvel examen global et complet permettrait d'assurer une coordination efficace. Il appartient dès lors au canton du Jura de procéder à une adaptation de son plan directeur, en vertu de l'art. 9 al. 2 LAT.
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