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Informationen zum Dokument  BGE 95 II 582  Materielle Begründung
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Regeste
Sachverhalt
Considérant en droit:
1. En matière de responsabilité civile du dé ...
2. L'art. 100 LAMA ne précise pas comment le montant des p ...
3. En l'espèce, la responsabilité civile d'Alfred R ...
4. Aussi longtemps que le dommage résultant de l'atteinte  ...
5. Le 20 février 1960, dans son arrêt Hirschberg c.  ...
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78. Arrêt de la Ire Cour civile du 11 mars 1969 dans la cause Lloyd's Underwriters contre Chaboudez.
 
 
Regeste
 
Kapitalisierung einer lebenslänglichen Rente. Art. 46 OR, 88 SVG, 100 KUVG.  
 
Sachverhalt
 
BGE 95 II, 582 (582)A.- Le 10 avril 1961, Joseph Chaboudez, né en 1901, se rendait à bicyclette de Cornol à Courgenay. Il roulait à l'extrême droite de la chaussée. Il fut renversé par une voiture automobile que conduisait son détenteur Alfred Rothenbühler. Celui-ci était pris de boisson. Depuis lors, Joseph Chaboudez est affecté d'une incapacité de travail totale et permanente.
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BGE 95 II, 582 (583)La Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (ci-après: la Caisse nationale) sert à Joseph Chaboudez une rente d'invalidité viagère de 5521 fr. 60 par année, qui correspond au 70% d'un gain annuel de 7888 fr.
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Par jugement du 21 février 1962, le Président I du Tribunal du district de Porrentruy a condamné Alfred Rothenbühler à dix mois d'emprisonnement et 100 fr. d'amende pour entrave à la circulation publique, ivresse au volant et lésions corporelles par négligence. Il a alloué à Joseph Chaboudez des dommagesintérêts à raison de 46 601 fr. 50. Cette somme comprend une indemnité pour tort moral de 10 000 fr. et une indemnité pour perte de gain de 28 396 fr. 80, correspondant à la différence entre la perte de gain annuelle et la rente de la Caisse nationale, différence capitalisée selon les tables de mortalité de STAUFFER et SCHAETZLE.
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Rothenbühler est décédé le lendemain du jugement. La succession a été répudiée. Joseph Chaboudez a reçu un acte de défaut de biens.
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B.- Le 13 janvier 1968, Joseph Chaboudez a intenté aux Lloyd's Underwriters, qui assuraient Alfred Rothenbühler contre les conséquences de la responsabilité civile qu'il assumait en sa qualité de détenteur de la voiture impliquée dans l'accident, une action en paiement de 30 452 fr. 90 avec intérêt à 5% dès le 26 décembre 1961.
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Les défendeurs ont conclu au rejet de la demande. Ils prétendaient qu'en payant au demandeur une somme de 17 000 fr., ils s'étaient libérés de toutes leurs obligations à son égard.
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Statuant le 23 juillet 1968, la Deuxième Chambre civile de la Cour d'appel du canton de Berne a condamné les défendeurs à payer au demandeur, après déduction des versements déjà opérés par l'assureur en responsabilité civile et des prestations de la Caisse nationale, les indemnités suivantes:
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1) Dommages divers et tort moral, en capital
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et intérêts Fr. 3 070,30
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2) Incapacité de travail temporaire Fr. 834,90
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3) " " " " Fr. 15 973,20
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4) Incapacité de travail permanente dès le jour
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du jugement Fr. 12 300.--
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Fr. 32 178.40
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Pour calculer le dommage résultant de l'incapacité de travail BGE 95 II, 582 (584)permanente, la cour cantonale a capitalisé au jour de son jugement la perte de gain annuelle fixée à 7888 fr., selon la table d'activité no 1 de STAUFFER et SCHAETZLE, qui donne pour un homme âgé de 67 ans un coefficient de 5,22; elle a obtenu ainsi un capital correspondant à la perte de gain brut de 7888 fr. X 5,22 = 41 175 fr. 36. De ce montant, la juridiction bernoise a déduit la valeur des prestations de la Caisse nationale, capitalisées selon la même table d'activité, à savoir 41 175 fr. 36 x 70% = 28 822 fr. 75.
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La perte de gain nette a été ainsi fixée à Fr. 41 175.36
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Fr. 28 822.75
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Fr. 12 352.61
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montant arrondi à 12 300 fr.
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C.- Contre cet arrêt, les Lloyd's Underwriters recourent en réforme au Tribunal fédéral. Ils concluent à la suppression de l'indemnité de 12 300 fr. allouée à l'intimé. A leur avis, la juridiction cantonale aurait dû capitaliser la rente servie par la Caisse nationale d'après la table de mortalité no 7 de STAUFFER et SCHAETZLE. La valeur de cette rente au jour du jugement cantonal s'élèverait ainsi à
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7888 fr. x 70 / 100 x 9,17 = 50 633 fr.
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Elle serait donc supérieure à l'indemnité de 41 175 fr. due en vertu du droit civil.
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D.- L'intimé Joseph Chaboudez conclut au rejet du recours.
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Considérant en droit:
 
1. En matière de responsabilité civile du détenteur d'un véhicule automobile, l'art. 80 LCR permet en principe aux personnes assurées auprès de la Caisse nationale de faire valoir les prétentions découlant de la loi précitée, mais réserve le droit de recours de l'établissement, prévu par l'art. 100 LAMA. Selon cette disposition, la Caisse nationale est subrogée, pour le montant de ses prestations, aux droits de l'assuré ou des survivants contre tout tiers responsable de l'accident. Dans cette mesure, la victime ne peut donc pas réclamer la réparation de son préjudice à celui qui en répond civilement (RO 85 II 258, consid. 1 principio). Cependant, lorsqu'un lésé n'est pas couvert complètement par des prestations d'assurance, son assureur ne peut exercer son droit de recours contre la personne civilement BGE 95 II, 582 (585)responsable ou contre l'assureur de la responsabilité civile de cette personne "que si le lésé n'en subit aucun préjudice" (art. 88 LCR).
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2. L'art. 100 LAMA ne précise pas comment le montant des prestations de la Caisse nationale doit être calculé en vue de son imputation sur l'indemnité due au lésé conformément au droit de la responsabilité civile. Aussi bien, la jurisprudence touchant l'interprétation de cette disposition légale a-t-elle connu plusieurs états successifs. Jusqu'en 1928, le Tribunal fédéral a admis une subrogation globale avec priorité absolue en faveur de la Caisse nationale; il se bornait ainsi à additionner les divers articles qui composaient les dommagesintérêts dus par le responsable, en soustrayait les prestations de la Caisse nationale et n'allouait que le reste à l'ayant droit (RO 49 II 371; 51 II 520, consid. 1; 53 II 180 et 501). Il a cependant amendé cette jurisprudence par son arrêt Wyder et Wey du 12 décembre 1928 (RO 54 II 464), restreignant la subrogation aux éléments du dommage de même espèce que ceux pour lesquels la Caisse nationale fournissait des prestations. Par la suite, il a de plus admis que la subrogation n'intervient, même pour un élément de dommage couvert par la Caisse nationale, que pour la seule part assurée de cet élément; il a aussi jugé que lorsque l'indemnité est réduite en vertu des art. 43 et 44 CO ou de dispositions analogues de lois spéciales, les droits de la Caisse nationale sont réduits dans la même proportion (RO 58 II 230; 60 II 36 et 157; 63 II 345; 64 II 426). Enfin, dans son arrêt Berra et consorts c. Cirlini, du 28 septembre 1959 (RO 85 II 256), il a abandonné le principe posé précédemment et selon lequel la subrogation de la Caisse nationale n'a lieu, pour chaque élément du dommage qu'elle assure, que dans la mesure où le tiers responsable doit réparation selon le droit civil (réduction proportionnelle). Depuis lors, il s'est plusieurs fois prononcé dans le même sens (v. par exemple: RO 86 II 154; 88 II 111; 90 II 79 et 186).
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Dans son arrêt Caisse nationale c. Winterthur-Accidents, du 11 octobre 1967 (RO 93 II 407), le Tribunal fédéral a rappelé qu'en élaborant la disposition nouvelle de l'art. 88 LCR, le législateur avait visé le second état de cette jurisprudence, à savoir les principes selon lesquels la subrogation n'avait lieu que pour les éléments du dommage assurés et seulement dans la mesure où le dommage était couvert de par le droit civil BGE 95 II, 582 (586)(RO 93 II 416). Il a jugé que le lésé, ayant droit d'une assurance, qui actionne le tiers responsable ou l'assureur de celui-ci et se trouve en concours avec son propre assureur agissant par subrogation, doit être payé par préférence jusqu'à concurrence du dommage effectif total, même en cas de faute concurrente, légère ou grave, de la victime; son assureur ne pourra exercer de recours que si et dans la mesure où la somme des prestations qu'il a fournies et des dommages-intérêts dus par le tiers responsable excède le montant du dommage effectif.
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Au terme des motifs de cet arrêt, la cour a déclaré (RO 93 II 423 s., consid. 6 in fine): "Cette règle, qui marque une nouvelle tendance dans la conception des droits qui résultent, pour le lésé, du concours d'actions, concerne les cas où la responsabilité civile relève de la loi sur la circulation routière. Les autres cas demeurent soumis aux principes qui régissent en général la subrogation de l'assureur. Dans cette mesure, le présent arrêt ne concerne pas directement l'interprétation de ces règles, en particulier celle que l'arrêt Berra et Assurance mutuelle vaudoise c. Cirlini (précité: RO 85 II 256) a donnée de l'art. 100 LAMA et que la cour de céans se réserve d'examiner à nouveau s'il y a lieu."
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La cour cantonale a estimé cependant que les considérants de l'arrêt Caisse nationale c. Winterthur-Accidents justifiaient un nouvel examen de l'étendue de la subrogation instituée par l'art. 100 LAMA, lorsque l'établissement sert une rente viagère à l'invalide qui obtient du tiers responsable une indemnité égale à la valeur actuelle, capitalisée selon les tables d'activité, du gain futur qu'il perd ensuite de son incapacité de travail permanente. Le jugement attaqué admet la subrogation à concurrence de la valeur actuelle de la rente de la Caisse nationale, capitalisée non pas selon les tables de mortalité, mais selon les tables d'activité. Il en résulte une diminution de la somme que l'établissement peut se faire rembourser par le tiers responsable BGE 95 II, 582 (587)ou son assureur, en vertu de la subrogation prévue à l'art. 100 LAMA. De leur côté, le tiers responsable ou son assureur doivent verser au lésé le solde de l'indemnité fixée en vertu du droit civil, après déduction des prestations de la Caisse nationale dans la mesure où celle-ci bénéficie de la subrogation. Mais pour eux, la somme des prestations à fournir demeure la même. En revanche, la capitalisation selon les tables d'activité de la rente viagère servie par la Caisse nationale réduit le droit de recours de cet établissement. Elle procure ainsi un avantage au lésé qui, arrivé à la fin de sa période d'activité probable, continue à recevoir la rente de la Caisse nationale, sans qu'elle ait été imputée sur l'indemnité qu'il a obtenue en vertu du droit civil.
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4. Aussi longtemps que le dommage résultant de l'atteinte portée à l'avenir économique de la victime, en cas de lésions corporelles (art. 46 CO), ou de la perte de soutien, en cas de mort d'homme (art. 45 al. 3 CO), était calculé en fonction de la durée de vie probable de la personne tuée ou blessée (capitalisation d'après les tables de mortalité), la question de l'imputation de la valeur actuelle de la rente servie par la Caisse nationale ne présentait pas de difficulté quant au mode de capitalisation. Il n'existait pas alors de tables d'activité, ou du moins on ne les appliquait pas encore en matière de responsabilité civile. La valeur actuelle de la perte de gain future ou de la perte de soutien futur et la valeur actuelle de la rente de la Caisse nationale étaient calculées toutes deux sur la base des tables de mortalité. Tout au plus le Tribunal fédéral tenait-il compte de la durée probable de l'activité de la victime si des éléments concrets lui permettaient de l'estimer; il diminuait parfois l'indemnité en considération du fait que la capacité de travail de la personne tuée ou blessée aurait baissé avec l'âge (RO 52 II 102), mais il refusait de faire des réductions schématiques tant qu'on ne disposait pas, en Suisse, de tables de probabilité sérieuses au sujet de la durée de l'activité des individus (RO 55 II 147, 60 II 47, 61 II 132, 65 II 234).
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En 1948, STAUFFER et SCHAETZLE ont publié des "Barwerttafeln für das Schadenersatzrecht" qui comprenaient des tables d'activité fondées sur des statistiques suédoises. Le Tribunal fédéral n'a pas appliqué immédiatement ces tables, mais il a opéré par appréciation des réductions sur les dommages-intérêts, lorsque la victime, dans le cours ordinaire des choses, BGE 95 II, 582 (588)aurait dû diminuer ou cesser son activité professionnelle avant la date présumée de son décès. Puis, dans son arrêt du 8 février 1955 en la cause Lauper c. Ed. Laurens "Le Khédive" SA (RO 81 II 38), il a pris la moyenne entre les chiffres fournis par les tables de longévité (ou mortalité) et ceux qui ressortaient des tables d'activité de STAUFFER et SCHAETZLE. De la valeur actuelle de la rente ainsi calculée, il a déduit, en vertu de l'art. 100 LAMA, la valeur actuelle de la rente de la Caisse nationale, qui n'est fonction que de la vie probable du bénéficiaire, en capitalisant cette rente selon les tables de mortalité.
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Ainsi, la Caisse nationale se trouvait subrogée dans les droits de la victime même pour des prestations qu'elle devait servir seulement après le moment où cette victime aurait cessé son activité professionnelle. A cette objection, MAURER (Zum Regressrecht der schweizerischen Unfallversicherungsanstalt, Schweizerische Zeitschrift für Sozialversicherung, 1957, p. 215 ss., 225) a répondu que le texte de l'art. 100 LAMA ne subordonnait pas le droit de recours de la Caisse nationale à la condition que ses prestations fussent servies pour une période durant laquelle une indemnité est due selon les règles de la responsabilité civile. Pour cet auteur, l'art. 100 LAMA n'exclut pas que les prestations de la Caisse nationale soient imputées intégralement sur les dommages-intérêts de la même catégorie (loc. cit.).
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L'arrêt Lauper c. Laurens a été confirmé à cet égard par l'arrêt Cirlini, du 28 septembre 1959, déjà cité (RO 85 II 256).
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A nouvel examen, ce mode de faire ne peut pas être maintenu. L'art. 100 LAMA dispose que la Caisse nationale "est subrogée, pour le montant de ses prestations, aux droits de l'assuré ou des survivants". Cette subrogation a pour objet les droits BGE 95 II, 582 (589)du lésé contre le tiers civilement responsable de l'accident. Elle ne peut s'appliquer, en cas de lésions corporelles qui portent atteinte à l'avenir économique de la victime (art. 46 CO), qu'au dommage dont le lésé est fondé à demander la réparation en vertu des règles de la responsabilité civile. Du moment que la jurisprudence actuelle limite ce droit à la durée probable de l'activité professionnelle, la subrogation ne peut viser que la rente servie par la Caisse nationale durant cette période-là. Si le législateur avait voulu conférer à la Caisse nationale le droit de réclamer au tiers responsable des prestations servies au-delà de la durée probable de l'activité professionnelle (et partant empêcher le lésé d'articuler une pareille réclamation), il aurait dû rédiger la disposition d'une autre manière. La tournure "... pour le montant de ses prestations ..." assigne une limite à la subrogation, en raison du fait que la Caisse nationale ne verse pas à la victime d'un accident ou à ses survivants de pleins dommages-intérêts, mais seulement une indemnité de chômage dès le troisième jour après l'accident et à concurrence de 80% du salaire (art. 74 LAMA), puis une rente d'invalidité fixée à 70% du gain annuel (art. 77 LAMA) ou des rentes de survivants qui sont également fixées en pour-cent du gain annuel de l'assuré (art. 84 ss. LAMA). Le législateur n'a sans doute pas songé, lorsqu'il a édicté l'art. 100 LAMA, aux modes de capitalisation des rentes périodiques. A défaut d'une disposition légale qui ordonne expressément le contraire, on ne saurait étendre la subrogation en faveur de la Caisse nationale à des prestations dont l'assuré ne peut pas réclamer l'équivalent au tiers civilement responsable de l'accident.
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Commandée par l'interprétation littérale de l'art. 100 LAMA, cette solution est conforme à la tendance de l'arrêt Caisse nationale c. Winterthur-Accidents, lequel est fondé sur l'art. 88 LCR (RO 93 II 423, consid. 6 in fine). Elle s'accorde aussi à la nature et au but des prestations servies par un établissement d'assurance sociale, qui sont définies par le droit public et ne tendent pas simplement à réparer un dommage selon les règles de la responsabilité civile (cf. MAURER, Recht und Praxis der schweizerischen obligatorischen Unfallversicherung, 2e éd., Berne 1963, p. 345).
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Dès lors, c'est avec raison que la cour cantonale a capitalisé la rente viagère de la Caisse nationale selon les tables d'activité de STAUFFER et SCHAETZLE, puis imputé la valeur ainsi obtenue BGE 95 II, 582 (590)sur la valeur capitalisée - selon les mêmes tables d'activité - de la perte de gain future, conformément à l'art. 100 LAMA tel qu'il doit être interprété et appliqué en la matière, et qu'elle a alloué à l'intimé, victime de lésions corporelles qui ont entraîné une invalidité permanente, la différence entre ces deux valeurs capitalisées, différence qui représente la partie du dommage non couverte par les prestations de la Caisse nationale.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
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Rejette le recours et confirme le jugement rendu le 23 juillet 1968 par la Deuxième Chambre de la Cour d'appel du canton de Berne.
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