BGE 141 IV 1
 
1. Extrait de l'arrêt de la Cour de droit pénal dans la cause X. Sàrl contre Ministère public de la République et canton de Neuchâtel et A. (recours en matière pénale)
 
6B_261/2014 du 4 décembre 2014
 
Art. 81 Abs. 1 lit. a und b Ziff. 5 BGG; Legitimation der Privatklägerschaft zur Beschwerde in Strafsachen.
 
Art. 115 und 118 StPO; Art. 180, 181 und 325bis StGB; Geschädigteneigenschaft einer juristischen Person im Falle von Drohung, Nötigung und Widerhandlungen gegen die Bestimmungen zum Schutz der Mieter von Wohn- und Geschäftsräumen.
 
Eine juristische Person kann nach Art. 55 ZGB durch ihre Organe einen Willen bilden, diesen zum Ausdruck bringen und entsprechend handeln. Art. 181 und 325bis StGB schützen die freie Willensbildung und die freie Willensbetätigung. Eine juristische Person ist bei den Tatbeständen der Nötigung und der Widerhandlungen gegen die Bestimmungen zum Schutz der Mieter von Wohn- und Geschäftsräumen geschädigt, wenn sie in diesen Rechtsgütern beeinträchtigt ist (E. 3.3 und 3.4).
 
Sachverhalt


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A. Par ordonnance du 25 février 2013, le Ministère public neuchâtelois a refusé d'entrer en matière sur la plainte déposée par X. Sàrl pour menaces, contrainte, inobservation des prescriptions légales sur la protection des locataires de locaux commerciaux et utilisation abusive d'une installation de télécommunication.
B. Par arrêt du 3 février 2014, l'Autorité de recours en matière pénale du Tribunal cantonal neuchâtelois a rejeté le recours formé par X. Sàrl, mis les frais par 400 fr. à sa charge ainsi qu'une indemnité de dépens de 500 fr. en faveur de A.
En bref, il en ressort que X. Sàrl a déposé plainte pénale le 19 décembre 2011. Celle-ci a exposé avoir reçu un appel téléphonique le 14 décembre 2011. L'interlocuteur se serait présenté comme étant "Monsieur A.", aurait indiqué "être le propriétaire de la société B. SA" et aurait tenu les propos suivants "Si X. n'arrête pas de faire des histoires, on va les foutre dehors et vite. On en a marre ". Il aurait utilisé les termes "pulvériser X.", "anéantir X." et aurait ajouté "on a les moyens de le faire, on va vous foutre dehors très vite, vous avez avantage à annuler toutes les histoires que vous faites, sinon ça va mal aller pour vous et pour X., vous êtes chez nous, dans mon immeuble et on peut vous faire crever" [...] "on va vous foutre dehors très vite parce qu'on veut passer de bonnes fêtes de Noël".
La police a procédé à l'audition de A., administrateur de la société B. SA, ainsi qu'à celle de C. de D. SA, chargée de la gestion de l'immeuble dans lequel X. Sàrl loue ses locaux, propriété de l'entreprise B. SA. Elle a également tenté d'entendre le représentant de X. Sàrl, E., mais le policier en charge de son audition a mis rapidement fin à l'entretien en raison de l'attitude de E.
C. X. Sàrl forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre cet arrêt. Elle conclut, avec suite de frais et dépens, principalement à son annulation, subsidiairement à sa réforme, au constat et à la correction des fautes manifestes dans la constatation des faits et

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dans l'application du droit et à l'annulation de l'indemnité en faveur de A. Elle requiert, par ailleurs, l'effet suspensif sur le paiement des frais et dépens de l'instance précédente et l'assistance judiciaire, ainsi que la production au Tribunal fédéral de plusieurs dossiers objet de procédures devant différentes autorités neuchâteloises.
Invités à déposer des observations sur le recours, la cour cantonale y a renoncé cependant que A. et le Ministère public ont conclu à son rejet, ce dernier se référant à l'arrêt attaqué. X. Sàrl n'a pas déposé d'observations dans le délai imparti.
 
Extrait des considérants:
 
Erwägung 1
Selon l'art. 42 al. 1 LTF, il incombe au recourant d'alléguer les faits qu'il considère comme propres à fonder sa qualité pour recourir (ATF 138 III 537 consid. 1.2 p. 539; ATF 133 II 353 consid. 1 p. 356). Lorsque le recours est dirigé contre une décision de non-entrée en matière ou de classement de l'action pénale, la partie plaignante n'a pas nécessairement déjà pris des conclusions civiles (ATF 137 IV 246 consid. 1.3.1 p. 248). Quand bien même la partie plaignante aurait déjà déclaré des conclusions civiles (cf. art. 119 al. 2 let. b CPP), il n'en reste pas moins que le procureur qui refuse d'entrer en matière ou prononce un classement n'a pas à statuer sur l'aspect civil (cf. art. 320 al. 3 CPP). Dans tous les cas, il incombe par conséquent à la partie plaignante d'expliquer dans son mémoire au Tribunal fédéral quelles prétentions civiles elle entend faire valoir contre l'intimé. Comme il n'appartient pas à la partie plaignante de se substituer au Ministère public ou d'assouvir une soif de vengeance, la jurisprudence entend se montrer restrictive et stricte, de sorte que le Tribunal fédéral n'entre en matière que s'il ressort de façon suffisamment précise de la motivation du recours que les conditions précitées sont réalisées, à moins que l'on puisse le déduire directement et sans

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ambiguïté compte tenu notamment de la nature de l'infraction alléguée (ATF 138 IV 186 consid. 1.4.1 p. 189; ATF 137 IV 219 consid. 2.4 p. 222 s.).
Indépendamment des conditions posées par cette disposition, la partie recourante est aussi habilitée à se plaindre d'une violation de ses droits de partie équivalant à un déni de justice formel, sans toutefois pouvoir faire valoir par ce biais, même indirectement, des moyens qui ne peuvent être séparés du fond (cf. ATF 138 IV 78 consid. 1.3 p. 79 s.; ATF 136 IV 29 consid. 1.9 p. 40 et les références citées).
Pour ce qui est de l'infraction d'utilisation abusive d'une installation de télécommunication (art. 179septies CP), pour laquelle la cour cantonale a reconnu à la recourante la qualité de partie plaignante, celle-ci ne dit rien à propos du dommage en relation avec cette infraction. Son recours étant insuffisamment motivé, elle ne dispose pas de la qualité pour recourir sur le fond à cet égard.
(...)
En règle générale, seul peut se prévaloir d'une atteinte directe le titulaire du bien juridique protégé par la disposition pénale qui a été enfreinte (ATF 138 IV 258 consid. 2.3 p. 263; ATF 129 IV 95 consid. 3.1 p. 98 s. et les références citées). Les droits touchés sont les biens juridiques individuels tels que la vie et l'intégrité corporelle, la propriété, l'honneur, etc. (Message du 21 décembre 2005 relatif à l'unification du droit de la procédure pénale, FF 2006 1148 ch. 2.3.3.1).


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La déclaration de partie plaignante doit avoir lieu avant la clôture de la procédure préliminaire (art. 118 al. 3 CPP), soit à un moment où l'instruction n'est pas encore achevée. Dès lors, tant que les faits déterminants ne sont pas définitivement arrêtés sur ce point, il y a lieu de se fonder sur les allégués de celui qui se prétend lésé pour déterminer si tel est effectivement le cas. Celui qui entend se constituer partie plaignante doit toutefois rendre vraisemblable le préjudice et le lien de causalité entre celui-ci et l'infraction dénoncée (arrêt 6B_549/2013 du 24 février 2014 consid. 2.1 et les références citées).
La question du bien juridiquement protégé par l'art. 180 CP est discutée en doctrine.
3.2.1 Une partie de celle-ci soutient que cette disposition vise à protéger la libre formation et le libre exercice de la volonté (Willensbildung und -betätigung; ANDREAS DONATSCH, Delikte gegen den Einzelnen, 10e éd. 2013, p. 423; TRECHSEL/FINGERHUTH, in Schweizerisches Strafgesetzbuch, Praxiskommentar, Trechsel/Pieth [éd.], 2e éd. 2013, n° 1 ad art. 180 CP; STRATENWERTH/JENNY/BOMMER, Besonderer Teil I: Straftaten gegen Individualinteressen, 7e éd. 2010, n. 75 p. 149; v. aussi ESTHER OMLIN, Intersubjektiver Zwang & Willensfreiheit, 2002, p. 37 s., pour qui la menace implique nécessairement, même si ce n'est pas le but de l'auteur, que le lésé modifie sa volonté et/ou son comportement conformément à ce qu'il croit que l'auteur attend de lui). Pour ce faire, ce courant doctrinal se fonde en particulier sur une ancienne jurisprudence (ATF 81 IV 101 consid. 3 p. 105 s.).
3.2.2 Selon une autre partie de la doctrine, l'art. 180 CP tend à garantir à tout être humain de vivre en paix intérieure et de se sentir en sécurité dans la société. Les biens juridiquement protégés sont ainsi le sentiment de sécurité et la paix intérieure. Ces éléments font partie de la liberté au sens large, raison pour laquelle l'infraction de menaces a été classée dans le Titre 4 du Code pénal regroupant les infractions contre la liberté (cf. DELNON/RÜDY, in Basler Kommentar, Strafrecht, vol. II, 2e éd. 2013, nos 5, 10 et 11 ad art. 180 CP; DUPUIS ET AL., in CP, Code pénal, 2012, n° 2 ad art. 180 CP; PAUL LOGOZ, Commentaire du Code pénal suisse, partie spéciale, vol. I, 1955, n° 1d ad rem. prél. aux art. 180-186 CP et n° 1 ad art. 180 CP;

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VITAL SCHWANDER, Das Schweizerische Strafgesetzbuch: unter besonderer Berücksichtigung der bundesgerichtlichen Praxis, 2e éd. 1964, n. 635 p. 410 s.; THORMANN/VON OVERBECK, Schweizerisches Strafgesetzbuch, Besonderer Teil, vol. II, 1941, n° 2 ad art. 180 CP). La libre formation de la volonté n'a pas besoin d'être atteinte, puisque la création d'une peur est suffisante pour réaliser l'infraction, et ne peut constituer le bien juridiquement protégé (DELNON/RÜDY, op. cit., nos 5 et 11 ad art. 180 CP).
3.2.3 Ce dernier courant de doctrine doit être suivi. En effet, la réalisation de l'infraction de menaces implique que le lésé ait été effrayé ou alarmé, c'est-à-dire qu'il ait ressenti un sentiment de peur. Elle ne nécessite en revanche pas, contrairement à l'infraction de contrainte, que le lésé soit influencé dans sa volonté ou sa manière d'agir. Si l'auteur cherche à influencer le lésé, alors seule l'infraction de contrainte est applicable, la menace entrant en concours imparfait avec cette infraction (ATF 99 IV 212 consid. 1b p. 216). Par conséquent, le bien juridique protégé ne peut pas être la libre formation de la volonté mais bien le sentiment de sécurité et la paix intérieure. Pour le surplus, la jurisprudence sur laquelle se fonde le premier courant de doctrine (cf. supra consid. 3.2.2) ne traite pas formellement de la question du bien juridique protégé par l'art. 180 CP. Elle concerne la distinction entre la "menace grave" de l'art. 180 CP et la "menace d'un dommage sérieux" de l'art. 181 CP. Ainsi, selon cette jurisprudence, il y a une gradation entre les deux notions. Il est nécessaire d'exercer une menace plus importante sur le lésé pour l'effrayer ou l'alarmer au sens de l'art. 180 CP que pour l'obliger à faire, à ne pas faire ou à laisser faire un acte au sens de l'art. 181 CP. Les exigences accrues posées par l'art. 180 CP s'expliquent aussi par le fait que la menace met en danger la libre formation de la volonté alors que la contrainte la lèse. Ainsi, la loi est plus exigeante quant à la réalisation d'une mise en danger d'un bien juridique que s'agissant de sa lésion (ATF 81 IV 101 consid. 3 p. 105 s.). Ce n'est que pour marquer le degré d'exigence plus élevé pour une mise en danger (causée par la menace) et que pour une lésion (causée par la contrainte) qu'il est fait référence à la liberté de décision et d'action. Cette jurisprudence ne vise pas à trancher la question du bien juridiquement protégé par l'art. 180 CP.
3.2.4 Les biens juridiques protégés par l'art. 180 CP sont les sentiments de paix intérieure et de sécurité. Seule une personne physique peut éprouver de tels sentiments. Une personne morale, si elle

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peut avoir une volonté (cf. infra consid. 3.3.2), ne peut ressentir ni sentiments de paix ou de sécurité, ni peur. Elle ne peut par conséquent pas être titulaire du bien juridique protégé par l'infraction, partant être lésée par celle-ci. Ainsi, même si la menace porte sur un dommage causé à la personne morale, seule la personne physique qui aura été effrayée ou alarmée par celle-ci pourra être lésée par l'infraction.
3.2.5 En l'occurrence, la recourante, personne morale, n'a pas pu être atteinte dans ses sentiments de paix intérieure et de sécurité dont elle est dépourvue. Elle n'a dès lors pas été lésée par l'infraction de menaces. C'est donc à bon droit que la cour cantonale a refusé de lui reconnaître la qualité de partie plaignante. La recourante soutient que si seule une personne physique pouvait être lésée par des menaces, elle n'aurait jamais de prétentions civiles à faire valoir lorsque la menace concerne une personne morale. Ce faisant, la recourante confond le préjudice dont l'auteur fait redouter la survenance, soit l'objet de la menace, avec le préjudice, en particulier le tort moral, subi par le destinataire de la menace. C'est bien ce dernier - et uniquement celui-ci - qui permet au lésé de fonder ses prétentions civiles. Infondé, le grief de la recourante doit être rejeté.
3.3.2 Aux termes de l'art. 55 al. 1 CC, la volonté d'une personne morale s'exprime par ses organes. L'al. 2 prévoit que ceux-ci obligent la personne morale par leurs actes juridiques et par tous autres faits. On peut en déduire que la loi reconnaît aux personnes morales la capacité de former et d'exprimer, au travers de leurs organes, une volonté et d'agir en conséquence. Il en découle que la libre formation et le libre exercice de la volonté d'une personne morale doivent être protégés, au même titre que ceux d'une personne physique, par l'art. 181 CP.

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Ainsi, une personne morale qui est atteinte dans la libre formation ou le libre exercice de sa volonté doit être considérée comme lésée par l'infraction de contrainte. Elle peut ainsi revêtir la qualité de partie plaignante si elle a expressément déclaré vouloir participer à la procédure pénale comme demandeur au pénal ou au civil.
3.3.3 Selon les dires de la recourante, lors de l'appel téléphonique du 14 décembre 2011, l'interlocuteur l'aurait, en substance, menacée de la mettre dehors des locaux qu'elle occupe, si elle n'arrêtait pas de "faire des histoires", faisant référence aux différentes procédures qu'elle avait engagées contre son bailleur. L'interlocuteur aurait ainsi cherché à contraindre la recourante à mettre fin aux différentes procédures engagées, sous la menace de la mettre dehors des locaux qu'elle occupe. De cette manière, elle aurait porté atteinte, ou à tout le moins tenté de porter atteinte, à la libre formation et au libre exercice de la volonté de la recourante. Au stade de l'examen de la qualité de lésé, qui doit s'effectuer sous l'angle des allégations de la partie qui prétend revêtir cette qualité (cf. supra consid 3.1), la recourante doit être considérée comme potentiellement lésée par l'infraction de contrainte. Partant, sa qualité de partie plaignante doit être reconnue en relation avec l'éventuelle infraction de contrainte.
3.4.1 L'art. 325bis CP constitue une forme particulière de contrainte, ou à tout le moins de tentative de contrainte. Il vise ainsi, comme l'art. 181 CP, à protéger la libre formation et le libre exercice de la volonté du locataire, en particulier la liberté de faire valoir les droits que lui confère la loi (TRECHSEL/OGG, in Schweizerisches Strafgesetzbuch, Praxiskommentar, Trechsel/Pieth [éd.], 2e éd. 2013, n° 2 ad art. 325bis CP; STEFAN FLACHSMANN, in StGB Kommentar, Andreas Donatsch [éd.], 19e éd. 2013, n° 1 ad art. 325bis CP; DUPUIS ET AL., op. cit., n° 1 ad art. 325bis CP; cf. aussi MARIANNE WANNER, in Basler Kommentar, Strafrecht, vol. II, 2e éd. 2013, n° 3 ad art. 325bis CP; DAVID LACHAT, Le bail à loyer, 2008, p. 842). Les remarques formulées supra consid. 3.3.2 valent dès lors mutatis mutandis. Une personne morale peut, par conséquent, être lésée par l'infraction prévue à l'art. 325bis CP et, partant, revêtir la qualité de partie plaignante.


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3.4.2 Au stade de l'examen de la qualité de lésé et au vu des allégations de la recourante (cf. supra consid. 3.3.3), celle-ci pourrait avoir été lésée sous l'angle de l'art. 325bis CP et c'est à tort que la cour cantonale ne lui a pas reconnu la qualité de partie plaignante s'agissant de cette infraction.