BGE 108 V 121
 
31. Extrait de l'arrêt du 17 septembre 1982 dans la cause Société vaudoise et romande de secours mutuels contre X. et Cour de justice du canton de Genève
 
Regeste
Art. 18 ZGB, Art. 7b und 34 NAG, Art. 10 Abs. 2 und 3 des Bundesgesetzes vom 22. Juni 1881 betreffend die persönliche Handlungsfähigkeit.
- Prüfung der Urteilsfähigkeit aufgrund der in Frage stehenden Rechtshandlung, der Natur und Bedeutung derselben und in Berücksichtigung des Zeitpunktes der Vornahme dieser Handlung (Erw. 4).
 
Sachverhalt
A.- Jocelyne X., née en 1958, de nationalité française, célibataire, étudiante, était affiliée à la Société vaudoise et romande de secours mutuels depuis le 1er avril 1976 dans la classe d'assurance "patient privé". Par lettre du 7 juillet 1980, elle informa la caisse de son désir de "rompre le contrat à partir de la fin juillet 1980, et ceci pour raisons personnelles".
A la suite d'un appel téléphonique de Dame Z., mère de la prénommée, la Société vaudoise et romande de secours mutuels fit parvenir à son ex-assurée une formule de demande de réintégration par courrier du 8 octobre 1980. Le 20 octobre 1980, Dame Z., se référant à des "entretiens de la semaine passée", envoya à la caisse un certificat médical établi par le docteur V., médecin traitant de sa fille. Aux termes de ce document, daté du 15 octobre 1980, ce praticien attestait que Jocelyne X. était en traitement chez lui depuis le 20 mars 1980 et que "son départ de Genève, l'interruption de son traitement ainsi que la résiliation de sa caisse-maladie (avaient) été motivés par des raisons pathologiques inhérentes à son affection. Pour ce motif, la résiliation de sa caisse-maladie (devait) être considérée comme nulle..."
Par décision du 14 novembre 1980, la Société vaudoise et romande de secours mutuels informa Jocelyne X. qu'il ne lui était pas possible d'accepter purement et simplement sa demande de réintégration dans la classe "patient privé", mais qu'elle était en revanche disposée à la réintégrer dans l'assurance de base avec une réserve pour "affections nerveuses et mentales". Elle lui indiquait, d'autre part, qu'elle ne pouvait accepter la demande de sa mère de considérer comme nulle et non avenue la démission présentée le 7 juillet 1980, car sur la base des pièces en sa possession, elle tenait cette démission pour valable, le certificat médical du docteur V. n'étant pas apte à la convaincre du contraire.
B.- Au nom de Jocelyne X., Me G. recourut contre cet acte administratif. Il conclut notamment à ce que le tribunal dise que l'assurée était incapable de discernement lorsqu'elle avait résilié, le 7 juillet 1980, la "police d'assurance" contractée avec la Société vaudoise et romande de secours mutuels; que cette résiliation n'avait point d'effet juridique et que sa mandante n'avait pas perdu sa qualité de sociétaire de ladite caisse; qu'il condamne cette dernière à réintégrer la "requérante" dans la classe d'assurance "patient privé" selon la "police" du 14 septembre 1979.
Après avoir entendu le docteur V., la Cour de justice de Genève admit le recours et annula la décision litigieuse du 14 novembre 1980. Les juges cantonaux ont considéré en substance ce qui suit: bien qu'il apparaisse "comme très contestable que Mademoiselle X. ait adhéré à la décision de former un recours contre la décision de la caisse", on peut admettre que sa mère, bien qu'elle ne soit chargée d'aucune mission tutélaire, a procédé dans l'intérêt de sa fille, sa qualité pour agir pouvant trouver sa justification dans les art. 11 et 48 PA; la capacité civile de l'assurée et ses effets sont régis par sa loi nationale, en l'espèce le droit français; on peut cependant admettre que les dispositions du droit français applicables en l'occurrence sont semblables aux dispositions du droit civil suisse relatives à la capacité de discernement; les renseignements fournis par le docteur V., spécialiste en psychiatrie, sont "clairs et décisifs", de telle sorte qu'une expertise est superflue; lorsqu'elle a envoyé sa démission à la caisse, le 7 juillet 1980, Jocelyne X. était totalement dépourvue de la capacité de discernement au sens du droit suisse et n'était pas non plus "saine d'esprit" au sens du droit français; en conséquence, cette démission étant nulle, la décision entreprise doit être annulée, la caisse se mettant au surplus en contradiction avec elle-même en voulant, d'une part, imposer à l'assurée une réserve pour "affections nerveuses et mentales" et en niant, d'autre part, que lesdites affections n'aient eu aucune influence sur la capacité de discernement de l'intéressée, et cela malgré les déclarations catégoriques du docteur V.
C.- La Société vaudoise et romande de secours mutuels interjette recours de droit administratif et conclut principalement à l'annulation du jugement attaqué, subsidiairement au renvoi de la cause aux premiers juges pour instruction complémentaire.
 
Extrait des considérants:
a) Comme l'ont relevé avec raison les premiers juges, la capacité civile (Handlungsfähigkeit) des étrangers en Suisse est régie par leur loi nationale. Ce principe résulte de l'art. 10 al. 2 de la loi fédérale du 22 juin 1881 sur la capacité civile (RO V [1880-1881] 504) qui continue à s'appliquer en vertu de l'art. 34 de la loi fédérale sur les rapports de droit civil des citoyens établis ou en séjour (LRDC), nonobstant la clause abrogatoire qui figure à l'art. 60 al. 2 T. fin. CC (ATF 107 II 98 consid. 2, ATF 106 Ib 196 consid. 1c). L'intimée étant de nationalité française, le contenu du droit étranger doit être examiné d'office par le juge des assurances sociales, comme dans toute procédure administrative. Il s'agit en effet d'une question de droit et non pas de fait (ATF 81 I 376; GRISEL, Droit administratif suisse, p. 510 ad let. b).
b) Selon la jurisprudence, les effets de la capacité civile ou de l'incapacité sur la validité des actes juridiques sont régis par la même loi que la capacité civile elle-même (ATF 82 II 172). Il s'ensuit qu'on devrait, en principe, examiner à la lumière du droit français, d'une part si l'intimée possédait la capacité civile lorsqu'elle a démissionné de la Société vaudoise et romande de secours mutuels et, en cas de réponse négative, quels effets son incapacité a eus sur la validité de cette déclaration de volonté.
Ce principe souffre cependant une importante restriction. En effet, l'art. 10 al. 3 de la loi précitée du 22 juin 1881 dispose:
"Toutefois, l'étranger qui, d'après le droit suisse, posséderait la capacité civile s'oblige valablement par les engagements qu'il contracte en Suisse, lors même que cette capacité ne lui appartiendrait pas selon le droit de son pays."
Aux termes de l'art. 34 LRDC, cette disposition est en principe restée en vigueur au même titre que le deuxième al. de l'art. 10.
Mais l'art. 7b LRDC dispose de son côté:
"Les étrangers qui ne possèdent pas l'exercice des droits civils et qui font des actes juridiques en Suisse ne peuvent y exciper de leur incapacité si, aux termes de la loi suisse, ils étaient capables à l'époque où ils se sont obligés.
Cette règle ne s'étend pas aux actes rentrant dans le droit de famille et succession, ni aux actes de disposition sur un immeuble situé à l'étranger."
Selon une jurisprudence de la deuxième Cour civile du Tribunal fédéral, cette dernière disposition a remplacé l'art. 10 de la loi de 1881 (ATF 99 II 243). Dans un arrêt plus récent, mais qui se réfère à ce précédent, la même cour a pourtant jugé que l'art. 10 al. 2 de cette loi demeurait en vigueur "dans son principe", par l'effet de l'art. 34 LRDC (ATF 107 II 98).
En revanche, la deuxième Cour de droit public du Tribunal fédéral considère que les alinéas deux et trois de l'art. 10 de la loi de 1881 sont toujours en vigueur et c'est en particulier sur le troisième alinéa qu'elle s'est appuyée pour dire le droit dans un arrêt récent (ATF 106 Ib 197).
La doctrine est également divisée à ce sujet. Ainsi, VISCHER et VON PLANTA affirment que l'art. 10 al. 2 et 3 de la loi sur la capacité civile, ayant été incorporé à l'art. 34 LRDC, est toujours en vigueur (VISCHER/VON PLANTA, Internationales Privatrecht, p. 53) et ils considèrent que l'art. 7b LRDC va dans le même sens (folgt) que l'art. 10 al. 3 de la loi de 1881 (op.cit. p. 54). En revanche, STAUFFER est d'avis que l'art. 7b LRDC a remplacé le troisième alinéa de l'art. 10 de la loi sur la capacité civile (Praxis zum NAG, n. 2 ad art. 34 LRDC). C'est également l'opinion de VAUCHER (Le statut des étrangers en Suisse, RDS 1967 II 503) et, semble-t-il, de GUINAND qui ne cite, dans son analyse du principe, que l'art. 7b LRDC (Les conflits de loi en matière de capacité, p. 55 ss).
c) Il n'est cependant pas nécessaire de trancher cette controverse dans la présente affaire. En effet, ce qu'il importe de considérer, c'est que pour les actes juridiques qui ne relèvent ni du droit de la famille ni du droit successoral, qui ne portent pas sur un immeuble sis à l'étranger et qui sont accomplis alors que les participants sont tous présents en Suisse, l'exercice des droits civils par les étrangers dans notre pays est régi à la fois par leur loi nationale et par la loi suisse, l'acte étant valable si l'une au moins de ces lois confère à l'intéressé l'exercice des droits civils (VAUCHER, op.cit. p. 504).
Ce principe qui est destiné à assurer la sécurité des transactions, notamment en dispensant les parties du contrôle souvent fastidieux de la capacité civile (VISCHER/VON PLANTA, op.cit. p. 54 ss) se retrouve, sous diverses formes, dans plusieurs droits étrangers (GUINAND, op.cit. p. 52 et ss) et il est conforme aux nouvelles tendances du droit international privé qui visent, en Suisse également, à soumettre l'exercice des droits civils non plus à la loi nationale mais à celle de la résidence habituelle de la personne en cause (v. p.ex.: Division de la justice, Projet de loi fédérale sur le Droit international privé de la commission d'experts et rapport explicatif, p. 195 et 269).
Il s'applique donc aussi aux relations qui s'établissent entre une caisse-maladie reconnue et un étranger qui réside en Suisse. Dès lors, si ce dernier conteste sa capacité civile, c'est d'abord sous l'angle du droit suisse que la question devra être tranchée et c'est seulement dans le cas où il apparaîtrait qu'il est incapable selon ce droit, qu'il sera nécessaire de décider s'il en va de même d'après sa loi nationale.
Seule est donc en cause sa capacité de discernement au moment déterminant, soit le 7 juillet 1980. Aux termes de la jurisprudence, la capacité de discernement est présumée; celui qui prétend qu'elle fait défaut doit le prouver. La loi ne dit pas de quelle façon on doit s'opposer à une telle présomption. En règle générale, on s'en tiendra à une expertise médicale, sur les conclusions de laquelle il incombe au juge de se prononcer (RJAM 1980 no 404 p. 71-72 et les arrêts cités). Cependant, pour retenir l'incapacité de discernement, un très haut degré de vraisemblance propre à exclure tout doute sérieux peut, comme dans d'autres cas, offrir une sûreté suffisante. Il en est ainsi d'un jeune mineur ou d'un malade mental; dans ces hypothèses, c'est à celui qui prétend que la faculté d'agir raisonnablement existe malgré la cause d'altération de le prouver, par exemple dans le cas d'un malade mental ayant agi au cours d'un intervalle lucide (DESCHENAUX/STEINAUER, Personnes physiques et tutelle, p. 41 et les arrêts cités).
a) En l'espèce, le docteur V. a, lors de son audition par les premiers juges, notamment déclaré qu'il confirmait la teneur de son certificat médical du 15 octobre 1980 et indiqué qu'il soignait Jocelyne X. depuis mars 1980 pour un délire de persécution dont les manifestations avaient débuté trois ou quatre ans auparavant. Elle se sentait persécutée, surveillée et contrôlée...
Le témoin a ensuite expliqué qu'il avait instauré un traitement antipsychotique, consistant en chimiothérapie et qu'un mieux s'était manifesté, jusqu'en octobre 1980, époque à laquelle sa patiente fut derechef en proie à un délire aigu et à de violents sentiments de persécution, ce qui nécessita finalement son hospitalisation à la clinique B. où elle séjourna environ six semaines, séjour qui ne suffit toutefois pas à la guérir ni même, semble-t-il, à améliorer son état.
Quant aux faits qui se sont produits au mois de juillet 1980, c'est-à-dire dans la période où se situe l'envoi, par l'intimée, de sa démission à la recourante, le docteur V. a précisé ce qui suit: Jocelyne X. est partie aux USA, d'où elle s'est rendue en Israël avant de revenir en Suisse. Au cours de ce périple, elle n'a cessé de se sentir persécutée, notamment par le FBI et diverses polices. Puis il s'est exprimé ainsi:
"Elle n'est pas dangereuse ni pour elle-même ni pour autrui, ce que j'imagine en tout cas, car je ne l'ai pas vue depuis deux mois, vu son refus de se faire soigner. Je pense que si elle n'a pas voulu se présenter aujourd'hui devant la Cour, cela fait précisément partie des manifestations de son délire de persécution, dans la mesure où elle pense peut-être qu'elle se ferait juger. J'imagine en tout cas que tel est le cas.
Si Mlle X. a résilié sa police d'assurance, cela faisait partie de son désir de tout couper avec la Suisse pour fuir la persécution. Dans son esprit, son assurance faisait partie de ses persécuteurs, comme tout ce qui était en Suisse. C'est du reste à la même époque qu'elle a retiré une demande de naturalisation qu'elle avait déposée et qui avait abouti.
Comme tous les malades de ce genre, Mlle X. était bien organisée dans sa lutte contre sa persécution, selon elle. Ces malades sont en général intelligents, preuve en soit en l'espèce que Mlle X. a passé son baccalauréat en juillet 1980. Toutefois, dans tout ce qui concerne l'interprétation pathologique et le désir impérieux de fuir leurs persécuteurs, ces malades commettent des actes inconsidérés. C'est ainsi qu'il faut interpréter la résiliation de la police d'assurance, ainsi que le retrait de la demande de naturalisation. Selon une certaine logique subjective, ces malades ne peuvent pas faire autrement pour se protéger de leurs persécuteurs et ils sont conduits à commettre des actes qui ne procèdent plus d'une liberté de décision. La maladie dont il s'agit peut se caractériser comme ayant une base paranoïaque avec interprétation pathologique.
Quant à savoir si la maladie s'explique par des facteurs biologiques, on ne peut pas le dire en l'état actuel de la médecine et les avis sont partagés. Il s'agit vraisemblablement d'une perturbation du métabolisme cérébral; le substrat réside dans une perturbation biochimique et les troubles psychologiques s'ensuivent.
On ne peut pas dire qu'il existe dans ce genre de maladie une incapacité de discernement global, mais on peut parler d'une perte totale de la capacité de discernement par rapport aux actes imposés au malade par son désir de fuir ses persécuteurs.
Je pense que l'on peut établir une manière de comparaison entre le cas du malade qui fait du délire de persécution et le processif ou quérulant poursuit son droit de façon immodérée, avec des moyens de droit qui ne sont aucunement dans une relation raisonnable avec le but à atteindre.
Je souligne que cette dernière phrase m'a été indiquée par la Cour qui l'a tirée d'un arrêt du Tribunal fédéral (JdT 1974 p. 507). J'ajoute que les quérulants sont souvent nuisibles à autrui, tandis que les délirants persécutés se nuisent d'abord à eux-mêmes.
Selon moi, il ne fait pas de doute que la résiliation d'assurance est intervenue dans des conditions telles qu'on ne saurait y voir une manifestation d'une décision réfléchie. Qui plus est, Mlle X. était certainement en état d'incapacité de discernement, concernant spécifiquement cette démarche."
En terminant son témoignage, le docteur V. a précisé, au sujet de la réserve instituée par la recourante dans la décision litigieuse, que l'expression "affections nerveuses et mentales" était beaucoup trop vague et vaste et que, à supposer qu'on veuille en l'espèce imposer une réserve, il faudrait parler strictement de "délire de la persécution".
b) Sur la base de ce témoignage, les premiers juges ont considéré qu'au moment d'agir, l'intimée était "totalement dépourvue de capacité de discernement par rapport à l'acte qui s'imposait à elle dans son désir de fuir ses persécuteurs", de telle sorte qu'elle a "été poussée d'une manière irrésistible à commettre un acte inconsidéré".
La Cour de céans ne saurait toutefois confirmer cette appréciation. En effet, s'il est exact que la faculté d'agir raisonnablement doit s'apprécier concrètement, par rapport à l'acte considéré (ATF 98 Ia 325 -326), cela signifie aussi que la capacité de discernement requise diffère selon la nature et l'importance de l'acte à accomplir et qu'il suffit donc que la personne ait le discernement et la force de volonté qui correspondent à l'acte considéré. En outre, la capacité doit exister au moment de l'acte, peu importe qu'elle n'ait pas existé avant ou qu'elle n'existe plus après. Enfin, un acte en soi déraisonnable n'est pas nécessairement le signe d'une incapacité de discernement (sur ces différents points: DESCHENAUX/STEINAUER, op.cit. p. 39 et les arrêts cités).
Certes, les renseignements donnés par le docteur V. sont-ils précieux pour définir la nature de l'affection psychique dont souffre (ou souffrait) l'intimée et expliquer la raison de certains de ses comportements Cependant, ils ne permettent en aucun cas d'affirmer avec une vraisemblance suffisante qu'à la date à laquelle elle a écrit à la recourante pour lui faire part de son désir de rompre le contrat d'assurance, elle était à tel point entravée dans sa faculté d'agir raisonnablement que son acte doive nécessairement être considéré comme nul.
Tout au contraire, il ressort du témoignage du docteur V., qu'à la même époque, la maladie dont souffrait sa patiente a connu une période de rémission, laquelle s'est révélée suffisamment importante pour permettre à l'intimée de passer les examens du baccalauréat, précisément en juillet 1980, puis d'entreprendre un long voyage outre-mer. Or, s'il est tout à fait possible que l'intimée ait décidé de quitter la Suisse sous l'empire d'un délire de la persécution, il y a tout lieu de penser que c'est parce qu'elle s'apprêtait à partir pour une longue durée, voire sans esprit de retour, qu'elle a décidé, le 7 juillet 1980, de mettre fin à son assurance-maladie dont elle pouvait penser qu'elle ne lui serait plus d'aucune utilité à l'étranger. Mais cela ne permet pas encore de conclure que cet acte, considéré pour lui-même, fût déraisonnable, même si le départ à l'étranger l'était.
Du moins ne saurait-on admettre, sur la base des seuls renseignements et explications donnés par le docteur V., que l'intimée était à coup sûr privée de sa capacité de discernement lorsqu'elle a démissionné de la caisse.
c) La question, vu son importance et les conséquences indiscutablement sérieuses qu'elle revêt pour les deux parties, selon la réponse qu'on lui donne, ne saurait toutefois être résolue par la Cour de céans en l'état et cela d'autant plus que celle-ci ne jouit, en l'espèce, que d'un pouvoir d'examen limité.
Il convient dès lors d'annuler le jugement attaqué et de renvoyer la cause aux premiers juges pour qu'ils ordonnent une expertise afin de déterminer sur le plan médical:
aa) de quelle maladie mentale était atteinte l'intimée au moment déterminant (7 juillet 1980);
bb) quels étaient les effets de cette maladie sur la faculté de l'intimée d'agir raisonnablement par rapport à l'acte considéré (lettre de démission).
Il leur appartiendra ensuite, cas échéant après avoir administré d'autres preuves, de décider si du point de vue juridique l'intimée n'était pas capable de discernement à ce moment-là et pour accomplir cet acte-là.
Une fois résolue cette question et seulement dans le cas où il apparaîtrait que l'intimée était incapable de discernement selon le droit suisse, ils devront encore examiner si elle était également incapable aux termes des dispositions applicables de sa loi nationale et quels sont les effets de cette incapacité sur la validité de sa démission. S'il apparaissait au contraire que l'intimée, incapable de discernement selon le droit suisse, devait être réputée capable en vertu de sa loi nationale, on devra se demander si l'ordre public suisse fait obstacle à l'application du droit étranger (ATF 84 I 121 ss; DUTOIT/KNOEPFLER/LALIVE/MERCIER, Répertoire de droit international privé suisse I, p. 47 et ss).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:
Le recours est admis dans ce sens que le jugement de la Cour de justice du canton de Genève du 26 mars 1981 est annulé et la cause renvoyée à cette autorité pour instruction complémentaire et nouveau jugement, au sens des considérants.