BGE 141 V 455
 
51. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit social dans la cause A. contre Avenir Assurance Maladie SA (recours en matière de droit public)
 
9C_233/2015 du 2 juillet 2015
 
Regeste
Art. 49 BV; Art. 42a KVG; Art. 1 VVK.
 
Sachverhalt
A. A. est au bénéfice d'une admission provisoire en Suisse et vit dans le canton de Vaud. A partir du 1er janvier 2006, il a été affilié pour l'assurance obligatoire des soins à la caisse-maladie Avenir Assurance Maladie SA (ci-après: Avenir) dans le cadre d'un contrat d'assurance collective conclu par le biais de l'Etablissement vaudois d'accueil des migrants (EVAM).
Requise par A. de lui délivrer une carte d'assuré, la caisse-maladie a refusé de le faire, par décision du 24 janvier 2014, confirmée par décision sur opposition datée du 15 septembre suivant. En bref, elle a considéré que l'assuré avait accès aux soins de base par le réseau de soins FARMED mis sur pied par l'Etat de Vaud, que des certificats d'assurance attestant de son affiliation à l'assurance obligatoire des soins lui avaient été transmis et que la détention d'une carte d'assuré contrevenait au bon fonctionnement du système instauré par le canton de Vaud, avec une adresse de facturation unique auprès de la société B. SA; pour le surplus, dans la mesure où l'assuré était représenté par l'EVAM pour les questions d'affiliation à l'assurance-maladie obligatoire, il était invité à s'adresser directement à ce dernier.
B. L'assuré a déféré la décision sur opposition au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales. Il a produit différents documents, dont une décision sur opposition rendue le 19 décembre 2013 par l'EVAM, par laquelle celui-ci a refusé de lui faire délivrer une carte d'assurance, voire d'entreprendre des démarches à cette fin auprès d'Avenir.
Statuant le 6 mars 2015, la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal vaudois a rejeté le recours.
C. A. interjette un recours en matière de droit public et un recours constitutionnel subsidiaire contre le jugement cantonal, dont il demande l'annulation. Il conclut au renvoi de la cause à la juridiction cantonale pour nouvelle décision au sens des considérants de son recours, dont il ressort, en substance, qu'il demande la remise d'une carte d'assuré de l'assurance-maladie obligatoire. Il requiert également l'assistance judiciaire, en vue de la dispense des frais judiciaires.
Avenir conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) a renoncé à se prononcer à son sujet. L'assuré a encore présenté des déterminations le 15 mai 2015.
Le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours constitutionnel subsidiaire et admis le recours en matière de droit public.
 
Extrait des considérants:
1. Interjeté par une partie particulièrement atteinte par la décision attaquée et qui a un intérêt digne de protection à son annulation (art. 89 al. 1 LTF), le recours en matière de droit public, dirigé contre un jugement final (art. 90 LTF) rendu dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF) par une autorité cantonale de dernière instance (art. 86 al. 1 let. d LTF), est recevable, dès lors qu'il a été déposé dans le délai (art. 100 al. 1 LTF) et la forme (art. 42 LTF) prévus par la loi et que l'on ne se trouve pas dans l'un des cas d'exceptions mentionnés à l'art. 83 LTF. En raison de son caractère subsidiaire, le recours constitutionnel également interjeté par le recourant n'est en revanche pas recevable (art. 113 LTF).
Les premiers juges ont considéré que la caisse-maladie avait à juste titre rejeté la demande de l'assuré à ce sujet, parce qu'elle était liée par la décision (entrée en force) de l'EVAM du 19 décembre 2013; cette autorité administrative, qui représentait le recourant auprès de l'intimée, avait déjà tranché la question de l'octroi d'une carte d'assurance-maladie par la négative. Le recourant conteste ce raisonnement en invoquant différents griefs tirés de la violation de droits constitutionnels (interdiction de l'arbitraire [art. 9 Cst.], droit à une procédure équitable [art. 29 al. 1 Cst.], force dérogatoire du droit fédéral [art. 49 al. 1 Cst.]).
 
Erwägung 3
En particulier, l'art. 82a al. 1 LAsi prévoit que l'assurance-maladie pour les requérants d'asile et les personnes à protéger qui ne sont pas titulaires d'une autorisation de séjour doit être, sous réserve des dispositions suivantes, adaptée en vertu de celles de la LAMal. Selon l'art. 82a al. 2 LAsi, les cantons peuvent limiter les requérants d'asile et les personnes à protéger qui ne sont pas titulaires d'une autorisation de séjour dans le choix de leur assureur et désigner à leur intention un ou plusieurs assureurs offrant une forme particulière d'assurance en vertu de l'art. 41 al. 4 LAMal (al. 2). Ils peuvent limiter les requérants d'asile et les personnes à protéger qui ne sont pas titulaires d'une autorisation de séjour dans le choix des fournisseurs de prestations visés aux art. 36-40 LAMal (al. 3 première phrase). Ils peuvent désigner un ou plusieurs assureurs qui n'offrent qu'aux requérants d'asile et qu'aux personnes à protéger qui ne sont pas titulaires d'une autorisation de séjour une assurance assortie d'un choix limité des fournisseurs de prestations au sens de l'art. 41 al. 4 LAMal (al. 4).
Avant l'entrée en vigueur de l'art. 82a LAsi au 1er janvier 2008 (RO 2007 5575), le principe selon lequel les cantons étaient autorisés à limiter les requérants d'asile et les personnes à protéger sans autorisation de séjour dans le choix de leur assureur et de leur fournisseur de prestations avait déjà été prévu à l'art. 26 al. 4 de l'ordonnance 2 sur l'asile du 11 août 1999 relative au financement (dans sa version en vigueur jusqu'au 31 décembre 2007[ordonnance 2 sur l'asile, OA 2; RS 142.312]).
Selon l'art. 34 LARA, le département en charge de la santé conclut des conventions avec un ou plusieurs assureurs concernant l'affiliation à l'assurance-maladie et accidents des demandeurs d'asile (et personnes assimilées; al. 1) ou veille, à défaut de convention, à affilier celles-ci auprès d'un ou plusieurs assureurs autorisés à pratiquer dans le canton au sens de l'art. 13 LAMal (al. 2); il peut confier l'affiliation et la gestion des dossiers qui en découlent à un tiers (al. 3).
De plus, le département en charge de la santé organise l'accès des personnes au bénéfice d'une admission provisoire aux fournisseurs de prestations (art. 37 al. 1 LARA). Il peut en particulier instituer des réseaux de soins infirmiers et de médecins de premier recours auxquels les demandeurs d'asile devront s'adresser en cas de maladie ou d'accident (art. 37 al. 2 LARA).
Selon l'art. 35 LARA, l'EVAM représente les personnes au bénéfice d'une admission provisoire dans le système d'affiliation de l'assurance-maladie obligatoire. A ce titre, il doit veiller à ce que ces dernières soient assurées et annoncer à l'assureur ou au tiers désigné conformément à l'art. 34 toutes les mutations des situations ayant un impact sur les conditions d'assurance, ainsi que les cas d'accident survenus au sein de la population qu'elle assiste.
Aux termes de l'art. 9 du règlement vaudois du 3 décembre 2008 d'application de la loi du 7 mars 2006 sur l'aide aux requérants d'asile et à certaines catégories d'étrangers (RLARA; RSV 142.21.1),
    " 1 Les personnes assistées et les bénéficiaires de l'aide d'urgence sont affiliés par l'établissement dans le cadre de l'assurance obligatoire des soins, conformément aux art. 34 et 35 LARA.
    2 La police d'assurance est transférée au bénéficiaire, d'office ou sur demande de ce dernier, selon les conditions suivantes:
    - soit, d'office, au 1er octobre pour les bénéficiaires de prestations complémentaires de l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité, ainsi que pour les personnes financièrement autonomes depuis 6 mois de manière ininterrompue en date du 30 septembre de la même année;
    - soit, sur demande de l'intéressé, à la fin de chaque mois, pour les personnes financièrement autonomes depuis 6 mois de manière ininterrompue ou n'ayant aucun autre lien d'assistance avec l'établissement.
    3 Lorsque la police d'assurance est transférée au bénéficiaire conformément à l'alinéa 2, l'intéressé n'est plus considéré comme affilié par l'établissement.
    4 Si l'intéressé n'est plus en mesure d'assumer lui-même les charges financières relatives à sa police d'assurance, il en transfère la gestion à l'établissement en signant une procuration en faveur de ce dernier. L'intéressé est alors considéré comme affilié par l'établissement."
Le but visé par la carte d'assuré est une simplification des procédures administratives entre les assureurs, les assurés et les fournisseurs de prestations. Elle contribue aux efforts de rationalisation entrepris par ces derniers et améliore l'information tout en augmentant le confort du patient/de l'assuré (Message du 26 mai 2004 concernant la révision de la loi fédérale sur l'assurance-maladie [Stratégie et thèmes urgents], FF 2004 4019, 4042 s. ch. 3.1; ci-après: Message). Comme il ressort de l'art. 42a al. 2 LAMal, l'objectif principal de l'utilisation de la carte se limite aux aspects administratifs visant à simplifier la facturation des prestations remboursées par l'assurance obligatoire des soins. L'idée en est que du moment que tous les assurés seront en possession de la carte d'assuré et qu'une grande partie des fournisseurs de prestations seront équipés des systèmes nécessaires, les prestations ne pourront plus être facturées et remboursées autrement que par ce biais. Les fournisseurs de prestations, tout comme les personnes assurées, seraient donc obligés d'utiliser la carte pour faire valoir leur droit au remboursement d'une prestation (Message p. 4043 ch. 3.1).
Les données médicales concernées constituent des données personnelles particulièrement dignes de protection au sens de la loi du 19 juin 1992 sur la protection des données (LPD; RS 235.1). L'enregistrement et la consultation des données ne sont possibles qu'avec le consentement de la personne assurée (Message p. 4043 ch. 3.1).
    " 1 Les assureurs doivent délivrer une carte d'assuré à toutes les personnes tenues de s'assurer en vertu de l'ordonnance du 27 juin 1995 sur l'assurance-maladie (OAMal).
    2 Les personnes qui sont tenues de s'assurer en vertu de l'art. 1, al. 2, let. d et e, OAMal, mais qui ne peuvent pas recevoir de prestations prises en charge par l'assurance obligatoire des soins sur le territoire suisse, excepté par le biais de l'entraide internationale, ne se voient pas délivrer de carte d'assuré."
L'art. 6 OCA définit l'étendue des données que les personnes autorisées peuvent enregistrer électroniquement sur la carte d'assuré, pour autant que la personne assurée ait donné son accord. Les art. 9 et 10 OCA règlent les droits et obligations de la personne assurée, tandis que les art. 11 et 12 OCA portent sur ceux de l'assureur. En particulier selon l'art. 12 OCA, l'assureur - qui reste propriétaire de la carte qu'il délivre (art. 11 al. 1 OCA) - est tenu, lorsqu'il remet la carte d'assuré à la personne assurée, d'informer cette dernière par écrit, de manière détaillée et compréhensible, de ses droits et de ses obligations, dont l'obligation d'utiliser la carte lors du recours à des prestations (let. a).
Les standards techniques auxquels la carte d'assuré doit satisfaire ont été fixés par le Département fédéral de l'intérieur dans l'ordonnance du 20 mars 2008 concernant les exigences techniques et graphiques relatives à la carte d'assuré pour l'assurance obligatoire des soins (OCA-DFI; RS 832.105.1).
5. D'entrée de cause, il y a lieu de relever que le raisonnement qui a conduit la juridiction cantonale à rejeter le recours de l'assuré, motif pris de la force de chose décidée à l'égard de l'intimée de la décision sur opposition de l'EVAM du 19 décembre 2013, est contraire au droit, en tant qu'il méconnaît la portée de l'autorité de chose décidée (Rechtsbeständigkeit). Cette décision a été rendue par le Directeur de l'EVAM dans une procédure opposant cet établissement et le recourant, à laquelle l'intimée n'a pas pris part, à quelque titre que ce soit. Portant uniquement sur le refus de la part de l'EVAM de délivrer une carte d'assuré au recourant, voire d'entreprendre des démarches en ce sens, la décision n'avait d'effets juridiques et ne s'imposait qu'à son destinataire et à l'autorité qui l'a rendue (TSCHANNEN/ZIMMERLI/MÜLLER, Allgemeines Verwaltungsrecht, 4e éd. 2014, p. 297 § 31 n. 2; THIERRY TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, p. 278 n. 808); elle ne pouvait en revanche lier l'intimée.
S'ajoute à cela qu'en vertu de l'art. 1 OCA, la remise de la carte d'assuré aux personnes assurées ressortit à l'assureur-maladie, et non à une autorité d'assistance. L'EVAM n'était donc pas compétent pour refuser de manière valable la remise de la carte au recourant, de sorte que l'intimée n'avait pas à se fier à la décision du 19 décembre 2013.
6. Entre autres motifs, le recourant soutient que le refus de lui délivrer la carte d'assuré fondé sur les art. 34 et 35 LARA est contraire au principe de la primauté du droit fédéral, dans la mesure où l'art. 42a LAMal prévoit l'introduction d'une carte d'assuré pour toute personne assurée à l'assurance obligatoire des soins.
6.1 Garanti à l'art. 49 al. 1 Cst., le principe de la primauté du droit fédéral fait obstacle à l'adoption ou à l'application de règles cantonales qui éludent des prescriptions de droit fédéral ou qui en contredisent le sens ou l'esprit, notamment par leur but ou par les moyens qu'elles mettent en oeuvre, ou qui empiètent sur des matières que le législateur fédéral a réglementées de façon exhaustive. Cependant, même si la législation fédérale est considérée comme exhaustive dans un domaine donné, une loi cantonale peut subsister dans le même domaine en particulier si elle poursuit un autre but que celui recherché par le droit fédéral. En outre, même si, en raison du caractère exhaustif de la législation fédérale, le canton ne peut plus légiférer dans une matière, il n'est pas toujours privé de toute possibilité d'action. Ce n'est que lorsque la législation fédérale exclut toute réglementation dans un domaine particulier que le canton perd toute compétence pour adopter des dispositions complétives, quand bien même celles-ci ne contrediraient pas le droit fédéral ou seraient même en accord avec celui-ci (ATF 140 I 218 consid. 5.1 p. 221 et les arrêts cités).
6.2 Au regard des dispositions de droit fédéral citées, on constate que dans le cadre de la compétence qui lui a été attribuée par l'art. 117 Cst. de légiférer en matière d'assurance-maladie, la Confédération a réglé de manière exhaustive aux art. 42a LAMal et 1 OCA la remise de la carte d'assuré. Le Conseil fédéral a posé le principe de la délivrance de la carte à toutes les personnes tenues de s'assurer en vertu de l'OAMal. Il a prévu une seule exception concernant les personnes visées à l'art. 1 al. 2 let. d et e OAMal (assurés résidant dans un Etat membre de l'Union européenne, en Islande ou en Norvège et soumises aux Accords cités, qui ne peuvent recevoir des prestations prises en charge par l'assurance-maladie obligatoire que par le biais de l'entraide internationale; cf. aussi Commentaire de l'OCA de l'OFSP du 14 février 2007, www.ehealth.admin.ch). Aucune dérogation n'a été instaurée pour la catégorie de personnes tenues de s'assurer en vertu de l'art. 1 al. 2 let. c OAMal, dont fait partie le recourant.
Par ailleurs, le législateur fédéral n'a prévu aucune compétence résiduelle des cantons pour légiférer sur ce point ou de marge de manoeuvre leur permettant de prévoir une exception supplémentaire à celle découlant de l'art. 1 al. 2 OCA.
Il s'agit, avec cette limitation, de permettre aux cantons de mieux contrôler l'accès des personnes concernées au système de santé, mais non de réduire les prestations médicales en faveur de celles-ci. En effet, sous réserve des al. 2-7 de l'art. 82a LAsi, toutes les formes d'assurance proposées aux personnes concernées doivent être conformes aux dispositions de la LAMal; notamment, toutes les prestations obligatoires en vertu de la LAMal sont garanties et doivent être fournies par les fournisseurs de prestations au sens des art. 36-40 LAMal (Message du 4 septembre 2002 concernant la modification de la loi sur l'asile, de la loi fédérale sur l'assurance-maladie et de la loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants, FF 2002 6359, 6436 s. ch. 2.5.3.2).
6.3.2 La plupart des cantons a usé de la possibilité de restreindre le choix des assureurs en concluant des accords-cadre avec les assurances-maladie (FF 2002 6434 ch. 2.5.2), soit des conventions sur les éventuelles charges supplémentaires devant être assurées par les assureurs en vue d'accroître l'efficacité du système en simplifiant les démarches administratives liées à l'assurance-maladie des requérants d'asile et des personnes à protéger sans autorisation de séjour (FF 2002 6437 ch. 2.5.3.2). En particulier, l'autorité d'assistance désignée par le droit cantonal est autorisée à conclure pour et à la place de la personne concernée soumise à l'obligation d'assurance un contrat d'assurance-maladie, pour le moins lorsque la personne assurée n'a pas déjà elle-même conclu un tel contrat (ATF 133 V 353 consid. 4.4 p. 358).
Toutefois, le fait qu'en raison de facilités administratives, les personnes assurées concernées - dont le choix de l'assureur-maladie est ainsi restreint - puissent être réunies au sein d'un contrat-cadre conclu entre un preneur d'assurance et un assureur pour la gestion d'un nombre déterminé d'assurés individuels, ne saurait constituer une dérogation aux règles de la LAMal. De tels contrats ne constituent pas un contrat collectif au sens de la LAMA, qui n'est plus admissible sous l'empire de la LAMal (arrêt du Tribunal fédéral des assurances K 47/01 du 25 août 2003, in RAMA 2003 p. 295). Singulièrement, les personnes concernées restent soumises aux règles et obligations de la LAMal en tant qu'assuré individuel (ATF 128 V 263 consid. 3c/aa p. 269 s.; cf. RAMA 1996 p. 139). Même si elles sont affiliées à une caisse-maladie pour l'assurance-maladie obligatoire par le biais d'un preneur d'assurance, elles sont assurées à titre personnel, conformément au principe de l'assurance individuelle (sur ce principe, EUGSTER, Krankenversicherung, in Soziale Sicherheit, SBVR vol. XIV, 2e éd. 2007, p. 406 n. 16 s.; GUY LONGCHAMP, Conditions et étendue du droit aux prestations de l'assurance-maladie sociale [...], 2004, p. 200). Dès lors, on ne voit pas qu'à ce titre, elles ne puissent pas faire valoir, parmi les droits dont bénéficient les assurés en vertu de la LAMal, celui d'obtenir leur carte d'assuré.
La représentation prévue à l'art. 35 LARA (supra consid. 3.3) a pour unique objet l'affiliation des demandeurs d'asile et personnes assimilées: l'EVAM représente les personnes concernées "dans le système de l'affiliation de l'assurance-maladie obligatoire", ce qui implique la compétence de les affilier ("veiller à ce que ces derniers soient assurés") à l'assureur-maladie avec lequel une convention a été conclue ou, à défaut, une caisse-maladie de son choix. Or la représentation en ce qui concerne l'affiliation à l'assurance obligatoire des soins n'a pas pour effet de faire perdre aux personnes concernées la qualité d'assuré en tant que telle, avec les droits et obligations que celle-ci comporte. La représentation par l'EVAM, pas plus que le fait que l'assuré est considéré comme "affilié par l'établissement" (cf. art. 9 RLARA), ne saurait limiter les droits dont il bénéficie dans les limites prévues par la législation fédérale.
Dans ce contexte, l'intimée qualifie en vain de "modalité d'affiliation" le refus d'octroi d'une carte d'assuré. La remise à chaque assuré pour la durée de son assujettissement de la carte d'assuré prévue par l'art. 42a LAMal est une prérogative liée à la qualité de personne soumise à l'assurance obligatoire des soins et non pas une circonstance relative au choix de la caisse-maladie et de l'affiliation à l'assurance-maladie obligatoire.
Il est vrai que dans le cadre du système mis en oeuvre par l'Etat de Vaud qui a entraîné la mise en place du réseau de soins FARMED (aujourd'hui, Réseau de santé et migration [RESAMI]) auquel lesassurés concernés doivent recourir en premier lieu (cf. art. 37 al. 2 LARA), les prestations qui leur sont fournies sont facturées directement à la société B. SA, selon les indications de l'EVAM (cf. décisions des 12 novembre et 19 décembre 2013). La carte d'assuré remplit toutefois aussi un autre rôle: elle facilite le décompte des prestations (données administratives sous forme électronique) et peut contribuer à améliorer le traitement des patients (données médicales enregistrées sur la carte; Circulaire de l'OFSP n° 7.7 du 12 décembre 2008 sur la carte d'assuré, p. 4 ch. 3.3 "Utilisation de la carte"); la carte permettrait d'influencer les gestes thérapeutiques (déclaration Brunner, BO 2004 CE 458). Elle a donc aussi la fonction de "carte de patient" ou "carte d'urgence" (termes évoqués lors des débats parlementaires sur l'art. 42a LAMal, déclarations Rossini et Brunner, BO 2004 CN 1503 et 1505), en ce sens qu'elle contient et donne accès à des données personnelles et d'ordre médical, qui peuvent être utiles lors d'une consultation médicale ou en cas d'urgence (Le système "carte d'assuré", 1er avril 2008, OFSP, www.ehealth.admin.ch, p. 4). Sous cet angle, on ne saurait nier ni l'utilité ni la nécessité de l'instrument en question pour l'assuré.
En tout état de cause, si l'utilisation de la carte d'assuré devait entraîner des inconvénients systématiques pour les assureurs-maladie ou les organes d'assistance impliqués dans l'organisation et la prise en charge des prestations de l'assurance-maladie obligatoire des personnes au bénéfice d'une admission provisoire en Suisse, il appartiendrait au législateur fédéral, respectivement au Conseil fédéral, - et non au Tribunal fédéral - d'intervenir et d'introduire une nouvelle exception à l'art. 1 al. 2 OCA.
6.5 Il découle de ce qui précède que l'application des règles de droit cantonal porte atteinte au principe de la primauté du droit fédéral, puisqu'elle prive le recourant du bénéfice d'un droit reconnu par la législation fédérale, dans un domaine dans lequel la Confédération est seule compétente. Il y a dès lors lieu de reconnaître le droit du recourant à la remise de sa carte d'assuré par l'intimée.
Partant, le recours en matière de droit public se révèle bien fondé, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres griefs soulevés par l'assuré.