BGE 105 V 101
 
24. Arrêt du 2 avril 1979 dans la cause Borlat contre Caisse publique communale d'assurance-chômage de la Ville de Lausanne et Commission cantonale vaudoise d'arbitrage pour l'assurance-chômage
 
Regeste
Art. 31 Abs. 1 lit. c AlVV vom 14. März 1977.
 
Sachverhalt
A.- L'assuré a travaillé depuis le 1er septembre 1973 dans l'entreprise I. S.A., s'occupant de conseils de gestion, d'administration d'entreprises et de formation de cadres en matière de tourisme, hôtellerie, restauration et hospitalisation. Il en était directeur, actionnaire et président du conseil d'administration. Le 6 octobre 1977, il annonça à la Caisse publique d'assurance-chômage de la Ville de Lausanne qu'il subissait un chômage de 50% depuis le 1er du mois en cours, pour cause de manque momentané de travail, ce que I. S.A. confirma sous la signature de l'intéressé. Le 27 octobre 1977, la caisse précitée refusa de l'indemniser. Elle se fondait sur l'art. 31 al. 1 let. c OAC du 14 mars 1977.
Le requérant déféra cette décision à l'Office cantonal du travail. Il allégua en substance: que, depuis le 1er avril 1977, il était assuré obligatoire; qu'il payait des cotisations à titre personnel et qu'I. S.A. supportait la moitié de celles de tous ses employés; qu'il avait gagné mensuellement 2500 fr. en 1973, 2000 fr. du 1er janvier au 31 août 1974, 4000 fr. du 1er septembre 1974 au 31 décembre 1976, 4500 fr. en janvier et février 1977, puis - en tout - 6200 fr. de mars à septembre 1977. Il se plaignait d'être victime d'une discrimination arbitraire, soit d'une inégalité devant la loi. Il fut débouté par l'office susmentionné, le 17 novembre 1977.
B.- L'assuré porta le litige devant l'autorité judiciaire de recours. En cette circonstance, il reprit ses arguments exposés ci-dessus et s'attacha à réfuter ceux que l'administration retenait en faveur de la prescription contenue dans l'art. 31 al. 1 let. c OAC. Le 25 janvier 1978, la Commission cantonale vaudoise d'arbitrage pour l'assurance-chômage rejeta elle aussi le recours.
C.- Le prénommé a déféré ce jugement au Tribunal fédéral des assurances, en concluant à être indemnisé de son chômage partiel. Il persiste à soutenir que la disposition qu'on lui oppose procède d'une application arbitraire de la loi.
La caisse intimée déclare être liée par les instructions de l'Office fédéral de l'industrie, des arts et métiers et du travail et s'en remettre à justice.
L'Office fédéral de l'industrie, des arts et métiers et du travail conclut au rejet du recours. Selon lui, l'art. 31 al. 1 let. c OAC contient une prescription adéquate qui se fonde valablement sur l'art. 36 al. 2 LAC et n'exclut absolument du droit à l'indemnité que les personnes visées qui subissent un chômage partiel.
 
Considérant en droit:
1. En vertu de l'art. 36 al. 2 LAC, le Conseil fédéral peut déroger, par voie d'ordonnance, aux dispositions de la loi réglant le droit à l'indemnité et la fixation de celle-ci pour les assurés qui se trouvent dans des conditions particulières. Il a fait usage de cette faculté, dans l'ancien régime de l'assurance, à l'art. 40 RAC, en instituant un délai d'attente pour certaines catégories de travailleurs. Le cas des organes dirigeants d'une entreprise était réglé sur la base de l'art. 13 al. 1 LAC: comme les travailleurs salariés étaient seuls aptes à s'assurer, les organes dirigeants exerçant de manière autonome une influence sur l'activité générale de l'affaire étaient réputés employeurs et, à ce titre, inaptes à être assurés. Cela, même s'ils étaient liés à l'entreprise par un contrat de travail, du point de vue du droit civil. Lorsqu'une caisse les avait admis par erreur, elle devait les libérer de leur affiliation et leur rembourser leurs cotisations, conformément aux art. 17 al. 1 et 22 al. 2 LAC (ATF 102 V 223).
2. L'AAC du 8 octobre 1976 a rendu l'assurance-chômage obligatoire sur tout le territoire de la Confédération et a institué à cette fin un régime transitoire. Aux termes de l'art. 1 al. 1 AAC, est tenu de payer des cotisations celui qui a) est obligatoirement assuré au sens de la LAVS, doit payer des cotisations sur le revenu d'une activité dépendante en vertu de cette dernière loi et est rémunéré par un employeur au sens de l'art. 12 LAVS; b) doit payer des cotisations au titre d'employeur en vertu de l'art. 12 LAVS. Par conséquent, dans le nouveau régime, tous les organes dirigeants liés à une entreprise déterminée par un contrat de travail ou assimilé et recevant d'elle un salaire doivent cotiser l'assurance-chômage et donnent lieu à une cotisation d'employeur, même s'ils exercent de manière autonome une influence sur l'activité générale de l'affaire, par exemple à titre d'actionnaires ou d'administrateurs. Ceux qui sont dans ce dernier cas ne sont donc plus exclus purement et simplement de l'assurance, comme autrefois; mais ils tombent sous le coup de l'art. 31 al. 1 let. c OAC, par lequel le Conseil fédéral déclare privées d'indemnités, entre autres personnes, celles qui sont occupées dans l'entreprise d'une personne morale dont elles prennent ou peuvent influencer considérablement les décisions en leur qualité d'associé, de membre ou d'actionnaire, notamment en raison de leur participation au capital. Cette disposition a été édictée en application de l'art. 36 al. 2 LAC, toujours en vigueur en vertu de l'art. 8 AAC. La réglementation qu'elle introduit est à l'évidence destinée à prévenir des abus (voir par exemple réponse du Conseil fédéral du 23 novembre 1977, Bull. stén. 1977, CN, p. 1741; DTA 1977, pp. 23 ss). Il faut donc l'interpréter strictement, sans aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre le but recherché.
Il est indéniable que les salariés visés par l'art. 31 al. 1 let. c OAC se trouvent dans une situation particulière, en général propre à réduire considérablement leurs aptitude et disponibilité au placement et à rendre difficile à l'excès, sinon impossible, le contrôle de leur chômage, surtout partiel. On ne saurait toutefois, contrairement à ce que la Cour de céans a laissé entendre dans quelques affaires, exclure le droit à l'indemnité sans avoir procédé à un examen approfondi de la situation. Ce droit subsiste lorsqu'il n'y a manifestement pas lieu de craindre des abus et que des tentatives de mise à contribution injustifiée de l'assurance pourraient être décelées relativement facilement. Certes, le contrôle de la réalité et de la cause d'un chômage sera en général plus difficile dans le cas d'un associé, d'un membre ou d'un actionnaire de l'entreprise d'une personne morale que dans celui du travailleur moyen. Mais il serait choquant que l'administration accepte les avantages d'un système d'affiliation intégré dans celui de l'assurance-vieillesse et survivants tout en en rejetant les inconvénients - du moins ceux qui sont encore supportables - au détriment d'une catégorie d'affiliés.
On admettra donc que les personnes visées à l'art. 31 al. 1 let. c OAC ne satisfont habituellement pas, vu leur condition particulière, aux exigences susmentionnées auxquelles est subordonné le versement des indemnités en cas de chômage partiel, ou même total. Mais cette présomption peut être renversée en établissant que la situation du requérant n'est pas de nature à réduire considérablement son aptitude et sa disponibilité au placement ni à rendre difficile à l'excès, sinon impossible, le contrôle de son chômage.
3. Le cas du recourant n'a pas été envisagé sous cet angle. Afin de ne pas priver l'intéressé de la garantie de la double instance, il faut annuler la décision litigieuse ainsi que le jugement attaqué et renvoyer la cause à la caisse intimée, afin qu'elle réexamine la question au regard de ce qui a été exposé plus haut ainsi que des autres dispositions légales entrant en ligue de compte et de l'arrêt ATF 104 V 201, selon lequel la qualité de salarié dans l'assurance-vieillesse et survivants est en principe déterminante pour décider si l'on est en présence d'une personne de condition dépendante dans l'assurance-chômage, depuis le 1er avril 1977. La décision que rendra ensuite l'administration pourra, le cas échéant, être déférée aux autorités de recours.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances prononce:
Le recours est admis. La décision litigieuse et le jugement attaqué sont annulés. La cause est renvoyée à la caisse intimée, pour réexamen et nouvelle décision, conformément aux considérants.