BGE 138 III 728
 
110. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit civil dans la cause A.X. contre Banque A. SA, Banque B. SA et C. (recours en matière civile)
 
4A_288/2012 du 9 octobre 2012
 
Vorsorgliche Massnahmen (Art. 261 ff. ZPO und Art. 98 BGG); Rechenschaftsablegung (Art. 400 Abs. 1 OR).
 
Rechtsschutz im summarischen Verfahren in klaren Fällen (Art. 257 ZPO).
 
Extrait des considérants:
 
Erwägung 2
Il est évident que les mesures provisionnelles ordonnées en vertu des art. 261 ss CPC répondent à la notion de mesures provisionnelles au sens de l'art. 98 LTF. Elles ont un caractère temporaire et ne sont que l'accessoire d'une action au fond, qui réglera définitivement la situation juridique. Si le procès au fond n'est pas déjà pendant, ces mesures doivent être validées par l'ouverture d'une action, laquelle débouchera sur un jugement entraînant la caducité de ces mesures (cf. art. 263 et 268 al. 2 CPC). En conséquence, lorsque le juge est saisi d'une requête visant à mettre un justiciable au bénéfice de la protection temporaire des art. 261 ss CPC, la décision à intervenir devra le plus souvent être qualifiée de décision sur mesures provisionnelles au sens de l'art. 98 LTF. Toutefois, il convient encore de s'assurer que la décision prise par le juge des mesures provisionnelles n'entraîne pas un effet définitif sur la prétention en cause.
2.3 Dans son message, le Conseil fédéral a invoqué trois motifs conduisant à limiter le pouvoir d'examen en matière de mesures provisionnelles: tout d'abord, le caractère temporaire de ces mesures implique que le Tribunal fédéral risque de devoir réexaminer les mêmes questions juridiques en cas de recours contre la décision principale définitive. Ensuite, ces mesures peuvent être ordonnées sur la base de simples vraisemblances et d'une analyse sommaire du droit; il serait incohérent d'octroyer un plein pouvoir de cognition au Tribunal fédéral. Enfin, il s'agit de ne pas ouvrir les voies de recours plus largement que sous l'ancienne loi fédérale d'organisation judiciaire (OJ; RS 3 521), afin d'éviter une surcharge du Tribunal fédéral, notamment en matière civile (cf. Message du 28 février 2001 concernant la révision totale de l'organisation judiciaire fédérale, FF 2001 4134 ch. 4.1.4.2; BERNARD CORBOZ, in Commentaire de la LTF, 2009, n° 2 ad art. 98 LTF).
Sous l'empire de l'OJ, les décisions sur mesures provisionnelles pouvaient tout au plus être l'objet d'un recours en nullité ou d'un recours de droit public pour violation des droits constitutionnels, à l'exclusion d'un recours en réforme (cf. par ex. ATF 127 III 390 consid. 1a; JEAN-FRANÇOIS POUDRET, Commentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire, vol. II, 1990, p. 279). Ce recours ordinaire n'était ouvert que contre des décisions finales (art. 48 al. 1 OJ). Cette notion, plus restrictive que celle consacrée à l'art. 90 LTF, englobait toute décision qui, d'une part, mettait un terme à la procédure entre les parties et, d'autre part, statuait sur le fond de la prétention ou s'y refusait pour un motif empêchant définitivement le justiciable d'actionner la même partie en invoquant la même prétention (cf. par ex. ATF 132 III 785 consid. 2 p. 789). Le caractère final ou non d'une décision se déterminait exclusivement en fonction de l'effet qu'elle revêtait sur le droit déduit en justice, indépendamment de la procédure suivie et de la qualification donnée à la décision. Ainsi, une décision rendue en procédure sommaire pouvait être qualifiée de finale, pour autant qu'elle réglât définitivement le sort de l'action; tel était en principe le cas si la décision avait été rendue à l'issue d'une procédure probatoire complète et se fondait sur une motivation exhaustive en droit (ATF 126 III 445 consid. 3b p. 447; ATF 120 II 352 consid. 1b p. 354; POUDRET, op. cit., p. 267 n. 1.1.2 et p. 277 n. 1.1.5 ad art. 48 OJ). Sous réserve d'exceptions (cf. ATF 126 III 445 consid. 3b), les décisions rendues en matière de mesures provisionnelles ne remplissaient pas ces exigences et n'étaient donc pas considérées comme des décisions finales au sens de l'art. 48 al. 1 OJ (arrêt 4P.311/2004 du 2 mars 2005 consid. 1.2, résumé in SJ 2005 I p. 492; cf. ATF 112 II 193 consid. 1b p. 196).
Sous l'OJ, le Tribunal fédéral avait été saisi d'un recours en réforme contre une décision rejetant une demande en consultation des comptes de la société anonyme au motif que la créancière requérante ne justifiait pas d'un intérêt digne de protection (art. 697h al. 2 CO). Conformément au droit cantonal, la décision avait été rendue en procédure sommaire, sur la base de la vraisemblance des faits et aprèsune administration limitée des moyens de preuve. Le Tribunal fédéral avait en substance relevé que la prétention invoquée ne pouvait pas donner lieu à une seconde procédure, puisqu'une fois la consultation exercée, la prétention de la requérante était épuisée. En conséquence, la décision rendue en procédure sommaire était revêtue de l'autorité de chose jugée en vertu du droit fédéral, et pouvait fairel'objet d'un recours en réforme. Le justiciable ne devait pas être privé de cette voie de recours du fait de l'application erronée d'une procédure sommaire limitant le degré de la preuve et l'administration des moyens de preuve (ATF 120 II 352).
La jurisprudence ne dit pas autre chose lorsqu'elle précise que la qualification d'une décision comme jugement de fond ou comme mesure provisionnelle au sens de l'art. 98 LTF ne dépend pas de la procédure dont émane cette décision, mais bien de l'effet - provisoire ou définitif - que celle-ci revêt pour la prétention en cause: il s'agit de rechercher si la décision tranche définitivement une question de droit, sur la base d'un examen complet des faits et du droit, avec autorité de chose jugée (ATF 133 III 589 consid. 1 p. 590).
2.6 Le recourant invoque une violation des art. 261 ss CPC et explique pour quels motifs il estime erronée l'analyse juridique de la Cour de justice. Toutefois, il ne se plaint pas d'arbitraire dans l'application de ces dispositions. Il plaide certes que la décision attaquée est arbitraire, mais en faisant valoir qu'elle méconnaîtrait des éléments ressortant des pièces produites et qualifierait à tort la succession de conflictuelle. La recevabilité du grief prête ainsi à discussion. Le recourant invoque aussi l'art. 29 Cst. et une violation du droit d'être entendu, mais ses explications ne permettent pas d'inférer qu'il reprocherait à l'autorité intimée un refus de statuer, ce qui aurait pu poser la question d'une éventuelle possibilité de contrôler librement l'application du CPC (cf. arrêt 5A_453/2011 du 9 décembre 2011 consid. 1.2, in Plädoyer 2012 3 p. 68).
Cela étant, il importe peu que le recourant n'ait pas invoqué l'arbitraire en relation avec les art. 261 ss CPC. En effet, le raisonnement juridique de la Cour de justice en est clairement exempt, pour les motifs exposés ci-dessous.
Le droit à la consultation des comptes de la SA (art. 697h CO) est une prétention de droit privé pouvant donner lieu à une action en justice. Toutefois, il n'est typiquement pas possible de procéder selon la voie provisionnelle. Une condamnation à présenter les comptes a pour effet de régler définitivement le sort du droit à la consultation et n'appelle pas de validation: une fois les comptes consultés, il n'y a plus de place pour une procédure ordinaire sur le même objet (ATF 120 II 352 consid. 1a et 2b).
Le droit à l'information et à la reddition de compte fondé sur le contrat de mandat est un droit accessoire indépendant, qui peut entant que tel faire l'objet d'une action en exécution (WALTER FELLMANN, Commentaire bernois, 1992, n° 88 ad art. 400 CO). Plusieurs auteurs sont d'avis que la voie des mesures provisionnelles ne peut pas être utilisée pour concrétiser un tel droit. Ces auteurs relèvent que si le jugeordonne au mandataire de fournir l'information ou les documents requis, il règle définitivement le sort de la prétention; celle-ci s'"épuise" avec la communication de l'information, qui offre entière satisfaction au mandant (HOHL, op. cit., p. 334 s. n. 1831 et 1836 s.; YVES WALDMANN, Informationsbeschaffung durch Zivilprozess, 2009, p. 266 et 272 s., approuvé par REMO MÜLLER, Konto und Erbgang - Informationsfluss zwischen Bank/Post und den Erben [...], in Jusletter 29 mars 2010 p. 26 note 115; ces deux derniers auteurs réservent toutefois des exceptions; apparemment contra JULIEN BROQUET, L'action en reddition de comptes et en restitution de l'art. 400 al. 1 CO, in Quelques actions en exécution, 2011, p. 73 s., pour qui la voie provisionnelle peut également être envisagée, même s'il admet qu'elle est ainsi détournée de son but originel).
Au vu de ce qui précède, il n'était pas insoutenable d'appliquer à la reddition de compte de l'art. 400 al. 1 CO le même raisonnement que celui tenu par la jurisprudence pour le droit à la consultation des comptes de la SA.
Le recourant objecte que l'ancien droit genevois connaissait la reddition de compte par voie provisionnelle et que cette solution devrait s'appliquer par analogie. Il est vrai que l'art. 324 al. 2 let. b de l'ancienne loi de procédure civile genevoise (aLPC/GE) autorisait le juge des mesures provisionnelles à ordonner la reddition de comptes lorsque le droit du requérant était évident ou reconnu. Toutefois, la doctrine n'avait pas manqué de souligner le caractère atypique de cette "mesure provisionnelle" et de remettre en question sa qualification (cf. notamment LAURA JACQUEMOUD-ROSSARI, Reddition de comptes et droit aux renseignements, SJ 2006 II p. 23 s. et 40). Conformément à la lettre même de la loi, doctrine et jurisprudence genevoises n'admettaient cette voie procédurale que si le requérant justifiait d'un droit certain, et pas seulement vraisemblable. Une validation par une procédure ultérieure n'était pas nécessaire. La jurisprudence fédérale avait relevé l'effet définitif de la décision ordonnant une telle mesure et admis la possibilité de recourir en réforme (ATF 126 III 445; cf. aussi arrêt 5C.235/2004 du 24 mars 2005 consid. 1.2, qui se réfère à l' ATF 120 II 352). Le recourant ne saurait donc se méprendre sur la nature "provisionnelle" des décisions qui étaient rendues en application de l'art. 324 al. 2 let. b aLPC/GE.
2.8 Dans une argumentation très sommaire, le recourant paraît en outre se plaindre d'une violation de son droit à obtenir une décision motivée. Pour autant que recevable, le grief devrait de toute façon être rejeté, dès lors que les raisons du refus d'appliquer la procédure provisionnelle ressortent clairement de la décision attaquée. Au demeurant, le recourant paraît surtout reprocher à la Cour de justice d'avoir opté pour une opinion doctrinale qui lui est défavorable; or, encore une fois, l'analyse juridique portée par l'autorité intimée n'a rien d'arbitraire.
 
Erwägung 3
La procédure pour les cas clairs n'est donc pas une procédure provisionnelle au sens de l'art. 98 LTF, de sorte que les motifs de recours ne sont pas restreints. Le Tribunal fédéral revoit librement l'application de l'art. 257 CPC.
3.3 Selon l'art. 257 CPC, le tribunal admet l'application de la procédure sommaire à condition que, d'une part, l'état de fait ne soit pas litigieux, ou qu'il soit susceptible d'être immédiatement prouvé (let. a), et que, d'autre part, la situation juridique soit claire (let. b). Cette seconde condition est réalisée si l'application de la norme au cas concret s'impose de façon évidente au regard du texte légal ou sur la base d'une doctrine et d'une jurisprudence éprouvées (ATF 138 III 123 consid. 2.1.2). Cette procédure accélérée est une option pour le justiciable (Message précité, FF 2006 6959), qui doit donc la solliciter, ce qui n'implique pas nécessairement d'utiliser les termes "cas clairs". En cas de doute, l'autorité doit interpeller le requérant (FRANÇOIS BOHNET, in CPC, Code de procédure civile commenté, 2011, n° 19 ad art. 257 CPC).
3.4 La recevabilité du grief est douteuse. En effet, la Cour de justice a relevé que d'une part, le recourant n'avait pas requis d'entrée de cause l'application de cette procédure et que d'autre part, l'état de fait de la succession était particulièrement conflictuel et la situation juridique particulièrement délicate. Le recourant ne critique pas le premier motif invoqué par la cour et se contente d'expliquer pour quelles raisons le cas clair était à son sens réalisé. Or, la jurisprudence exige, sous peine d'irrecevabilité, d'argumenter sur tous les motifs de l'arrêt attaqué dans la mesure où chacun d'eux suffit à sceller le sort de la cause (cf. ATF 133 IV 119 consid. 6.3). Quoi qu'il en soit, supposé recevable, le grief devrait de toute façon être rejeté pour les motifs exposés ci-dessous.
3.5 Le droit de l'héritier à obtenir des informations peut avoir un fondement contractuel ou successoral. Lorsque l'héritier exerce par une action séparée une prétention de nature contractuelle fondée sur les contrats conclus par le de cujus, il doit établir d'une part la relation contractuelle du défunt avec les tiers intimés, d'autre part l'acquisition de cette prétention par voie successorale. Même si la prétention a un fondement contractuel, il n'en demeure pas moins que la légitimation pour faire valoir ce droit relève, elle, du droit successoral (cf. ATF 132 III 677 consid. 3.4.2-3.4.4; ATF 135 III 185 consid. 3.4.2; ANDREAS SCHRÖDER, Erbrechtliche Informationsansprüche oder: die Geister, die ich rief...", successio 2011 p. 193 s.; BREITSCHMID/MATT, Informationsansprüche der Erben und ihre Durchsetzung, successio 2010 p. 92 et 93; MÜLLER, op. cit., p. 18 note 72).
Lorsque l'héritier se prévaut d'un droit à l'information sur des avoirs dont le défunt était seulement l'ayant droit économique, il fait valoir un droit successoral, et non pas contractuel (ATF 136 III 461 consid. 4 et 5.2; arrêt 5A_638/2009 du 13 septembre 2010 consid. 4.1, rés. in recht 29/2011 p. 134 et PJA 2012 p. 868).
3.6 Dans le cas concret, le recourant entend être renseigné non seulement sur des avoirs dont le défunt était directement titulaire, mais aussi sur des comptes dont le défunt était ayant droit économique. Ses conclusions relèvent donc partiellement du statut successoral, dont on ne saurait soutenir qu'il est clair. Une procédure en ouverture de la succession en Suisse était toujours pendante lorsque l'autorité précédente a rendu sa décision. Même si le jugement tunisien du 2 décembre 2003 a été reconnu en Suisse, se pose la question de la portée de cette reconnaissance par rapport à la procédure pendante. De surcroît, même en présupposant l'applicabilité du droit tunisien, l'on ignore de quelle façon ce droit règle la question de l'information sur des avoirs détenus par des entités dont le défunt était seulement l'ayant droit économique.
Le recourant se prévaut certes aussi d'un droit contractuel à l'information, régi par le droit suisse à défaut d'accord contraire (art. 117 LDIP [RS 291]). Il doit toutefois justifier de l'acquisition de ce droit par voie successorale. Le recourant ne plaide à juste titre pas que la succession serait clairement régie par le droit suisse - lequel lui reconnaît effectivement la qualité d'héritier réservataire (art. 457 et 471 CC). Il soutient qu'il jouirait clairement de la même position en droit tunisien, comme l'attesteraient les décisions produites. Son statut ne serait du reste pas contesté par les intimés.
Les prétendus aveux judiciaires des intimés sont inexistants. Les allégués sur la qualité d'héritier réservataire selon le droit tunisien n'ont pas été admis par les intimés, qui se sont référés aux jugements tunisiens en contestant les allégations pour le surplus. Quant à la communication partielle d'informations par deux des intimés, elle ne saurait s'interpréter comme une reconnaissance claire de la qualité d'héritier réservataire au regard du droit tunisien.
Le jugement tunisien du 2 décembre 2003, confirmé par la Cour de cassation tunisienne le 19 octobre 2009, désigne un liquidateur chargé de répartir l'entier de la succession entre les héritiers, sans constater qui sont ces héritiers. Il a certes été fait droit à une requête émanant du recourant, mais ce simple élément ne permet pas de conclure que la qualité d'héritier, respectivement d'héritier réservataire, a été clairement reconnue au recourant par les tribunaux tunisiens, et encore moins que les droits contractuels du défunt ont clairement été transmis au recourant.
Il s'ensuit que l'autorité d'appel n'a pas enfreint le droit fédéral en considérant que la situation juridique n'était pas claire.