BGE 122 V 12
 
3. Extrait de l'arrêt du 31 janvier 1996 dans la cause A. contre Caisse de compensation du canton du Jura et Tribunal cantonal jurassien
 
Regeste
Art. 2 Abs. 1bis ELG.
- Art. 2 Abs. 1bis ELG ermächtigt die Kantone nicht, die im Rahmen der Ergänzungsleistungen zu übernehmenden Kosten für den Aufenthalt in einem Heim oder einer Heilanstalt unterschiedlich zu begrenzen, je nachdem, ob diese Institutionen durch den Kanton anerkannt sind oder nicht. In diesem Sinne ist Art. 13 Abs. 1 lit. f der Ausführungsverordnung über die Ergänzungsleistungen des Kantons Jura bundesrechtswidrig.
 
Considérant en droit:
A l'art. 7 let. e de la loi (cantonale) du 26 octobre 1978 sur les prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité (LpcJU; RSJU 831.30), le législateur jurassien a disposé que le Gouvernement rendra, dans le cadre des prescriptions fédérales, une ordonnance sur les conditions de prise en charge des frais qui découlent d'un séjour dans un home ou un établissement hospitalier, et du montant laissé à la disposition des pensionnaires pour leurs dépenses personnelles. Le Gouvernement jurassien a fait usage de cette faculté à l'art. 13 al. 1 let. f de l'Ordonnance du 9 décembre 1986 portant exécution de la loi du 26 octobre 1978 (OpcJU; RSJU 831.301); il y est disposé ce qui suit:
Sont déduits du revenu brut (...) dans la mesure où ils ne sont pas couverts par une assurance ou par un tiers tenu de les couvrir: les frais de séjour dans un home ou un établissement hospitalier. Les frais à prendre en considération en raison du séjour dans un home ou un établissement hospitalier sont ceux facturés au résidant et fixés pour chaque établissement classé sur la base des tarifs reconnus pour le financement des coûts d'exploitation par l'Etat; pour les établissements domiciliés hors Canton, la Caisse de compensation AVS s'enquiert des conditions reconnues par le canton concerné; pour les homes non reconnus par l'Etat, le prix de pension est pris en considération jusqu'à concurrence de 40 fr. par jour.
Pour le surplus, les premiers juges ont exposé correctement les conditions auxquelles les rentiers de l'AI qui séjournent dans un home peuvent bénéficier de prestations complémentaires à l'AVS/AI, de sorte qu'il suffit d'y renvoyer (art. 2 al. 1, 4 et 5 LPC; 3, 6 et 9 LpcJU; consid. 2 et 3 du jugement attaqué).
b) S'agissant des prix de pension retenus pour les homes et les foyers non reconnus, les juges cantonaux ont fait observer que ceux-ci s'élevaient de 40 à 58 fr. par jour à partir de l'année 1994, selon le degré d'impotence de l'assuré; ces tarifs ont été approuvés par le Département de la Justice, de la Santé et des Affaires sociales du canton du Jura, par lettre du 22 novembre 1993 adressée à la caisse intimée. Par ailleurs, les premiers juges se sont également référés à la jurisprudence de l'arrêt ATF 118 V 142 (voir le consid. 4 ci-après).
La Cour cantonale a considéré que le 2e paragraphe de l'art. 13 al. 1 let. f OpcJU s'applique au cas d'espèce, du moment que l'établissement dans lequel l'assuré séjourne n'est pas reconnu. Par ailleurs, vu l'importance de l'encadrement dont l'assuré a besoin, la Cour a estimé qu'il convient de prendre en compte un montant journalier de 58 francs pour les frais de pension. Dès lors, elle a jugé qu'en cas de placement dans un home, la prestation complémentaire annuelle devrait s'élever à 10'917 francs, résultant du calcul suivant:
- frais journaliers: 58 fr. x 365 j
21'170 fr.
- assurance-maladie:
1'174 fr.
- cotisations AVS:
369 fr.
- argent de poche (270 fr. par mois):
3'240 fr.
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- dépenses annuelles:
25'953 fr.
- rente AI:
./. 15'036 fr.
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- prestation complémentaire:
10'917 fr.
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c) Toutefois, ont poursuivi les premiers juges, la caisse a considéré que le montant de la prestation complémentaire serait plus favorable à l'assuré si l'on tenait compte de son placement chez des tiers, en lieu et place des frais maximum déterminés pour un home non reconnu. En l'espèce, le loyer, charges comprises, représente le tiers du prix de la pension, en l'occurrence 50 francs par jour (cf. ch. 3022 DPC), mais la déduction ne peut toutefois excéder 11'200 francs par an pour une personne seule (art. 4 al. 1 let. b LPC, 6 let. d LpcJU). Dès lors, la prestation complémentaire annuelle s'élève à 13'847 francs, et est établie comme il suit:
- rente AI:
15'036 fr.
- loyer annuel:
./. 11'200 fr.
- assurance-maladie:
./. 1'174 fr.
- cotisations AVS:
./. 369 fr.
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- revenu net pris en compte:
2'293 fr.
- limite de revenu:
16'140 fr.
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- prestation complémentaire annuelle:
13'847 fr.
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d) Aussi, a conclu la Cour cantonale, l'intimée ayant alloué la prestation complémentaire la plus avantageuse, le recours doit-il être rejeté.
3. a) Dans son recours cantonal, l'assuré a indiqué qu'il a vécu dans diverses institutions depuis son enfance. Durant trois ans, de 1984 à 1987, il a séjourné dans un pensionnat en Angleterre; par la suite, de 1987 à 1990, il a été accueilli à l'hôpital des enfants L.; ultérieurement, de 1990 à 1992, il a été admis au Centre de réinsertion à S., dépendance de C.; finalement, du mois d'août 1992 à juillet 1994, il a fréquenté la fondation H. à W., où il a bénéficié de mesures professionnelles de l'assurance-invalidité. S'agissant des frais afférents à ces séjours, l'assuré a fait remarquer que la caisse cantonale de compensation les avait pris en charge depuis 1987, alors qu'ils s'élevaient à cette époque de 200 francs à 300 francs par jour.
De son côté, le docteur F., médecin de la fondation H., a attesté que le placement de l'assuré chez Mme B. constituait la seule "alternative" à une nouvelle hospitalisation psychiatrique (rapport du 6 décembre 1994). En outre, il a précisé que les mesures pédago-thérapeutiques dispensées à Y/VD lui paraissent être indispensables pour préparer l'intégration du patient dans une autre institution.
b) En instance fédérale, le recourant soutient que le jugement attaqué est essentiellement fondé sur l'interprétation de notions telles que "établissements", "homes" et "foyers", notamment. Il estime que le concept "d'institution analogue à un home" devrait être interprété de manière large.
En l'occurrence, le recourant fait grief aux premiers juges de ne pas avoir tenu compte de l'aspect médical du cas. Il rappelle que ses médecins traitants ont toujours attesté la nécessité pour lui de séjourner en institutions spécialisées. Par ailleurs, il souligne le fait qu'avant d'être confié aux soins de Mme B., il a effectué des séjours antérieurs dans d'autres établissements qui ont échoué.
Aussi devrait-il pouvoir continuer de séjourner chez dame B., car cette dernière serait la mieux placée pour s'en occuper, selon les docteurs F. et G. (ce dernier étant le médecin de l'institut dirigé par l'éducatrice prénommée). Le recourant précise en outre que son placement dans une autre institution psychiatrique, dictée par des considérations financières, aurait des conséquences plus que fâcheuses pour lui. Du reste, les frais de son séjour à Y/VD seraient notablement inférieurs à ceux que des établissements de même nature pratiquent actuellement (150 francs au lieu de 200 francs, voire 300 francs par jour).
4. La notion de home (Heim, casa) au sens de la LPC, bien qu'elle ressortisse au droit fédéral, n'est définie ni dans la loi, ni dans l'ordonnance. L'OFAS en a toutefois précisé le concept dans ses directives: selon le ch. 5051 DPC, sont considérées comme homes les institutions qui, dans le cadre des dispositions cantonales, accueillent les malades, les personnes âgées et les invalides et leur dispensent un encadrement adéquat.
La doctrine considère que cette définition administrative permet de reconnaître de nouvelles formes de prise en charge dans des institutions spécialisées (CARIGIET, Ergänzungsleistungen zur AHV/IV, p. 145).
Quant à la jurisprudence, elle a admis qu'un séjour dans une institution analogue à un home, non reconnue par la législation cantonale en matière de homes ou d'assistance (p.ex. une famille d'accueil, une "grande famille" de pédagogie curative ou une communauté d'invalides), peut aussi valoir comme séjour dans un home au sens du droit des prestations complémentaires, pour autant que le séjour réponde à un besoin et que l'institution en cause offre la garantie de satisfaire celui-ci de manière adéquate, notamment sous l'angle de l'organisation, de l'infrastructure et du personnel (ATF 118 V 146 consid. 2).
En revanche, malgré les renseignements fournis par la directrice et les recommandations émanant tant des docteurs F. que G., on ne sait pas si le centre de Y/VD, où l'on s'occupe du recourant, est un home au sens du droit fédéral ou s'il peut être assimilé à une institution analogue (cf. consid. 4, supra). En effet, lors de l'instruction de la demande de prestations, la caisse intimée a constaté que l'institution que Mme B. dirige depuis une dizaine d'années n'est pas connue de la Caisse cantonale vaudoise de compensation, et qu'elle ne dispose pas d'une autorisation d'exploiter délivrée par le canton de Vaud. Il serait dès lors inadmissible que les deniers de la Confédération financent, sans plus amples investigations, une institution qui pourrait, notamment, ne pas offrir toutes les garanties exigées par la jurisprudence (cf. ATF 118 V 146 consid. 2).
b) Le dossier demeure donc lacunaire sur ce point, de sorte que l'administration et le juge ne peuvent statuer en connaissance de cause sur le droit du recourant aux prestations complémentaires litigieuses. Dans ces conditions, la cause doit être renvoyée à la caisse intimée, afin qu'elle détermine si le centre que Mme B. dirige doit ou non être qualifié de home, au sens du droit fédéral, et qu'elle rende une nouvelle décision. Pour mener à bien son instruction, il sera loisible à l'intimée de requérir, si besoin est, le concours des autorités vaudoises compétentes (art. 13 al. 1 LPC, 54 al. 1 OPC-AVS/AI; ATF 118 V 148 consid. 2c).
Dans l'hypothèse où l'instruction devrait conduire à nier la qualité de home au centre de Y/VD, la prise en charge des frais de séjour sera limitée par la règle du placement chez des tiers (cf. consid. 2c ci-dessus). En revanche, s'il devait apparaître que l'institution en cause est un home ou un établissement analogue (cf. consid. 4, supra), la prise en charge n'en sera pas limitée par l'art. 13 al. 1 let. f in fine OpcJU (cf. consid. 2b ci-dessus), ainsi qu'on va le voir.
a) Selon la jurisprudence, le Tribunal fédéral des assurances peut revoir les dispositions cantonales en matière de prestations complémentaires, ainsi que la procédure réglant leur octroi (RCC 1992 p. 469 consid. 3a et la référence).
b) En l'occurrence, seul importe que le droit fédéral prescrive d'une part aux cantons d'augmenter la limite du revenu d'un tiers, notamment pour le remboursement des frais de séjour dans un home, tout en leur permettant de prendre un second tiers en charge, et que d'autre part, il les autorise à limiter la prise en compte des frais de séjour dans un home ou un établissement hospitalier, et à fixer le montant qui est laissé à la disposition des pensionnaires pour leurs dépenses personnelles (art. 2 al. 1bis LPC; RCC 1992 p. 470 consid. 3c). La plupart des cantons ont du reste fait usage de la faculté que cette disposition légale leur confère, dans les formes les plus diverses (CARIGIET, op.cit., pp. 147-148; DPC, état au 1er avril 1993, annexe I, tableau 3d, pp. 154-157).
En revanche, l'art. 2 al. 1bis LPC n'autorise nullement les cantons à limiter différemment la prise en charge, par les prestations complémentaires, des frais de séjour dans un home ou un établissement hospitalier en fonction de la "reconnaissance" de ces institutions par les autorités cantonales (comme c'est le cas à l'art. 13 al. 1 let. f OpcJU), car la notion de home au sens de la LPC ressortit uniquement au droit fédéral (cf. consid. 4, supra). Or, à n'en pas douter, la disposition réglementaire précitée vise un but de planification hospitalière, lequel est étranger à la lettre et à l'esprit de la LPC, du moment qu'elle incite indirectement les assurés à séjourner dans un home plutôt que dans un autre. En effet, sur ce point, le Ministre de la Justice, de la Santé et des Affaires sociales du canton du Jura avait clairement exposé, dans son courrier du 22 novembre 1993, que la limite apportée à la prise en charge des frais de pension, dans le cas de homes et de foyers non reconnus, avait pour but "d'éviter à la planification gérontologique cantonale d'être débordée par des initiatives privées".
Ces remarques ne permettent cependant pas à elles seules de justifier l'existence d'inégalités de traitement - consécutives à la "reconnaissance" ou à la "non-reconnaissance" d'un home par la législation cantonale - lors de l'octroi des prestations complémentaires, lorsque la pension demandée par un home non reconnu avoisine les tarifs s'appliquant aux séjours dans un home reconnu par la législation cantonale. En outre, le montant de 58 francs est simplement insuffisant, car - ainsi qu'on l'a vu ci-dessus (consid. 2b et 2c) - il ne tient nullement compte du fait qu'un séjour dans un home (cf. art. 2 al. 1bis LPC) occasionne normalement des coûts qui dépassent largement ceux qui sont pris en compte dans le cas d'un loyer (art. 4 al. 1 let. b LPC), étant entendu que la déduction pour loyer ne s'applique qu'aux personnes qui n'ont pas la qualité de pensionnaire d'un home (RCC 1992 p. 515 consid. 3c).
c) Le juge des assurances sociales ne saurait se prononcer sur le bien-fondé de considérations qui émanent de l'autorité politique. En l'espèce, il lui incombe uniquement de faire observer que l'application de la disposition réglementaire en cause risque de léser gravement les intérêts du recourant, dans l'hypothèse où l'établissement dans lequel il séjourne devrait se révéler être un home au sens du droit fédéral, bien que l'autorité cantonale ne le reconnaisse pas comme tel.
Dans cette mesure, on doit admettre que la distinction opérée par le Gouvernement jurassien à l'art. 13 al. 1 let. f OpcJU est contraire au droit fédéral.