BGE 142 IV 137
 
21. Extrait de l'arrêt de la Cour de droit pénal dans la cause X. contre Ministère public de la République et canton de Genève (recours en matière pénale)
 
6B_165/2015 du 1er juin 2016
 
Regeste
Art. 90 Abs. 3 und 4 SVG; qualifiziert grobe Verkehrsregelverletzung; besonders krasse Missachtung der zulässigen Höchstgeschwindigkeit; subjektive Voraussetzungen.
 
Sachverhalt


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A. Par jugement du 7 octobre 2014, le Tribunal de police de la République et canton de Genève a reconnu X. coupable de violation grave qualifiée des règles de la circulation routière au sens de l'art. 90 al. 3 et 4 let. b de la loi fédérale du 19 décembre 1958 sur la circulation routière (LCR; RS 741.01) et l'a condamné à une peine privative de liberté d'un an, avec sursis durant deux ans.
B. Par arrêt du 13 janvier 2015, la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice de la République et canton de Genève a rejeté l'appel formé par X. et a confirmé le jugement de première instance.
En substance, il est reproché à X. d'avoir, le dimanche 16 juin 2013 à 12h05, circulé sur la route de Thonon à la hauteur du n° 232, en direction de Genève, à la vitesse de 110 km/h alors que la vitesse était limitée à 50 km/h sur ce tronçon, commettant ainsi un dépassement de la vitesse autorisée de 54 km/h après déduction de la marge de sécurité de 6 km/h.
C. X. forme un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral contre la décision cantonale et conclut principalement à sa réforme en ce sens qu'il est reconnu coupable de violation grave des règles de la circulation routière au sens de l'art. 90 al. 2 LCR et condamné à

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une peine pécuniaire de 60 jours-amende à 200 francs. Subsidiairement, il conclut au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
Invités à se déterminer sur le recours, la cour cantonale a renoncé à formuler des observations en se référant à son arrêt, cependant que le Ministère public a conclu au rejet du recours.
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.
 
Extrait des considérants:
Par ailleurs, la cour cantonale a relevé que le recourant ne pouvait croire que la vitesse admise était de 80 km/h sur le tronçon en question, vitesse au demeurant largement dépassée, du seul fait de son emplacement hors localité. Rien n'indiquait par exemple que la signalisation était peu claire ou que d'autres éléments induisaient en erreur les conducteurs. Une éventuelle erreur sur les faits était dès lors inenvisageable.
 
Erwägung 3
A teneur de l'art. 90 al. 4 LCR, l'al. 3 est toujours applicable lorsque la vitesse maximale autorisée a été dépassée: d'au moins 40 km/h, là où la limite était fixée à 30 km/h (let. a); d'au moins 50 km/h, là où la limite était fixée à 50 km/h (let. b); d'au moins 60 km/h, là où la limite était fixée à 80 km/h (let. c); d'au moins 80 km/h, là où la limite était fixée à plus de 80 km/h (let. d).


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3.2 L'art. 90 al. 3 et 4 LCR, entré en vigueur le 1er janvier 2013, consacre une troisième catégorie d'infraction aux règles de la circulation routière sous la forme d'un crime (cf. l'art. 90 al. 1 LCR constituant une contravention et l'art. 90 al. 2 LCR un délit).
Agit intentionnellement quiconque commet un crime ou un délit avec conscience et volonté. L'auteur agit déjà intentionnellement lorsqu'il tient pour possible la réalisation de l'infraction et l'accepte au cas où celle-ci se produirait (art. 12 al. 2 CP).
En l'espèce, la réalisation des éléments objectifs de l'infraction à l'art. 90 al. 3 et 4 let. b LCR n'est pas contestée. La question est de savoir si l'infraction est systématiquement réalisée sur le plan subjectif lorsque l'un des seuils de dépassement de vitesse fixés par l'art. 90 al. 4 LCR est atteint.


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5.1 Selon les arrêts publiés aux ATF 140 IV 133 et ATF 139 IV 250, l'art. 90 al. 4 LCR énumère, pour chaque cas, les dépassements de la vitesse maximale autorisée qui sont toujours ("in jedem Fall") sanctionnés en application de l'al. 3 (ATF 140 IV 133 consid. 3.2 p. 136; ATF 139 IV 250 consid. 2.3.1 p. 253). Développant la question du séquestre confiscatoire du véhicule automobile à la suite d'une telle infraction, l'arrêt publié aux ATF 140 IV 133 retient que, par son texte et sa définition, l'art. 90 al. 3 (en lien avec l'al. 4) LCR part de l'idée ("geht davon aus") que les violations graves qualifiées fondent "toujours" une violation particulièrement importante et intentionnelle de règles fondamentales de la circulation, par laquelle le conducteur accepte de courir un grand risque d'accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort (ATF 140 IV 133 consid. 4.2.1 p. 138).
Si ces arrêts, rendus en matière de séquestre confiscatoire, suggèrent que les conditions d'application objectives et subjectives de l'art. 90 al. 3 LCR sont en principe réalisées lors d'un excès de vitesse qualifié au sens de l'al. 4, ils ne font pas état d'une présomption légale irréfragable et n'excluent pas définitivement l'examen, par le juge du fond, de l'aspect subjectif de l'infraction.
5.2 L'arrêt 1C_397/2014 du 20 novembre 2014, relatif à la durée de retrait du permis (cf. art. 16c al. 2 let. abis LCR), n'a pas été publié et a fait l'objet de vives critiques au sein de la doctrine (cf. infra consid. 10). Alors que, dans cette affaire, le recourant avait été condamné par le ministère public du chef de violation grave des règles de la circulation routière (art. 90 al. 2 LCR), la question de la durée du retrait du permis a été examinée sur la base d'une violation grave qualifiée au sens de l'art. 90 al. 3 et 4 LCR. A teneur de cet arrêt, l'art. 90 al. 4 LCR fonde une présomption légale irréfragable selon laquelle, les excès de vitesse particulièrement importants en vertu des let. a-d constituent des violations graves qualifiées au sens de l'art. 90 al. 3 LCR ("l'al. 3 est toujours applicable lorsque..."). Ainsi, lorsqu'un excès de vitesse tombe sous le coup du "délit de chauffard" de l'art. 90 al. 4 LCR, il y a lieu de considérer, compte tenu de la présomption légale, que l'excès a été commis intentionnellement et qu'il a créé un grand risque d'accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort. Dans un tel cas de figure, il n'y a pas de place pour une évaluation du risque au cas par cas, permettant de retenir un délit au sens de l'art. 90 al. 2 LCR (arrêt 1C_397/2014 du 20 novembre 2014 consid. 2.4.1). Relevant qu'une catégorisation

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générale par des seuils de dépassement de vitesse fixes a, de par sa nature, quelque chose de hasardeux, l'arrêt rappelle que le Tribunal fédéral est tenu d'appliquer les lois fédérales en vertu de l'art. 190 Cst. (arrêt précité, consid. 2.4.2).
Les considérants de cet arrêt non publié, au demeurant isolé, méritent d'être réexaminés à la lumière d'une analyse approfondie de l'art. 90 al. 3 et 4 LCR.
 
Erwägung 6
Alors que la version allemande du texte laisse entendre que les conditions de l'infraction visée par l'art. 90 al. 3 LCR sont réalisées ("erfüllt") lors d'un dépassement de vitesse atteignant les valeurs de l'al. 4, les versions française et italienne prévoient que l'al. 3 est applicable ("applicabile"), sans pour autant déterminer si les conditions objectives et subjectives sont effectivement réalisées dans un tel cas de figure. Par ailleurs, l'expression "que ce soit en" ("namentlich durch", "segnatamente attraverso"), ne permet pas de savoir si le comportement objectif consistant à commettre un excès de vitesse particulièrement important au sens de l'al. 4 réalise, à lui seul, l'aspect subjectif de l'infraction.
Si l'on comprend sans ambiguïté du texte légal que l'atteinte de l'un des seuils énumérés à l'al. 4 constitue toujours un cas d'excès de vitesse particulièrement important au sens de l'art. 90 al. 3 LCR, le libellé de l'al. 4 n'est pas absolument clair s'agissant des autres conditions de réalisation de l'infraction.
6.2 D'après la jurisprudence, la loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre. Il n'y a lieu de déroger au sens littéral d'un texte clair par voie d'interprétation que lorsque des raisons objectives permettent de penser que ce texte ne restitue pas le sens véritable de la disposition en cause. Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments

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à considérer, soit notamment des travaux préparatoires, du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales. Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d'interprétation, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme; en particulier, il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s'il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 139 V 250 consid. 4.1 p. 254 et les références citées). Si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de choisir celle qui est conforme à la Constitution (cf. ATF 139 V 307 consid. 6.3 p. 315; ATF 136 II 149 consid. 3 p. 154).
7.1 Le projet de mise en oeuvre du programme Via sicura ne prévoyait pas expressément une troisième catégorie d'infraction à la LCR (cf. Message du 20 octobre 2010 concernant Via sicura, le programme d'action de la Confédération visant à renforcer la sécurité routière, FF 2010 7703 ss). C'est le Conseil des Etats, en se ralliant à la proposition de sa commission, laquelle s'est inspirée du projet de l'initiative populaire "Protection contre les chauffards" (cf. Message du 9 mai 2012 concernant l'initiative populaire "Protection contre les chauffards", FF 2012 5057 ss), qui a décidé de renforcer les sanctions encourues par les conducteurs coupables d'une violation grave qualifiée des règles de la circulation, communément appelée "délit de chauffard" (cf. art. 90 al. 2bis et 2ter de la proposition adoptée par le Conseil des Etats). Le Conseil national a suivi, par 132 voix contre 37, la décision du Conseil des Etats d'aggraver les sanctions en cas de violation intentionnelle des règles élémentaires de la circulation en prévoyant une peine privative de liberté de un à quatre ans (cf. BO 2011 CE 679; BO 2011 CN 2152; cf. également L'Assemblée fédérale, Curia Vista - Note de synthèse du Parlement: Via sicura, Renforcer la sécurité routière, n° 10.092; www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/legislaturrueckblick?AffairId=20100092).
7.2 Si les travaux parlementaires n'évoquent pas expressément le lien entre le dépassement d'un seuil fixé par l'art. 90 al. 4 LCR et les conditions subjectives de l'art. 90 al. 3 LCR, l'on relève toutefois une volonté d'interpréter ces dispositions de manière restrictive au vu des importantes conséquences pénales souhaitées par le

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peuple (BO 2011 CE 679, remarque de la Conseillère fédérale Doris Leuthard: "Man muss sich hier schon auf die krasse Missachtung der zulässigen Höchstgeschwindigkeiten beschränken, denn die Folgen sind [...] massiv. Die massiven Folgen sind, denke ich, in derBevölkerung gewünscht, aber man muss sie sehr stark eingrenzen können."). A teneur des débats parlementaires, l'art. 90 al. 4 LCR (art. 90 al. 2ter du projet) a pour but de définir les seuils de dépassement de vitesse et à partir de quel moment l'auteur entre dans la catégorie de chauffard en atteignant un de ceux-ci (BO 2011 CN 2152, remarque de la Conseillère fédérale Doris Leuthard: "In Absatz 2ter ist dann definiert, welches die zulässige Höchstgeschwindigkeit ist und ab wann man, wenn sie überschritten wird, in die Kategorie der Raser fällt.").
A teneur du projet de l'initiative (projet d'art. 123c al. 1 Cst.), "Toute personne qui, en enfreignant intentionnellement les règles élémentaires de la circulation, s'est accommodée d'un fort risque d'accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort, que ce soit en commettant des excès de vitesse particulièrement importants, en effectuant des dépassements téméraires ou en participant à des courses de vitesse illicites avec des véhicules à moteur, est un chauffard passible d'une peine privative de liberté d'une durée comprise entre un et quatre ans. Par excès de vitesse particulièrement importants on entend en tout cas les dépassements de la limite autorisée d'au moins 40 km/h dans les zones où la vitesse maximale autorisée est fixée à 30 km/h, d'au moins 50 km/h à l'intérieur des localités, d'au moins 60 km/h à l'extérieur des localités et d'au moins 80 km/h sur les autoroutes."
Le projet de l'initiative prévoyait ainsi une définition du délit de chauffard (cf. actuel art. 90 al. 3 LCR), puis précisait la notion d'"excès de vitesse particulièrement importants" en présentant une liste exemplative de seuils de dépassements considérés comme tels (cf. projet d'art. 123c Cst.; FF 2012 5059 ch. 1.1). A la lumière de cette initiative populaire, l'actuel art. 90 al. 4 LCR - qui diffère dans une

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moindre mesure du projet d'art. 123c al. 1, 2e phrase, Cst. - constitue une définition exemplative de la notion d'"excès de vitesse particulièrement importants" au sens de l'al. 3. Un doute demeure s'agissant de savoir si ce seul excès fait du conducteur un chauffard passible d'une peine privative de liberté de un à quatre ans ou si l'examen de l'aspect subjectif est nécessaire.
Lorsqu'il décrit les buts visés par l'initiative, le Conseil fédéral déclare que "les excès de vitesse particulièrement importants doivent être systématiquement considérés comme une infraction pénale qualifiée afin que la définition d'un chauffard et la peine à prononcer en conséquence ne soient pas laissées à la seule appréciation des juges" (FF 2012 5066 ch. 3.1). Dans son commentaire et interprétation du texte de l'initiative, le Conseil fédéral indique que les conducteurs "doivent avoir la volonté de violer les règles élémentaires de la circulation et de risquer de commettre un accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort, ou du moins accepter ce résultat, c'est-à-dire s'en accommoder même s'ils ne le souhaitent pas." (FF 2012 5067 ch. 3.3).
8. Du point de vue systématique, il sied de relever que l'art. 90 al. 3 LCR limite expressément la punissabilité à l'intention, ce en dérogation à l'art. 100 ch. 1, 1ère phrase, LCR. Quant à l'art. 90 al. 4 LCR, il ne contient ni énoncé de fait légal ni sanction et dépend dès lors directement de l'al. 3. Dans la mesure où l'al. 4 ne saurait trouver application de manière autonome, une lecture globale de l'art. 90 al. 3 et 4 LCR s'impose. Dans ce sens, HANS GIGER qualifie l'art. 90 al. 3 LCR de norme principale contenant tant une clause générale que des conditions subjectives et voit dans l'art. 90 al. 4 LCR une norme subordonnée concrétisant un cas d'application de l'al. 3, sans toutefois

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contenir de condition subjective (HANS GIGER, SVG, Kommentar, 8e éd. 2014, nos 39 s. ad art. 90 LCR [ci-après: Kommentar]; le même, Zur Entemotionalisierung der Raserproblematik: Kritik an der verfehlten Neuregelung in der Strassenverkehrsgesetzgebung, Jusletter 4 mars 2013 n° 23 [ci-après: Jusletter]).
Cette interdépendance des normes plaide en faveur d'un examen des conditions subjectives dans chaque cas de figure mentionné de manière exemplative à l'al. 3 (notamment le dépassement de vitesse particulièrement important au sens de l'al. 4) comme pour les autres comportements susceptibles d'être couverts par la disposition, ce à l'instar des autres infractions intentionnelles de la LCR (art. 100 ch. 1, 1ère phrase, LCR a contrario).
8.1 Par ailleurs, si l'art. 90 al. 4 LCR dépend de l'al. 3, il n'est pas exclu que l'al. 3 trouve application de manière autonome lors d'un dépassement de vitesse important inférieur aux valeurs indicatives de l'al. 4. Dans ce sens, certains auteurs estiment qu'un tel dépassement peut, selon les circonstances, constituer une violation grave qualifiée des règles de la circulation en vertu de l'art. 90 al. 3 LCR (CÉDRIC MIZEL, Le délit de chauffard et sa répression pénale et administrative, PJA 2013 p. 189, 196, lequel, pour illustrer son propos, mentionne l'exemple d'un excès de vitesse de 40 km/h sur un tronçon limité à 50 km/h à la pause de midi, devant une école, à proximité d'un bus scolaire d'où descendent des enfants en courant; JÜRG BOLL, Verkehrsstrafrecht nach der Via Sicura, Circulation routière 4/2014 p. 7).
Cela étant, il n'y a pas de raison qu'un conducteur commettant un dépassement de vitesse particulièrement important appréhendé par l'al. 4 soit traité différemment, sous l'angle de l'intention, que celui commettant un excès de vitesse particulièrement dangereux du point de vue des circonstances ou un dépassement téméraire au sens de l'al. 3.
9. Le but du programme d'action de la Confédération Via sicura est de renforcer la sécurité routière, notamment en mettant en place des

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mesures répressives en cas de délits commis par les chauffards et d'autres délits graves (cf. Message du 20 octobre 2010, op. cit., FF 2010 7703 ss). Pour ce faire, l'art. 90 al. 3 et 4 LCR vise à punir sévèrement les chauffards, en particulier en cas d'excès de vitesse qualifié, en limitant le pouvoir d'appréciation du juge (cf. Message du 9 mai 2012, op. cit., FF 2012 5057 ss; projet d'art. 123c Cst.; WOHLERS/COHEN, Verschärfte Sanktionen bei Tempoexzessen und sonstigen "elementaren" Verkehrsregelverletzungen, Circulation routière 4/2013 p. 6). Dans la mesure où l'art. 90 al. 3 et 4 constitue une infraction pénale, les conditions de punissabilité doivent être réalisées, en particulier sous l'angle de la culpabilité, les dispositions générales du CP étant applicables à défaut de prescriptions contraires de la LCR (cf. art. 102 al. 1 LCR). Cela étant, l'art. 90 al. 4 LCR doit être interprété conformément aux principes généraux du droit pénal.
9.1 L'art. 90 al. 3 et 4 LCR érige au rang de crime la violation grave qualifiée intentionnelle d'une règle de la circulation routière en la punissant d'une peine privative de liberté de un à quatre ans. Le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur (art. 47 al. 1, 1re phrase, CP); la culpabilité étant déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP). Du point de vue subjectif, outre les motivations et les buts de l'auteur, l'intensité de sa volonté délictuelle doit être prise en compte (cf. ATF 141 IV 61 consid. 6.1.1 p. 66 s.). Or la détermination de l'intensité de la volonté délictuelle dépend du caractère intentionnel de l'acte. Aussi, la fixation de la peine dans le cadre légal fixé par l'art. 90 al. 3 et 4 LCR implique nécessairement l'examen des éléments subjectifs de l'infraction, la culpabilité étant une composante de la peine.


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9.3 Admettre que l'art. 90 al. 4 LCR pose une présomption irréfragable quant à la réalisation des conditions de l'al. 3, en particulier de ses aspects subjectifs, priverait le juge de l'examen de certaines composantes de la culpabilité et créerait un renversement automatique inadmissible du fardeau de la preuve. Dans un tel cas de figure, le justiciable serait alors privé de prouver son absence d'intention.
Par conséquent, tenant compte du but et de l'esprit de l'art. 90 al. 3 et 4 LCR ainsi que des valeurs dans lesquelles ces dispositions s'inscrivent, l'interprétation téléologique de la norme permet de retenir que, si l'art. 90 al. 4 LCR fonde une présomption de réalisation des conditions subjectives, celle-ci n'est pas irréfragable.
Une partie de la doctrine déduit de la formulation de l'art. 90 al. 4 LCR, qu'en cas de dépassement d'un des seuils énumérés aux let. a-d, seules les conditions objectives de l'art. 90 al. 3 LCR sont réalisées (WEISSENBERGER, op. cit., n° 164; WOHLERS/COHEN, op. cit., p. 9; MOREILLON, op. cit., p. 221; BOLL, op. cit., p. 6; JEANNERET, op. cit., p. 37 s., lequel fait état d'une présomption irréfragable). D'autres auteurs considèrent que l'art. 90 al. 4 let. a-d LCR énumère simplement les cas d'excès de vitesse particulièrement importants appréhendés par l'al. 3 (FIOLKA, Circulation routière, op. cit., p. 33; WIPRÄCHTIGER/WIRTH, op. cit., p. 38; BAUER/ABRAR, op. cit., n° 48; GIGER, Kommentar, op. cit., nos 39 ss ad art. 90 LCR; DÉLÈZE/DUTOIT, op. cit., p. 1212).
D'un avis isolé, CÉDRIC MIZEL considère que, par l'art. 90 al. 4 LCR, le législateur a prévu une présomption légale irréfragable selon laquelle l'al. 3 est toujours réalisé lorsque les seuils fixés aux let. a-d sont atteints, partant du principe qu'un tel dépassement ne peut être commis qu'intentionnellement (MIZEL, op. cit., p. 195, en référence à FF 2012 5066). Nuançant son approche, il précise toutefois que cette présomption ne fait pas obstacle à ce que, dans des cas a priori exceptionnels, le dol éventuel puisse être nié (MIZEL, op. cit., p. 196, avec référence aux arrêts 6B_109/2008 et 6B_622/2009 en lien avec la négligence grossière tirée de la jurisprudence relative à l'art. 90 al. 2 LCR). Ce faisant, il qualifie en réalité l'art. 90 al. 4 LCR de présomption exceptionnellement réfragable.
 
Erwägung 11
En effet, il faut considérer que l'atteinte d'un des seuils visés à l'art. 90 al. 4 LCR implique généralement l'impossibilité d'éviter un grand risque d'accident en cas d'obstacle ou de perte de maîtrise du véhicule. Cependant, compte tenu des résultats des différentes approches historique, systématique et téléologique, il ne peut être exclu que certains comportements soient susceptibles de réaliser les conditions objectives de la violation grave qualifiée des règles de la circulation routière sans toutefois relever de l'intention. Conformément à l'avis unanime de la doctrine, le juge doit conserver une marge de manoeuvre, certes restreinte, afin d'exclure, dans des constellations particulières, la réalisation des conditions subjectives lors d'un dépassement de vitesse particulièrement important au sens de l'art. 90 al. 4 LCR.
Partant, la jurisprudence publiée ayant trait aux conditions d'application de l'art. 90 al. 3 et 4 LCR est précisée dans le sens de ce qui précède.
Or l'intention ou la volonté, en tant que contenu de la pensée, relève du fait (ATF 135 IV 152 consid. 2.3.2 p. 156), de sorte que ces constatations lient la cour de céans (art. 105 al. 1 LTF). En se bornant à affirmer qu'aucun élément au dossier ne permettrait d'écarter sa version selon laquelle il n'avait pas vu la signalisation de limitation de vitesse, le recourant procède de manière purement appellatoire, partant irrecevable (art. 106 al. 2 LTF). Il échoue par ailleurs à démontrer l'arbitraire de la constatation cantonale. En circulant à 104 km/h (marge de sécurité réduite) sur un tronçon limité à 50 km/h, le recourant devait tenir pour possible le risque d'accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort et s'en est accommodé. Partant, faute de circonstance particulière permettant d'écarter la réalisation des aspects subjectifs de l'infraction, la condamnation du recourant du chef d'infraction grave qualifiée à la LCR en application de l'art. 90 al. 3 et 4 let. b LCR ne viole pas le droit fédéral. (...)