BGE 133 V 441
 
55. Arrêt de la Ire Cour de droit social dans la cause G. contre CNA, division Assurance militaire ainsi que Tribunal administratif du canton de Neuchâtel (recours de droit administratif)
 
M 9/06 du 5 juillet 2007
 
Regeste
Art. 37 Abs. 4, Art. 57 und Art. 61 lit. a ATSG: Verfahren vor dem kantonalen Versicherungsgericht.
 
Sachverhalt
A. Me G., avocat à N., a été nommé avocat d'office pour défendre les intérêts de P. dans une procédure administrative opposant celui-ci à la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents (CNA), division Assurance militaire. Le 31 mai 2006, l'assureur a fixé à 900 fr. l'indemnité de l'avocat d'office, soit 750 fr. au titre des honoraires (350 fr. pour la procédure de préavis-décision et 400 fr. pour la procédure d'opposition), ainsi que 150 fr. de débours et frais.
B. G. a recouru contre cette décision devant le Tribunal administratif de la République et canton de Neuchâtel en concluant au paiement d'une indemnité de 3'333 fr. 45 au titre des honoraires, des débours et de taxe à la valeur ajoutée, sous déduction de la somme de 900 fr. déjà versée.
Par lettre du 26 juin 2006, le Tribunal administratif a invité l'avocat à verser dans un délai de dix jours une avance de frais de 770 fr. en garantie des frais de procédure présumés. Par lettre du lendemain, l'avocat a contesté son obligation de verser une avance de frais, en invoquant le principe de la gratuité de la procédure en matière d'assurances sociales. Le 5 juillet 2006, le président du Tribunal administratif a répondu que la gratuité de la procédure ne s'appliquait qu'aux litiges en matière d'assurances sociales opposant un assuré à un assureur, voire des assureurs entre eux. En revanche, selon la jurisprudence neuchâteloise, la procédure portant sur l'indemnité allouée à l'avocat d'office était onéreuse. Le président a imparti à l'avocat un nouveau délai de dix jours pour s'acquitter de l'avance de frais requise, sous peine d'irrecevabilité. L'avocat ne s'est pas exécuté.
Par décision du 31 août 2006, le président du Tribunal administratif a déclaré le recours irrecevable et mis à la charge de G. un émolument de décision de 200 fr. et des débours par 40 fr.
C. G. a interjeté un recours de droit administratif dans lequel il a conclu à l'annulation de la décision attaquée et au renvoi de la cause à l'autorité précédente afin qu'elle statue au fond sur son recours.
La CNA, division Assurance militaire, conclut au rejet du recours, ce que propose également l'Office fédéral de la santé publique (OFSP), Unité de direction Assurance-maladie et accidents.
D. Le 5 juillet 2007, la Ire Cour de droit social du Tribunal fédéral a tenu une audience publique.
 
Considérant en droit:
1. La loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF; RS 173.110) est entrée en vigueur le 1er janvier 2007 (RO 2006 p. 1205, 1242). L'acte attaqué ayant été rendu avant cette date, la procédure reste régie par l'OJ (art. 132 al. 1 LTF; ATF 132 V 393 consid. 1.2 p. 395).
Sous le régime de la LPGA, l'indemnité allouée à l'avocat d'office dans la procédure en matière d'assurances sociales ne se détermine plus selon le droit cantonal, mais en vertu du droit fédéral, par le renvoi de l'art. 55 LPGA à l'art. 65 al. 5 de la loi fédérale du 20 décembre 1968 sur la procédure administrative (PA; RS 172.021), qui renvoie à son tour à l'ordonnance du 10 septembre 1969 sur les frais et indemnités en procédure administrative (RS 172.041.0; voir à ce sujet ATF 131 V 153 consid. 3.1 p. 155).
Est donc litigieux le point de savoir si la gratuité de la procédure prévue à cette disposition vaut également dans un litige portant sur la rémunération de l'avocat d'office dans la procédure administrative en matière d'assurances sociales, autrement dit si c'est ou non à bon droit que les premiers juges ont déclaré le recours irrecevable pour défaut de paiement par le recourant d'une avance de frais.
 
Erwägung 5
5.1 Selon le premier juge, le principe de la gratuité de la procédure énoncé à l'art. 61 let. a LPGA a pour but de faciliter l'accès aux tribunaux des personnes qui ont souvent une situation économique précaire. Il s'applique tout spécialement dans les litiges en matière d'assurances sociales opposant un assuré à un assureur. Il ne vaut pas, en revanche, quand l'avocat d'office conteste le montant que l'assureur lui a accordé dans le cadre d'un mandat d'office. Aussi bien le premier juge a-t-il fait application du droit cantonal de procédure, notamment les art. 47 al. 5 et 52 de la loi du 27 juin 1979 sur la procédure et la juridiction administratives (LPJA/NE). Ces règles cantonales permettent au tribunal d'exiger une avance de frais et donnent la compétence à son président de déclarer un recours irrecevable si le recourant, dûment averti, ne verse pas dans le délai imparti l'avance de frais qui lui est demandée.
5.3 Comme l'a jugé le Tribunal fédéral des assurances à propos de l'ancien art. 108 al. 1 let. a LAA, qui avait sur le point ici en discussion le même contenu que l'art. 61 let. a LPGA, cette disposition de la LAA ne souffrait qu'une exception au principe de la gratuité de la procédure, à savoir quand une partie agit par témérité ou à la légère. Il en a déduit que, sous cette réserve, la procédure cantonale était gratuite, même si elle opposait deux assureurs (ATF 127 V 196). Dans ce même arrêt, le tribunal a procédé à une analyse approfondie des travaux préparatoires de l'art. 61 let. a LPGA (la LPGA avait déjà été adoptée par le Parlement mais n'était pas encore en vigueur à cette époque). Cette analyse montre que le législateur a voulu maintenir sous le régime de la LPGA la règle de la gratuité, avec pour seule exception les cas de témérité ou de légèreté. En particulier les termes "en règle générale" ("in der Regel") se rapportent exclusivement à la publicité des débats, mais non aux autres exigences de procédure énumérées à la lettre a de l'art. 61 LPGA (ATF 127 V 196 consid. 2d/cc p. 201). Par conséquent, la règle de la gratuité exprimée par cette disposition ne dépend pas de la personne qui est partie à la procédure. Elle résulte bien plutôt du fait qu'un litige est porté devant un tribunal cantonal des assurances dont la compétence se fonde sur les art. 57 et 58 LPGA. Elle vaut aussi, par ailleurs, pour les recours contre des décisions incidentes ou d'ordonnancement de la procédure prises en marge de la procédure principale (cf. ATF 121 V 178 consid. 3; cf. aussi THOMAS LOCHER, Grundriss des Sozialversicherungsrechts, 3e éd., Berne 2003 p. 496).
5.4 On ne voit pas de motif de faire une exception en matière de fixation des honoraires de l'avocat d'office. Celui-ci accomplit une tâche étatique spécialement régie par le droit des assurances sociales (cf. ATF 113 Ia 69 consid. 6 p. 71 et les références citées). Lors de sa désignation, il s'établit, entre l'avocat et l'assureur (dans la procédure administrative) un rapport juridique spécial en vertu duquel le premier a contre le second une prétention à être rétribué en vertu des dispositions précitées de la LPGA et de la PA. A la différence d'une activité de conseil librement consentie et pleinement rétribuée, la rémunération à laquelle peut prétendre l'avocat d'office relève du droit de procédure en matière d'assurances sociales au même titre que les litiges qui portent sur des points accessoires du procès au fond et pour lesquels la gratuité est garantie.
Enfin, à titre de comparaison, on observera que le Tribunal fédéral considère que la procédure instituée par l'art. 12 de la loi fédérale du 24 mars 1995 sur l'égalité entre femmes et hommes (LEg; RS 151.1) vaut pour toutes les procédures, notamment celles en matière de fixation des honoraires dus par une partie à son avocat pour la procédure devant le Tribunal fédéral prévue par l'art. 161 OJ (arrêt 4C.123/2004 du 9 juillet 2004, consid. 7).