BGE 83 IV 176
 
49. Arrêt de la Cour de cassation pénale du 27 septembre 1957 dans la cause Blanc contre Ministère public du canton de Neuchâtel.
 
Regeste
Art.285BStP, Art.75Abs.2 StGB.
 
Sachverhalt
A.- Le 26 juillet 1947, la Direction générale des douanes a infligé à Blanc, pour un délit douanier, une amende de 1893 fr. 34. L'administration poursuivit le recouvrement de cette dette et obtint un acte de défaut de biens, le 29 août 1950. Depuis lors, Blanc a payé quelques acomptes, en dernier lieu le 1er février 1955.
Il doit encore 1176 fr. 25 au titre de cette amende et, le 14 janvier 1957, l'administration des douanes a demandé la conversion de la dette en arrêts. Le 11 avril suivant, le président du Tribunal du district de La Chaux-de-Fonds a fait droit à cette requête et condamné Blanc à 90 jours d'arrêts.
Le 23 mai 1957, la Cour de cassation pénale du canton de Neuchâtel a rejeté un pourvoi formé par Blanc contre cette décision.
B.- Blanc s'est pourvu en nullité. Il conclut à ce qu'il plaise à la Cour de cassation pénale annuler l'arrêt du 23 mai 1957 et fait grief à l'autorité cantonale de lui avoir refusé l'application de l'art. 75 al. 2 CP, selon lequel la peine est en tout cas prescrite lorsque le délai ordinaire est dépassé de moitié.
 
Considérant en droit:
Il s'agit en l'espèce d'une contravention à la loi fédérale sur les douanes. En cette matière, la prescription de la peine est régie par l'art. 285 PPF, qui s'est substitué à l'art. 84 LD (art. 279 PPF) et, comme lui du reste, ne fixe aucun délai de prescription absolue. Le recourant voudrait néanmoins bénéficier de l'art. 75 al. 2 CP, c'est-à-dire d'une disposition générale du code pénal. La question est réglée par l'art. 333 al. 1 CP, selon lequel ces dispositions s'appliquent aux infractions prévues par d'autres lois fédérales, à moins que celles-ci ne régissent elles-mêmes la matière. Il suffit d'ailleurs qu'elles le fassent implicitement, de façon négative et la cour de céans a jugé que tel est le cas pour la prescription à l'égard des infractions douanières (RO 74 IV 26).
Cet arrêt concerne spécialement la prescription non de la peine, mais de l'action pénale et le recourant conteste que la solution puisse être la même dans les deux cas. Il n'apporte aucun argument dans ce sens; de plus, la distinction qu'il voudrait faire ne se justifierait pas: dans un cas comme dans l'autre, la loi (art. 285 et 284 PPF) ne se borne pas à fixer le délai, mais en règle le point de départ et l'interruption, instituant ainsi une réglementation complète qui ne laisse aucune place à une prescription absolue (art. 75 al. 2 et 72 ch. 2 al. 2 CP). Sa genèse le confirme également pour les deux espèces de prescription. Dans l'arrêt précité, la cour de céans avait expliqué que, sur une remarque de l'un de ses membres, la commission du Conseil des Etats pour la revision de la loi sur la procédure pénale fédérale avait chargé le Procureur général de la Confédération de rédiger un texte introduisant dans le projet la prescription absolue de l'action pénale, qu'elle ne l'avait cependant pas adoptée, estimant que cela n'était pas indiqué en matière fiscale, qu'enfin les Chambres n'étaient pas revenues sur la question. Ce qui vient d'être rappelé touchant la prescription de l'action pénale (art. 386 du projet du Conseil fédéral du 10 septembre 1939) s'est répété d'une façon identique pour la prescription de la peine (art. 387 de ce projet). Là aussi, la commission du Conseil des Etats a voulu tout d'abord introduire la prescription absolue, puis y a renoncé et les Chambres ne sont pas allées contre cet avis. Il s'ensuit que l'art. 285 PPF - comme l'art. 284 - se tient au système des interruptions indéfinies de la prescription. Ce système est resté en vigueur grâce à la réserve inscrite à l'art. 333 al. 1 CP.
Le recourant estime que cette interprétation de la loi ne saurait néanmoins être maintenue "tant il est choquant de laisser subsister ... des délits mineurs réprimés plus sévèrement que des délits de droit commun". Cette argumentation est erronée. En matière d'infractions fiscales, de délits douaniers notamment, la répression présente un caractère spécial. La peine ne saurait être fixée, comme dans le droit pénal commun, en tenant compte des mobiles, des antécédents et de la situation personnelle de l'auteur (art. 48 ch. 2, cf. art. 63 CP); elle a pour but de réparer la perte subie par le fisc et de protéger la collectivité (RO 81 IV 188 s.). Cette particularité appelle, sur certains points, des solutions plus strictes que celles du droit commun (cf., par exemple, l'arrêt précité). Elle justifie notamment l'exclusion de la prescription absolue de l'action pénale et de la peine en droit douanier. C'est bien pour cette raison explicite que la commission du Conseil des Etats a renoncé à modifier les art. 386 et 387 du projet du Conseil fédéral du 10 septembre 1939.
Par ces motifs, la Cour de cassation pénale:
Rejette le pourvoi.