BGE 143 IV 264
 
33. Extrait de l'arrêt de la Cour de droit pénal dans la cause Ministère public de la République et canton de Genève contre A. (recours en matière pénale)
 
6B_366/2016 du 15 mai 2017
 
Regeste
Art. 115 Abs. 1 lit. b und 119 AuG; Rückführungsrichtlinie; Konkurrenz von Straftaten.
 
Sachverhalt
A. Statuant sur opposition à plusieurs ordonnances pénales, le Tribunal de police de Genève a acquitté A. des chefs de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b de la loi fédérale du 16 décembre 2005 sur les étrangers [LEtr; RS 142.20]), de non-respect d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée (art. 119 al. 1 LEtr) et d'infraction à l'art. 19 al. 1 de la loi fédérale du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants et les substances psychotropes (LStup; RS 812.121), par jugement du 24 août 2015. La somme de 230 fr. lui a été allouée à titre d'indemnité pour détention injustifiée (art. 429 al. 1 let. c CPP).
B. Statuant sur appel du Ministère public remettant seulement en cause les acquittements liés aux infractions à la LEtr (art. 115 al. 1 let. b et 119 al. 1 LEtr), la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice genevoise l'a partiellement admis. Par arrêt du 25 février 2016, elle a acquitté A. des chefs de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEtr) et d'infraction à l'art. 19 al. 1 LStup, l'a reconnu coupable de non-respect d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée (art. 119 al. 1 LEtr) et l'a exempté de toute peine. L'indemnité de 230 fr. à titre de réparation du tort moral a été maintenue.
L'arrêt repose en substance sur les faits suivants:
A., ressortissant guinéen, a séjourné à Genève du 3 septembre 2014 au 7 avril 2015, démuni des autorisations nécessaires, de papiers d'identité et de moyens d'existence. Sa demande d'asile a été rejetée le 9 octobre 2012 et la décision de renvoi de Suisse est entrée en force le 9 novembre 2012.
Par ailleurs, il s'est rendu à Genève les 5 février et 6 avril 2015, alors qu'il faisait l'objet de décisions d'interdiction de pénétrer sur le territoire cantonal, l'une valable du 5 novembre 2012 au 4 juillet 2015, et l'autre du 4 janvier au 4 juillet 2015.
C. Le Ministère public genevois forme un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral contre l'arrêt cantonal et conclut à ce que A. est reconnu coupable de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEtr), de non-respect d'une assignation à un lieu de résidence (art. 119 LEtr) et condamné à une peine privative de liberté de 8 mois. Subsidiairement, il conclut au renvoi de la cause à la cour cantonale pour nouvelle décision.
Invité à se déterminer sur le recours, A. a conclu, avec suite de frais et dépens, à son rejet et à la confirmation de l'arrêt cantonal. La cour cantonale a renoncé à se déterminer en se référant à son arrêt.
Le Tribunal fédéral a admis le recours, l'arrêt attaqué étant annulé et la cause renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision.
 
Extrait des considérants:
Le recourant estime que la jurisprudence européenne ne fait pas obstacle au prononcé d'une peine privative de liberté pour les deux infractions en cause, dès lors que la mesure d'interdiction de périmètre a pour but la protection de la sécurité et de l'ordre publics.
2.3 Dans la jurisprudence européenne, seul l'arrêt Achughbabian aborde la question du concours d'infractions, ce de manière sommaire. Répondant à un argument du gouvernement en cause selon lequel la peine d'emprisonnement était rarement infligée en dehors des cas où la personne séjournant irrégulièrement avait, outre le délit de séjour irrégulier, commis un autre délit, la CJUE a retenu que cela ne changeait rien au fait qu'une telle peine pouvait retarder le retour et porter atteinte à l'effet utile de la Directive. Rappelant que les ressortissants de pays tiers ayant, outre le délit de séjour irrégulier, commis un ou plusieurs autres délits peuvent le cas échéant, en vertu de l'art. 2 par. 2 let. b de la Directive, être soustraits au champ d'application de celle-ci, la CJUE a constaté que rien dans le cas d'espèce ne suggérait que l'intéressé avait commis un autre délit que le séjour irrégulier. Elle a conclu que l'art. 2 par. 2 let. b de la Directive ne pouvait être interprété en ce sens qu'il serait loisible aux Etats membres de ne pas appliquer les normes et les procédures communes énoncées par ladite directive aux ressortissants de pays tiers n'ayant commis que l'infraction de séjour irrégulier (arrêt CJUE C-329/11 du 6 décembre 2011 par. 39-41).
2.4 Dans un arrêt du 29 août 2013, le Tribunal fédéral a déduit de la jurisprudence européenne que la Directive sur le retour n'était pas applicable aux ressortissants des pays tiers qui ont commis, outre le séjour irrégulier, un ou plusieurs autres délits en dehors du droit pénal sur les étrangers (arrêt 6B_320/2013 du 29 août 2013 consid. 3 en référence notamment à l'arrêt Achughbabian, arrêt commenté en doctrine, cf. infra consid. 2.5). Le Tribunal fédéral a considéré dans le cas d'espèce que l'intéressé, reconnu coupable de séjour illégal (art. 115 LEtr), infraction à l'art. 19a LStup et opposition aux actes de l'autorité (art. 286 CP), était soustrait à l'application de la Directive sur le retour et que sa condamnation à une peine privative de liberté n'était pas contraire à celle-ci (arrêt 6B_320/2013 du 29 août 2013 consid. 3).
Cette approche a été confirmée dans un arrêt récent du 13 octobre 2016, impliquant un ressortissant étranger condamné pour infractions aux art. 19 al. 1 LStup et 115 al. 1 let. b LEtr (arrêt 6B_1189/2015 du 13 octobre 2016 consid. 2.1).
En matière de détention provisoire, il est de jurisprudence constante que la Directive sur le retour ne s'applique pas (respectivement, peut ne pas s'appliquer) lorsque d'autres délits que le séjour irrégulier sont retenus à l'encontre du prévenu (arrêts 1B_169/2016 du 21 juillet 2016 consid. 4; 1B_270/2015 du 25 août 2015 consid. 3; 1B_68/2015 du 29 avril 2015 consid. 2.3; 1B_67/2015 du 14 avril 2015 consid. 2.3; 1B_203/2014 du 2 octobre 2014 consid. 2.3; 1B_231/2014 du 8 août 2014 consid. 2.2). Dans un arrêt récent, se prononçant au sujet d'un recourant poursuivi pour infractions aux art. 115 al. 1 let. b et 119 al. 1 LEtr, le Tribunal fédéral a estimé qu'il apparaissait vraisemblable que la Directive sur le retour ne trouvait pas application dans cette configuration, laissant toutefois le soin au juge du fond de trancher la question (arrêt 1B_422/2016 du 7 décembre 2016 consid. 2.3).
2.5 En doctrine, HUGI YAR considère que le prononcé d'une sanction pénale est admissible lorsque le ressortissant étranger a commis, outre une infraction au sens de l'art. 115 LEtr, un autre délit (THOMAS HUGI YAR, Das Urteil El Dridi, die EU-Rückführungsrichtlinie und der Schengen-Besitzstand, Jusletter 11 juillet 2011 n° 11). ZÜND estime que la Directive sur le retour n'est pas obligatoirement applicable (cf. art. 2 par. 2 let. b) lorsque le ressortissant étranger en séjour illégal a commis, outre celui-ci, une infraction ne relevant pas du droit pénal des étrangers (ANDREAS ZÜND, in Migrationsrecht, Spescha et al. [éd.], 4e éd. 2015, n° 12 ad art. 115 LEtr, en se référant notamment à l'arrêt 6B_320/2013 du 29 août 2013). BÜCHLER et HAGUENAU-MOIZARD critiquent l'arrêt 6B_320/2013 du 29 août 2013 et rappellent que l'art. 2 par. 2 let. b de la Directive sur le retour permet aux Etats membres de ne pas l'appliquer aux étrangers uniquement s'ils font l'objet d'une sanction pénale prévoyant ou ayant pour conséquence leur retour (CATHERINE HAGUENAU-MOIZARD, La pénalisation du séjour irrégulier en droit européen, en droit français et en droit suisse, in Schengen et Dublin en pratique, Stephan Breitenmoser et al. [éd.], 2015, p. 183 etALEXANDRA BÜCHLER, die Konsequenzen des rechtswidrigen Aufenhalts von Drittstaatsangehörigen in der Schweiz, in Annuaire du droit de la migration 2015/2016, p. 107). Ces auteurs n'examinent toutefois pas la portée de cette disposition en cas de concours d'infractions, en particulier au regard de la jurisprudence Achughbabian.
S'il ressort expressément de la jurisprudence que la Directive sur le retour n'est pas applicable aux ressortissants des pays tiers ayant commis, outre le séjour irrégulier, un ou plusieurs autres délits en dehors du droit pénal des étrangers, la question n'est pas tranchée en cas de concours d'infractions aux art. 115 al. 1 let. b et 119 al. 1 LEtr (non-respect d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée; cf. art. 74 LEtr). Compte tenu des différents fondements d'une mesure d'interdiction de pénétrer dans une région déterminée au sens de l'art. 74 LEtr, il sied d'examiner si et dans quelle mesure la solution retenue dans la jurisprudence constante est applicable lorsque, outre le séjour illégal, le non-respect d'une interdiction de périmètre (art. 119 LEtr) est retenu contre le prévenu.
2.6.2 Compte tenu des objectifs visés par la Directive sur le retour (notamment fixer des règles communes applicables au retour et à l'éloignement des ressortissants d'Etats tiers en séjour irrégulier, cf. notamment Directive sur le retour, consid. 20), il y a lieu de distinguer la violation d'une interdiction de périmètre prononcée en lien avec la mise en oeuvre du renvoi (art. 119 cum art. 74 al. 1 let. b et c LEtr) de celle prononcée en raison du comportement de l'intéressé troublant ou menaçant la sécurité et l'ordre publics (art. 119 cum art. 74 al. 1 let. a LEtr). Alors que le premier demeure soumis à la Directive sur le retour en vertu de la jurisprudence européenne et fédérale, le second, ayant violé une mesure visant à protéger en priorité la sécurité et l'ordre publics, en particulier en matière de stupéfiants (cf. notamment arrêt 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 3.1) est soustrait au champ d'application de la Directive. En effet, dans cette dernière configuration, l'interdiction de périmètre n'est pas liée à la procédure de renvoi visée par la Directive.
 
Erwägung 3