BGE 124 V 12
 
3. Arrêt du 16 janvier 1998 dans la cause C. contre Office de l'AI pour le canton de Vaud et Tribunal des assurances du canton de Vaud
 
Regeste
Art. 21 Abs. 3 und 4 IVG; Art. 14 IVV; Art. 7 Abs. 3 HVI: Kostenübernahme für Betrieb und Unterhalt von Hörgeräten durch die Invalidenversicherung.
- Hingegen stellt das Fehlen der Übernahme von Betriebs- und Unterhaltskosten von Hörgeräten angesichts der Tatsache, dass die Invalidenversicherung solche Kosten für die andern Hilfsmittel übernimmt, eine mit ernsthaften und sachlichen Gründen nicht zu rechtfertigende Ungleichbehandlung dar.
 
Sachverhalt
A.- C., née en 1992, souffre de surdité bilatérale congénitale. Elle a ainsi bénéficié de prestations de l'assurance-invalidité, notamment la fourniture d'un appareil acoustique et la prise en charge des frais d'entretien et d'utilisation relatifs à celui-ci, au titre de l'octroi de moyens auxiliaires (communication du 20 juin 1996).
Par décision du 14 mars 1997, l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après: l'office) a cessé d'accorder des prestations pour l'entretien et l'utilisation de cet appareil à compter du 1er janvier 1997, en se fondant sur une nouvelle disposition réglementaire.
B.- Le recours de C. auprès du Tribunal des assurances du canton de Vaud a été rejeté par jugement du 16 mai 1997.
C.- C. interjette un recours de droit administratif contre ce jugement dont elle demande l'annulation. Elle conclut à ce que les frais d'utilisation et d'entretien de l'appareil acoustique soient pris en charge par l'assurance-invalidité.
L'office conclut au rejet du recours. L'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) préavise dans le même sens.
 
Considérant en droit:
A l'art. 14 RAI, le Conseil fédéral a délégué au Département fédéral de l'intérieur la compétence de dresser la liste des moyens auxiliaires et d'édicter des prescriptions complémentaires au sens de l'art. 21 al. 4 LAI. Ce département a édicté le 29 novembre 1976 l'ordonnance concernant la remise des moyens auxiliaires par l'assurance-invalidité (OMAI) avec, en annexe, la liste des moyens auxiliaires. Celle-ci est exhaustive dans la mesure où elle énumère les catégories de moyens auxiliaires entrant en ligne de compte.
La question de la réparation et de l'entretien des moyens auxiliaires est traitée à l'art. 7 OMAI. Selon l'al. 2 de cette disposition, les frais de réparation, d'adaptation ou de remplacement partiel nécessaires sont assumés par l'assurance, à défaut de tiers responsable. Le montant de cette prise en charge est cependant limité dans le cas des véhicules à moteur. Pour les frais d'entretien et d'utilisation des moyens auxiliaires, l'assurance accorde une contribution annuelle. Celle-ci est au maximum de 485 francs (ch. 6.3 annexe 1 OMAI). Les frais d'entretien et d'utilisation d'appareils acoustiques et de véhicules à moteur ne sont pas pris en charge par l'assurance (art. 7 al. 3 OMAI).
Dans sa teneur initiale, l'art. 7 al. 3 OMAI prévoyait que les frais d'entretien de moyens auxiliaires, en particulier de véhicules à moteur, de fauteuils roulants à moteur et d'appareils acoustiques n'étaient pas pris en charge par l'assurance-invalidité, sauf dans les cas pénibles. Par suite d'une modification de la disposition réglementaire, intervenue le 9 octobre 1992, l'assurance-invalidité a alloué une contribution annuelle aux frais d'entretien et d'utilisation des moyens auxiliaires, contribution qui pouvait aller jusqu'à la moitié du montant minimal de la rente ordinaire simple de vieillesse. Avec la nouvelle modification du 19 décembre 1996, entrée en vigueur le 1er janvier 1997, les frais d'entretien et d'utilisation des appareils acoustiques ne sont plus pris en charge par l'assurance-invalidité, comme c'était déjà le cas depuis 1993 de ceux relatifs aux véhicules à moteur.
a) Le Tribunal fédéral des assurances examine en principe librement la légalité des dispositions d'application prises par le Conseil fédéral. En particulier, il exerce son contrôle sur les ordonnances (dépendantes) qui reposent sur une délégation législative. Lorsque celle-ci est relativement imprécise et que, par la force des choses, elle donne au Conseil fédéral un large pouvoir d'appréciation, le tribunal doit se borner à examiner si les dispositions incriminées sortent manifestement du cadre de la délégation de compétence donnée par le législateur à l'autorité exécutive ou si, pour d'autres motifs, elles sont contraires à la loi ou à la Constitution. Dans l'examen auquel il procède à cette occasion, le juge ne doit toutefois pas substituer sa propre appréciation à celle de l'autorité dont émane la réglementation en cause. Il doit au contraire se borner à vérifier si la disposition litigieuse est propre à réaliser objectivement le but visé par la loi, sans se soucier, en particulier, de savoir si elle constitue le moyen le mieux approprié pour atteindre ce but (ATF 123 II 44 consid. 2b, ATF 122 V 93 consid. 5a/bb, 118 consid. 3a/bb, 303 consid. 4a, 311 consid. 5c/aa, 408 consid. 3a, ATF 120 V 49 consid. 3a, 457 consid. 2b et les références).
Selon la jurisprudence constante, une norme générale et abstraite viole le principe de l'égalité de traitement consacré à l'art. 4 al. 1 Cst. lorsqu'elle n'est pas fondée sur des motifs sérieux et objectifs, qu'elle est dépourvue de sens et d'utilité, qu'elle opère des distinctions juridiques que ne justifient pas les faits à réglementer ou qu'elle omet, au contraire, des distinctions juridiques que la diversité des circonstances en présence rend indispensables (ATF 123 I 7 consid. 6a, 23 consid. 3b et 141 consid. 10b, ATF 123 II 11 consid. 3a et 26 consid. 6a, ATF 122 I 25 consid. 2b/cc, 67 consid. 3a, 313 consid. 6a et 349 consid. 4b, ATF 121 I 104 consid. 4a et 134 consid. 3d). En d'autres termes, le droit à l'égalité de traitement postule que les situations de fait semblables soient assujetties à des règles de droit semblables, et les situations de fait dissemblables à des règles de droit dissemblables (GRISEL, Traité de droit administratif, p. 359).
b) L'ordonnance incriminée a pour base légale l'art. 21 LAI qui postule simplement le droit à la remise de moyens auxiliaires aux assurés invalides qui en remplissent les conditions. Dans la mesure où l'OMAI règle les questions de détail relatives à la remise de ces moyens, elle entre, d'une manière générale, dans le cadre de la délégation législative donnée au Conseil fédéral (art. 21 al. 4 LAI). Corollaire de la remise, la réparation des moyens auxiliaires, prise en charge par l'assurance-invalidité (art. 7 al. 2 OMAI), en est le complément nécessaire, la remise de moyens auxiliaires pouvant et devant être comprise comme celle de moyens effectivement aptes à procurer l'aide envisagée. A cet égard, on peut observer que l'assurance-invalidité a pour obligation d'assumer les frais de réparation de tous les moyens auxiliaires quels qu'ils soient, pour autant qu'ils figurent sur la liste annexée à l'OMAI. Seule exception, la prise en charge limitée des frais de réparation des véhicules à moteur demeure manifestement dans le cadre de la loi, l'usage privé ou à d'autres fins que celles visées à l'art. 21 LAI ne pouvant être mis à la charge de l'assurance (ATF 109 V 22 consid. 4b; MEYER-BLASER, Bundesgesetz über die Invalidenversicherung (IVG), Zürich 1997, collection "Rechtsprechung des Bundesgerichts zum Sozialversicherungsrecht", ad art. 21 LAI, ch. 3, p. 165).
Par une interprétation relativement large ou généreuse de la délégation législative, le Conseil fédéral a ordonné la prise en charge des frais d'entretien et d'utilisation des moyens auxiliaires (art. 7 al. 3 OMAI première phrase). Mais dans la mesure où, avec la remise des moyens auxiliaires et la prise en charge des frais de réparation, il avait pleinement rempli les buts assignés par le législateur, ni cette prise en charge ni, dans le cas contraire, l'absence de prise en charge n'apparaissent comme sortant du cadre législatif.
Dès lors et dans la mesure où le recourant se plaint d'une violation du principe de la légalité, son argumentation doit être rejetée.
c) Toute autre est la question de l'égalité de traitement dont l'examen ne peut se limiter, comme l'ont fait les juges cantonaux, à ne considérer que l'égalité de traitement entre sourds ou malentendants, cette exigence étant au demeurant manifestement réalisée.
Jusqu'en 1993, la question des frais d'entretien et d'utilisation recevait une réponse identique pour tous les moyens auxiliaires, quel que soit leur genre et quelle que soit la nature de l'invalidité. Dès cette date, ont été exclus de la prise en charge les frais d'entretien des véhicules automobiles, puis, dès le 1er janvier 1997, ceux liés à l'utilisation des appareils acoustiques. On doit ainsi constater que cette disposition réglementaire consacre, dans son résultat, une inégalité de traitement entre invalides bénéficiant de moyens auxiliaires suivant le genre de moyens nécessités par leur état. Cette constatation n'entraîne cependant pas à elle seule la conclusion que la disposition de l'ordonnance serait contraire à la Constitution. Il reste à examiner s'il existe des motifs sérieux et objectifs qui justifient cette différence de traitement.
Dans le cadre de l'utilisation de véhicules à moteur, cette différence de traitement est incontestablement justifiée par l'usage possible pour des buts étrangers à ceux poursuivis par l'assurance-invalidité. Pour les appareils acoustiques, celle-ci serait notamment justifiée, selon l'OFAS, par un travail administratif disproportionné par rapport aux montants en jeu. Les tâches de collecte, de contrôle, de paiement de ces frais et d'archivage de ces nombreuses pièces occasionneraient des dépenses administratives sans relation avec les frais réellement encourus pour l'utilisation d'un appareil acoustique, frais qui sont de l'ordre de 120 francs par année (essentiellement l'achat de batteries ou de piles).
Ces motifs d'ordre administratif sont insuffisants pour justifier la différence de traitement, entre invalides, pour la prise en charge des frais d'utilisation de leurs moyens auxiliaires nécessaires. Il n'apparaît en effet nullement impossible d'imaginer la mise sur pied d'un système - au besoin sur la base d'un forfait - qui n'entraîne pas une activité administrative disproportionnée. Seule pourrait dès lors entrer en ligne de compte, comme motif autorisant une différence de traitement, la constatation que les frais annuels d'entretien des appareils acoustiques et ceux des autres moyens auxiliaires présenteraient des différences de coût sensibles, les premiers étant faibles alors que les seconds seraient plus élevés. Supposé en effet cette situation réalisée, un traitement différencié pourrait alors se justifier précisément par la constatation de situations de fait dissemblables.
On a déjà vu que le montant forfaitaire maximum de la prise en charge annuelle est de 485 francs (chiffre 6.3 annexe 1 OMAI). Comme il n'existe pas d'indice que ces frais d'entretien dépasseraient en réalité dans tous les cas cette limite - ce qui serait au demeurant peu vraisemblable -, on ne voit pas qu'il existe des raisons de traiter différemment la prise en charge des frais pour les appareils acoustiques et ceux pour d'autres moyens auxiliaires, s'agissant de frais de même importance. La comparaison effectuée par l'OFAS avec la réglementation particulière concernant les véhicules à moteur n'est, dans ces circonstances, d'aucun secours à l'intimée dès lors que, comme on l'a retenu plus haut, les situations de faits diffèrent sensiblement.
Parce qu'il introduit une discrimination insoutenable, l'art. 7 al. 3 OMAI dernière phrase, dans sa version en vigueur au 1er janvier 1997, n'est pas compatible avec le principe d'égalité de traitement de l'art. 4 al. 1 Cst. Il en résulte qu'il ne peut dès lors faire obstacle à la prise en charge des frais d'entretien et d'utilisation d'appareils acoustiques par l'assurance-invalidité.
Le recours est ainsi bien fondé, de sorte que la communication du 20 juin 1996 continue à déployer ses effets juridiques dans le temps.