BGE 135 V 88
 
12. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit social dans la cause INTRAS Caisse Maladie contre N. (recours en matière de droit public)
 
9C_876/2007 du 27 janvier 2009
 
Regeste
Art. 25 Abs. 2 lit. g KVG in Verbindung mit Art. 27 KLV; Art. 13 UVG in Verbindung mit Art. 20 UVV; Art. 19 MVG; Leistungspflicht für Rettungskosten.
 
Sachverhalt
A. N. est affilié à la Caisse Maladie Intras (ci-après: Intras) au titre de l'assurance-maladie obligatoire des soins. Il ne dispose pas d'une couverture d'assurance-accidents au sens de la LAA auprès de cet assureur. En 2006, en compagnie d'un autre alpiniste, il a été surpris par le brouillard dans la région de X., à une altitude d'environ 3'150 m, les deux alpinistes s'étant retrouvés hors tracé en descente, au pied d'un à-pic, selon leurs dires sans possibilité de remonter pour prendre une autre voie. A 13h46 ils ont appelé les secours par téléphone au 144 et, après avoir discuté la situation avec deux guides de montagne, ils ont été secourus sains et saufs moyennant treuillage effectué à 17h50 par hélicoptère de Air Zermatt et de l'Organisation cantonale valaisanne des secours (OCVS). Intras a refusé de prendre en charge le cas et de rembourser les factures de 3'728 fr. et de 509 fr. 50 établies pour le sauvetage. Elle a maintenu sa position notamment par lettre du 23 janvier 2007 et en dernier lieu par écrit du 12 avril 2007.
B. Saisi d'un recours formé par N., le Tribunal des assurances du canton de Vaud l'a admis par jugement du 26 septembre 2007. Il a déclaré d'une part que le pourvoi était recevable même à défaut de décision formelle (art. 56 al. 2 LPGA [RS 830.1]), l'assureur ayant par ailleurs procédé sans réserve sur le fond. Les juges cantonaux ont d'autre part statué que Intras est débitrice de l'assuré de la somme de 2'118 fr. 75.
C. Intras interjette un recours en matière de droit public à l'encontre de ce jugement dont elle demande l'annulation. Elle conclut principalement à être libérée du versement de la somme litigieuse, subsidiairement au renvoi de la cause à la juridiction cantonale pour complément d'instruction et, plus subsidiairement encore, à ce que celle-ci l'invite à rendre une décision formelle.
N. conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral de la santé publique a renoncé à se déterminer.
Le recours a été admis.
 
Extrait des considérants:
3.1 Les juges cantonaux ont établi l'état de fait en se fondant sur les allégations de l'assuré, selon lequel les deux alpinistes s'étaient retrouvés hors-tracé en descente, au pied d'un à-pic, sans possibilité de remonter pour prendre une autre voie. Ils ont également admis, sur la base des arguments invoqués par l'assuré, que continuer la descente hors-tracé dans le brouillard aurait à tout le moins constitué un risque aigu pour leur santé. La juridiction cantonale a ainsi exclu que l'assuré eût été victime d'un accident et qu'il eût présenté une atteinte à la santé, mais admis en revanche qu'il s'était trouvé dans une situation de danger indirect. L'établissement de ces faits ne résulte pas d'un procédé manifestement inexact et lie dès lors le Tribunal fédéral. Dans la mesure où les éléments du dossier et les circonstances concrètes ne permettaient pas de conclure qu'une instruction complémentaire de la cause aurait pu se révéler indispensable, l'état de fait n'a pas non plus été établi de manière incomplète (art. 105 al. 2 LTF).
3.2 Le Tribunal cantonal a considéré, en motivant son arrêt de façon certes succincte, mais non pas insuffisante, que l'obligation de la recourante de prendre en charge les frais de sauvetage litigieux ne présuppose pas que l'assuré ait été blessé, mais qu'il suffit qu'il se soit trouvé dans une situation dont il n'aurait pu s'échapper sans aller au devant d'un accident. Néanmoins, il n'a ainsi pas tenu compte du fait qu'il est pratiquement toujours soutenable, dans une situation de cette nature, qu'un danger accru pour la santé de l'assuré existe. Ceci n'est toutefois pas suffisant pour admettre la prise en charge des frais de transport par un assureur social, dès lors que la loi prévoit en principe une obligation de prendre en charge les frais de sauvetage uniquement dans le cas d'une atteinte à la santé qui s'est effectivement réalisée.
Sur la base de l'état de fait établi par la juridiction cantonale, qui lie la Cour fédérale, se pose ainsi la question de droit de savoir à quelles conditions une obligation de prendre en charge les frais de sauvetage de l'assuré existe. Le Tribunal fédéral n'a pas eu à se prononcer, à ce jour, sur cette question, ni dans le cadre de l'art. 25 al. 2 let. g LAMal en relation avec l'art. 27 OPAS, ni dans celui des art. 13 LAA (RS 832.20)/art. 20 OLAA (RS 832.202) ou encore de l'art. 19 de la loi fédérale du 19 juin 1992 sur l'assurance militaire (LAM; RS 833.1), ces trois dernières dispositions, qui concernent l'assurance-accidents et l'assurance militaire, ayant une teneur analogue à celle des articles précités relatifs à l'assurance-maladie. Une telle obligation suppose en principe toujours la réalisation du risque assuré, tandis qu'un simple danger accru ne constitue pas, sous réserve des mesures de prévention (art. 26 LAMal) dont les conditions ne sont pas réalisées en l'espèce, une maladie assurée ni - dans le cadre de la LAMal à titre subsidiaire - un accident au sens de la LAA. Dans deux jugements cantonaux, il a été dit que les frais de sauvetage doivent être pris en charge par l'assureur lorsqu'un danger sérieux existe. Toutefois, dans les deux cas relevés, la réponse à cette question n'avait pas été déterminante, puisque dans le premier il existait une suspicion fondée de blessure (Jurisprudence administrative bernoise [JAB] 2002 p. 421 consid. 3a/bb, 3b et 3c), tandis que dans le second la personne en danger avait effectivement eu besoin d'une aide de nature médicale (Revue valaisanne de jurisprudence [RVJ] 2001 p. 108 consid. 2b et 2d). Dans la doctrine, l'opinion d'après laquelle un danger sérieux est requis, est partagée par MAURER (ALFRED MAURER, Schweizerisches Unfallversicherungsrecht, 1985, p. 318; le même, Transport- und Rettungskosten in der Krankenversicherung und anderen Zweigen der Sozialversicherung, Mélanges en l'honneur de Jean-Louis Duc, 2001, p. 185) et EUGSTER (GEBHARD EUGSTER, Krankenversicherung, in Soziale Sicherheit, SBVR vol. XIV, 1re éd. 1998, p. 77 n. 151). Les autres opinions de doctrine sont nettement plus réservées, une obligation de prendre en charge les frais de sauvetage n'étant admise que si, à défaut d'une intervention, la survenance d'un accident, voire la réalisation d'une atteinte à la santé est inévitable ou certaine (MORGER, RSAS 1985 p. 246 s.; GHÉLEW/RAMELET/RITTER, Commentaire de la loi sur l'assurance-accidents [LAA], 1992, p. 80; MAESCHI, Kommentar zum Bundesgesetz über die Militärversicherung [MVG], 1999, p. 182 n° 18 ad art. 19 LAM; dans le même sens GEBHARD EUGSTER, Krankenversicherung, in Soziale Sicherheit, SBVR vol. XIV, 2e éd. 2007, p. 536 n. 421 et 422) ou encore, étant même exclue aussi longtemps qu'une atteinte à la santé n'est pas survenue (FRANZ SCHLAURI, Die Militärversicherung, in Soziale Sicherheit, SBVR vol. XIV, 2e éd. 2007, p. 1093 s. n. 98). La pratique administrative (qui semble inspirée de l'art. 61 al. 1 LCA [RS 221.229.1], qui concerne l'obligation de sauvetage dans le cadre de la loi sur le contrat d'assurance) est un peu plus large, puisque la Commission ad hoc des sinistres LAA (Recommandation n° 1/94, révisée en 2002 et entrée en vigueur le 1er janvier 2003) préconise le remboursement des frais de sauvetage pour un blessé qui ne peut pas se dégager ou pour un non-blessé ne pouvant pas se libérer lui-même d'une situation qui causerait sans aucun doute un dommage (p. ex. chute dans une crevasse).
Aux yeux du Tribunal fédéral, une interprétation extensive des conditions requises conduirait à prendre en charge des frais d'évacuation sans aucun rapport avec un événement accidentel et donc avec l'objet même de l'assurance. Il se justifie dès lors d'exiger en tout cas l'existence d'une certaine relation entre la situation dans laquelle se trouve la personne assurée et la notion d'accident pour que soient pris en charge des frais d'évacuation d'un non-blessé. Il faut, à tout le moins, qu'intervienne sur le corps de l'assuré un facteur extérieur extraordinaire susceptible de provoquer, après coup et indubitablement, une atteinte à la santé (chute, glissade). Tel n'est pas le cas d'une personne qui se trouve en difficulté en montagne à la suite d'une erreur d'orientation ou de la survenance de conditions météorologiques défavorables.
3.3 En l'espèce, il est constant que l'assuré n'a pas été victime d'un accident et qu'il ne présentait aucune atteinte à la santé avant, durant ou après son évacuation effectuée par hélicoptère. D'autre part, l'existence d'un risque d'atteinte à la santé qui se serait sans aucun doute réalisé dans le sens d'une exception restrictive en cas de danger accru pour la santé de l'assuré n'a pas été établie en l'occurrence, une simple situation objectivement dangereuse dont un assuré peut se libérer moyennant un transport de sauvetage par hélicoptère ne constituant pas un cas d'assurance conformément à la loi. L'obligation de la recourante de prendre en charge les frais de sauvetage litigieux doit dès lors être niée.
Dans ces conditions, le jugement cantonal n'est pas conforme au droit fédéral, les premiers juges ayant admis à tort que, sur la base des faits déterminants, les conditions requises pour la prise en charge des frais de sauvetage par la recourante étaient réunies. Le recours doit dès lors être admis en ce sens que le jugement cantonal peut être annulé, sans qu'il soit nécessaire de renvoyer la cause pour instruction complémentaire.