BGE 136 IV 92
 
15. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public dans la cause A., B. et C. contre Ministère public de la Confédération (recours en matière pénale)
 
1B_208/2009 du 13 janvier 2010
 
Regeste
Art. 79 und 93 Abs. 1 BGG; Beschlagnahme von Bankunterlagen.
 
Sachverhalt
Dans le cadre d'une enquête dirigée notamment contre A. pour blanchiment d'argent et gestion déloyale des intérêts publics, le Ministère public de la Confédération (MPC) a rendu, le 16 janvier 2009, une ordonnance de séquestre de documents relatifs à trois comptes bancaires détenus auprès d'une banque X. de Zurich par les sociétés B. et C.
Par arrêt du 24 juin 2009, la Ire Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (TPF) a rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, le recours formé par A., B. et C. Selon la Cour des plaintes, les soupçons de gestion déloyale - infraction préalable au blanchiment d'argent -, jugés insuffisants dans une précédente décision, étaient désormais suffisamment étayés. Les pièces séquestrées pouvaient être maintenues au dossier afin de permettre au MPC d'instruire plus avant.
A. et les deux sociétés précitées forment un recours en matière pénale. Ils concluent à l'annulation de la décision de séquestre du 16 janvier 2009.
Le Tribunal fédéral a déclaré le recours irrecevable.
(résumé)
 
Extrait des considérants:
2.1 La notion de mesures de contrainte, au sens des art. 79 LTF et 28 al. 1 let. b de la loi fédérale du 4 octobre 2002 sur le Tribunal pénal fédéral (LTPF; RS 173.71), se réfère selon la jurisprudence aux mesures investigatrices ou coercitives prises, à titre incident, au cours du procès pénal, telles que l'arrestation, la détention, le séquestre, la fouille, la perquisition (cf. art. 45 ss DPA [RS 313.0]; ATF 133 IV 278 consid. 1.2.2 p. 281; 131 I 52 consid. 1.2.3 p. 55; 120 IV 260 consid. 3b p. 262). Le législateur a ainsi désiré éviter que l'effet de décharge voulu par le transfert des compétences au TPF ne soit réduit à néant par l'ouverture systématique du recours au Tribunal fédéral (Message du 28 février 2001 concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale, FF 2001 4030). Ainsi, seules les mesures de contrainte telles que la mise et le maintien en détention provisoire et la saisie de biens peuvent faire l'objet d'un recours car il s'agit là de mesures graves qui portent atteinte aux droits fondamentaux (FF 2001 4030/4031).
2.2 En l'occurrence, le recours porte sur le séquestre de documents bancaires relatifs à trois comptes détenus par B. et C. auprès d'une banque de Zurich, ces documents étant susceptibles de servir de moyens de preuve. Il s'agit là en soi d'une mesure de contrainte (cf. l'arrêt 1B_174/2007 du 12 novembre 2007 rendu dans le cadre de la même procédure).
3.2 L'art. 79 LTF a pour seul but de décharger le Tribunal fédéral, en laissant en principe à la seule Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral le soin de statuer sur la légalité des mesures visées à l'art. 28 LTPF (FF 2001 4030). Le recours contre les mesures de contrainte fait ainsi figure d'exception, et l'effet de décharge voulu par le législateur se trouverait fortement réduit si l'art. 93 LTF ne devait pas s'appliquer dans ce cadre. Les art. 90 ss LTF constituent des dispositions générales de procédure, destinées à s'appliquer à l'ensemble des recours prévus par la LTF (UHLMANN, in Basler Kommentar, Bundesgerichtsgesetz, 2006, n° 3 ad art. 90 LTF). L'adjonction d'une disposition spécifique au recours en matière d'entraide judiciaire (art. 93 al. 2 LTF) s'explique par la nécessité d'une réglementation plus restrictive encore dans ce domaine particulier (cf. art. 80e al. 2 EIMP [RS 351.1]). Dès lors, à défaut d'indication contraire dans la loi - et dans les travaux préparatoires -, il n'y a pas de raison de soustraire le recours prévu à l'art. 79 LTF du régime ordinaire. On ne voit pas,enfin, pourquoi le recours devrait être exclu lorsqu'il est dirigé contre des décisions incidentes confirmées par les instances cantonales, et admis lorsque ces mêmes mesures ont été confirmées par la Cour des plaintes, alors que cette dernière est déjà censée assurer une application uniforme du droit fédéral (FF 2001 4031, selon lequel les mesures visées à l'art. 79 LTF doivent pouvoir être contrôlées par le Tribunal fédéral "au même titre" que les décisions cantonales similaires).
Quand bien même le Tribunal fédéral examine d'office la recevabilité des recours qui lui sont soumis, il appartient au recourant d'indiquer en quoi la décision préjudicielle ou incidente est susceptible de lui causer un dommage irréparable (ATF 134 III 426 consid. 1.2 p. 429), à moins que cela ne fasse d'emblée aucun doute (ATF 133 III 629 consid. 2.3.1 p. 632; MERZ, in Basler Kommentar, Bundesgerichtsgesetz, 2006, n° 76 ad art. 42 LTF; CORBOZ, Commentaire de la LTF, 2009, n° 18 ad art. 93 LTF).
4.2 En l'absence d'un préjudice irréparable évident, il appartiendrait aux recourants de démontrer que les conditions de recevabilité posées à l'art. 93 LTF sont réunies. Or, le recours est totalement muet sur cette question. Les recourants se contentent de relever qu'il y aurait lieu de mettre un terme aux longues et coûteuses investigations menées par le MPC. A l'appui de leur demande d'effet suspensif, ils se plaignent aussi d'un dommage irréparable, du fait que la procédure, fortement médiatisée en République Tchèque, les empêcherait de poursuivre leurs affaires dans ce pays. Ces inconvénients ne découlent pas de la mesure de saisie de la documentation bancaire, mais sont simplement liés à l'existence et à la prolongation de l'enquête pénale dans son ensemble. Ils ne sauraient dès lors constituer un préjudice irréparable, selon la jurisprudence rappelée ci-dessus.