BGE 114 V 145
 
31. Extrait de l'arrêt du 15 février 1988 dans la cause B. contre Caisse de compensation de l'Association suisse des patrons boulangers-pâtissiers et Tribunal cantonal valaisan des assurances
 
Regeste
Art. 4 Abs. 1 BV, art. 72 AHVG: Rechtsweg bei formeller Rechtsverweigerung.
 
Sachverhalt
A.- Antoine B. a été au bénéfice d'une rente entière de l'assurance-invalidité du 1er mai 1979 au 1er octobre 1980, date à laquelle cette prestation a été supprimée par décision de la Caisse de compensation de l'Association suisse des patrons boulangers-pâtissiers, du 29 septembre 1980.
L'assuré ayant présenté une nouvelle demande de rente le 28 juin 1984, la Commission de l'assurance-invalidité du canton du Valais l'a invité à rapporter la preuve que son invalidité s'était modifiée de façon à influencer ses droits depuis le moment où l'administration avait supprimé sa rente. A cet effet, elle lui a demandé de produire, à ses frais, un "rapport médical détaillé".
L'assuré a séjourné à l'Hôpital de S., du 12 au 16 novembre 1984, afin d'y subir des examens médicaux. La commission de l'assurance-invalidité ayant refusé de prendre en charge la facture de 1'425 fr. relative à ces investigations, l'assuré a demandé à l'administration de rendre une décision formelle sur cette question (lettres des 27 janvier et 7 avril 1986).
Par décision du 18 avril 1986, la caisse de compensation a notifié à l'assuré qu'elle refusait d'entrer en matière sur sa demande de rente d'invalidité, sans toutefois se prononcer sur la question du remboursement de la facture précitée.
B.- Antoine B. a recouru devant le Tribunal cantonal valaisan des assurances en concluant à l'octroi d'une rente d'invalidité; en outre, il a demandé "de condamner l'assurance-invalidité à payer 1'425 fr. pour l'hospitalisation du 12 novembre 1984" ... "ou, accessoirement, de contraindre (l'administration) à porter à ce sujet une décision sujette à recours".
Par jugement du 12 novembre 1986, la juridiction cantonale, d'une part, a rejeté le pourvoi en ce qui concerne la demande de rente et, d'autre part, a refusé d'entrer en matière sur la question des frais d'examens médicaux, motif pris que ce point n'avait pas fait l'objet d'une décision formelle de la part de la caisse.
C.- Antoine B. interjette recours de droit administratif contre ce jugement en concluant à son annulation et à la prise en charge par l'administration de la facture de l'Hôpital de Sion; il se plaint d'un déni de justice de la part de la caisse qui a refusé de statuer formellement sur cette question.
La caisse intimée se réfère à un préavis de la commission de l'assurance-invalidité, laquelle déclare "maintenir (son) prononcé". De son côté, l'Office fédéral des assurances sociales propose le rejet du recours.
 
Extrait des considérants:
3. a) La juridiction cantonale a refusé d'entrer en matière sur la demande subsidiaire du recourant, tendant à ce que l'administration soit astreinte à rendre une décision sujette à recours sur la question de la prise en charge éventuelle des frais relatifs aux mesures d'investigation médicale. Elle a considéré qu'"il (appartenait) à l'assuré lui-même de solliciter de l'administration une décision susceptible de recours à cet égard". Or, dans ses lettres adressées à la caisse intimée les 27 janvier et 7 avril 1986, le recourant a non seulement contesté le refus par cette dernière de prendre en charge les frais d'investigation médicale en milieu hospitalier, mais il lui a également demandé de rendre une décision formelle sur ce point, requête à laquelle la caisse n'a pas donné suite. Ce faisant, cette dernière a commis un déni de justice formel, violant par là l'art. 4 al. 1 Cst. (cf. ATF 103 V 193 consid. 3a et les références; GRISEL, Traité de droit administratif suisse, p. 369; GYGI, Bundesverwaltungsrechtspflege, 2e éd., p. 226; MAURER, Schweizerisches Sozialversicherungsrecht, t. I, p. 452).
b) En l'occurrence, il convient de se demander si la juridiction cantonale était compétente pour connaître du recours formé par l'assuré contre ce refus de la caisse de statuer. La législation applicable en matière d'assurance-invalidité prévoit que les décisions prises par des caisses de compensation peuvent faire l'objet d'un recours devant les autorités désignées par les cantons (art. 69 LAI en corrélation avec l'art. 84 LAVS). En revanche, à part l'art. 70 PA qui ne s'applique qu'à la procédure à suivre par la Caisse suisse de compensation et la Caisse fédérale de compensation (cf. art. 1 al. 2 let. e et art. 3 let. a PA; ATF 108 V 230), il n'existe pas de disposition de droit fédéral désignant expressément l'autorité qui peut être saisie d'un recours pour retard injustifié ou refus de statuer de la part d'une caisse de compensation.
Selon l'art. 72 al. 1 LAVS, dans sa teneur en vigueur depuis le 1er juillet 1987 (RO 1987 I 453), le Conseil fédéral surveille l'exécution de cette loi; il veille à l'application uniforme des prescriptions légales sur l'ensemble du territoire de la Confédération; il édicte à cet effet les ordonnances nécessaires et peut charger l'office fédéral compétent de donner aux organes d'exécution de l'assurance des instructions garantissant une pratique uniforme. Le Conseil fédéral a fait usage de cette faculté en autorisant l'Office fédéral des assurances sociales à donner de telles instructions - en général et dans des cas particuliers - aux services chargés d'appliquer la législation sur l'assurance-vieillesse et survivants (art. 176 al. 2 RAVS, dans sa teneur en vigueur depuis le 1er juillet 1987 [RO 1987 I 445]).
En vertu des compétences qui lui sont attribuées, l'office précité peut notamment donner à une caisse de compensation des instructions impératives concernant un cas d'espèce. En particulier, la Cour de céans a jugé que, si les conditions d'une reconsidération étaient en l'espèce remplies, il pouvait contraindre une caisse de compensation à reconsidérer une décision entrée en force (arrêt non publié G. du 15 novembre 1982). Dès lors, lorsqu'une caisse de compensation cantonale ou professionnelle refuse de statuer ou tarde à se prononcer, c'est l'Office fédéral des assurances sociales - dans le cadre de son pouvoir de surveillance - qui est compétent pour connaître d'un recours formé par un assuré contre ce retard injustifié ou ce refus de statuer. Il s'agit, dans ce cas, d'une véritable voie de droit, et non pas d'une simple dénonciation au sens de l'art. 71 PA. Cela implique que l'autorité fédérale de surveillance est tenue de statuer sous la forme d'une décision contre laquelle un recours de droit administratif peut être formé devant le Tribunal fédéral des assurances, en vertu de l'art. 203 RAVS; elle ne peut, en d'autres termes, se borner à donner des instructions à la caisse de compensation mise en cause. Cette voie de droit est ouverte non seulement dans le cadre de l'assurance-vieillesse et survivants, mais également dans les autres domaines où l'Office fédéral des assurances sociales exerce un pouvoir de surveillance sur les caisses de compensation, soit en matière d'assurance-invalidité (art. 64 al. 1 LAI et 89 RAI), de prestations complémentaires à l'assurance-vieillesse, survivants et invalidité (art. 14 al. 1 LPC et 55 OPC-AVS/AI), d'allocations pour perte de gain en faveur des personnes servant dans l'armée ou dans la protection civile (art. 23 al. 1 LAPG et 24 RAPG) et d'allocations familiales dans l'agriculture (cf. art. 25 LFA). L'art. 70 PA demeure toutefois réservé en ce qui concerne les caisses de compensation de la Confédération qui sont soumises à cette loi.
c) Au vu des principes ci-dessus exposés, le Tribunal cantonal valaisan des assurances ne pouvait être saisi par l'assuré d'un recours dirigé contre le refus de la caisse de statuer. Toutefois, en vertu d'un principe applicable à toute procédure en matière d'assurance sociale (arrêt non publié P. du 9 mars 1977), il n'aurait pas dû se borner à déclarer ce recours irrecevable, mais devait le transmettre d'office à l'autorité compétente - en l'occurrence l'Office fédéral des assurances sociales...