BGE 143 II 1
 
1. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause X. contre Secrétariat d'Etat aux migrations (recours en matière de droit public)
 
2C_438/2016 du 11 janvier 2017
 
Regeste
Art. 62, 63 und 40 in Verbindung mit Art. 99 AuG; Widerruf der erteilten Zustimmung durch das Staatssekretariat für Migration zu einer ausländerrechtlichen Bewilligung.
 
Sachverhalt


BGE 143 II 1 (2):

A. X., ressortissant iranien né en 1948, a bénéficié de plusieurs engagements temporaires à Genève, au sein d'une organisation internationale dès 2002. Le 1er janvier 2008, il a été engagé comme haut fonctionnaire par cette organisation. Il a ainsi été mis au bénéfice d'une carte de légitimation du Département fédéral des affaires étrangères, laquelle lui a été retirée au mois de novembre 2010 lorsqu'il a fait valoir son droit à la retraite.
Le 2 novembre 2010, l'intéressé a déposé une demande auprès de l'Office cantonal de la population de la République et canton de Genève (actuellement l'Office cantonal de la population et des migrations de la République et canton de Genève) tendant à lui permettre de poursuivre son séjour en Suisse en compagnie de son épouse, ressortissante iranienne née en 1952. Le 10 août 2011, cet office a informé X. qu'il était disposé à lui octroyer une autorisation d'établissement, sous réserve de l'approbation du Secrétariat d'Etat aux migrations (ci-après: le Secrétariat d'Etat). Le 26 août 2011, le Secrétariat d'Etat a approuvé la délivrance d'une autorisation d'établissement en faveur de l'intéressé et de son épouse. A la suite de cette approbation, l'autorité cantonale compétente a octroyé l'autorisation d'établissement requise.
B. Par courrier du 31 août 2011 adressé au Secrétariat d'Etat, le Service de renseignement de la Confédération (ci-après: le Service de renseignement) s'est fermement opposé à l'octroi de tout titre de séjour en faveur de X., dans la mesure où celui-ci avait déployé des activités illégales de renseignement en faveur de l'Etat iranien. Ce courrier faisait suite à un entretien téléphonique intervenu antérieurement au 26 août 2011 entre ces deux autorités. Cet entretien n'ayant pas été relayé par le collaborateur du Secrétariat d'Etat, c'est sans tenir compte de l'avis du Service de renseignement que l'approbation de l'autorisation d'établissement a été donnée.
Suite à divers échanges de courriers entre l'intéressé et le Secrétariat d'Etat, celui-ci, par décision du 28 octobre 2013, a révoqué l'approbation donnée à l'octroi d'une autorisation d'établissement. X., par acte du 28 novembre 2013, a interjeté recours auprès du Tribunal administratif fédéral. Par arrêt du 8 avril 2016, le Tribunal administratif fédéral a rejeté le recours de X. Il a jugé en bref que, par son comportement, l'intéressé avait mis en danger la sécurité et l'ordre publics en Suisse et que la révocation de l'approbation de l'octroi de l'autorisation d'établissement constituait une mesure proportionnée.


BGE 143 II 1 (3):

C. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, X. demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, outre l'effet suspensif, d'annuler l'arrêt du 8 avril 2016 du Tribunal administratif fédéral et la décision du 28 octobre 2013 du Secrétariat d'Etat et de maintenir son autorisation d'établissement. Il se plaint d'établissement inexact des faits et de violation du droit fédéral.
Par ordonnance du 18 mai 2016, le Juge présidant la IIe Cour de droit public du Tribunal fédéral a admis la demande d'effet suspensif.
Le Tribunal administratif fédéral renonce à prendre position sur le recours. Le Secrétariat d'Etat en demande le rejet.
Le Tribunal fédéral a admis le recours dans la mesure où il était recevable. L'arrêt rendu le 8 avril 2016 par le Tribunal administratif fédéral est annulé. L'autorisation d'établissement du recourant est maintenue.
 
Extrait des considérants:
 
Erwägung 4
4.2 Aux termes de l'art. 121 al. 1 Cst., la législation sur l'entrée en Suisse, la sortie, le séjour et l'établissement des étrangers et sur l'octroi de l'asile relève de la compétence de la Confédération. En application du principe ancré à l'art. 46 al. 1 Cst., qui veut que les cantons mettent en oeuvre le droit fédéral conformément à la Constitution et à la loi, le législateur fédéral a dû déterminer dans quelle mesure l'exécution du droit fédéral en matière d'étrangers devait être confiée aux cantons (art. 164 al. 1 let. f Cst.; cf. ATF 141 II 169 consid. 4.1 p. 173 s.; ATF 127 II 49 consid. 3a p. 51 s.; NYFFENEGGER, in Bundesgesetz über die Ausländerinnen und Ausländer [AuG], Caroni/Gächter/Thurnherr [éd.], 2010, n° 4 ad art. 99 LEtr). L'autorité cantonale compétente octroie les autorisations conformément aux

BGE 143 II 1 (4):

art. 32-35 et 37-39 LEtr [RS 142.20]; l'approbation du Secrétariat d'Etat est réservée pour certains cas particuliers (art. 40 al. 1 LEtr en relation avec l'art. 99 LEtr et 86 al. 2 let. a-c de l'ordonnance du 24 octobre 2007 relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative [OASA; RS 142.201], cf. également l'ordonnance du DFJP du 13 août 2015 relative aux autorisations soumises à la procédure d'approbation et aux décisions préalables dans le domaine du droit des étrangers [RS 142.201.1; ci-après: ODFJP]). Sur la base des dispositions légales, en l'occurrence les art. 62 et 63 LEtr, les cantons sont compétents pour refuser ou révoquer une autorisation en droit des étrangers (cf. ZÜND/ARQUINT HILL, in Ausländerrecht, Uebersax et al. [éd.], 2e éd. 2009, n. 8.24). L'octroi par les cantons d'un titre de séjour, dans les cas prévus par la loi, nécessite quant à lui l'approbation du Secrétariat d'Etat (ATF 141 II 169 consid. 4.1 p. 173 s.; Message du 8 mars 2002 concernant la loi sur les étrangers, FF 2002 3469, 3526 ch. 1.3.14).
4.3 Partant de ce qui précède, on doit retenir que le Secrétariat d'Etat ne saurait appliquer l'art. 62 ou 63 LEtr pour révoquer lui-même une autorisation de séjour ou d'établissement. Ses compétences en matière d'autorisation sont en principe limitées à l'approbation de l'octroi ou du renouvellement des autorisations (sauf exceptions prévues à l'art. 40 al. 1 LEtr). Ce n'est que dans le cadre de cette procédure d'approbation qu'il fera application des dispositions de la LEtr relatives à la révocation des autorisations, en examinant si les conditions de leur application sont réunies, pour refuser son approbation à un octroi ou un renouvellement d'une autorisation (cf. art. 86 al. 2 OASA). Pour le surplus, la LEtr ne prévoit rien quant à la possibilité pour le Secrétariat d'Etat de révoquer une approbation donnée à l'octroi, par le canton, d'un titre de séjour. Dans le cas d'espèce, le Secrétariat d'Etat n'avait donc pas la compétence de révoquer directement l'autorisation d'établissement du recourant sur la base de l'art. 63 LEtr. Seules les autorités cantonales disposaient de cette compétence.


BGE 143 II 1 (5):

5.1 Ces principes généraux, qui ne s'appliquent que lorsque la possibilité de révoquer la décision n'est pas prévue par des dispositions spéciales, permettent de modifier une décision entrée en force qui se trouve être matériellement irrégulière.
Au moment de rendre sa décision, l'autorité détermine la situation de fait et y applique les dispositions légales en vigueur. Lorsque, par la suite, cette décision, qui est entrée en force, se révèle affectée d'une irrégularité initiale ou subséquente à son prononcé, que cette irrégularité soit de fait ou de droit, l'autorité a la possibilité de révoquer sa décision, dans la mesure où l'intérêt à une correcte application du droit objectif l'emporte sur l'intérêt de la sécurité du droit, respectivement à la protection de la confiance. Dans le cas contraire, il n'est en principe pas possible de révoquer la décision en cause. Cela est par exemple le cas lorsque la décision administrative fonde un droit subjectif, que la procédure qui a mené à son prononcé a déjà mis en balance les intérêts précités ou que le justiciable a déjà fait usage du droit que lui a conféré la décision. Cette règle n'est toutefois pas absolue et une révocation est également possible dans ces cas, lorsqu'un intérêt public particulièrement important l'impose (cf. ATF 139 II 185 consid. 10.2.3 p. 202 s.; ATF 137 I 69 consid. 2.3 p. 71 s.; ATF 135 V 215 consid. 5.2 p. 221 s.; ATF 127 II 306 consid. 7a p. 313 s. et les références citées).
Une décision assortie d'effet durables ("Dauerverfügung") ne peut toutefois être révoquée que dans les cas d'irrégularités subséquentes, soit parce que l'état de fait a évolué et que les conditions posées à l'octroi de l'autorisation ne sont plus réunies, soit en raison d'une modification législative, mais en l'absence de droit acquis créé par la décision à révoquer (cf. HÄFELIN/MÜLLER/UHLMANN, op. cit., n. 1230; DUBEY/ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, n. 1025; MOOR/POLTIER, Droit administratif, vol. II, 3e éd. 2011, p. 386).
5.2 En l'occurrence, pour examiner la question de la possibilité de révoquer la décision d'approbation rendue par le Secrétariat d'Etat selon les règles précitées, il convient en premier lieu de déterminer la nature de cette décision. La procédure d'approbation est fondée sur l'art. 40 al. 1 LEtr, qui dispose que les autorisations prévues aux art. 32-35 et 37-39 LEtr sont octroyées par les cantons, mais que les compétences de la Confédération sont en particulier réservées en matière de procédure d'approbation (cf. consid. 4.2 ci-dessus). L'art. 99 LEtr prévoit quant à lui que le Conseil fédéral détermine

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les cas dans lesquels les autorisations de courte durée, de séjour ou d'établissement, ainsi que les décisions préalables des autorités cantonales du marché du travail, sont soumises à l'approbation du Secrétariat d'Etat, celui-ci pouvant refuser son approbation ou limiter la portée de la décision cantonale (cf. art. 86 OASA). Le Conseil fédéral, à l'art. 85 al. 2 OASA (dans sa version en vigueur depuis le 1er septembre 2015), a délégué la compétence au Département fédéral de justice et police de déterminer les cas dans lesquels les autorisations précitées doivent être soumises à la procédure d'approbation. Ce département a ainsi arrêté l'ODFJP.
5.3 On constate que l'approbation donnée par le Secrétariat d'Etat constitue une condition de validité de l'autorisation octroyée par l'autorité cantonale. Sans approbation, l'autorisation cantonale est sans effet (cf. art. 86 al. 5 OASA; NYFFENEGGER, op. cit., n° 13 ad art. 99 LEtr). Pour cette raison, l'étranger peut contester le refus d'approbation (ou l'éventuelle fixation de conditions; cf. art. 86 al. 1 OASA) dans une procédure de recours idoine auprès du Tribunal administratif fédéral puis, éventuellement, auprès du Tribunal fédéral. Dans le cas contraire, c'est-à-dire lorsque le Secrétariat d'Etat approuve l'octroi, respectivement la prolongation de l'autorisation, sans condition, cette décision perd son autonomie et "s'intègre" dans la décision cantonale qui déploie pleinement ses effets.
L'approbation par le Secrétariat d'Etat ne présente ainsi nullement un caractère de décision assortie d'effets durables, au contraire de la décision cantonale. Le Secrétariat d'Etat ne saurait donc en aucun cas révoquer son approbation lors de modifications de fait ou de droit subséquentes à son prononcé. Il n'en va pas différemment en cas d'irrégularité initiale car, d'une manière plus générale, le caractère conditionnel de la décision fédérale par rapport à la décision cantonale, et le fait qu'elle soit "absorbée" par cette dernière en cas d'approbation, exclut toute situation de révocation de l'approbation en tant que telle.
5.4 En effet, dans le cas particulier d'une décision positive, prononcée sur la base de l'art. 99 LEtr, celle-ci perd toute portée une fois rendue et seule la décision cantonale peut ensuite faire l'objet d'une révocation. Cela se manifeste au regard de la systématique de la loi. Dans un tel cas de figure, la révocation ne vise qu'à retirer son titre de séjour à l'étranger. Or, le législateur a expressément voulu et prévu une compétence cantonale pour ce faire, en édictant les

BGE 143 II 1 (7):

art. 62 et 63 LEtr (cf. consid. 4 ci-dessus). Permettre au Secrétariat d'Etat de révoquer son approbation reviendrait donc à contourner la loi et à priver les cantons de l'une de leurs prérogatives. La révocation d'une autorisation octroyée sur la base des art. 32-35 et 37-39 LEtr est ainsi toujours possible, mais exclusivement selon la procédure des art. 62 et 63 LEtr et par l'autorité cantonale compétente.