BGE 107 IV 200
 
57. Extrait de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 6 novembre 1981 dans la cause X. c. Ministère public du canton du Valais (pourvoi en nullité)
 
Regeste
Art. 113 Abs. 3 BV.
Art. 54 LMG und Art. 368 LMV.
Das auf Art. 368 LMV gestützte kantonale Verbot der Bezeichnung "Dôle blanche" für weissen Walliserwein, welcher aus vollständig süss gekelterten Trauben der Rebsorte "Pinot noir" hergestellt wird, dient nicht der Verhütung einer Täuschung und ist daher mit Art. 54 LMG nicht vereinbar.
 
Sachverhalt
A.- X., propriétaire-vigneron à Leytron, produit et vend un vin blanc issu de raisin rouge, cépage Pinot noir. L'étiquette apposée sur les bouteilles de ce vin porte comme mentions: "Dôle blanche" en grands caractères, puis dessous "Pinot noir" en caractères moyens, puis encore dessous "pressé doux" en caractères fins, et plus bas l'identité du producteur en caractères gras. Dénoncé à plusieurs reprises de 1975 à octobre 1980, X. a été condamné, le 1er avril 1981, par le Tribunal cantonal du canton du Valais siégeant comme section des denrées alimentaires, à une amende de 500 fr. pour contravention à l'Ordonnance fédérale sur les denrées alimentaires (ODA) et à l'arrêté du Conseil d'Etat valaisan du 7 juillet 1971 concernant la protection de la Dôle et les appellations des autres vins rouges issus des plants Pinot noir et Gamay (ci-après: l'arrêté cantonal).
B.- X. se pourvoit en nullité au Tribunal fédéral. Il conclut à l'annulation du jugement du Tribunal cantonal et au renvoi de la cause à l'autorité cantonale afin qu'elle le libère de toute peine. Dans ses observations, le procureur du Bas-Valais conclut à l'admission du recours. Parallèlement, X. a interjeté un recours de droit public, sur lequel il sera statué séparément en tant que de besoin.
 
Considérant en droit:
b) Pour juger du bien-fondé de la condamnation prononcée contre le recourant, on doit tout d'abord examiner, à titre préjudiciel, la question de la validité de la norme en vertu de laquelle cette condamnation est intervenue. Selon l'art. 113 al. 3 Cst., le Tribunal fédéral est tenu d'appliquer les lois et les arrêtés de portée générale qui ont été votés par l'Assemblée fédérale, ainsi que les traités que celle-ci aura ratifiés. Le droit fédéral dont le Tribunal fédéral est chargé d'assurer la juste application en dernière instance comprend, outre les actes législatifs émanant des Chambres fédérales ou sanctionnés par elles, toutes les dispositions d'application prises dans les ordonnances du Conseil fédéral ou par d'autres autorités fédérales - voire, dans certains cas tels qu'en l'espèce, cantonales - en vertu d'une délégation expresse de compétence, à la condition qu'elles trouvent leur fondement dans les actes législatifs précités. Il appartient donc au Tribunal fédéral de décider si les dispositions d'application des actes législatifs respectent le principe de la légalité et d'interdire leur application si tel n'est pas le cas (voir notamment ATF 103 IV 194 avec renvois). Dans l'examen auquel il procède à cette occasion, le juge ne doit toutefois pas substituer sa propre appréciation à celle de l'autorité dont émane la réglementation en cause. Il doit au contraire se borner à vérifier si la disposition litigieuse est propre à réaliser objectivement le but visé par la loi, sans se soucier, en particulier, de savoir si elle constitue le moyen le plus approprié pour atteindre ce but (ATF 98 IV 135, ATF 92 IV 109, ATF 87 IV 34, 85 IV 71, ATF 84 IV 76 /77).
c) Selon le jugement attaqué, le recourant aurait enfreint l'art. 7 al. 2 de l'arrêté cantonal, qui interdit la désignation "Dôle blanche" pour les vins issus des cépages rouges "Pinot noir" et "Gamay", peu ou pas cuvés. L'arrêté cantonal est fondé sur l'art. 368 ODA qui dispose que, sous réserve de l'approbation du Conseil fédéral, les cantons sont autorisés à édicter, lorsque les circonstances l'exigent, des prescriptions spéciales sur le contrôle des vins et des moûts de vin. L'ODA tire elle-même sa source de la LCDA, dont l'art. 54 al. 1, plus particulièrement, autorise le Conseil fédéral à édicter les dispositions propres à sauvegarder la santé publique et à prévenir toute fraude dans le commerce des marchandises et objets soumis au contrôle de la loi. Concernant le commerce de denrées alimentaires, l'al. 2 de cette même disposition précise encore que le Conseil fédéral prescrira l'emploi de désignations qui rendent impossible toute erreur sur la nature et la provenance de la marchandise. L'ODA édictée par le Conseil fédéral constitue une ordonnance dépendante (unselbständige Verordnung), ne reposant pas directement sur la constitution, mais bien sur la loi qu'elle a pour fonction de préciser et de compléter. Ses dispositions ne doivent dès lors pas s'écarter ni aller au-delà de la base légale dont elles procèdent (AUBERT, Traité de droit constitutionnel suisse, vol. II, No 1520; VON GUGELBERG, Der Staatsinterventionismus in der schweizerischen Weinwirtschaft, thèse Zurich 1952, p. 91). C'est ainsi que l'ODA ne poursuit pas des buts de politique économique (VON GUGELBERG, ibidem).
On doit se demander en l'espèce si la disposition incriminée de l'arrêté cantonal, édicté par le conseil d'Etat valaisan en vertu de la délégation de compétence prévue à l'art. 368 ODA, est conforme au but poursuivi par la LCDA, en particulier si elle ne traite pas d'un objet qui irait au-delà des exigences auxquelles doivent répondre les dispositions d'exécution pour atteindre le but de la loi.
d) Le premier objectif que poursuit la LCDA concerne, ainsi qu'il ressort de son art. 54 al. 1, la sauvegarde de la santé publique. Ce n'est à l'évidence pas ce but que cherche à atteindre la disposition cantonale en question. Celle-ci tend au contraire, dans l'esprit de ses auteurs, à réaliser le second but visé par la loi, qui est de prévenir toute fraude et toute erreur dans le commerce des marchandises. L'autorité cantonale admet, pour sa part, que l'interdiction de la désignation "Dôle blanche" est propre à réaliser ce but, du moment qu'elle prévient une erreur possible sur la nature du vin. En effet, dit-elle, la "Dôle" étant unanimement reconnue comme un vin rouge, l'utilisation de cette désignation pour un vin blanc pourrait créer une confusion dans l'esprit du consommateur moyen. La détermination de l'existence d'une tromperie ou d'une fraude, au sens de la LCDA et de l'ODA, n'est pas une question de fait, mais au contraire une question relevant de l'expérience de la vie qui, comme telle, peut être revue librement par le Tribunal fédéral (ATF 104 IV 21, 45, 193 consid. 2a, avec renvois). En l'occurrence, on doit rechercher si une tromperie ou un risque d'erreur existe ou non à l'égard du consommateur moyen, étant entendu, comme le relève l'autorité cantonale, que l'oenologue averti, lui, ne saurait être trompé par une telle appellation et n'a dès lors pas besoin de la protection de la loi.
e) Il y a lieu d'abord de relever que la "Dôle blanche" produite par le recourant est un vin blanc issu de raisins rouges pressurés avant toute fermentation, au sens de l'art. 334 al. 3 ODA. Elle se distingue nettement de l'"Oeil-de-Perdrix", dont la désignation ne peut être employée que pour un vin rosé issu de raisins indigènes provenant exclusivement de cépages pinot noir, selon l'art. 334 al. 4 ODA. L'affirmation de l'autorité cantonale selon laquelle une nette séparation des désignations, consistant à réserver aux vins issus de plants pinot noir l'appellation "Dôle" pour les rouges et celle d'"Oeil-de-Perdrix" pour les blancs, serait parfaitement à même de prévenir les risques d'erreur et, partant, de réaliser le but visé par la loi, est donc inexacte. En effet, en vertu des prescriptions de l'ODA précitées, les appellations "Dôle blanche" et "Oeil-de-Perdrix" ne peuvent entrer en compétition pour un vin blanc. On remarquera ensuite que l'étiquette utilisée par le recourant sur ses bouteilles exclut toute tromperie, au sens de l'art. 15 ODA, et toute possibilité de confusion au sens de l'art. 336 al. 1 ODA ancienne teneur, en ce qui concerne la présentation du vin. Elle mentionne en effet expressément qu'il s'agit de vin blanc, que celui-ci est issu d'un cépage de pinot noir et qu'il est pressé doux, c'est-à-dire avant toute fermentation. Outre que ces indications sont conformes à la réalité, elles présentent toutes les caractéristiques du vin en question. En tout état de cause, l'épithète "blanche" accolée au mot "Dôle" ne peut qu'inciter un consommateur qui éprouverait des doutes à se renseigner sur la nature du vin qu'on lui offre. Enfin, on ne saurait ignorer le fait que, à la suite d'une interpellation déposée par le recourant - en sa qualité de député - devant le Grand Conseil valaisan, ce dernier a, en 1975, voté à l'unanimité une résolution invitant le Conseil d'Etat à modifier son arrêté du 7 juillet 1971 afin que soit réintroduite l'appellation "Dôle blanche". C'est là un élément supplémentaire permettant de retenir que le consommateur de "Dôle blanche" ne risque pas d'être induit en erreur par cette appellation.
f) Pour toutes ces raisons, on doit admettre, contre l'avis de l'autorité cantonale, que la désignation "Dôle blanche" n'est pas de nature à créer un risque de confusion dans l'esprit du public. Il s'ensuit que l'interdiction formulée à l'art. 7 al. 2 de l'arrêté cantonal n'est pas propre à prévenir une erreur possible sur la nature du vin en question, selon l'art. 54 LCDA, et qu'elle ne repose dès lors sur aucune base légale. C'est donc à tort que le recourant a été condamné en vertu de cette disposition et le pourvoi doit être admis pour ce motif déjà.