BGer 4A_46/2011
 
BGer 4A_46/2011 vom 16.05.2011
Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
{T 0/2}
4A_46/2011
Arrêt du 16 mai 2011
Ire Cour de droit civil
Composition
Mme et MM. les Juges Klett, présidente, Corboz et Kolly.
Greffier: M. Carruzzo.
Participants à la procédure
X.________ GmbH, (précédemment V.________ GmbH), représentée par Me Teresa Giovannini et Me Thomas Burckhardt,
recourante,
contre
Y.________ Sàrl, représentée par Mes Anne Véronique Schlaepfer et Philippe Bärtsch,
intimée.
Objet
arbitrage international,
recours en matière civile contre la sentence finale rendue le 3 décembre 2010 par le Tribunal arbitral ad hoc.
Faits:
A.
Le présent litige est lié à la livraison, par la société V.________ GmbH (ci-après: V.________; actuellement: X.________ GmbH) à la société Y.________ Sàrl (ci-après: Y.________), d'une installation (ligne de production) permettant de fabriquer des non-tissés. Un non-tissé est un textile dont les fibres sont maintenues de façon aléatoire par voie chimique, thermique (thermoliage), mécanique (aiguilletage) ou hydraulique (hydroliage). Selon Y.________, son but était de produire un non-tissé hydrophobe à usage médical en vue de le vendre à des sociétés internationales pour la confection, entre autres objets, de blouses de chirurgien, de trousses chirurgicales et de champs opératoires.
Les relations entre ces deux sociétés ont été formalisées dans un contrat conclu le 12 octobre 2001 (ci-après: le Contrat), suivi d'un avenant signé le 18 avril 2002 (l'Avenant n° 1 dans la terminologie utilisée par V.________) et d'une extension technique acceptée d'un commun accord en date du 18 décembre 2003 (l'Avenant n° 2 dans la terminologie utilisée par V.________ ou l'Extension technologique dans le langage de l'intimée; les deux modifications du Contrat seront désignées collectivement ci-après par le terme "Avenants").
B.
B.a Le 20 janvier 2009, Y.________, se fondant sur la clause compromissoire incluse dans le Contrat, a initié une procédure arbitrale. Dans le dernier état de ses conclusions, elle a réclamé à V.________, d'une part, le paiement de 5'127'646 euros, motif pris de ce que la ligne de production n'aurait jamais été réceptionnée ni en état de fabriquer le non-tissé prévu, et, d'autre part, une déclaration concernant la fourniture de pièces de rechange durant une période de dix ans.
En dernier ressort, V.________ a conclu, préalablement, à l'irrecevabilité de la procédure arbitrale du fait que Y.________ n'avait pas respecté, selon elle, deux clauses du Contrat prescrivant le recours à un expert neutre, respectivement une tentative de conciliation, avant l'introduction d'une telle procédure. Subsidiairement, elle a requis la suspension de celle-ci jusqu'à ce que ces deux démarches préalables aient été effectuées, de même que la condamnation de Y.________ à lui verser une compensation d'un million d'euros pour les avoir omises. En tout état de cause et sur le fond, elle a conclu à libération.
B.b Un Tribunal arbitral ad hoc de trois membres a été constitué. Siégeant à Genève et appliquant le droit suisse, il a rendu, le 3 décembre 2010, sa sentence finale par laquelle il a rejeté les conclusions préalables de V.________, y compris celle ayant trait à la compensation financière relative à ces conclusions, admis partiellement les demandes de Y.________, en ce sens que V.________ a été condamnée à verser à celle-ci 3'250'000 euros, intérêts en sus, et à lui fournir des pièces de rechange contre paiement jusqu'au 31 décembre 2015, mis les frais de l'arbitrage à la charge des parties à raison d'une moitié chacune et compensé les dépens, enfin rejeté toutes les autres conclusions.
Les motifs sur lesquels repose cette sentence seront énoncés, en tant que de besoin, dans le cadre de l'examen des griefs s'y rapportant.
C.
Le 21 janvier 2011, V.________ (ci-après: la recourante) a formé un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Invoquant l'art. 190 al. 2 let. b, d et e LDIP, elle conclut, sur compétence, à ce que le Tribunal fédéral constate que le Tribunal arbitral n'était pas compétent ratione temporis pour trancher le litige et, partant, annule la sentence attaquée. Sur le fond, elle reprend cette dernière conclusion. La requête d'effet suspensif formulée dans le mémoire de recours a été rejetée par ordonnance présidentielle du 4 mars 2011.
En date du 21 février 2011, le Tribunal arbitral a produit un certain nombre de pièces extraites du dossier de l'arbitrage et formulé une brève remarque visant l'un des griefs articulés par la recourante. Par lettre du 4 mars 2011, la recourante a demandé au Tribunal fédéral d'écarter l'une de ces pièces.
Dans sa réponse du 28 février 2011, Y.________ (ci-après: l'intimée) conclut au rejet du recours.
Le 15 mars 2011, la recourante a déposé des observations au sujet de de la détermination du Tribunal arbitral et de la réponse de l'intimée.
L'intimée a formulé des remarques sur ces observations et sur la lettre de la recourante du 4 mars 2011 dans une écriture du 29 mars 2011.
Considérant en droit:
1.
Dans le domaine de l'arbitrage international, le recours en matière civile est recevable contre les décisions de tribunaux arbitraux aux conditions fixées par les art. 190 à 192 LDIP (art. 77 al. 1 LTF). Qu'il s'agisse de l'objet du recours, de la qualité pour recourir, du délai de recours, des conclusions prises par la recourante ou encore des motifs de recours invoqués, aucune de ces conditions de recevabilité ne fait problème en l'espèce. Rien ne s'oppose donc à l'entrée en matière. Demeure réservé l'examen de la recevabilité des différents griefs formulés par la recourante.
2.
Le 21 février 2011, le Tribunal arbitral, par le truchement de son président, a produit un certain nombre de pièces tirées du dossier de l'arbitrage, dont une note datée du 3 avril 2009 qui était annexée à une écriture de l'un des conseils de la recourante portant la même date et intitulée (par le président du Tribunal arbitral) "Réponse sommaire de la Défenderesse à la notice d'arbitrage".
Dans une lettre du 4 mars 2011, ce conseil s'étonne de la production de ladite pièce, souligne le caractère informel de celle-ci et relève que l'intimée a, elle aussi, adressé au président du Tribunal arbitral une note similaire qui n'a pas été transmise au Tribunal fédéral. Aussi requiert-il que la pièce en question soit écartée du dossier. Cependant, comme l'intimée le fait remarquer à juste titre dans ses observations du 29 mars 2011, le but que la recourante poursuit en formulant une telle requête n'est pas perceptible, étant donné que cette partie n'indique pas en quoi la susdite pièce pourrait influer sur l'issue de la procédure de recours. Effectivement, il n'apparaît pas que la note du 3 avril 2009 soit d'un quelconque intérêt à cet égard. Il n'y a pas lieu, dans ces conditions, de donner suite à la requête de la recourante. Il y a d'autant moins de raison de le faire que l'existence de la pièce controversée est formellement constatée dans la sentence entreprise (n. 171).
3.
En premier lieu, la recourante reproche au Tribunal arbitral de s'être déclaré compétent à tort, "soit en méconnaissance du mécanisme contractuel préalable et obligatoire de recours à un expert neutre et de médiation". L'analyse de ce grief, fondé sur l'art. 190 al. 2 let. b LDIP, nécessite le résumé préalable des motifs qui étayent la sentence sur les deux questions soulevées par la recourante et des arguments que les parties avancent, qui pour les critiquer, qui pour les affermir.
3.1
3.1.1 L'art. 18 al. 3 du Contrat prévoit ce qui suit:
"En cas de contestations concernant la conformité ou la non-conformité des fournitures et prestations, l'ACHETEUR et le FOURNISSEUR doivent avoir recours à un expert neutre avant de soumettre le litige à un tribunal arbitral."
Quant à l'art. 20 du Contrat, sa teneur est la suivante:
"En cas de litige à l'occasion de l'interprétation ou de l'exécution des présents, un accord à l'amiable sera d'abord recherché par les parties.
Les litiges éventuels qui viendraient à naître du fait de l'interprétation ou de l'exécution des dispositions du présent MARCHE seront soumis, après échec d'une tentative de conciliation, à un tribunal arbitral, sans aucun recours aux tribunaux judiciaires. Le tribunal arbitral sera composé de 3 arbitres. Chacune des parties désigne un arbitre.
..."
Le Tribunal arbitral s'est formellement prononcé, lors de son audience du 27 janvier 2010 déjà, sur les exceptions d'irrecevabilité soulevées par la recourante sur la base de ces deux clauses. Il les a rejetées en indiquant que les motifs de ce rejet seraient développés dans la sentence à venir. Ces motifs sont résumés ci-après.
Sur le premier point, les arbitres exposent que la mission assignée à l'expert par l'art. 18 al. 3 du Contrat aurait été de se prononcer sur les aspects techniques des fournitures et prestations en relation avec une défectuosité particulière de la ligne de production. Or, en l'espèce, l'essentiel du litige relevait avant tout du droit, puisqu'étaient en cause l'interprétation du Contrat et une éventuelle inexécution de celui-ci, mais non des questions techniques. Au demeurant, comme le rôle dévolu à l'expert aurait consisté principalement à assister les parties dans la recherche d'une solution acceptable, il était douteux que son opinion ait pu amener celles-ci à trouver un accord sur des objets totalement étrangers à sa mission. Qui plus est, eu égard aux positions extrêmes prises par les parties dès la survenance du litige, il était peu vraisemblable, voire exclu, qu'un expert se prononçant sur les seuls aspects techniques eût été à même de convaincre les antagonistes de trouver un accord. Ainsi, la recourante n'ayant pas établi que la mise en oeuvre d'un expert aurait permis de résoudre le différend avant l'introduction d'une demande d'arbitrage, son moyen visant à déclarer cette demande irrecevable, pour cause de violation de l'art. 18 al. 3 du Contrat, ou à obtenir une suspension de la procédure jusqu'à la remise du rapport de l'expert, devait être rejeté.
Sur le second point, le Tribunal arbitral a jugé que les termes de l'art. 20 al. 2 du Contrat n'étaient pas suffisamment clairs pour permettre d'affirmer que l'absence d'une tentative de conciliation entraînerait nécessairement l'irrecevabilité de la demande. De plus, une réunion entre les parties avait bel et bien eu lieu le 13 janvier 2009. Qu'elle n'eût peut-être pas revêtu un caractère formel importait peu: le fait qu'elle n'avait pas été couronnée de succès confirmait que les relations entre les parties s'étaient à ce point détériorées qu'il n'y avait plus d'autre issue envisageable que le recours à l'arbitrage. Enfin, compte tenu des positions inconciliables adoptées par les parties, c'eût été faire preuve d'un formalisme excessif que de déclarer la demande irrecevable ou d'admettre la requête de suspension de la procédure en raison d'une violation de l'art. 20 al. 2 du Contrat.
3.1.2 S'agissant des "principes applicables", la recourante évoque la question de la manière de sanctionner la violation d'une convention imposant aux parties de ne pas procéder devant un tribunal arbitral sans avoir mis en oeuvre préalablement les modes alternatifs déterminés de résolution des litiges. Elle rappelle, à ce propos, que la jurisprudence fédérale a laissé ouverte cette question fort controversée et, plus précisément, le point de savoir si une telle violation entraîne l'irrecevabilité, voire le rejet en l'état, de la demande ou si elle doit être réparée par le versement de dommages-intérêts à la partie adverse (arrêt 4A_18/2007 du 6 juin 2007 consid. 4.3.1). A son avis, une analyse comparative de la doctrine et de la jurisprudence en Suisse et à l'étranger montre une tendance marquée à sanctionner pareille violation par une décision d'irrecevabilité ratione temporis.
Appliquant ces principes au cas particulier, la recourante soutient, en premier lieu, que l'interprétation du Tribunal arbitral concernant l'expertise préalable ne résiste pas à l'examen. Selon elle, les arbitres étaient précisément saisis de la question de la conformité de l'installation livrée (l'objet fourni) avec l'installation promise (l'objet du contrat). Cette question ne pouvait être résolue sans l'intervention d'un expert, tel l'ingénieur dans les contrats de construction soumis aux règles de la Fédération internationale des ingénieurs-conseils (FIDIC). Aussi le Tribunal arbitral s'était-il arrogé une compétence qu'il n'avait pas en statuant sans qu'un spécialiste eût été mis en oeuvre au préalable, alors que ses membres étaient dépourvus de toute connaissance technique en la matière. Quant aux deux autres motifs retenus par lui, ils procédaient de la pure spéculation et n'étaient ainsi d'aucun secours pour répondre à la question posée.
En second lieu, la recourante fait valoir que, contrairement à l'opinion des arbitres, les termes "un accord à l'amiable sera d'abord recherché par les parties", figurant à l'art. 20 al. 1 du Contrat, indiquent clairement que les parties avaient l'obligation de chercher un accord de bonne foi avant d'introduire une procédure arbitrale, ce que l'intimée s'était refusée à faire.
Plus généralement et à l'égard des deux préalables prescrits par le Contrat, la recourante estime qu'une expertise neutre aurait permis, selon toute vraisemblance, de clarifier nombre de questions de conformité aux stipulations contractuelles, comme le démontre l'expertise produite par elle dans la procédure arbitrale; à son avis, une tentative de conciliation, dans un tel contexte, aurait eu des chances d'aboutir.
Enfin, pour ce qui est du respect de la bonne foi et de l'interdiction de l'abus de droit, la recourante dit avoir démontré qu'elle a exigé en vain, par lettres des 14 et 19 janvier 2009, le respect du mécanisme contractuel en question et qu'elle a soulevé une exception d'irrecevabilité de ce chef dans son mémoire de réponse du 31 août 2009 déjà, puis dans ses écritures des 13 janvier et 19 mai 2010.
3.1.3 Dans sa réponse, l'intimée rappelle qu'en vertu de l'art. 186 al. 2 LDIP, l'exception d'incompétence doit être soulevée préalablement à toute défense sur le fond. Selon elle, la recourante ne se serait pas pliée à cette exigence, le mot "incompétence" ne se trouvant dans aucune de ses écritures versées au dossier de l'arbitrage. De fait, l'intéressée avait conclu à l'irrecevabilité de la procédure arbitrale, mais pas à l'incompétence du Tribunal arbitral auquel elle avait soumis des conclusions sur le fond. Elle n'avait, de surcroît, pas recouru immédiatement contre la prétendue décision d'incompétence rendue à l'audience du 27 janvier 2010, attendant pour ce faire de recevoir la sentence finale. Par conséquent, son grief devrait être déclaré irrecevable pour cause de forclusion.
A titre subsidiaire, l'intimée soutient que, même établies, les violations alléguées seraient sans incidence sur la compétence du Tribunal arbitral. En effet, la violation d'un mécanisme contractuel constituant un préalable obligatoire à l'arbitrage ne relèverait pas de la compétence du Tribunal arbitral, mais entraînerait tout au plus une déclaration d'irrecevabilité temporaire de la demande, voire le rejet définitif de celle-ci au cas où le mécanisme prévu ne pourrait plus être mis en oeuvre. Tel serait l'avis de la doctrine majoritaire, en Suisse et à l'étranger, auquel ferait écho la pratique des tribunaux arbitraux et d'autres juridictions nationales. Au reste, dans l'arrêt précité, le Tribunal fédéral n'aurait pas dit que l'une des conséquences envisageables de la violation en cause pourrait être l'incompétence du Tribunal arbitral. D'où il suit, en bref, que les arbitres auraient tranché, sur ce point, une question de recevabilité, si bien que leur décision ne serait pas susceptible de recours au Tribunal fédéral sous l'angle de l'art. 190 al. 2 let. b LDIP.
L'intimée considère, en tout état de cause, que le Tribunal arbitral n'a pas méconnu les mécanismes prévus aux art. 18 al. 3 et 20 al. 2 du Contrat. Pour elle, le caractère obligatoire de tels mécanismes ne découlerait pas du texte de ces deux dispositions, non plus que l'incompétence du Tribunal arbitral comme sanction de la violation de celles-ci. En outre, s'agissant de la conciliation préalable, il serait avéré qu'elle a eu lieu en date du 13 janvier 2009. A suivre l'intimée, les arbitres étaient, quoi qu'il en soit, fondés à considérer qu'une tentative de conciliation eût été vouée à l'échec, étant donné les divergences irréductibles des parties quant à l'exécution de leurs obligations contractuelles respectives, de sorte que la recourante ne saurait soutenir de bonne foi qu'une conciliation aurait eu des chances d'aboutir. En ce qui concerne l'expertise, l'intimée estime, à l'instar des arbitres, qu'elle n'eût été d'aucune utilité pour résoudre les problèmes juridiques, et non techniques, qui se posaient en l'espèce. Preuve en serait, à ses yeux, le fait qu'en juillet 2005, un ingénieur, dénommé A.________, avait rendu un rapport confirmant que la ligne de production ne permettait pas de fabriquer le produit que l'intimée désirait commercialiser et que ce constat, fait par un homme de l'art, n'avait pas constitué un élément propre à favoriser un règlement amiable du différend. L'intimée considère, partant, que la recourante n'avait pas d'intérêt à la mise en oeuvre du processus d'expertise prévu à l'art. 18 al. 3 du Contrat.
3.2 Saisi du grief d'incompétence, le Tribunal fédéral examine librement les questions de droit, y compris les questions préalables, qui déterminent la compétence ou l'incompétence du tribunal arbitral (ATF 134 III 565 consid. 3.1). En revanche, il ne revoit les constatations de fait sur lesquelles repose la sentence attaquée que si l'un des griefs mentionnés à l'art. 190 al. 2 LDIP est soulevé à leur encontre ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux sont exceptionnellement pris en considération dans le cadre de la procédure du recours en matière civile (arrêt 4A_234/2010 du 29 octobre 2010 consid. 2.1).
3.3
3.3.1 Selon la jurisprudence, la décision incidente, au sens de l'art. 186 al. 3 LDIP, par laquelle le Tribunal arbitral admet sa compétence, non seulement peut être attaquée immédiatement devant le Tribunal fédéral, en application de l'art. 190 al. 3 LDIP, mais encore doit l'être sous peine de forclusion (ATF 130 III 66 consid. 4.3; 118 II 353 consid. 2). L'intimée en déduit que le présent recours serait irrecevable, faute pour son auteur d'avoir entrepris en temps utile la décision rendue par le Tribunal arbitral à l'audience du 27 janvier 2010 au sujet de sa compétence. Elle a tort. En effet, le recours au Tribunal fédéral contre une décision doit être déposé dans les 30 jours qui suivent la notification de l'expédition complète (art. 100 al. 1 LTF). Or, ce délai ne commence à courir qu'avec la réception de la décision motivée (BERNARD CORBOZ, in Commentaire de la LTF, 2009, n° 9 ad art. 100 LTF). En l'espèce, comme cela ressort expressément de l'extrait du procès-verbal de ladite audience produit par l'intimée, le président du Tribunal arbitral a indiqué aux parties, à cette occasion, que les motifs justifiant le rejet, séance tenante, des exceptions d'irrecevabilité soulevées par la recourante seraient énoncés dans la sentence finale. Cette partie ne pouvait donc pas attaquer la décision incidente relative à ces exceptions avant d'en connaître les motifs.
3.3.2 Dans de longues explications, l'intimée fait valoir que la recourante n'aurait jamais contesté la compétence du Tribunal arbitral, mais uniquement la recevabilité de la demande. L'absence du terme "incompétence" dans les écritures de cette partie et le dépôt de conclusions sur le fond ne laisseraient pas de doute à cet égard. Il s'en suivrait l'irrecevabilité, pour cause de forclusion, du grief fondé sur l'art. 190 al. 2 let. b LDIP.
Pareil argument, de caractère très formaliste, n'apparaît pas convaincant. D'abord, il se fonde sur une analyse dichotomique contestable des notions d'irrecevabilité de la demande et d'incompétence de la juridiction saisie. Aussi bien, l'intimée croit pouvoir opposer de manière catégorique ces deux notions qui s'excluraient l'une l'autre. Cela reste pourtant à démontrer. Le fait que le droit procédural suisse, pour ne citer que lui, considère généralement la compétence comme une condition de recevabilité de la demande et son défaut comme une fin de non-recevoir (cf. l'intitulé du chapitre 2 du titre 3 du Code de procédure civile du 19 décembre 2008 [CPC; RS 272] et l'art. 59 al. 2 let. b du même code; voir aussi, parmi d'autres: FABIENNE HOHL, Procédure civile, tome II, 2e éd. 2010, nos 388 et 484) tendrait, au contraire, à prouver l'existence d'une étroite corrélation entre ces deux notions.
Force est de souligner ensuite que, dans sa conclusion préalable, la recourante invitait le Tribunal arbitral à "déclarer la procédure arbitrale irrecevable en raison de la violation des art. 18 et 20 du Contrat". Ce faisant, elle déniait aux arbitres le droit de statuer au fond tant et aussi longtemps que les démarches prévues par ces deux clauses contractuelles n'auraient pas été accomplies. En d'autres termes, cette partie contestait que le Tribunal arbitral fût compétent en l'état pour se prononcer sur les demandes présentées par l'intimée. Elle n'admettait pas, inversement, que les arbitres fussent d'ores et déjà autorisés à trancher le litige, même pour déclarer ces demandes irrecevables. Que la recourante ait soumis au Tribunal arbitral des conclusions sur le fond ne saurait infirmer les déductions qui précèdent, quoi qu'en dise l'intimée. En effet, elle ne les a formulées qu'à titre subsidiaire et par précaution, puisque le Tribunal arbitral avait décidé de n'indiquer qu'in fine litis les motifs du rejet des exceptions d'irrecevabilité soulevées dans la réponse à la demande.
Pour le surplus, la recourante souligne avec raison que le Tribunal fédéral a admis, au consid. 4.2 de l'arrêt 4A_18/2007 précité, que le reproche fait à un tribunal arbitral d'avoir passé outre à la tentative de conciliation obligatoire prévue dans le contrat en cause revenait à lui faire grief de ne pas s'être déclaré incompétent ratione temporis et à invoquer ainsi un moyen entrant dans les prévisions de l'art. 190 al. 2 let. b LDIP.
Il y a lieu, partant, d'entrer en matière sur le moyen fondé sur cette disposition.
3.4 Le Tribunal fédéral, on l'a vu (arrêt 4A_18/2007 précité, ibid.), envisage sous l'angle de l'art. 190 al. 2 let. b LDIP, relatif à la compétence du tribunal arbitral, le grief tiré de la violation d'un mécanisme contractuel constituant un préalable obligatoire à l'arbitrage (tentative de conciliation, mise en oeuvre d'un expert, médiation, etc.). Il le fait en quelque sorte par défaut, dans l'impossibilité où il se trouve de rattacher semblable grief à un autre motif de recours, au sens de cette disposition, admettant ainsi de manière implicite que pareille violation n'est certes pas suffisamment grave pour relever de l'ordre public procédural visé par l'art. 190 al. 2 let. e LDIP (sur cette notion, cf. ATF 132 III 389 consid. 2.2.1), mais doit néanmoins être sanctionnée d'une façon ou d'une autre. Cela ne signifie pas, dans son esprit, qu'un tel rattachement dicterait nécessairement la solution à adopter pour sanctionner le fait de déposer une requête d'arbitrage sans avoir accompli la démarche préalable obligatoire convenue par les parties.
Délicat au niveau de la recevabilité du grief afférent à la violation considérée, le problème l'est encore davantage lorsqu'il s'agit de déterminer la sanction qui s'attache à une telle violation. La question est fort controversée, comme le Tribunal fédéral l'a déjà souligné dans le dernier arrêt cité (consid. 4.3.1). L'une des explications à cette absence de consensus réside peut-être dans le fait que les diverses solutions proposées pour sanctionner semblable violation émanent de tribunaux ou d'auteurs provenant d'horizons juridiques différents et ne donnant pas tous la même signification aux notions de base qui entrent en ligne de compte dans ce contexte (compétence de jugement, recevabilité de la demande, exception de procédure, fin de non-recevoir, etc.). D'ailleurs, la formulation même de la question litigieuse, telle qu'elle a été faite dans ledit arrêt (ibid.), peut déjà prêter à discussion dans la mesure où elle semble vouloir opposer de manière irréductible la sanction matérielle (dommages-intérêts à payer à l'adverse partie) et la sanction procédurale (irrecevabilité ou rejet, en l'état, de la demande). Il n'est, en effet, pas certain que les deux types de sanction ne puissent se combiner. A preuve les conclusions préalables prises par la recourante, qui tendaient à la fois à faire déclarer la procédure arbitrale irrecevable en raison de la violation des art. 18 et 20 du Contrat et à obtenir une compensation financière pour le même motif. Cela étant, il n'est guère possible d'affirmer, comme le fait la recourante, qu'il existerait une tendance marquée à sanctionner la violation d'un mécanisme obligatoire préalable à l'arbitrage par une décision d'irrecevabilité ratione temporis de la demande au fond. Il semblerait plutôt qu'un courant doctrinal majoritaire se dessine, du moins en Suisse, en faveur de la suspension de la procédure arbitrale et de la fixation d'un délai aux parties pour leur permettre de réparer cette omission (cf., parmi d'autres: POUDRET/BESSON, Comparative law of international arbitration, 2e éd. 2007, n° 13 in fine; KAUFMANN-KOHLER/RIGOZZI, Arbitrage international, 2e éd. 2010, n° 32a; CHRISTOPHER BOOG, How to Deal with Multi-tiered Dispute Resolution Clauses, in Bulletin ASA 2008 p. 103 ss, spéc. p. 109).
Quoi qu'il en soit, point n'est besoin de trancher ici la question controversée, si tant est qu'elle puisse recevoir une réponse adaptée à tous les cas de figure envisageables, ce dont on peut raisonnablement douter. En effet, pour les motifs indiqués ci-après, le Tribunal arbitral n'a pas violé les deux clauses contractuelles invoquées par la recourante.
3.5
3.5.1 L'art. 18 al. 3 du Contrat prescrivait le recours préalable à un expert neutre "en cas de contestations concernant la conformité ou non-conformité des fournitures et prestations". Il est établi que les parties n'ont pas fait appel aux services d'un expert avant que l'intimée n'introduise la procédure arbitrale.
Le Tribunal arbitral indique que l'expert aurait eu pour mission exclusive de se prononcer sur les aspects techniques des fournitures et prestations, en relation avec une défectuosité particulière de la ligne de production, alors que les questions posées aux arbitres ne portaient pas sur ses aspects-là, mais sur l'objet du contrat et une éventuelle inexécution de celui-ci, à savoir sur des points de droit (sentence, n. 222, 1er tiret). Le Tribunal fédéral est lié par la constatation des arbitres relative aux questions qui se posaient à eux. Aussi la recourante tente-t-elle en vain de remettre en cause cette constatation. De même ne formule-t-elle pas une critique intelligible de l'interprétation faite par les arbitres de la mission assignée à l'expert par la clause contractuelle précitée, lorsqu'elle affirme, sans autres explications, que l'expertise produite par elle dans la procédure arbitrale "démontre l'identité d'objet" ou que cette mission équivalait à "celle de l'Ingénieur dans les contrats de construction FIDIC, dont tout le monde sait que la décision constitue le préalable nécessaire et obligatoire à toute saisine d'un tribunal arbitral" (recours, n. 50). Par ailleurs, l'argument complémentaire qu'elle formule "ex abundanti cautela" dans ses observations du 15 mars 2011 (n. 19), quant à l'utilité du recours à l'expert, n'est pas recevable pour avoir été présenté hors délai. Il n'infirme du reste nullement l'interprétation que le Tribunal arbitral a faite de la susdite clause pour en déduire la nature du rôle que l'expert aurait été censé jouer en l'occurrence. Il appert de ce qui précède qu'il n'y avait pas d'adéquation entre le rôle dévolu à l'homme de l'art et les questions à régler par les arbitres. De ce fait, ces derniers considèrent avec raison comme douteux, dans ces conditions et vu les positions extrêmes soutenues par les intéressées dans la procédure arbitrale, que l'opinion de l'expert ait pu amener les parties à trouver un accord sur des objets totalement étrangers à sa mission (sentence, n. 222, 2e et 3e tirets). Il ne s'agit pas d'une "pure spéculation", quoi qu'en dise la recourante (recours, n. 51), mais d'une appréciation sensée de l'efficacité qu'aurait pu avoir la mise en oeuvre du mécanisme prévu à l'art. 18 al. 3 du Contrat.
Par conséquent, la recourante se plaint à tort de ce qu'un expert n'ait pas été mis en oeuvre avant l'introduction de l'arbitrage.
3.5.2 Le moyen de la recourante tiré du non-respect de l'exigence d'une tentative préalable de conciliation n'apparaît pas non plus fondé.
Il s'agit de déterminer, en premier lieu, si l'art. 20 du Contrat instituait un préalable obligatoire de conciliation, comme le soutient la recourante, ou s'il ne faisait que soumettre à l'arbitrage les différends n'ayant pas pu être réglés à l'amiable, comme l'ont admis les arbitres. Cela suppose que l'on interprète cette clause contractuelle conformément aux principes généraux gouvernant l'interprétation des manifestations de volonté (arrêt 4A_18/2007, sus-indiqué, consid. 4.3.2 et l'arrêt cité). A cet égard, il n'apparaît pas que le Tribunal arbitral ait méconnu ces principes en mettant l'accent sur le caractère incident de la mention, faite à l'art. 20 al. 2 du Contrat, d'une "tentative de conciliation", sur l'absence d'éléments concrets dans le texte de cette clause propres à établir qu'un tel préalable constituait une mesure nécessaire à la recevabilité de la procédure arbitrale et sur le fait que le texte considéré ne décrit pas la procédure de conciliation de manière plus complète (sentence, n. 224, 2e tiret). Aussi bien, à la lecture de la clause en question, on ne sait pas exactement en quoi aurait dû consister cette tentative de conciliation, à supposer que les parties aient attribué la même signification à pareille démarche, ni si elle exigeait ou non l'intervention d'un médiateur, voire encore si elle devait être initiée dans un certain délai. Ce manque de précision ne plaide sans doute pas en faveur du caractère obligatoire de la conciliation à tenter. La recourante voit pourtant un fort indice d'un tel caractère au premier alinéa de la clause examinée, plus précisément dans le membre de phrase disant qu'"un accord à l'amiable sera d'abord recherché par les parties". La formulation de ce membre de phrase, en particulier l'utilisation du futur, semblerait lui donner raison; mais elle soulève un autre problème, c'est-à-dire la relation entre les deux premiers alinéas de l'art. 20 du Contrat et, à cet égard, le point de savoir si les notions d'accord à l'amiable et de conciliation utilisées par chacun d'eux sont ou non synonymes. Il n'est cependant pas nécessaire de pousser plus avant l'analyse de cette question. En effet, le caractère obligatoire de la tentative de conciliation mentionnée à l'art. 20 al. 2 du Contrat serait-il avéré, le sort du grief examiné ne s'en trouverait pas modifié pour autant.
C'est le lieu de rappeler, avec le Tribunal arbitral, que les parties se sont rencontrées à Genève, le 13 janvier 2009, avant que l'intimée ne dépose sa requête d'arbitrage, et que cette réunion n'a pas été couronnée de succès (cf. sentence, n. 166 et 224, 2e tiret). Cet état de choses permet de tirer deux conclusions: premièrement, en dépit du caractère informel de cette réunion, tentative de conciliation, au sens de l'art. 20 al. 2 du Contrat, il y a bel et bien eu en l'espèce; à cet égard, il n'est pas possible de retenir l'affirmation péremptoire de la recourante selon laquelle "les faits démontrent que [l'intimée] s'est refusée à toute discussion de bonne foi" (recours, n. 52). Secondement, étant donné l'échec de cette tentative des parties de trouver un accord à l'amiable et la constatation souveraine des arbitres voulant que cet échec ne fît que confirmer la détérioration irréversible des relations entre les parties, la recourante agit de manière abusive en reprochant aujourd'hui à l'intimée de l'avoir assignée devant le Tribunal arbitral sans poursuivre, au préalable, la recherche d'une solution transactionnelle, les chances de succès d'une telle démarche pouvant d'ores et déjà être exclues à l'époque.
3.5.3 La recourante ne critique pas la décision des arbitres de lui refuser la compensation financière qu'elle réclamait en raison du non-accomplissement des démarches préalables prévues par le Contrat. Il n'y a donc pas lieu d'examiner cette question dont le sort est intimement lié à celui des deux questions qui viennent d'être traitées (art. 77 al. 3 LTF).
Dès lors, le grief fondé sur l'art. 190 al. 2 let. b LDIP sera rejeté dans toutes ses branches.
4.
L'art. 12.2 du Contrat, relatif à la garantie du fournisseur, énonce ce qui suit:
"La Durée de la garantie s'étend sur une:
- période de 12 (douze) mois à compter de la réception du matériel chez le Client Utilisateur et de toute façon
- au plus tard sur une période de 22 (vingt-deux) mois à compter de la date d'embarquement du matériel; la date de connaissement ou du certificat de prise en charge faisant foi."
Quant à l'art. 10.2 al. 4 du Contrat, il précise que "la période de garantie commencera à courir à la date de la réception".
4.1
4.1.1 A l'appui d'un deuxième groupe de moyens, la recourante, se fondant sur les clauses citées, expose avoir soulevé, dans son mémoire après enquête du 19 mai 2010 (ch. 33 ss), l'exception de prescription en se prévalant à la fois du délai relatif de 12 mois et du délai absolu de 22 mois institués par l'art. 12.2 du Contrat. S'agissant de ce second délai, elle explique avoir démontré, pièce à l'appui, que le dernier matériel livré à l'intimée avait été embarqué le 2 février 2004, de sorte que le délai de 22 mois avait expiré le 2 décembre 2005. Dès lors, l'action de l'intimée, ouverte le 20 janvier 2009 seulement, était prescrite et aurait dû être rejetée pour ce motif déjà, à son avis.
Passant à l'analyse de la sentence sur la question de la prescription, la recourante note que le Tribunal arbitral a certes constaté l'existence de l'exception qu'elle avait soulevée de ce chef (sentence, n. 285, let. a avec référence au mémoire précité), mais qu'il a ensuite restreint son examen au problème de la prescription relative (sentence, nos 287 et 288), sans jamais aborder la seconde hypothèse de l'art. 12.2 du Contrat, i.e. celle de la prescription absolue de 22 mois à compter de la date d'embarquement du matériel.
Selon la recourante, pareille omission porterait atteinte à son droit d'être entendue, au sens de l'art. 190 al. 2 let. d LDIP, le Tribunal arbitral n'ayant pas examiné un moyen libératoire, et elle serait de plus incompatible avec le principe pacta sunt servanda, élément constitutif de l'ordre public matériel visé par l'art. 190 al. 2 let. e LDIP, faute pour les arbitres d'avoir appliqué une clause contractuelle dont ils avaient reconnu l'existence.
4.1.2 Dans sa réponse au recours, l'intimée, après avoir rappelé que le droit d'être entendu n'exige pas qu'une sentence internationale soit motivée, se réfère aux passages précités de la sentence pour en déduire que le Tribunal arbitral a rejeté l'exception de prescription dans son intégralité, y compris sur la question du délai de 22 mois fixé à l'art. 12.2 du Contrat. Aussi, pour elle, la recourante ne saurait se plaindre d'une violation de son droit d'être entendue.
Quant au principe pacta sunt servanda, l'intimée conteste qu'il ait pu être violé en l'espèce, étant donné que les arbitres, en écartant l'exception de prescription, ont rendu une sentence conforme à leur interprétation de la clause contractuelle régissant cette question.
4.1.3 Pour sa part, le Tribunal arbitral, dans une lettre de son président du 21 février 2011, a précisé ce qui suit au sujet de la prescription:
"Le Tribunal arbitral a examiné également l'objection de prescription basée sur le délai absolu de 22 mois à compter de la date de l'embarquement du matériel. Il l'a implicitement rejetée en constatant que la demanderesse [i.e. l'intimée dans la procédure fédérale] a répondu à cette objection de manière substantielle et convaincante (v. Mémoire en Réplique § 202) et que la Défenderesse [i.e. la recourante dans la procédure fédérale], dans son Mémoire de Duplique (v. §§ 243-244), n'a pas contredit les arguments développés par la Demanderesse de manière substantielle".
4.2 Dans l'une des deux branches du moyen considéré, la recourante reproche au Tribunal arbitral d'avoir méconnu le principe de la fidélité contractuelle, qui constitue l'un des éléments de l'ordre public matériel.
4.2.1 Le principe pacta sunt servanda, au sens restrictif que lui donne la jurisprudence relative à l'art. 190 al. 2 let. e LDIP, n'est violé que si le tribunal arbitral refuse d'appliquer une clause contractuelle tout en admettant qu'elle lie les parties ou, à l'inverse, s'il leur impose le respect d'une clause dont il considère qu'elle ne les lie pas. En d'autres termes, le tribunal arbitral doit avoir appliqué ou refusé d'appliquer une disposition contractuelle en se mettant en contradiction avec le résultat de son interprétation à propos de l'existence ou du contenu de l'acte juridique litigieux. En revanche, le processus d'interprétation lui-même et les conséquences juridiques qui en sont logiquement tirées ne sont pas régis par le principe de la fidélité contractuelle, de sorte qu'ils ne sauraient prêter le flanc au grief de violation de l'ordre public. Le Tribunal fédéral a souligné à maintes reprises que la quasi-totalité du contentieux dérivé de la violation du contrat est exclue du champ de protection du principe pacta sunt servanda (arrêt 4A_480/2010 du 15 mars 2011consid. 3.1 et l'arrêt cité).
4.2.2 La recourante fait valoir que le Tribunal arbitral aurait reconnu l'existence d'une disposition contractuelle - l'art. 12.2 du Contrat - mais aurait refusé purement et simplement (par omission) de l'appliquer. Il n'en est rien. Le principe pacta sunt servanda trouverait à s'appliquer ici si les arbitres avaient admis que l'action de l'intimée était prescrite, conformément à la disposition citée, pour avoir été introduite plus de 22 mois après la date d'embarquement du matériel, mais qu'ils eussent néanmoins accueilli les conclusions de la demande. Il n'est pas question de cela en l'occurrence: si le Tribunal arbitral a fait droit aux conclusions de l'intimée, c'est parce qu'il a jugé que l'action n'était pas prescrite. Il n'y a donc aucune incohérence entre la prémisse et la conclusion de son raisonnement.
Par conséquent, le grief examiné se révèle infondé sur ce point. Il reste à examiner la critique formulée par la recourante dans le même contexte, mais sous l'angle du droit d'être entendu.
4.3
4.3.1 Le droit d'être entendu en procédure contradictoire, au sens de l'art. 190 al. 2 let. d LDIP, n'exige certes pas qu'une sentence arbitrale internationale soit motivée (ATF 134 III 186 consid. 6.1 et les références). Il impose, toutefois, aux arbitres un devoir minimum d'examiner et de traiter les problèmes pertinents (ATF 133 III 235 consid. 5.2 p. 248 et les arrêts cités). Ce devoir est violé lorsque, par inadvertance ou malentendu, le tribunal arbitral ne prend pas en considération des allégués, arguments, preuves et offres de preuve présentés par l'une des parties et importants pour la décision à rendre. Si la sentence passe totalement sous silence des éléments apparemment importants pour la solution du litige, c'est aux arbitres ou à la partie intimée qu'il appartient de justifier cette omission dans leurs observations sur le recours. Il leur incombe de démontrer que, contrairement aux affirmations du recourant, les éléments omis n'étaient pas pertinents pour résoudre le cas concret ou, s'ils l'étaient, qu'ils ont été réfutés implicitement par le tribunal arbitral. Cependant, les arbitres n'ont pas l'obligation de discuter tous les arguments invoqués par les parties, de sorte qu'il ne peut leur être reproché, au titre de la violation du droit d'être entendu en procédure contradictoire, de n'avoir pas réfuté, même implicitement, un moyen objectivement dénué de toute pertinence (ATF 133 III 235 consid. 5.2 et les arrêts cités).
4.3.2 Il est constant que l'argument de la recourante tiré de l'écoulement du délai de prescription absolu de 22 mois n'a pas été expressément réfuté par le Tribunal arbitral. Celui-ci reconnaît du reste, dans ses observations sur le recours, qu'il n'a rejeté qu'implicitement cet argument. Ce rejet implicite est fondé sur le fait que la recourante n'a pas contredit, dans sa duplique, les explications que l'intimée avait présentées, dans sa réplique, pour s'opposer au moyen fondé sur la prescription absolue de la créance litigieuse.
Dans les explications dont il est ici question, l'intimée exposait, en substance, que, pour certains types de défauts, telle la fabrication de pièces spécifiques, il était possible que le délai de prescription de 22 mois, qui commençait à courir à la date d'embarquement du matériel, arrivât à échéance avant le délai relatif de 12 mois, dont le cours était lié à la réception de la ligne de production des non-tissés. Cependant, dans l'ordre normal des choses, il n'y aurait pas dû y avoir d'incohérence entre les deux types de prescription, car la réception de la ligne aurait dû intervenir dans les semaines suivant la livraison du matériel. Si incohérence il y a eu, en l'occurrence, c'est parce que la réception de la ligne de production a été rendue impossible du fait que celle-ci n'avait pas encore été achevée quatre ans après son montage. Au demeurant, toujours selon l'intimée, l'action introduite par elle n'était pas une action en garantie des défauts, mais une action en inexécution (mémoire en réplique du 29 octobre 2009, n. 202).
Il est vrai que, sous n. 243/244 de son mémoire de duplique du 13 janvier 2010, la recourante n'a pas spécifiquement réfuté cette argumentation, comme le souligne le Tribunal arbitral dans les susdites observations, mais s'est bornée, pour l'essentiel, à contester sa prétendue inexécution du contrat et à démontrer la validité de la clause excluant la responsabilité du vendeur. Toutefois, dans ses observations du 15 mars 2011, l'intéressée indique au Tribunal fédéral qu'elle avait expliqué sa position sur le point controversé de manière bien plus approfondie dans une autre écriture, à savoir son mémoire après enquêtes du 19 mai 2010 (n. 22 à 41 et 236). Effectivement, la recourante énumère, dans le passage cité, les raisons pour lesquelles l'action de l'intimée était soumise, selon elle, aux mêmes règles en matière de prescription, qu'elle fût une action pour cause d'inexécution du contrat (art. 97 ss CO) ou une action en garantie des défauts de la chose vendue (art. 197 ss CO). Elle y précise en outre, de manière circonstanciée, les raisons pour lesquelles ladite action serait prescrite sous l'un et l'autre aspect du double régime de prescription établi par l'art. 12.2 du Contrat (n. 38) et, singulièrement, au regard de la période absolue de 22 mois prévue par cette clause (n. 38 let. ii, 39 et 246). Or, on cherche en vain, dans le texte de la sentence, une réfutation, même implicite, des arguments développés par la recourante en ce qui concerne le délai de prescription absolu. La référence, faite sous n. 285 let. a de la sentence (consacré à la présentation de la position de la recourante), à "l'article 12.2 du Contrat (Déf. 19.05.2010, n° 33 ss)" a trait à un passage de l'écriture de cette partie traitant des deux types de prescription et n'a donc rien de spécifique. Il est d'ailleurs frappant de constater, à cet égard, que, dans les brèves observations qu'il a formulées sur le recours, le Tribunal arbitral ne cite pas le mémoire portant cette dernière date, qui traite en détail le point controversé, mais une précédente écriture qui apparaît beaucoup plus vague à ce propos. De même, les considérations émises par les arbitres sous n. 287 de la sentence se rapportent à la notion de réception de la ligne de production et, partant, au délai de prescription relatif. Preuve en est, de surcroît, le fait que, selon le Tribunal arbitral, "ce n'est pas la durée du délai de prescription qui est controversée, mais son point de départ" (sentence, n. 287, 1er §). En revanche, la sentence ne contient pas de référence, fût-ce allusive, au délai de prescription absolu de 22 mois, pour ce qui est de l'applicabilité même de ce délai ou de ses conditions d'application, en particulier son point de départ. Il n'en ressort pas davantage, contrairement à ce que soutient le Tribunal arbitral dans lesdites observations, que les arbitres auraient constaté que l'intimée avait répondu à l'exception de prescription "de manière substantielle et convaincante". On en est donc réduit à ajouter foi aux seules allégations faites par le Tribunal arbitral dans la procédure fédérale quant à savoir s'il a traité ou non la question litigieuse. Or, s'il est vrai que l'obligation de motiver ne constitue pas l'un des éléments de la garantie du droit d'être entendu au sens de l'art. 190 al. 2 let. d LDIP, ce serait vider de son contenu le devoir minimum des arbitres de traiter les questions pertinentes, tel que la jurisprudence susmentionnée l'a déduit de cette garantie, que de se fonder, face aux dénégations de la partie recourante, sur la simple allégation du Tribunal arbitral selon laquelle il a traité la question litigieuse.
L'intimée semble vouloir soutenir, de manière implicite à tout le moins, que le problème de la prescription absolue prévue par l'art. 12.2 du Contrat n'était pas pertinent pour résoudre le cas concret. Cependant, elle s'emploie à établir, à l'appui de sa thèse, que le Tribunal arbitral n'aurait pu qu'écarter l'exception de prescription fondée sur le délai de 22 mois fixé par cette clause contractuelle s'il s'y était arrêté. Pareille tentative est vouée à l'échec, car elle vise à démontrer, non pas le défaut de pertinence du moyen tiré de la prescription absolue, mais son absence de fondement. Or, la pertinence d'un tel moyen est indéniable, puisque l'admission de celui-ci entraînerait le rejet de l'action au fond. Quant à savoir si ce moyen aurait dû être admis, s'il avait été traité par les arbitres, ce n'est pas au Tribunal fédéral d'en décider. Cela reviendrait, en effet, à méconnaître la nature formelle du droit d'être entendu et la nécessité, en cas de violation de ce droit, d'annuler la décision attaquée indépendamment des chances de la partie recourante d'obtenir un résultat différent (ATF 135 I 187 consid. 2.2, 279 consid. 2.6.1; 133 III 235 consid. 5.3 i.f.).
Il y a lieu, dans ces conditions, d'admettre le moyen tiré de la violation du droit d'être entendu et, partant, d'annuler la sentence entreprise.
Cela étant, pour tenir compte de la nature formelle du droit d'être entendu, d'une part, et du principe de l'économie de la procédure, d'autre part, il paraît expédient de traiter néanmoins les autres griefs articulés dans le recours, de manière à éviter que l'auteur de celui-ci ne doive saisir derechef le Tribunal fédéral pour qu'il les examine dans l'hypothèse où les arbitres rejetteraient l'exception de prescription dans leur nouvelle sentence.
5.
Dans un troisième moyen, également divisé en deux branches, la recourante reproche au Tribunal arbitral d'avoir admis sa responsabilité contractuelle sur la base, non pas du Contrat et des Avenants conclus, mais d'une "«modification tacite» ex post de ces derniers" (recours, n. 73). Elle lui fait grief, de ce chef, d'avoir violé son droit d'être entendue (art. 190 al. 2 let. d LDIP) et de s'être déclaré à tort compétent ratione materiae "pour se prononcer sur l'existence d'un accord tacite" (recours, n. 74).
5.1
5.1.1 En Suisse, le droit d'être entendu se rapporte surtout à la constatation des faits. Le droit des parties d'être interpellées sur des questions juridiques n'est reconnu que de manière restreinte. En règle générale, selon l'adage jura novit curia, les tribunaux étatiques ou arbitraux apprécient librement la portée juridique des faits et ils peuvent statuer aussi sur la base de règles de droit autres que celles invoquées par les parties. En conséquence, pour autant que la convention d'arbitrage ne restreigne pas la mission du tribunal arbitral aux seuls moyens juridiques soulevés par les parties, celles-ci n'ont pas à être entendues de façon spécifique sur la portée à reconnaître aux règles de droit. A titre exceptionnel, il convient de les interpeller lorsque le juge ou le tribunal arbitral envisage de fonder sa décision sur une norme ou une considération juridique qui n'a pas été évoquée au cours de la procédure et dont les parties ne pouvaient pas supputer la pertinence (ATF 130 III 35 consid. 5 et les références). Au demeurant, savoir ce qui est imprévisible est une question d'appréciation. Aussi le Tribunal fédéral se montre-t-il restrictif dans l'application de ladite règle pour ce motif et parce qu'il convient d'avoir égard aux particularités de ce type de procédure en évitant que l'argument de la surprise ne soit utilisé en vue d'obtenir un examen matériel de la sentence par l'autorité de recours (arrêt 4A_392/2010 du 12 janvier 2011 consid. 5.1 et les arrêts cités).
5.1.2 Le grief considéré, tel qu'il est formulé, prête déjà à discussion du point de vue de sa recevabilité. La recourante expose, à son appui, que le litige portait sur la question de savoir si elle s'était engagée à fournir à sa cocontractante une ligne de production permettant de fabriquer des non-tissés hydrophiles (thèse de la recourante) ou des non-tissés hydrophobes (thèse de l'intimée). Elle cite ensuite un long passage du mémoire après enquêtes déposé le 19 mai 2010 par l'intimée (n. 117 à 124 et 135/136 de cette écriture) pour en déduire, sans autre démonstration, que cette partie, tout comme elle-même, avait fait porter le débat exclusivement sur l'interprétation des accords écrits (Contrat et Avenants) qui les liaient. Or, selon elle, le Tribunal arbitral aurait conclu à l'existence d'un engagement contractuel dans le sens voulu par l'intimée en se basant sur un prétendu accord tacite des parties postérieur à ces accords écrits, bien qu'aucune de celles-ci n'eût soulevé semblable argument juridique. Et de renvoyer simplement le Tribunal fédéral, à ce propos, au passage précité du mémoire après enquête de l'intimée, en affirmant pour le reste qu'il "sera aisé de vérifier [la chose] par les écritures des parties versées au dossier" (recours, n. 78 avec référence, en note infrapaginale 78, aux pièces A-F du bordereau de la recourante).
Sans doute ne peut-on pas reprocher à la recourante de renvoyer la Cour de céans aux écritures produites dans l'instance arbitrale, puisqu'il s'agit de constater l'absence d'un argument juridique, i.e. un fait négatif. Il n'en demeure pas moins que l'argumentation de la recourante, résumée ci-dessus, apparaît pour le moins lacunaire et peu conforme aux exigences de l'art. 77 al. 3 LTF dans sa présentation des opinions émises respectivement par l'intimée et le Tribunal arbitral sur la question des éléments à prendre en considération pour déterminer l'objet du Contrat.
Quoi qu'il en soit, même recevable, le grief examiné ne pourrait qu'être rejeté.
5.1.3 Il ressort des explications détaillées et convaincantes données sous n. 92 à 98 de la réponse de l'intimée, avec référence aux indications chronologiques figurant sous n. 237 à 243 de la sentence, que le Tribunal arbitral n'a pas retenu que la modification tacite de l'objet initial du Contrat serait intervenue après la conclusion des Avenants, mais qu'il a bien plutôt admis que cette modification résultait de la conclusion de l'Avenant n° 1 et de l'Extension technologique, de même que du comportement adopté par les parties dans l'intervalle. Par ailleurs, l'intimée, en se référant à des passages d'écritures versées par elle au dossier de l'arbitrage, démontre à satisfaction de droit que la thèse de la modification de l'objet initial du Contrat du fait, notamment, de l'attitude adoptée par les parties après la conclusion de celui-ci avait bien été développée par elle dans l'arbitrage (réponse, n. 99 et les références faites en notes de pied 79/80).
Dans ces conditions, la recourante plaide en vain l'effet de surprise sur le point de savoir de quelle manière le Contrat conclu le 12 octobre 2001 avait été modifié ultérieurement. Elle est d'autant moins légitimée à le faire que la jurisprudence fédérale considère de longue date le comportement adopté par les parties postérieurement à la conclusion du contrat comme un indice de la volonté réelle de celles-ci (ATF 107 II 417 consid. 6), c'est-à-dire comme un élément déterminant pour l'interprétation subjective du contrat.
5.2 La recourante soutient, en outre, que le Tribunal arbitral aurait excédé les limites de sa compétence matérielle. Il n'en est rien.
L'art. 20 al. 2, précité, du Contrat soumettait à l'arbitrage "les litiges éventuels qui viendraient à naître du fait de l'interprétation ou de l'exécution des dispositions du présent MARCHE". Le différend qui a été tranché par le Tribunal arbitral entrait incontestablement dans cette catégorie de litiges, puisqu'il avait trait à l'interprétation de la volonté des parties, telle qu'elle s'était exprimée dans des actes formels (Contrat et Avenants) ou concluants (comportement des parties). Quant à l'argument de la recourante voulant que les arbitres ne se soient pas limités à interpréter les accords contractuels, mais aient "cré[é] entre les [parties] et de toutes pièces un nouvel accord tacite" (recours, n. 85), il a déjà été réfuté à l'occasion de l'examen du grief précédent.
Cela étant, le troisième moyen soulevé par la recourante se révèle infondé si tant est qu'il ne soit pas déjà partiellement irrecevable.
6.
La recourante reproche, enfin, au Tribunal arbitral d'avoir violé son droit d'être entendue en ignorant des preuves essentielles, régulièrement produites, au sujet de la réception de la ligne de production, à savoir sur un élément décisif pour la fixation du point de départ du délai de prescription relatif de 12 mois prévu par le Contrat. A son avis, ces preuves démontreraient que la réception de la chose vendue était intervenue bien avant le 20 janvier 2008, contrairement à ce qui a été retenu par les arbitres, qu'elle était donc antérieure de plus d'un an à l'ouverture de l'action et que, partant, cette dernière serait prescrite.
6.1 Le droit d'être entendu, visé par l'art. 190 a. 2 let. d LDIP, est violé, comme on l'a déjà relevé plus haut (consid. 4.3.1), lorsque, par inadvertance ou malentendu, le tribunal arbitral ne prend pas en considération des allégués, arguments, preuves et offres de preuve présentés par l'une des parties et importants pour la décision à rendre. Il incombe à la partie soi-disant lésée d'établir, d'une part, que le tribunal arbitral n'a pas examiné certains des éléments de fait, de preuve ou de droit qu'elle avait régulièrement avancés à l'appui de ses conclusions et, d'autre part, que ces éléments étaient de nature à influer sur le sort du litige (arrêt 4A_482/2010 du 7 février 2011 consid. 3.2 et l'arrêt cité).
6.2 Dans sa sentence, le Tribunal arbitral indique, par le menu, les raisons pour lesquelles, à son avis, la ligne de production n'a pas été réceptionnée conformément aux conditions définies à l'art. 10.2 du Contrat à l'issue des tests effectués en 2004 (n. 260 à 266) et en janvier 2008 (n. 267 à 274). Il en déduit que la réception a finalement eu lieu à une date postérieure au 20 janvier 2008 (n. 275), soit moins d'un an avant le dépôt de la requête d'arbitrage (n. 276 ch. 3).
Selon la recourante, semblable déduction reposerait sur les deux motifs suivants (recours, n. 96): d'une part, le fait que l'intimée avait abandonné, pendente lite, ses conclusions initiales tendant à la résiliation du Contrat et au remboursement du prix de vente, acceptant ainsi de conserver la ligne de production (sentence, n. 272/273); d'autre part, le fait que l'intimée pouvait utiliser partiellement l'installation, quand bien même ce n'était pas dans la mesure qu'elle aurait pu espérer (sentence, n. 274). De ce constat, l'intéressée tire une double conclusion: d'abord, elle dénie toute pertinence à l'argument fondé sur la modification de la demande en cours de procès, s'agissant de déterminer le moment de la réception de la ligne de production (recours, n. 97); ensuite, elle reproche aux arbitres de n'avoir pas examiné les faits et preuves - pourtant mentionnés dans la sentence (voir l'énumération de ceux-ci sous n. 102 du recours) - que les parties leur avaient offerts pour déterminer l'époque à laquelle l'utilisation partielle de l'installation avait commencé, alors qu'ils avaient fait de cette utilisation partielle le critère déterminant pour fixer la date de réception de la chose vendue (recours, n. 98 et 103).
Il appert de ce résumé de son argumentation que la recourante ne semble pas avoir saisi la véritable signification des motifs énoncés dans la sentence sur le point controversé. Il résulte, en effet, non seulement du contenu de ceux-ci, mais encore de la systématique de leur présentation, que le Tribunal arbitral n'a jamais entendu faire de l'utilisation partielle de la ligne de production le critère permettant de déterminer le moment de la réception de cette installation. Dans un premier temps, il a recherché si les tests effectués en 2004 et 2008 remplissaient les conditions fixées à l'art. 10.2 du Contrat pour que l'on pût parler d'une réception de la ligne de production au sens de cette clause; et il a jugé que tel n'était pas le cas (sentence, p. 72 à 77, n. 3.3.1/3.3.2). Dans un second temps, pour répondre à une objection de l'intimée selon laquelle "la ligne n'aurait jamais été en état d'être réceptionnée" (sentence, n. 231), il a considéré, au regard des règles de la bonne foi, que pareille objection ne pouvait plus être admise après que l'intimée eut renoncé à demander la résiliation du Contrat et qu'elle utilisait au moins partiellement l'installation litigieuse, même si ce n'était pas dans la mesure escomptée (sentence, p. 78/79, n. 3.3.3). En d'autres termes, le Tribunal arbitral a donc admis, par une sorte de fiction juridique, que le comportement adopté par cette partie dans la procédure arbitrale (modification de ses conclusions) et dans les faits (utilisation partielle de l'installation) permettait de considérer que si la ligne de production n'avait pas été réceptionnée avant le 20 janvier 2008 selon les modalités convenues, elle était censée avoir été réceptionnée en fait ultérieurement par actes concluants. Ayant admis cela, il pouvait rejeter l'objection soulevée par l'intimée sans avoir à fixer, pour ce faire, la date précise de cette réception fictive, celle-ci étant de toute façon intervenue moins de 12 mois avant l'introduction de la procédure arbitrale.
Cela étant, force est de constater que la critique de la recourante tombe à faux dans la mesure où elle vise à établir que les arbitres n'auraient pas pris en considération un certain nombre de circonstances, pourtant constatées par eux, à l'effet d'établir que l'utilisation partielle de la ligne de production avait débuté bien avant le 20 janvier 2008. De telles circonstances se rapportent à un critère inadéquat, s'agissant de déterminer si, jusqu'à cette date, l'installation avait été réceptionnée conformément aux conditions fixées à l'art. 10.2 du Contrat. Il sied d'observer, au demeurant, que la recourante ne précise pas ce que recouvre la notion de réception, au sens de cette clause, alors qu'il ressort de la lecture de celle-ci et des explications données par l'intimée à son sujet (réponse, n. 112) que le terme en question y revêt une signification particulière en ce sens qu'il désigne la fin d'un processus de vérification technique relativement complexe.
Enfin et plus généralement, les explications fournies par la recourante révèlent que celle-ci s'en prend, en réalité, à la manière dont les arbitres ont apprécié les preuves versées au dossier de l'arbitrage pour en déduire que les tests effectués en 2004 et 2008 n'avaient pas abouti à une réception de l'ouvrage, dans l'acception donnée à ce terme par la clause contractuelle précitée. Or, l'appréciation des preuves échappe à l'examen du Tribunal fédéral lorsqu'il statue sur un recours en matière civile visant une sentence arbitrale internationale.
Dès lors, à le supposer recevable, ce dernier moyen apparaît dénué de fondement.
7.
La recourante a succombé pour l'essentiel. Cependant, son recours a été admis sur un moyen qui pourrait se révéler décisif sur le sort de l'action au fond ouverte contre elle. Dans ses conditions, il se justifie de répartir les frais de la procédure fédérale de manière égale entre les parties (art. 66 al. 1 LTF) et de compenser les dépens (art. 68 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
La requête de la recourante tendant à ce que la note rédigée le 3 avril 2009 par l'un de ses conseils soit écartée du dossier est rejetée.
2.
Le recours est partiellement admis, dans la mesure où il est recevable, et la sentence attaquée est annulée.
3.
Les frais judiciaires, arrêtés à 25'000 fr., sont mis pour moitié à la charge de chacune des parties.
4.
Les dépens sont compensés.
5.
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et au président du Tribunal arbitral ad hoc.
Lausanne, le 16 mai 2011
Au nom de la Ire Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
La Présidente: Le Greffier:
Klett Carruzzo