BGE 127 I 115 - Autopsieverfügung Genf
14. Extrait de l'arrêt de la Ie Cour de droit public du 18 juin 2001 dans la cause époux W. contre Tribunal administratif du canton de Genève (recours de droit public)
 
Regeste
Art. 10 BV und Art. 6 Ziff. 1 EMRK; richterliche Kontrolle einer Autopsieverfügung.
Bestreiten die nahen Angehörigen eines Verstorbenen im Nachhinein die Anordnung einer Autopsie, muss diese grundsätzlich zum Gegenstand einer richterlichen Überprüfung gemacht werden können.
 


BGE 127 I 115 (115):

Sachverhalt
A., âgée de 11 ans, a été victime d'un accident de la circulation survenu le 2 avril 1999. Transportée d'urgence à l'Hùpital cantonal universitaire de Genève, elle y est décédée le lendemain d'un traumatisme cérébral grave. Le premier constat de décès a été posé le 3 avril 1999 à 10 heures 23, le second à 18 heures 30.
Conformément à la volonté de leur fille, les époux W. ont proposé de faire don de ses organes; les prélèvements ont été prévus pour le dimanche de Pâques, 4 avril 1999. Les parents se sont rendus à l'Hùpital à cette date, afin de se recueillir auprès du corps. Il leur fut répondu qu'une autopsie avait été ordonnée par le Chef de la police de s’reté, et que le corps avait été transporté à l'Institut universitaire de médecine légale, à l'insu des médecins hospitaliers. L'autopsie a été pratiquée le 6 avril 1999.


BGE 127 I 115 (116):

Selon une note du 9 mars 2000 du Chef de la police au juge d'instruction chargé de la cause pénale - et transmise pour information aux époux W. à la fin du mois de juin 2000 -, l'autopsie avait été ordonnée en vertu d'une directive de l'état-major de la police du 2 octobre 1989, selon laquelle une telle mesure est requise lors de tout accident de la circulation ou de chantier, afin de définir si le décès est causé par l'accident, le retard des secours ou des erreurs médicales.
Le 17 juillet 2000, les époux W. ont saisi le Conseil d'Etat genevois d'un recours coutumier, afin qu'il soit constaté que l'ordre d'autopsie était injustifié. Il devait, selon eux, être fait abstraction de l'exigence d'un intérêt actuel, l'ordre d'autopsie ne pouvant être attaqué qu'après avoir été exécuté. Sur le fond, ils soutenaient que l'accord des parents aurait d’ être préalablement requis. L'autorité s'était fondée sur une directive interne, sans s'interroger sur l'opportunité d'une autopsie, alors qu'en l'occurrence, les causes du décès étaient d'ores et déjà établies.
La cause a été transmise le 24 octobre 2000 au Tribunal administratif genevois, car, dans le cadre de la réforme de la juridiction administrative genevoise, le recours coutumier avait été supprimé, le Tribunal administratif devenant l'autorité supérieure de recours en matière administrative.
Par arrêt du 9 janvier 2001, le Tribunal administratif a déclaré irrecevables tant le recours dirigé contre l'ordre d'autopsie que l'éventuelle action en constatation. L'ordre d'autopsie était un acte de la police accompli en vertu des art. 13 de la loi genevoise sur la police et 112A du code de procédure pénale genevois; la loi genevoise sur la procédure administrative ne s'appliquait pas à un tel acte. Les recourants ne disposaient en outre plus d'un intérêt à agir, puisque l'ordre contesté avait déjà été exécuté. L'arrêt a été communiqué au Procureur général, en tant qu'autorité de surveillance de la police.
Les époux W. forment un recours de droit public contre cet arrêt, dont ils demandent l'annulation. Le Tribunal fédéral a admis le recours.
 
Auszug aus den Erwägungen:
Extrait des considérants:
 
Erwägung 2
 
Erwägung 3
3.- Les recourants soutiennent que l'arrêt attaqué violerait le droit cantonal de procédure. Il serait insoutenable qu'une décision aussi importante qu'un ordre d'autopsie puisse être prise, sans l'accord de la famille, sans pouvoir être soumise à une autorité judiciaire. Le Procureur général ne serait pas une autorité de recours, et ses propres décisions ne pourraient pas non plus être attaquées devant la Chambre d'accusation. En définitive, il n'existerait aucune voie de recours cantonale contre un tel ordre. Le Tribunal administratif aurait donc d’ entrer en matière, puisqu'il dispose d'un pouvoir général de juridiction en vertu de l'art. 56A de la loi genevoise d'organisation judiciaire (OJ/GE). L'art. 2 let. b de la loi genevoise sur la procédure administrative (LPA/GE), qui exclut l'application des règles de procédure administrative aux actes de police judiciaire, n'exclurait pas la compétence de la cour cantonale. Les recourants invoquent également à ce titre l'art. 6 par. 1 CEDH (RS 0.101). Ce grief sera examiné ci-dessous (consid. 4).
a) Selon l'art. 13 al. 2 de la loi genevoise sur la police (LPol), le Chef de la police et les officiers de police sont compétents pour accomplir, dans le cadre de la police judiciaire et sous la surveillance du Procureur général, les formalités de levée de corps et, le cas échéant, ordonner qu'il soit procédé à une autopsie légale en cas de mort violente ou indéterminée. Dans le cadre d'une procédure pénale, l'art. 112A du code de procédure pénale genevois (CPP/GE) est applicable, et donne au Procureur général et aux officiers de police la même compétence. Selon l'art. 2 let. b LPA/GE, les règles de procédure contenues dans cette loi ne sont pas applicables aux procédures pénales administratives dans la mesure oi celles-ci font l'objet de dispositions spéciales, ainsi qu'aux actes de police judiciaire.


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L'art. 56B OJ/GE exclut le recours dans certains cas; les actes de la police judiciaire ne sont pas visés.
Il ressort de cette réglementation que le Tribunal administratif est l'autorité de recours contre les décisions fondées sur la LPA/GE. Il est par conséquent logique de considérer que les décisions et actes soustraits au champ d'application de cette dernière loi, tels les actes de la police judiciaire, ne peuvent pas faire l'objet du recours administratif ordinaire. L'arrêt attaqué ne repose donc pas sur une application arbitraire du droit cantonal.
c) Les recourants invoquent également l'art. 49 LPA/GE. Cette disposition permet d'obtenir une décision de constatation si le requérant rend vraisemblable qu'il a un intérêt juridique, personnel et concret, digne de protection. Le Tribunal administratif a considéré qu'il n'y avait pas d'intérêt actuel à une telle constatation, dès lors que l'ordre d'autopsie avait déjà été exécuté. Les recourants invoquent la jurisprudence fédérale selon laquelle il est renoncé à l'exigence d'un intérêt actuel lorsque celle-ci aurait pour effet de soustraire une décision à un examen de constitutionnalité. Toutefois, l'obligation d'entrer en matière sur un recours, dans certaines circonstances, nonobstant l'absence d'un intérêt actuel, ne saurait avoir pour effet de créer une voie de droit non prévue par la réglementation cantonale. La règle de l'art. 98a OJ, selon laquelle le recours cantonal doit être ouvert aussi largement que le recours au Tribunal fédéral, s'applique au recours de droit administratif, et non au recours de droit public.
d) Les recourants évoquent enfin l'art. 11 al. 3 LPA/GE, disposition selon laquelle l'affaire est transmise à l'autorité compétente. Le Tribunal administratif ne pouvait se contenter de communiquer son arrêt au Procureur général, pour information, mais devait lui remettre le dossier pour décision. Les recourants perdent de vue que le Tribunal administratif a déclaré le recours et la demande de constatation irrecevables, à défaut de toute voie de droit, aménagée en droit cantonal, contre un ordre d'autopsie. La communication en a été faite au Procureur général, non pas en tant qu'autorité de recours - comme l'admettent d'ailleurs les recourants eux-mêmes -, mais comme autorité de surveillance. C'est à cette dernière qu'il appartiendrait dès lors de décider, sans être tenue par les considérations de la cour cantonale, si une intervention se justifie, et de requérir éventuellement la production du dossier. Il n'y a pas, par conséquent, d'application arbitraire de l'art. 11 al. 3 LPA/GE. En réalité, les recourants invoquent, sur ce point également, leur droit à

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obtenir une décision judiciaire, question qui fait l'objet du considérant ci-après.
 
Erwägung 4
a) La liberté personnelle, garantie par l'art. 10 Cst., est l'un des aspects de la dignité humaine (art. 7 Cst.; ATF 126 I 112 consid. 3a p. 114 et les arrêts cités). Selon la jurisprudence relative au droit constitutionnel non écrit, et applicable sans autre à l'art. 10 Cst. (FF 1997 I 148), la liberté personnelle ne se limite pas à la durée de la vie de l'individu. Elle s'étend au-delà du décès et permet à toute personne de se déterminer à l'avance sur le sort de sa dépouille, et de se prémunir contre toute intervention illicite, qu'il s'agisse de prélèvements d'organes ou d'une autopsie (ATF 111 Ia 231 consid. 3 p. 232; 98 Ia 508 consid. 8 p. 520). Il est généralement reconnu que le respect d’ aux morts découle de la dignité humaine (MAURER, Le principe de respect de la dignité humaine et la Convention européenne des droits de l'homme, Paris 1999, p. 402-403). A l'instar de toute atteinte à un droit fondamental, un ordre d'autopsie doit se fonder sur une base légale (en l'espèce les art. 13 al. 2 LPol et 112A CPP/GE), et reposer sur un intérêt public prépondérant (en l'occurrence, la nécessité de déterminer la cause précise du décès). Lorsque les proches de la victime s'opposent à une telle mesure (ce qui nécessite une information préalable, cf. ATF 123 I 112 consid. 4c p. 119), il convient de mettre en balance les différents intérêts en présence. En l'espèce, ces intérêts consistaient d'une part dans les besoins de l'enquête visant à déterminer précisément les causes du décès et, d'autre part, le droit au respect du corps de la victime, ainsi que la volonté manifestée par cette dernière, en accord avec ses parents, d'effectuer un don d'organes.
Les parents sont protégés, dans une certaine mesure, à l'égard d'un ordre d'autopsie concernant le corps de leur enfant. Ce droit ne permet toutefois pas à lui seul d'exiger l'intervention d'une autorité judiciaire. La Constitution actuelle impose le respect des droits fondamentaux à toute autorité étatique (art. 35 al. 2 Cst.), mais ne donne pas un accès inconditionnel à une autorité juridictionnelle: l'art. 29a Cst. (droit à un juge), accepté en votation populaire, n'est pas encore entré en vigueur (FF 1999 p. 7831). Les recourants invoquent en vain le caractère "inaliénable et imprescriptible" de la liberté personnelle: cette caractéristique permet

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d'entreprendre une décision d'exécution, mais non d'exiger un contrùle judiciaire.
b) La jurisprudence rappelée ci-dessus considère que la protection du corps d'une personne décédée découle également de l'art. 8 CEDH: le droit au respect de la vie privée comprend le droit de se déterminer sur le sort de son propre corps et de se prémunir contre toute atteinte à l'intégrité corporelle (VELU/ERGEC, La Convention européenne des droits de l'homme, Bruxelles 1990, no 661). Le respect de la sépulture, de la dépouille mortelle, et la protection contre des prélèvements irrespectueux de la volonté du défunt et de sa famille relèvent de cette disposition (MAURER, op. cit., p. 403-404, qui envisage également l'application de l'art. 3 de la Convention dans certains cas graves oi le traitement du cadavre "l'instrumentaliserait" clairement ou bien serait très franchement offensant). Cette disposition n'est toutefois, elle non plus, d'aucune aide aux recourants, car si elle doit être assortie d'un recours effectif au sens de l'art. 13 CEDH, rien n'impose l'intervention d'une autorité judiciaire cantonale. Les recourants auraient notamment pu saisir directement le Tribunal fédéral d'un recours de droit public dirigé contre l'ordre d'autopsie, ce qui aurait satisfait aux exigences minimales de l'art. 13 CEDH. L'art. 8 CEDH n'est toutefois pas sans influence sur l'application de l'art. 6 par. 1 CEDH, dont la portée est examinée ci-dessous.
 
Erwägung 5
b) La notion de "droits et obligations de caractère civil" est autonome: l'art. 6 CEDH ne donne par lui-même aucun contenu matériel

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déterminé dans l'ordre juridique des Etats contractants. Cette disposition implique l'existence d'une "contestation" réelle et sérieuse; elle peut concerner aussi bien l'existence même d'un droit que son étendue ou ses modalités d'exercice. L'issue de la procédure doit être directement déterminante pour le droit en question. Un lien ténu ou des répercussions lointaines ne suffisent pas à faire entrer en jeu l'art. 6 par. 1 CEDH (CourEDH, arrêts Le Compte, Van Leuven et De Meyere précité, pp. 21-22, par. 47; Fayed c. Royaume-Uni du 21 septembre 1994, série A, vol. 294-B, pp. 45-46, par. 56; Masson et Van Zon c. Pays-Bas du 28 septembre 1995, série A, vol. 327-A, p. 17, par. 44; cf. aussi JAAC 64/2000 no 136 p. 1326). En définitive, le droit à un tribunal ne vaut que pour les "contestations" relatives à des "droits et obligations de caractère civil" que l'on peut prétendre, au moins de manière défendable, reconnus en droit interne, qu'ils soient ou non protégés de surcroót par la Convention. Bien que de caractère autonome, cette notion implique donc l'examen de la prétention, selon le droit interne.
aa) Par contestation, au sens de l'art. 6 par. 1 CEDH, il faut entendre tout litige surgissant entre deux particuliers ou entre un particulier et une autorité étatique, par exemple lorsque cette dernière supprime ou restreint l'exercice d'un droit. Il en va ainsi lorsque sont invoqués des droits de nature privée telles la garantie de la propriété et la liberté économique (voir les références citées in FROWEIN/PEUKERT, EMRK-Kommentar, 2ème éd. 1996, art. 6 nos 19 et 21). Les prétentions en indemnités élevées contre la collectivité présentent un caractère patrimonial et entrent dans le champ d'application de l'art. 6 par. 1 CEDH (VILLIGER, Handbuch der EMRK, 2ème éd., Zurich 1999, par. 384 et 387).
bb) L'art. 6 par. 1 CEDH ne concerne donc pas seulement les contestations de droit privé au sens étroit - soit les litiges surgissant entre les particuliers ou entre les particuliers et l'Etat agissant au même titre qu'une personne privée -, mais aussi les actes administratifs adoptés par une autorité dans l'exercice de la puissance publique, pour autant qu'ils produisent un effet déterminant sur des droits de caractère civil. De ce point de vue également, sont décisifs le contenu du droit matériel et les effets que lui confère la législation nationale (ATF 125 I 209 consid. 7a p. 215-216 et les références citées). Il convient dès lors de s'interroger préalablement sur l'existence d'un droit subjectif, fondé sur la législation interne. Un tel droit est nié lorsque l'autorité agit de manière discrétionnaire, par exemple dans les cas de concessions (ATF 125 I 209), d'autorisations

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d'entrée ou de séjour d'un étranger (CourEDH, arrêt Maoui c. France du 5 octobre 2000), s'agissant des habitants voisins d'une centrale nucléaire recourant contre l'autorisation d'exploitation (JAAC 64/2000 no 136 p. 1326), ou de concurrents attaquant l'autorisation d'exploiter un commerce (ATF 125 I 7). Il est admis, en revanche dans le cas des voisins qui se plaignent de violation de normes tendant à leur protection (ATF 127 I 44 consid. 2c et d p. 45), s'agissant d'une allocation sociale à laquelle l'intéressé peut prétendre en vertu du droit national (CourEDH, arrêt Mennitto c. Italie du 5 octobre 2000), ou dans les actions en responsabilité dirigées contre l'Etat (ATF 126 I 144).
cc) La jurisprudence considère qu'une plainte pénale dirigée contre des fonctionnaires de police peut avoir une incidence sur la réparation des préjudices matériel et moral allégués et a, partant, un caractère civil, même si une action en responsabilité n'a pas encore été formée (CourEDH, arrêt Maini c. France du 26 octobre 1999). La procédure d'indemnisation des victimes d'infractions - pour autant que le droit interne confère une véritable prétention - présente aussi un tel caractère (CourEDH, arrêt Gustafson c. Suède du 1er juillet 1997), de même qu'une action en indemnisation pour mauvais traitement de la police (CourEDH, arrêts Assenov c. Bulgarie et Osman c. Royaume-Uni, du 28 octobre 1998), ou une procédure relative à l'indemnisation pour la détention préventive subie (CourEDH, arrêts W. et S. c. Autriche du 24 novembre 1997).
 
Erwägung 6
a) Après la mort et la fin de la personnalité (art. 31 CC), cette dernière n'est en principe plus protégée. L'ordre juridique admet toutefois une prolongation de la protection, eu égard à la dignité du défunt et au sentiment de piété de ses proches. Outre la protection découlant du droit public (règles relatives à la constatation du décès et à l'inhumation en particulier) et pénal (dispositions protégeant contre les atteintes à la paix des morts, art. 262 CP), cette protection est

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également reconnue en droit privé. Son respect est alors entièrement subordonné à l'intervention des proches ou des autres ayants droit, puisque le titulaire n'est plus en mesure d'agir. Ce droit a pour conséquence essentielle que nul ne peut librement disposer du cadavre d'autrui (TERCIER, Le nouveau droit de la personnalité, Zurich 1984, nos 406 ss). Selon la conception retenue en Suisse, cette prolongation de la protection de la personnalité ne tient pas au fait que toute personne peut, de son vivant, espérer que son image personnelle ne sera pas profanée après sa mort, mais bien plutùt à la volonté de protéger le sentiment de piété des proches survivants: la protection s'étend aussi aux sentiments intimes qui comprennent le sentiment de piété envers les proches décédés, les souvenirs d'événements communs importants, de circonstances particulières qui attachent les uns aux autres et qui s'incorporent en quelque sorte à notre personnalité (ATF 70 II 127 consid. 2 p. 130/131; pour une protection "post mortem" de la personnalité, cf. OTT/GRIEDER, Plädoyer für den postmortalen Persönlichkeitsschutz, in PJA 2001 p. 627-631). Les proches ne peuvent dès lors agir, en principe, que s'ils invoquent leurs propres intérêts personnels (ATF 104 II 225). Les proches du défunt ont le droit de disposer du cadavre de celui-ci; en cela, ils n'exercent pas le droit qu'avait le de cujus de disposer de son cadavre, mais bien leur propre droit de la personnalité (DESCHENAUX/STEINAUER, Personnes physiques et tutelle, 4ème éd., Berne 2001, no 536c et la jurisprudence citée).
b) Il découle de ce qui précède que les particuliers disposent d'un droit, opposable à l'Etat, à l'encontre des interventions de celui-ci sur le corps d'un proche. Telle qu'elle est reconnue en droit suisse, cette protection s'analyse comme un véritable droit subjectif. Il ne saurait certes être assimilé sans autre à un droit de propriété (même si le cadavre humain est, en soi, une chose impersonnelle, cf. STEINAUER, Les droits réels, Berne 1990, no 68), mais implique un certain droit de disposition. Par ailleurs, les droits qui ressortissent au droit de la personnalité, notamment le droit au respect de la vie familiale et le droit à l'intégrité corporelle, font partie des droits dont le caractère civil ne prête pas à controverse (VELU/ERGEC, op. cit., no 424 et la jurisprudence citée). Cet aspect très particulier de la liberté personnelle tombe par conséquent sous le coup de l'art. 6 par. 1 CEDH.
c) La jurisprudence compte au rang des prétentions de caractère civil le droit à l'indemnisation d'un préjudice causé par un acte fautif des pouvoirs publics (ATF 126 I 144 consid. 3 p. 150 et la

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jurisprudence citée). Pour autant que des droits de caractère "personnel et patrimonial et subjectif" aient été lésés, le contentieux de la responsabilité de la puissance publique tombe sous l'application de l'art. 6 par. 1 CEDH. Or, il apparaót que la démarche des recourants tendait à l'obtention d'une réparation de nature constatatoire et il serait choquant de ne pas leur faire bénéficier du droit à un juge du simple fait qu'ils ont désiré se contenter d'un tel mode de réparation, sans élever de prétentions pécuniaires, le droit invoqué étant par ailleurs le même. Il ne serait au demeurant pas exclu que la constatation du caractère éventuellement illicite de l'ordre d'autopsie puisse ouvrir la voie à une procédure d'indemnisation fondée sur la responsabilité de l'Etat, quand bien même tel n'est pas l'objectif poursuivi par les recourants.
d) Compte tenu de la nature du droit invoqué, la contestation relative à un ordre d'autopsie tombe sous le coup de l'art. 6 par. 1 CEDH et doit en principe être soumise à un tribunal au sens de cette disposition. Cela ne signifie pas que l'intervention du juge doit obligatoirement être requise avant même qu'il soit procédé à la mesure contestée; un tel contrùle préalable ne serait généralement pas réalisable, comme en témoigne d'ailleurs la présente espèce. En revanche, lorsque le bien-fondé d'un ordre d'autopsie est contesté, cela implique l'intervention, a posteriori, d'une autorité judiciaire satisfaisant aux exigences de l'art. 6 CEDH. La transmission de la cause au Procureur général, comme autorité de surveillance de la police judiciaire, ne remplit pas ces exigences, pas plus que la possibilité de recourir directement au Tribunal fédéral contre la décision d'autopsie, par la voie du recours de droit public. La cause doit pouvoir être soumise à un tribunal disposant d'un pouvoir d'examen non limité en fait et en droit (ATF 126 I 144 consid. 3c p. 152 et les arrêts cités).
 
Erwägung 7
7.- En l'espèce, les recourants se sont adressés, dans un premier temps au Conseil d'Etat, puis au Tribunal administratif, afin "qu'il soit statué sur la légitimité" de l'ordre d'autopsie, et que soit constaté son caractère "totalement injustifié". L'acte contesté ayant déployé ses effets, il n'était pas question pour les recourants d'intervenir préventivement (par le biais d'un recours tendant à l'annulation de la décision) ou en cessation du trouble. Seule était envisageable une action en constatation, voire en réparation. Les recourants ont choisi la première de ces voies, en attaquant l'ordre d'autopsie du 4 avril 1999; ils exposaient n'avoir eu connaissance de cet ordre que par le biais d'une communication du juge d'instruction, dans le cadre de

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la procédure pénale. Il convenait, selon eux, de renoncer à l'exigence d'un intérêt actuel, car la mesure contestée échapperait sans cela toujours au contrùle de constitutionnalité. Le Tribunal administratif a répondu qu'il n'y avait pas de recours contre les actes de la police judiciaire et que les recourants n'avaient pas d'intérêt actuel à une constatation. L'un et l'autre de ces motifs ne résistent pas à l'examen.
a) Le droit d'accès à un tribunal n'est pas absolu. Il se prête à des limitations, notamment quant aux conditions de recevabilité d'une action ou d'un recours, dès lors que les règles d'organisation judiciaire et de procédure doivent être déterminées par l'Etat, qui jouit à cet égard d'une certaine marge d'appréciation. Ces limitations ne sauraient toutefois restreindre l'accès au justiciable de manière ou à un point tels que son droit à un tribunal s'en trouve atteint dans sa substance même. En outre, les limitations appliquées ne se concilient avec l'art. 6 par. 1 CEDH que si elles poursuivent un but légitime et s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé (CourEDH, arrêts S. et N. SA c. Grèce du 16 novembre 2000, par. 15; Levages Prestations Services c. France du 23 octobre 1996, Recueil des arrêts et décisions 1996 p. 1543, par. 40).
c) L'argument tiré du défaut d'intérêt n'est pas mieux fondé. Comme cela est relevé ci-dessus, la constatation requise avait une fonction réparatrice, de sorte que la cour cantonale ne pouvait nier tout intérêt actuel aux recourants. La jurisprudence des organes de Strasbourg et du Tribunal fédéral admet qu'en cas de violation de la CEDH, il existe un droit à une constatation, par exemple dans les cas oi les conditions d'une indemnisation pour dommage ou tort moral ne sont pas remplies (à défaut de dommage ou d'atteinte particulière à la personnalité), ou lorsque les intéressés y renoncent délibérément (ATF 125 I 394 consid. 5c p. 400/401 et les arrêts cités). Outre l'intérêt personnel des recourants à une telle constatation, il

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existe manifestement un intérêt général à faire vérifier une pratique fondée sur une ordonnance administrative et qui, en vertu de son caractère automatique, paraót empêcher toute pesée réelle des intérêts. La jurisprudence reconnaót un tel intérêt dans le cas de décisions ayant déjà déployé tous leurs effets, mais qui pourraient se reproduire en tout temps, lorsque la résolution d'une question déterminée correspond à un intérêt public et que l'intervention de l'autorité judiciaire ne pourrait, pratiquement, avoir lieu en temps utile (ATF 125 I 394 consid. 4b p. 396/397 et les arrêts cités). Tel est le cas en l'espèce.
 
Erwägung 8
b) Les recourants pourraient également être renvoyés à agir par la voie de l'action en responsabilité de l'Etat. Selon l'art. 2 de la loi genevoise sur la responsabilité de l'Etat, l'Etat de Genève est tenu de réparer le dommage résultant pour des tiers d'actes illicites commis soit intentionnellement, soit par négligence ou imprudence par ses agents ou fonctionnaires dans l'exercice de leurs fonctions. La réparation du dommage causé par des actes licites n'a lieu que si l'équité l'exige (art. 4). Les règles du code civil sont applicables à titre de droit cantonal supplétif (art. 6). Le Tribunal de première instance est compétent pour statuer sur de telles demandes, et la procédure civile cantonale est applicable (art. 7). Il est possible que les recourants puissent, dans ce cadre, faire reconnaótre l'illégalité de l'ordre d'autopsie. En matière de détention préventive, la jurisprudence considère que les irrégularités qui peuvent avoir entaché la procédure relative à celle-là peuvent être invoquées dans le cadre d'une procédure d'indemnisation sur la base de l'art. 5 par. 5 CEDH (ATF 125 I 394).
 
Erwägung 9
9.- C'est dès lors aux autorités cantonales, et en premier lieu au Tribunal administratif, auteur de la décision attaquée et juridiction

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de recours ordinaire en matière administrative, qu'il appartiendra de décider de quelle manière il peut être pourvu au contrùle judiciaire exigé par l'art. 6 par. 1 CEDH. Le cas échéant, la cour cantonale devra également s'interroger sur la recevabilité de la démarche des recourants, en particulier sur le respect du délai pour agir, question demeurée indécise dans l'arrêt attaqué. L'art. 6 CEDH ne saurait avoir pour effet de dispenser les recourants d'agir selon les formes requises, et les délais de procédure font partie des exigences légitimes dont peut dépendre l'accès à un tribunal. Il suffit de constater, à ce stade, que le Tribunal administratif ne pouvait refuser d'entrer en matière aux seuls motifs que le recours et l'action en constatation étaient exclus par la loi cantonale d'organisation judiciaire, et que les recourants ne pouvaient faire valoir un intérêt juridique. L'arrêt du 9 janvier 2000 doit par conséquent être annulé, et le Tribunal administratif devra rendre une nouvelle décision sur cet objet, dans le sens des considérants qui précèdent.