BGE 135 II 78
 
8. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public dans la cause WWF Suisse contre Association Les Amis de la Passerelle, Conseil communal de Leytron, Conseil communal de Saillon et Conseil d'Etat du canton du Valais (recours en matière de droit public)
 
1C_383/2008 du 21 janvier 2009
 
Regeste
Art. 12b Abs. 1 NHG; Art. 9 BV; Einsprachefrist bzw. Dauer der öffentlichen Auflage; Wahrung von Treu und Glauben.
Wahrung von Treu und Glauben bei der Änderung der kantonalen Rechtsprechung in Bezug auf die Einsprachefrist (E. 3).
 
Sachverhalt


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Le 16 septembre 2005, l'Association "Les Amis de la Passerelle" a requis des Conseils communaux de Saillon et de Leytron une autorisation de construire un parcours d'escalade ("via ferrata") sur des terrains situés sur ces communes, classés en zone agricole protégée, selon les plans de zone homologués par le Conseil d'Etat du canton du Valais. Par avis paru au Bulletin officiel du canton du Valais du 30 septembre 2005, cette demande d'autorisation de construire a été mise à l'enquête publique. L'avis indiquait un délai d'opposition de dix jours dès la publication, conformément à l'art. 41 al. 1 de la loi cantonale du 8 février 1996 sur les constructions (LC; RS/VS 705.1).
Le 24 octobre 2005, la Fondation WWF Suisse (ci-après: le WWF Suisse) et l'Association WWF Valais (ci-après: le WWF Valais) ont formé opposition en invoquant une atteinte à un site bien préservé. Elles estimaient notamment que l'avis mentionnait inexactement un délai d'opposition de dix jours, contrairement à ce que prévoyait la loi fédérale du 1er juillet 1966 sur la protection de la nature et du paysage (LPN; RS 451).
Par décision du 20 février 2007, la Commission cantonale des constructions (ci-après: la Commission des constructions), autorité compétente pour autoriser les projets d'installations hors zone à bâtir, a accordé le permis de construire et déclaré l'opposition du 24 octobre 2005 irrecevable puisque tardive.
Le 11 juin 2007, un recours contre cette décision a été déposé par le WWF Suisse (en accord avec le WWF Valais) auprès du Conseil d'Etat du canton du Valais qui l'a jugé irrecevable par décision du 10 décembre 2007.
Par arrêt du 28 mars 2008, le Tribunal cantonal du canton du Valais (ci-après: le Tribunal cantonal) a rejeté le recours formé contre cette décision par le WWF Suisse. Il a établi que l'ancien art. 12a al. 1 LPN (en vigueur du 1er janvier 2000 au 30 juin 2007) repris dans l'actuel art. 12b al. 1 LPN (en vigueur depuis le 1er juillet 2007) qui prévoit une durée de mise à l'enquête "en règle générale" de trente jours, est "une règle de droit fédéral qui, tout en préférant un délai d'opposition de l'ordre d'un mois, s'accommode de délais plus courts

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que les cantons peuvent conserver, en attendant de les allonger s'ils pensent y avoir motif". Le Tribunal cantonal a estimé ne pas être lié par son arrêt du 2 juin 2003, dans lequel il avait retenu que l'art. 12b al. 1 LPN fixait le délai de l'enquête publique à trente jours.
Le WWF Suisse a interjeté un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral contre cet arrêt. Il a notamment contesté l'interprétation qu'a faite le Tribunal cantonal de la seconde phrase de l'art. 12b LPN. Le Tribunal fédéral a admis le recours et renvoyé l'affaire au Tribunal cantonal pour nouvelle décision au sens des considérants.
 
Extrait des considérants:
2. Le recourant reproche au Tribunal cantonal d'avoir appliqué le délai de dix jours prévu par l'art. 41 de la loi valaisanne sur les constructions et d'avoir estimé que le délai de trente jours prévu par la seconde phrase de l'ancien art. 12a al. 1 LPN repris dans l'actuel art. 12b al. 1 LPN (la seule disposition à laquelle on se référera ci-après est l'art. 12b al. 1 LPN, étant donné que la teneur de la seconde phrase de ces deux articles est identique) n'était pas impératif pour les cantons. Il critique l'interprétation de la seconde phrase de l'art. 12b al. 1 LPN que l'autorité cantonale aurait faite en se fondant principalement sur une interprétation littérale du terme "en règle générale" et sur l'intervention du Conseiller aux Etats rapporteur lors des débats parlementaires, sans tenir compte du but de la loi qui l'a introduite et de l'intégralité desdits débats.
Or, selon la jurisprudence, l'application des art. 24 ss LAT relève de l'accomplissement d'une tâche fédérale au sens de l'art. 2 LPN et de l'art. 78 Cst., pour autant que la mesure contestée soit susceptible de porter atteinte notamment aux intérêts de la nature et du paysage (ATF 123 II 289 consid. 1e p. 292, ATF 123 II 5 consid. 2c p. 7; ATF 115 Ib 508

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consid. 5a/bb p. 510). Dès lors, les art. 12 ss LPN confèrent aux organisations reconnues et aux communes le droit de recourir contre de telles décisions. Dans ce cadre, la seconde phrase de l'art. 12b al. 1 LPN règle également la participation de ces organisations aux phases antérieures de la procédure, notamment au stade de l'opposition. Elle prévoit que "en règle générale, la durée de la mise à l'enquête publique est de trente jours". Ces règles fédérales sont complémentaires à celles du droit cantonal et doivent s'appliquer en vertu du principe de la force dérogatoire du droit fédéral (art. 49 Cst.).
Il s'agit donc en l'espèce d'interpréter la seconde phrase de l'art. 12b al. 1 LPN, afin de déterminer la place qu'elle laisse aux règles de procédure cantonale. La Cour de céans n'a pas encore eu l'occasion d'examiner cette question laissée ouverte dans un arrêt récent (arrêt du Tribunal fédéral 1A.10/2006 du 14 décembre 2006 consid 3.4, in DEP 2007 p. 199).
2.2 La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre. D'après la jurisprudence, il n'y a lieu de déroger au sens littéral d'un texte clair par voie d'interprétation que lorsque des raisons objectives permettent de penser que ce texte ne restitue pas le sens véritable de la disposition en cause. De tels motifs peuvent découler des travaux préparatoires, du but et du sens de la disposition, ainsi que de la systématique de la loi. Si le texte n'est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires, du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales. Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d'interprétation, mais s'inspire d'un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme; en particulier, il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s'il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 133 III 175 consid. 3.3.1 p. 178; ATF 133 V 57 consid. 6.1 p. 61; ATF 132 III 226 consid. 3.3.5 p. 237; ATF 131 III 314 consid. 2.2 p. 315 s.).


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2.3.1 La seconde phrase de l'ancien art. 12a al. 1 LPN a été introduite lors de l'adoption de la loi fédérale du 18 juin 1999 sur la coordination et la simplification des procédures de décision (RO 1999 3071 ss). Elle ne figurait cependant pas dans le texte du projet de loi du Conseil fédéral (FF 1998 2221 ss), mais a été introduite au stade des débats parlementaires sur proposition de la Conseillère nationale Nabholz (BO 1999 CN 57-58). En l'absence de message du Conseil fédéral ou de prises de position écrites émanant des commissions législatives, il y a lieu d'examiner les déclarations des parlementaires et plus particulièrement celles de l'auteur de la seconde phrase de l'art. 12b al. 1 LPN.
La Conseillère nationale Nabholz a présenté sa proposition en rappelant tout d'abord que lors de la révision de la LPN entrée en vigueur le 1er février 1996, le Conseil fédéral avait renoncé à introduire un délai pour la durée de la mise à l'enquête publique, afin de ne pas empiéter sur la souveraineté cantonale (BO 1999 CN 57). Dans son message, il avait cependant relevé que "en obligeant les autorités à fixer un délai d'opposition raisonnable, on entend garantir que l'exercice du droit de recours ne soit pas entravé par des délais trop brefs. Eu égard au nombre relativement élevé de projets pouvant faire l'objet d'un recours et aux possibilités restreintes des organisations habilitées à recourir, le délai ne devrait en principe pas être inférieur à trente jours" (Message du 26 juin 1991 concernant la révision de la loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage, FF 1991 III 1156 ch. 22).
La Conseillère nationale Nabholz a ensuite illustré ses propos en relevant la rigueur du système du droit valaisan si l'on combine les délais et les modalités d'exercice de l'opposition (notamment lorsque la mise à l'enquête publique débute un vendredi et que le délai de dix jours compte ainsi deux week-ends ou lorsque les heures d'ouverture des guichets des administrations communales sont limitées à quelques heures par semaine). Elle a dénoncé le fait qu'un tel traitement procédural pouvait empêcher l'exercice du droit de recours et en a tiré la conclusion que les courts délais d'opposition, inférieurs à vingt jours, étaient inacceptables (BO 1999 CN 57).
Cette proposition a suscité un débat au sein du Conseil national, les parlementaires Grobet et Baumgartner s'y étant opposés, relevant notamment l'absence de clarté de l'expression "en règle générale" et le caractère récent de la révision de la LPN entrée en

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vigueur le 1er février 1996, soit trois ans auparavant (BO 1999 CN 58). Le Conseiller fédéral Leuenberger a également recommandé de rejeter cette proposition, au motif qu'elle empiétait sur la souveraineté des cantons (BO 1999 CN 58).
La proposition de la Conseillère nationale Nabholz n'en fut pas moins adoptée par le Conseil national à 76 voix contre 58, dans la forme proposée. Il faut en déduire que ledit Conseil n'a pas tenu pour décisive l'argumentation des opposants à la proposition et a voulu exclure les délais d'opposition cantonaux excessivement brefs, soit ceux inférieurs à vingt jours. Devant le Conseil des Etats, le Conseiller aux Etats rapporteur a expliqué que la phrase litigieuse devait être comprise "pour ce qui concerne les autorités et les procédures cantonales [...] comme une invitation aux cantons à fixer dans la loi un délai de trente jours" puisque "dans le cas où la décision relève de la compétence cantonale, il est clair que c'est le droit cantonal ou même le droit de procédure cantonale qui s'applique" (BO 1999 CE 440). Le Conseil des Etats a voté ce texte sans discussion. L'intervention du parlementaire rapporteur ne saurait remettre en cause l'interprétation retenue par le Conseil national, dans la mesure où le Conseil des Etats connaissait les opinions exprimées devant le Conseil précédent et le sort qui leur avait été réservé.
2.3.2 Ainsi, l'analyse des travaux préparatoires montre que le législateur a introduit la locution "en règle générale" dans le but de ne pas conférer une portée absolument contraignante à la norme en cause, tout en excluant ainsi les délais inférieurs à vingt jours. Au surplus, de manière générale, la doctrine récente en matière de procédure administrative fédérale se montre critique à l'encontre des délais inférieurs à vingt jours (PATRICK SUTTER, in Kommentar zum Bundesgesetz über das Verwaltungsverfahren [VwVG], Auer et al. [éd.], 2008, n° 9 ad art. 30a al. 2 PA). Dans ces conditions et pour des motifs de sécurité du droit, il y a lieu de retenir que l'art. 12b al. 1 LPN interdit les délais cantonaux, respectivement de mise à l'enquête publique et d'opposition, inférieurs à vingt jours.
2.4 Le délai prévu à l'art. 12b al. 1 LPN ne vaut que pour les communes et les organisations reconnues au sens des art. 12 ss LPN. Se pose dès lors la question de savoir quel délai accorder à tout autre opposant. Selon la jurisprudence, le principe de l'égalité de traitement interdit de faire des distinctions qu'aucun fait important ne justifie, ou de soumettre à un régime identique des situations de fait

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qui présentent entre elles des différences importantes et de nature à rendre nécessaire un traitement différent (ATF 134 I 257 consid. 3.1 p. 260 s.; ATF 132 I 68 consid. 4.1 p. 74; ATF 129 I 1 consid. 3 p. 3). En l'espèce, il paraît contraire au principe d'égalité de traitement de soumettre à un régime procédural différent les opposants à un même permis de construire. En effet, les difficultés auxquelles peuvent être confrontées certaines organisations dans l'exercice de leur droit d'opposition peuvent tout aussi bien être rencontrées par des particuliers, notamment lorsqu'ils ne sont pas domiciliés dans la commune en question.
Le principe de la coordination ancré à l'art. 25a al. 1 LAT conduit également à imposer le même délai à tout opposant concerné par une procédure soumise à l'art. 12b LPN. Selon le Conseil fédéral, cette disposition-là exige en effet la coordination des procédures applicables à toutes les décisions nécessaires à l'obtention d'une autorisation de construire (Message du 30 mai 1994 concernant la modification de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire, FF 1994 III 1071 ch. 222.2).
En principe, une nouvelle jurisprudence doit s'appliquer immédiatement et aux affaires pendantes au moment où elle est adoptée (ATF 132 II 153 consid. 5.1 p. 159; ATF 122 I 57 consid. 3c/bb p. 59 s. et les arrêts cités). Le droit à la protection de la bonne foi, qui découle de l'art. 9 Cst., doit néanmoins être pris en considération. Le Tribunal fédéral a précisé, à ce propos, que la modification d'une jurisprudence relative aux conditions de recevabilité d'un recours, notamment à la computation des délais de recours, ne doit pas intervenir sans avertissement, si elle provoque la péremption d'un droit (ATF 122 I 57 consid. 3c/bb p. 60; ATF 94 I 15 consid. 1 p. 16).
Par ailleurs, on peut concevoir qu'en abrégeant le délai pour déposer une opposition, l'autorité empêche en définitive le justiciable de faire valoir ses droits, alors qu'il eût été en mesure de les invoquer en temps utile s'il avait connu la nouvelle jurisprudence. Le recourant n'avait en outre aucune raison de penser que le Tribunal cantonal reviendrait sur son arrêt du 2 juin 2003. Dès lors, le principe de la bonne foi commandait audit tribunal d'avertir préalablement les justiciables de son changement de jurisprudence ou à tout le moins de ne pas les empêcher de faire valoir leurs droits dans le cas particulier.
Par conséquent, le recourant doit être mis au bénéfice de la pratique retenue par le Tribunal cantonal dans son arrêt du 2 juin 2003, dès

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lors qu'aucune information sur un changement à ce sujet n'a été donnée. Dans ces conditions, le prononcé d'irrecevabilité pour tardiveté viole le droit à la protection de la bonne foi. Le recours doit être admis pour ce dernier motif et l'autorité cantonale doit admettre à titre exceptionnel que l'opposition a été formée en temps utile.